Conseil d'État, 8ème chambre, 21/03/2018, 414334, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État, 8ème chambre, 21/03/2018, 414334, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État - 8ème chambre
- N° 414334
- ECLI:FR:CECHS:2018:414334.20180321
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mercredi
21 mars 2018
- Rapporteur
- M. Etienne de Lageneste
- Avocat(s)
- SCP PIWNICA, MOLINIE ; SCP OHL, VEXLIARD
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La société d'économie mixte Semidep Ciotat a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, l'expulsion de la société par actions simplifiée Sur les Quais et de tous occupants de son chef de la dépendance du domaine public maritime que cette société occupe, sans délai et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, au besoin avec le concours de la force publique, et la remise en état du local occupé. Par une ordonnance n° 1705832 du 31 août 2017, le juge des référés de ce tribunal a rejeté cette demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 et 27 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Semidep Ciotat demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) réglant l'affaire au fond au titre de la procédure de référé engagée, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de la société Sur les Quais la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Etienne de Lageneste, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Semidep Ciotat ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par une convention conclue le 1er juillet 2010, modifiée par un avenant du 12 septembre 2012, la société d'économie mixte Semidep Ciotat, à laquelle le département des Bouches-du-Rhône a confié la gestion et l'exploitation du port maritime de commerce, de pêche et de plaisance de La Ciotat, a autorisé la société par actions simplifiée (SAS) Sur les Quais, pour une durée de vingt ans à compter du 10 janvier 2010, à exploiter un commerce dans des locaux situés sur le quai de l'armement. Par une décision du 14 avril 2016, la Semidep Ciotat a prononcé la résiliation pour faute de cette convention. Elle se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 31 août 2017 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit ordonné à la SAS Sur les Quais, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, de libérer la dépendance du domaine public qu'elle occupe, au besoin avec le concours de la force publique, et de remettre en état le local en cause.
2. Aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ". Lorsque le juge des référés est saisi, sur le fondement de ces dispositions, d'une demande d'expulsion d'un occupant du domaine public, il lui appartient de rechercher si, au jour où il statue, cette demande présente un caractère d'urgence et ne se heurte à aucune contestation sérieuse. S'agissant de cette dernière condition, dans le cas où la demande d'expulsion fait suite à une mesure de résiliation d'une convention d'occupation du domaine public et où cette mesure est contestée, il appartient au juge des référés de rechercher, alors que le juge du contrat a été saisi d'un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation du contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles, si cette demande d'expulsion se heurte, compte tenu de l'ensemble de l'argumentation qui lui est soumise, à une contestation sérieuse. A cet égard, il lui incombe de rechercher si les vices invoqués à l'encontre de la mesure de résiliation lui paraissent, en l'état de l'instruction, d'une gravité suffisante pour conduire à la reprise des relations contractuelles et non à la seule indemnisation du préjudice résultant, pour le requérant, de cette résiliation.
3. Pour rejeter la demande de la Semidep Ciotat, le juge des référés du tribunal administratif s'est fondé sur ce qu'elle devait être regardée comme se heurtant à une contestation sérieuse dès lors que la SAS Sur les Quais avait formé un recours contre la mesure de résiliation de la convention d'occupation temporaire du domaine public dont elle était titulaire en soulevant, au soutien de ce recours, des moyens relatifs à la régularité de cette mesure ainsi que des moyens relatifs au bien-fondé de certains de ses motifs, contestant notamment avoir méconnu les stipulations de l'article VII. 8 de la convention en se dotant d'un nouvel associé, avoir méconnu les clauses déterminant l'affectation du local mis à sa disposition et avoir méconnu de manière systématique son obligation de règlement de la redevance d'occupation.
4. En se bornant à déduire ainsi l'existence d'une contestation sérieuse du seul fait que la société Sur les Quais invoquait, à l'appui de sa contestation devant le juge du contrat, divers moyens relatifs à la régularité et au bien fondé de la mesure de résiliation, sans procéder à la recherche qui lui incombe en application de la règle rappelée au point 2, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que la Semidep Ciotat est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS Sur les Quais la somme de 2 500 euros à verser à la Semidep Ciotat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise au même titre à la charge de la Semidep Ciotat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'ordonnance du 31 août 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au juge des référés du tribunal administratif de Marseille.
Article 3 : La SAS Sur les Quais versera à la Semidep Ciotat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la SAS Sur les Quais au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société d'économie mixte Semidep Ciotat et à la société par actions simplifiée Sur les Quais.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
ECLI:FR:CECHS:2018:414334.20180321
La société d'économie mixte Semidep Ciotat a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Marseille d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-3 du code de justice administrative, l'expulsion de la société par actions simplifiée Sur les Quais et de tous occupants de son chef de la dépendance du domaine public maritime que cette société occupe, sans délai et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, au besoin avec le concours de la force publique, et la remise en état du local occupé. Par une ordonnance n° 1705832 du 31 août 2017, le juge des référés de ce tribunal a rejeté cette demande.
Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 15 et 27 septembre 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Semidep Ciotat demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cette ordonnance ;
2°) réglant l'affaire au fond au titre de la procédure de référé engagée, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de la société Sur les Quais la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Etienne de Lageneste, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la société Semidep Ciotat ;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis au juge des référés que, par une convention conclue le 1er juillet 2010, modifiée par un avenant du 12 septembre 2012, la société d'économie mixte Semidep Ciotat, à laquelle le département des Bouches-du-Rhône a confié la gestion et l'exploitation du port maritime de commerce, de pêche et de plaisance de La Ciotat, a autorisé la société par actions simplifiée (SAS) Sur les Quais, pour une durée de vingt ans à compter du 10 janvier 2010, à exploiter un commerce dans des locaux situés sur le quai de l'armement. Par une décision du 14 avril 2016, la Semidep Ciotat a prononcé la résiliation pour faute de cette convention. Elle se pourvoit en cassation contre l'ordonnance du 31 août 2017 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à ce qu'il soit ordonné à la SAS Sur les Quais, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, de libérer la dépendance du domaine public qu'elle occupe, au besoin avec le concours de la force publique, et de remettre en état le local en cause.
2. Aux termes de l'article L. 521-3 du code de justice administrative : " En cas d'urgence et sur simple requête qui sera recevable même en l'absence de décision administrative préalable, le juge des référés peut ordonner toutes autres mesures utiles sans faire obstacle à l'exécution d'aucune décision administrative ". Lorsque le juge des référés est saisi, sur le fondement de ces dispositions, d'une demande d'expulsion d'un occupant du domaine public, il lui appartient de rechercher si, au jour où il statue, cette demande présente un caractère d'urgence et ne se heurte à aucune contestation sérieuse. S'agissant de cette dernière condition, dans le cas où la demande d'expulsion fait suite à une mesure de résiliation d'une convention d'occupation du domaine public et où cette mesure est contestée, il appartient au juge des référés de rechercher, alors que le juge du contrat a été saisi d'un recours de plein contentieux contestant la validité de la résiliation du contrat et tendant à la reprise des relations contractuelles, si cette demande d'expulsion se heurte, compte tenu de l'ensemble de l'argumentation qui lui est soumise, à une contestation sérieuse. A cet égard, il lui incombe de rechercher si les vices invoqués à l'encontre de la mesure de résiliation lui paraissent, en l'état de l'instruction, d'une gravité suffisante pour conduire à la reprise des relations contractuelles et non à la seule indemnisation du préjudice résultant, pour le requérant, de cette résiliation.
3. Pour rejeter la demande de la Semidep Ciotat, le juge des référés du tribunal administratif s'est fondé sur ce qu'elle devait être regardée comme se heurtant à une contestation sérieuse dès lors que la SAS Sur les Quais avait formé un recours contre la mesure de résiliation de la convention d'occupation temporaire du domaine public dont elle était titulaire en soulevant, au soutien de ce recours, des moyens relatifs à la régularité de cette mesure ainsi que des moyens relatifs au bien-fondé de certains de ses motifs, contestant notamment avoir méconnu les stipulations de l'article VII. 8 de la convention en se dotant d'un nouvel associé, avoir méconnu les clauses déterminant l'affectation du local mis à sa disposition et avoir méconnu de manière systématique son obligation de règlement de la redevance d'occupation.
4. En se bornant à déduire ainsi l'existence d'une contestation sérieuse du seul fait que la société Sur les Quais invoquait, à l'appui de sa contestation devant le juge du contrat, divers moyens relatifs à la régularité et au bien fondé de la mesure de résiliation, sans procéder à la recherche qui lui incombe en application de la règle rappelée au point 2, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a commis une erreur de droit.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, que la Semidep Ciotat est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance qu'elle attaque.
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS Sur les Quais la somme de 2 500 euros à verser à la Semidep Ciotat, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise au même titre à la charge de la Semidep Ciotat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du 31 août 2017 du juge des référés du tribunal administratif de Marseille est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au juge des référés du tribunal administratif de Marseille.
Article 3 : La SAS Sur les Quais versera à la Semidep Ciotat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la SAS Sur les Quais au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la société d'économie mixte Semidep Ciotat et à la société par actions simplifiée Sur les Quais.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.