Conseil d'État, 5ème chambre, 26/04/2018, 412559, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État, 5ème chambre, 26/04/2018, 412559, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État - 5ème chambre
- N° 412559
- ECLI:FR:CECHS:2018:412559.20180426
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
jeudi
26 avril 2018
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser la somme de 11 000 euros en réparation du préjudice ayant résulté pour lui de son absence de relogement. Par un jugement n° 1605452 du 31 mars 2017, le tribunal a condamné l'Etat à lui verser la somme de 350 euros.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 juillet et 17 octobre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette le surplus de ses conclusions ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son avocat de la somme de 2 500 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Capron, avocat de M.A....
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A...a été déclaré prioritaire et devant être relogé en urgence par une décision de la commission de médiation de Paris du 14 mai 2013, au motif qu'il occupait de manière continue un logement de transition depuis plus de dix-huit mois ; qu'à partir du 28 octobre 2014 il a été hébergé dans un foyer de post-cure dépendant d'un hôpital ; que, par un jugement du 16 septembre 2015, le tribunal administratif de Paris a constaté qu'il se trouvait toujours dans une situation prioritaire et urgente au regard des dispositions relatives au droit au logement opposable et a en conséquence, sur le fondement du I de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation, enjoint au préfet de région Ile-de-France, préfet de Paris, d'assurer son relogement sous astreinte de 200 euros par mois de retard ; que M. A... a ensuite demandé au tribunal administratif de condamner l'Etat à réparer le préjudice subi du fait de son absence de relogement ; qu'il se pourvoit en cassation contre le jugement du 31 mars 2017 par lequel le tribunal administratif s'est fondé sur son admission dans un foyer de post-cure pour limiter son indemnisation à la période antérieure au 28 octobre 2014, au titre de laquelle il lui a accordé la somme de 350 euros ;
2. Considérant que, lorsqu'une personne a été reconnue comme prioritaire et comme devant être logée ou relogée d'urgence par une commission de médiation, en application des dispositions de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation, la carence fautive de l'Etat à exécuter cette décision dans le délai imparti engage sa responsabilité à l'égard du seul demandeur, au titre des troubles dans les conditions d'existence résultant du maintien de la situation qui a motivé la décision de la commission, que l'intéressé ait ou non fait usage du recours en injonction contre l'Etat prévu par l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation ; que ces troubles doivent être appréciés en fonction des conditions de logement qui ont perduré du fait de la carence de l'Etat, de la durée de cette carence et du nombre de personnes composant le foyer du demandeur pendant la période de responsabilité de l'Etat, qui court à compter de l'expiration du délai de trois ou six mois à compter de la décision de la commission de médiation que les dispositions de l'article R. 441-16-1 du code de la construction et de l'habitation impartissent au préfet pour provoquer une offre de logement ;
3. Considérant qu'il suit de là qu'ayant constaté que le préfet n'avait pas proposé un relogement à M. A...dans le délai prévu par le code de la construction et de l'habitation à compter de la décision de la commission de médiation, le tribunal administratif de Paris ne pouvait, sans commettre une erreur de droit, juger que cette carence, constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, n'avait pas causé à l'intéressé un préjudice lui ouvrant droit à réparation postérieurement au 28 octobre 2014, alors qu'il constatait que le requérant demeurait depuis cette date hébergé dans un foyer à titre provisoire, ce qui impliquait qu'il se trouvait toujours dans la situation qui avait motivé la décision de la commission, caractérisée par l'absence de logement et l'hébergement précaire ; que M. A... est, par suite, fondé à demander l'annulation de l'article 2 du jugement qu'il attaque en tant qu'il rejette ses conclusions indemnitaires pour la période postérieure au 28 octobre 2014 ;
4. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Capron, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à cette société ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Paris du 31 mars 2017 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions indemnitaires de M. A...pour la période postérieure au 28 octobre 2014.
Article 2 : L'affaire est renvoyée dans la limite de la cassation ainsi prononcée au tribunal administratif de Paris.
Article 3 : L'Etat versera à la SCP Capron, avocat de M.A..., une somme de 2 000 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au ministre de la cohésion des territoires.