Conseil d'État, 7ème chambre, 26/04/2018, 414525, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une ordonnance n° 1619270 du 15 septembre 2017, enregistrée le 21 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, la requête présentée à ce tribunal par M. B...A....

Par cette requête et par un nouveau mémoire, enregistrés au greffe du tribunal administratif de Paris les 3 novembre 2016 et 7 septembre 2017, ainsi que par un mémoire en réplique, enregistré le 13 février 2018 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 20 juin 2016 par laquelle le ministre de la défense et des anciens combattants a prononcé une sanction disciplinaire de 20 jours d'arrêts à son encontre, ainsi que la décision du 9 septembre 2016 par laquelle le ministre de la défense a confirmé cette sanction ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser un euro symbolique en réparation du préjudice subi ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros ainsi que les dépens au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de la défense ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Pichon de Vendeuil, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Gilles Pellissier, rapporteur public.



1. Considérant que, par une décision du 20 juin 2016, l'autorité militaire de deuxième niveau a prononcé à l'encontre du colonel A...une sanction de vingt jours d'arrêts pour avoir manqué de discernement à l'occasion des désordres provoqués, au sein des locaux de la direction de la coopération de sécurité et de défense du ministère des affaires étrangères, par une personne extérieure au service avec laquelle il a eu une relation privée ; que, saisi d'un recours administratif par l'intéressé, le chef d'état-major de l'armée de terre a confirmé cette sanction par une décision en date du 9 septembre 2016 ;

Sur la légalité externe des décisions attaquées :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 4137-15 du code de la défense : " Avant qu'une sanction ne lui soit infligée, le militaire a le droit de s'expliquer oralement ou par écrit, seul ou accompagné d'un militaire en activité de son choix sur les faits qui lui sont reprochés devant l'autorité militaire de premier niveau dont il relève. Au préalable, un délai de réflexion, qui ne peut être inférieur à un jour franc, lui est laissé pour organiser sa défense. / Lorsque la demande de sanction est transmise à une autorité militaire supérieure à l'autorité militaire de premier niveau, le militaire en cause peut également s'expliquer par écrit sur ces faits auprès de cette autorité supérieure. L'explication écrite de l'intéressé ou la renonciation écrite à l'exercice du droit de s'expliquer par écrit est jointe au dossier transmis à l'autorité militaire supérieure. / Avant d'être reçu par l'autorité militaire de premier niveau dont il relève, le militaire a connaissance de l'ensemble des pièces et documents au vu desquels il est envisagé de le sanctionner. " ; qu'aux termes de l'article R. 4137-16 du même code : " Lorsqu'un militaire a commis une faute ou un manquement, il fait l'objet d'une demande de sanction motivée qui est adressée à l'autorité militaire de premier niveau dont il relève, même si elle émane d'une autorité extérieure à la formation. / L'autorité militaire de premier niveau entend l'intéressé, vérifie l'exactitude des faits, et, si elle décide d'infliger une sanction disciplinaire du premier groupe, arrête le motif correspondant à la faute ou au manquement et prononce la sanction dans les limites de son pouvoir disciplinaire. / Si l'autorité militaire de premier niveau estime que la gravité de la faute ou du manquement constaté justifie soit une sanction disciplinaire du premier groupe excédant son pouvoir disciplinaire, soit une sanction du deuxième ou troisième groupe, la demande de sanction est adressée à l'autorité militaire de deuxième niveau dont relève l'autorité militaire de premier niveau même si le militaire fautif a changé de formation administrative durant cette période. " ;

3. Considérant, d'une part, que, contrairement à ce qui est soutenu, aucune des dispositions précitées n'impose que la vérification de l'exactitude des faits à laquelle doit procéder l'autorité militaire de premier niveau avant de décider d'une éventuelle sanction résulte d'une enquête administrative formalisée, dès lors que cette autorité dispose des éléments de nature à justifier, sous le contrôle du juge, le prononcé de la sanction en cause ;

4. Considérant, d'autre part, que si M. A...soutient qu'il n'a pas pu être entendu par l'autorité militaire de premier niveau en méconnaissance des dispositions de l'article R. 4137-15 du code de la défense citées au point 2, il ressort des pièces du dossier, notamment du bulletin de sanction contresigné par M.A..., qu'un tel moyen manque en fait, alors, au surplus, que l'intéressé a également pu produire des observations écrites auprès de l'autorité militaire de deuxième niveau, comme en attestent ses notes datées des 7 juin et 5 juillet 2016 ;

Sur la légalité interne :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 4137-2 du code de la défense : " Les sanctions disciplinaires applicables aux militaires sont réparties en trois groupes : / 1° Les sanctions du premier groupe sont : / a) L'avertissement ; / b) La consigne ; / c) La réprimande ; / d) Le blâme ; / e) Les arrêts ; / f) Le blâme du ministre (...) " ;

6. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que si le colonel A...n'est pas initialement responsable de la présence d'une personne extérieure au service au sein des locaux de la direction de la coopération de sécurité et de défense du ministère des affaires étrangères où il était affecté en tant que sous-directeur, il est constant qu'après s'être isolé avec l'intéressée, il n'a pas su maîtriser le désordre résultant de l'état d'agitation de celle-ci, dans lequel il est directement impliqué ; qu'il a notamment quitté les lieux moins de trente minutes après le début de la crise, alors qu'il se trouvait être l'officier le plus gradé sur place ; qu'il n'a pas rendu compte immédiatement de l'événement à son supérieur hiérarchique direct, en en laissant simplement le soin à l'un de ses subordonnés ; qu'enfin, il n'a, par la suite, pas immédiatement déféré à l'ordre qui lui était donné de quitter son poste sans délai dès l'instant où il était informé de sa remise à disposition du ministère de la défense ; qu'en estimant que de tels faits constituaient des fautes de nature à justifier une sanction, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire ne les a pas inexactement qualifiés ;

7. Considérant, d'autre part, qu'eu égard aux responsabilités du colonel A...et alors même que sa manière de servir donnerait pleinement satisfaction, l'autorité investie du pouvoir disciplinaire n'a pas, compte tenu de la nature des faits reprochés et de l'atteinte qu'ils ont pu porter à la dignité des fonctions exercées par l'intéressé, pris une sanction disproportionnée en lui infligeant, au regard du pouvoir d'appréciation dont elle disposait, une sanction du premier groupe de vingt jours d'arrêts ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à demander l'annulation des décisions qu'il attaque ; que, par suite, ses conclusions, y compris celles tendant au versement d'une indemnité et celles présentées au titre des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative, ne peuvent qu'être rejetées ;



D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et à la ministre des armées.

ECLI:FR:CECHS:2018:414525.20180426
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