CAA de NANCY, 4ème chambre - formation à 3, 20/02/2018, 16NC02801, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANCY, 4ème chambre - formation à 3, 20/02/2018, 16NC02801, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANCY - 4ème chambre - formation à 3
- N° 16NC02801
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mardi
20 février 2018
- Président
- M. KOLBERT
- Rapporteur
- M. Marc WALLERICH
- Avocat(s)
- BOUKARA
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...E...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 mai 2015 par lequel le préfet du Bas-Rhin a prononcé son expulsion du territoire français.
Par un jugement n° 1503116 du 19 octobre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 19 décembre 2016, le 18 octobre 2017 et le 5 décembre 2017, M. D...E..., représenté par Me Boukara, demande à la cour :
1°) avant dire droit de recueillir tout élément de preuve utile à la manifestation de la vérité ;
2°) d'annuler le jugement n° 1503116 du 19 octobre 2016 du tribunal administratif de Strasbourg ;
3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 26 mai 2015 ;
4°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui restituer sa carte de résident sous astreinte de 200 euros par jour de retard dans un délai de huit jours suivant la notification de la décision à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure suivie devant la commission d'expulsion n'a pas respecté les dispositions des articles R. 522-4 et R. 522-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le bulletin de notification valant convocation devant la commission, ne mentionnait pas certains faits qui ont servi de fondement à l'arrêté, ou mentionnait des faits différents ou imprécis ;
- l'arrêté est entaché d'erreur de fait en ce qu'il se fonde sur le contenu de notes blanches qui ne suffisent pas, à elles seules, notamment du fait des incohérences qu'elles comportent, à établir les faits qui lui sont reprochés et qui sont d'ailleurs formellement contestés ;
- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 novembre 2017 et le 8 janvier 2018, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête et demande à la cour de prononcer la suppression des écrits diffamatoires au titre de l'article L. 741-2 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, par application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des moyens de légalité externe soulevés pour la première fois en appel qui relèvent d'une cause juridique distincte de celle dont procèdent les moyens soulevés en première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Wallerich, président assesseur
- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,
- et les observations de Me Boukara, avocat de M.E.réservés, il est ordonné au préfet du Bas-Rhin de communiquer à la cour les éléments d'information énoncés au point 9 du présent arrêt, dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce dernier
Une note en délibéré présentée par M. E...a été enregistrée le 6 février 2018 ;
1. Considérant que M.E..., de nationalité palestinienne, est entré en France en 2005 et que par une décision du 15 février 2008, la Cour nationale du droit d'asile lui a accordé le statut de réfugié ; que M. E...relève appel du jugement du 19 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 mai 2015 par lequel le préfet du Bas-Rhin a prononcé son expulsion du territoire français ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public " ; qu'aux termes de l'article L. 522-1 de ce code : " I. Sauf en cas d'urgence absolue, l'expulsion ne peut être prononcée que dans les conditions suivantes : (...) 2° L'étranger est convoqué pour être entendu par une commission qui se réunit à la demande de l'autorité administrative (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 522-2 du même code : " La convocation prévue au 2° de l'article L. 522-1 doit être remise à l'étranger quinze jours au moins avant la réunion de la commission. Elle précise que l'intéressé a le droit d'être assisté d'un conseil ou de toute personne de son choix et d'être entendu avec un interprète (...) Devant la commission, l'étranger peut faire valoir toutes les raisons qui militent contre son expulsion. Un procès-verbal enregistrant les explications de l'étranger est transmis, avec l'avis motivé de la commission, à l'autorité administrative compétente pour statuer. L'avis de la commission est également communiqué à l'intéressé. La commission rend son avis dans le délai d'un mois à compter de la remise à l'étranger de la convocation mentionnée au premier alinéa (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 522-4 dudit code : " Sauf en cas d'urgence absolue, l'étranger à l'encontre duquel une procédure d'expulsion est engagée doit en être avisé au moyen d'un bulletin de notification, valant convocation devant la commission prévue aux articles L. 522-1 et L. 522-2 (...) " ;
3. Considérant que M. E...fait valoir, en appel, que la procédure ayant précédé l'arrêté d'expulsion pris à son encontre, méconnaîtrait les dispositions des articles R. 522-4 et R. 522-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au regard du contenu du bulletin de notification qui l'a convoqué devant la commission d'expulsion qui s'est réunie le 12 février 2015 ; que ce moyen relève de la légalité externe de l'arrêté d'expulsion alors que les moyens soumis au tribunal administratif de Strasbourg étaient tous relatifs à sa légalité interne ; que relevant ainsi d'une cause juridique distincte, il ne peut, par suite, être soulevé pour la première fois en appel et doit être écarté comme irrecevable ;
4. Considérant que, pour prononcer l'expulsion de M.E..., le préfet du Bas-Rhin s'est fondé, notamment, sur les éléments mentionnés dans deux " notes blanches " des services de renseignement qui ont été soumises au débat contradictoire ; que ces notes mentionnent que M. E... appartient à la mouvance islamiste, qu'il prône la soumission de la femme à l'homme, que, dans le cadre de son activité d'imam dans plusieurs mosquées de Strasbourg, il a, au cours de la période 2010-2015, tenu à plusieurs reprises des propos haineux d'une grande violence, ciblant principalement les Juifs ainsi que les non-musulmans, incitant notamment ses fidèles à " éradiquer les ennemis de l'Islam, américains et juifs, un à un " et à " faire disparaître de la surface de la terre tous les ennemis de l'Islam et tous ceux qui veulent porter atteinte au Coran " ; que la seconde de ces notes précise qu'à la suite des attentats de janvier 2015, il a tenu le 9 janvier 2015 des propos dénonçant " un coup monté par l'Etat français pour salir l'Islam, contrer les difficultés économiques du pays et remonter la cote de popularité de François Hollande " ou " un complot sioniste piloté par le Mossad ", qu'il a mis en avant un verset du Coran, selon lequel " celui qui insulte ou dérange le prophète, un jour paiera sur terre et après le jour du jugement, après la mort ", légitimant implicitement l'attaque contre les locaux du journal Charlie-Hebdo ; que ces notes ajoutent qu'il a joué un rôle déterminant dans la radicalisation de plusieurs jeunes musulmans dont deux, après avoir effectué un séjour en Syrie, ont été interpellés en mai 2014 dans le cadre d'une enquête sur les filières syriennes ;
5. Considérant que M. E...conteste fermement les actes et les propos relevés à son encontre dans ces notes ; qu'il a produit en première instance une pétition de soutien signée par près de cent quarante personnes, selon laquelle il n'était pas violent ni n'incitait à la violence, ne s'était jamais fait interdire l'accès à une mosquée et était respectueux des lois du pays qui l'accueille ; qu'il a produit aussi une attestation établie en 2012 par le président de l'association qui entretient une mosquée de quartier qu'il a fréquentée entre 2006 et 2008, et selon laquelle il était alors qualifié de personne de confiance et ouverte d'esprit, et n'ayant jamais créé de problème ; qu'il verse également en appel de nouvelles attestations rédigées en 2017 par les présidents des associations gérant d'autres mosquées dans lesquelles il est intervenu ainsi que par des fidèles ayant régulièrement assisté à ses prêches, et aux termes desquelles il n'aurait jamais tenu les propos qui lui sont imputés et qu'il produit, pour étayer ces affirmations, la traduction des prêches prononcés notamment le 7 février 2014 et le 9 janvier 2015 ; que M. E...fait également valoir que les éléments relatifs à la radicalisation de jeunes partis en Syrie ne sont assortis d'aucune précision ou d'aucune pièce de nature à en établir la réalité ;
6. Considérant qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, dans l'exercice de ses pouvoirs généraux de direction de la procédure, de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction sur les points en litige ;
7. Considérant que pour se prononcer sur une requête assortie, comme en l'espèce, d'allégations sérieuses, dirigée contre une décision d'expulsion justifiée par des motifs liés à une menace grave pour l'ordre public, le juge de l'excès de pouvoir doit être en mesure d'apprécier, à partir d'éléments précis, le bien-fondé du motif retenu par l'administration ; qu'il appartient en conséquence à celle-ci de verser au dossier, dans le respect des exigences liées à la sécurité nationale, les renseignements nécessaires pour que le juge statue en pleine connaissance de cause ;
8. Considérant que la cour ne trouve pas au dossier les éléments suffisamment précis pour lui permettre d'apprécier si, à la date de la décision d'expulsion, la présence en France de M. E... constituait, au sens des dispositions de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une menace grave pour l'ordre public ;
9. Considérant qu'il y a lieu, par suite, d'ordonner avant-dire-droit au préfet du Bas-Rhin de communiquer à la cour, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, et en complément des indications figurant dans les " notes blanches " déjà produites, tous les éléments ou pièces susceptibles d'être versés au dossier dans le respect des exigences liées à la sécurité intérieure et lui permettant de se prononcer sur la légalité de la décision attaquée, ce qui vise en particulier les éléments factuels permettant d'établir, d'une part, la réalité et la nature de l'implication de M. E...dans la radicalisation de jeunes strasbourgeois et la " valorisation du jihad armé ", notamment en ce qui concerne l'influence exercée sur M. C...B..., M. D... A...ou sur toute autre personne impliquée dans les filières syriennes, d'autre part, la réalité des propos tenus par l'intéressé entre 2010 et 2015 relatés dans les " notes blanches " ; qu'en cas de refus de déférer à une telle demande, il appartiendrait à la cour, conformément aux règles générales d'établissement des faits devant le juge administratif, de prendre en considération, en vue de la décision à rendre, cet élément, avec l'ensemble des données fournies par le dossier ;
D E C I D E :
Article 1er : Avant-dire-droit sur la requête n° 16NC02801 de M.E..., tous droits et moyens des parties demeurant.réservés, il est ordonné au préfet du Bas-Rhin de communiquer à la cour les éléments d'information énoncés au point 9 du présent arrêt, dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce dernier
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...E..., au préfet du Bas-Rhin et au ministre de l'intérieur.
2
N° 16NC02801
Procédure contentieuse antérieure :
M. D...E...a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 26 mai 2015 par lequel le préfet du Bas-Rhin a prononcé son expulsion du territoire français.
Par un jugement n° 1503116 du 19 octobre 2016, le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 19 décembre 2016, le 18 octobre 2017 et le 5 décembre 2017, M. D...E..., représenté par Me Boukara, demande à la cour :
1°) avant dire droit de recueillir tout élément de preuve utile à la manifestation de la vérité ;
2°) d'annuler le jugement n° 1503116 du 19 octobre 2016 du tribunal administratif de Strasbourg ;
3°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du préfet du Bas-Rhin du 26 mai 2015 ;
4°) d'enjoindre au préfet du Bas-Rhin de lui restituer sa carte de résident sous astreinte de 200 euros par jour de retard dans un délai de huit jours suivant la notification de la décision à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure suivie devant la commission d'expulsion n'a pas respecté les dispositions des articles R. 522-4 et R. 522-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le bulletin de notification valant convocation devant la commission, ne mentionnait pas certains faits qui ont servi de fondement à l'arrêté, ou mentionnait des faits différents ou imprécis ;
- l'arrêté est entaché d'erreur de fait en ce qu'il se fonde sur le contenu de notes blanches qui ne suffisent pas, à elles seules, notamment du fait des incohérences qu'elles comportent, à établir les faits qui lui sont reprochés et qui sont d'ailleurs formellement contestés ;
- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 21 novembre 2017 et le 8 janvier 2018, le préfet du Bas-Rhin conclut au rejet de la requête et demande à la cour de prononcer la suppression des écrits diffamatoires au titre de l'article L. 741-2 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Les parties ont été informées, par application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt de la cour était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des moyens de légalité externe soulevés pour la première fois en appel qui relèvent d'une cause juridique distincte de celle dont procèdent les moyens soulevés en première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Wallerich, président assesseur
- les conclusions de Mme Kohler, rapporteur public,
- et les observations de Me Boukara, avocat de M.E.réservés, il est ordonné au préfet du Bas-Rhin de communiquer à la cour les éléments d'information énoncés au point 9 du présent arrêt, dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce dernier
Une note en délibéré présentée par M. E...a été enregistrée le 6 février 2018 ;
1. Considérant que M.E..., de nationalité palestinienne, est entré en France en 2005 et que par une décision du 15 février 2008, la Cour nationale du droit d'asile lui a accordé le statut de réfugié ; que M. E...relève appel du jugement du 19 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 26 mai 2015 par lequel le préfet du Bas-Rhin a prononcé son expulsion du territoire français ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des dispositions des articles L. 521-2, L. 521-3 et L. 521-4, l'expulsion peut être prononcée si la présence en France d'un étranger constitue une menace grave pour l'ordre public " ; qu'aux termes de l'article L. 522-1 de ce code : " I. Sauf en cas d'urgence absolue, l'expulsion ne peut être prononcée que dans les conditions suivantes : (...) 2° L'étranger est convoqué pour être entendu par une commission qui se réunit à la demande de l'autorité administrative (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 522-2 du même code : " La convocation prévue au 2° de l'article L. 522-1 doit être remise à l'étranger quinze jours au moins avant la réunion de la commission. Elle précise que l'intéressé a le droit d'être assisté d'un conseil ou de toute personne de son choix et d'être entendu avec un interprète (...) Devant la commission, l'étranger peut faire valoir toutes les raisons qui militent contre son expulsion. Un procès-verbal enregistrant les explications de l'étranger est transmis, avec l'avis motivé de la commission, à l'autorité administrative compétente pour statuer. L'avis de la commission est également communiqué à l'intéressé. La commission rend son avis dans le délai d'un mois à compter de la remise à l'étranger de la convocation mentionnée au premier alinéa (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 522-4 dudit code : " Sauf en cas d'urgence absolue, l'étranger à l'encontre duquel une procédure d'expulsion est engagée doit en être avisé au moyen d'un bulletin de notification, valant convocation devant la commission prévue aux articles L. 522-1 et L. 522-2 (...) " ;
3. Considérant que M. E...fait valoir, en appel, que la procédure ayant précédé l'arrêté d'expulsion pris à son encontre, méconnaîtrait les dispositions des articles R. 522-4 et R. 522-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, au regard du contenu du bulletin de notification qui l'a convoqué devant la commission d'expulsion qui s'est réunie le 12 février 2015 ; que ce moyen relève de la légalité externe de l'arrêté d'expulsion alors que les moyens soumis au tribunal administratif de Strasbourg étaient tous relatifs à sa légalité interne ; que relevant ainsi d'une cause juridique distincte, il ne peut, par suite, être soulevé pour la première fois en appel et doit être écarté comme irrecevable ;
4. Considérant que, pour prononcer l'expulsion de M.E..., le préfet du Bas-Rhin s'est fondé, notamment, sur les éléments mentionnés dans deux " notes blanches " des services de renseignement qui ont été soumises au débat contradictoire ; que ces notes mentionnent que M. E... appartient à la mouvance islamiste, qu'il prône la soumission de la femme à l'homme, que, dans le cadre de son activité d'imam dans plusieurs mosquées de Strasbourg, il a, au cours de la période 2010-2015, tenu à plusieurs reprises des propos haineux d'une grande violence, ciblant principalement les Juifs ainsi que les non-musulmans, incitant notamment ses fidèles à " éradiquer les ennemis de l'Islam, américains et juifs, un à un " et à " faire disparaître de la surface de la terre tous les ennemis de l'Islam et tous ceux qui veulent porter atteinte au Coran " ; que la seconde de ces notes précise qu'à la suite des attentats de janvier 2015, il a tenu le 9 janvier 2015 des propos dénonçant " un coup monté par l'Etat français pour salir l'Islam, contrer les difficultés économiques du pays et remonter la cote de popularité de François Hollande " ou " un complot sioniste piloté par le Mossad ", qu'il a mis en avant un verset du Coran, selon lequel " celui qui insulte ou dérange le prophète, un jour paiera sur terre et après le jour du jugement, après la mort ", légitimant implicitement l'attaque contre les locaux du journal Charlie-Hebdo ; que ces notes ajoutent qu'il a joué un rôle déterminant dans la radicalisation de plusieurs jeunes musulmans dont deux, après avoir effectué un séjour en Syrie, ont été interpellés en mai 2014 dans le cadre d'une enquête sur les filières syriennes ;
5. Considérant que M. E...conteste fermement les actes et les propos relevés à son encontre dans ces notes ; qu'il a produit en première instance une pétition de soutien signée par près de cent quarante personnes, selon laquelle il n'était pas violent ni n'incitait à la violence, ne s'était jamais fait interdire l'accès à une mosquée et était respectueux des lois du pays qui l'accueille ; qu'il a produit aussi une attestation établie en 2012 par le président de l'association qui entretient une mosquée de quartier qu'il a fréquentée entre 2006 et 2008, et selon laquelle il était alors qualifié de personne de confiance et ouverte d'esprit, et n'ayant jamais créé de problème ; qu'il verse également en appel de nouvelles attestations rédigées en 2017 par les présidents des associations gérant d'autres mosquées dans lesquelles il est intervenu ainsi que par des fidèles ayant régulièrement assisté à ses prêches, et aux termes desquelles il n'aurait jamais tenu les propos qui lui sont imputés et qu'il produit, pour étayer ces affirmations, la traduction des prêches prononcés notamment le 7 février 2014 et le 9 janvier 2015 ; que M. E...fait également valoir que les éléments relatifs à la radicalisation de jeunes partis en Syrie ne sont assortis d'aucune précision ou d'aucune pièce de nature à en établir la réalité ;
6. Considérant qu'il appartient au juge de l'excès de pouvoir, dans l'exercice de ses pouvoirs généraux de direction de la procédure, de prendre toutes mesures propres à lui procurer, par les voies de droit, les éléments de nature à lui permettre de former sa conviction sur les points en litige ;
7. Considérant que pour se prononcer sur une requête assortie, comme en l'espèce, d'allégations sérieuses, dirigée contre une décision d'expulsion justifiée par des motifs liés à une menace grave pour l'ordre public, le juge de l'excès de pouvoir doit être en mesure d'apprécier, à partir d'éléments précis, le bien-fondé du motif retenu par l'administration ; qu'il appartient en conséquence à celle-ci de verser au dossier, dans le respect des exigences liées à la sécurité nationale, les renseignements nécessaires pour que le juge statue en pleine connaissance de cause ;
8. Considérant que la cour ne trouve pas au dossier les éléments suffisamment précis pour lui permettre d'apprécier si, à la date de la décision d'expulsion, la présence en France de M. E... constituait, au sens des dispositions de l'article L. 521-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une menace grave pour l'ordre public ;
9. Considérant qu'il y a lieu, par suite, d'ordonner avant-dire-droit au préfet du Bas-Rhin de communiquer à la cour, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, et en complément des indications figurant dans les " notes blanches " déjà produites, tous les éléments ou pièces susceptibles d'être versés au dossier dans le respect des exigences liées à la sécurité intérieure et lui permettant de se prononcer sur la légalité de la décision attaquée, ce qui vise en particulier les éléments factuels permettant d'établir, d'une part, la réalité et la nature de l'implication de M. E...dans la radicalisation de jeunes strasbourgeois et la " valorisation du jihad armé ", notamment en ce qui concerne l'influence exercée sur M. C...B..., M. D... A...ou sur toute autre personne impliquée dans les filières syriennes, d'autre part, la réalité des propos tenus par l'intéressé entre 2010 et 2015 relatés dans les " notes blanches " ; qu'en cas de refus de déférer à une telle demande, il appartiendrait à la cour, conformément aux règles générales d'établissement des faits devant le juge administratif, de prendre en considération, en vue de la décision à rendre, cet élément, avec l'ensemble des données fournies par le dossier ;
D E C I D E :
Article 1er : Avant-dire-droit sur la requête n° 16NC02801 de M.E..., tous droits et moyens des parties demeurant.réservés, il est ordonné au préfet du Bas-Rhin de communiquer à la cour les éléments d'information énoncés au point 9 du présent arrêt, dans un délai d'un mois à compter de la notification de ce dernier
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...E..., au préfet du Bas-Rhin et au ministre de l'intérieur.
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