CAA de BORDEAUX, 4ème chambre - formation à 3, 09/02/2018, 16BX00844, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme A...C...ont demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 et des pénalités correspondantes.

Par un jugement n°1300395 du 7 janvier 2016, le tribunal administratif de Poitiers a prononcé la décharge de la majoration appliquée sur le fondement de l'article 1758 A du code général des impôts et a rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 3 mars 2016, M. et MmeC..., représentés par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 7 janvier 2016 en tant qu'il ne fait que partiellement droit à leur demande, et de prononcer la décharge des impositions restant en litige ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la procédure d'imposition est irrégulière dès lors que l'administration a manqué à son devoir d'information en ne procédant pas au dégrèvement des impositions initiales avant d'imposer les contribuables dans une autre catégorie de revenu ; le service a omis d'informer le contribuable avant ou à tout le moins concomitamment à l'engagement des poursuites, et au plus tard dans la proposition de rectification, que les impositions primitives seraient prochainement annulées ; au contraire, le service a adressé au contribuable en 2012 une seconde proposition lui notifiant que les impositions initiales étaient non seulement maintenues mais rehaussées ; enfin, le service n'a pas prononcé le dégrèvement des impositions initiales avant de procéder à la mise en recouvrement des impositions supplémentaires ; l'imposition notifiée au contribuable a donc fait double emploi avec l'imposition initiale ;
- sur le fond : les régimes d'exonération sont soumis à un régime de preuve objective ; en outre, l'interruption de l'activité de location de meublés entre 2004 et 2006 n'est pas contestée, mais cette suspension temporaire d'activité, durant la réalisation de travaux de rénovation de l'immeuble en cause, ne fait pas obstacle au bénéfice de cette exonération ; une promesse de bail meublé avait d'ailleurs été conclue, oralement, dès l'acquisition de l'immeuble en cause, avec des personnes qui sont ensuite devenues les premiers locataires d'un des appartements, à la fin desdits travaux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :
- la plus-value réalisée en 2010 lors de la vente des deux appartements a été déclarée et imposée selon le régime des plus-values des particuliers ; à l'issue du contrôle sur pièces, le service a considéré que cette plus-value devait être soumise au régime des plus-values professionnelles et qu'elle n'entrait pas dans les prévisions de l'exonération de l'article 151 septies du code général des impôts ; les requérants ont uniquement contesté cette exclusion ;
- la proposition de rectification du 6 octobre 2011 confirme l'imposition de la plus-value réalisée sous le régime des plus-values professionnelles et remet en cause le bénéfice de l'exonération prévu par les dispositions précitées ; l'imposition initiale a été établie selon leurs déclarations, et le service n'a pas engagé une nouvelle procédure à la suite d'une procédure initiale irrégulière : la jurisprudence invoquée ne leur est donc pas applicable ; par ailleurs, le service a informé les intéressés, dans la décision de rejet de leur réclamation du 18 janvier 2013, du dégrèvement de l'imposition primitive, laquelle restitution des impositions primitives est intervenue et les intéressés n'ont donc pas été soumis à une double imposition ;
- sur le fond : les intéressés ne remplissent pas les conditions pour bénéficier de l'exonération prévue à l'article 151 septies du code général des impôts.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sylvande Perdu,
- les conclusions de Mme Frédérique Munoz-Pauzies, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :

1. A la suite d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a, par proposition de rectification du 6 octobre 2011, remis en cause le régime d'imposition des plus-values réalisées par M. et Mme C...qu'ils avaient déclarées lors de la cession de deux appartements les 13 août 2010 et 5 novembre 2010. Les impositions supplémentaires en matière d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux qui ont résulté de ce contrôle ont été mises en recouvrement, respectivement, les 30 septembre 2012 et 31 décembre 2012. Après rejet de la réclamation formée par les requérants, ces derniers ont saisi le tribunal administratif de Poitiers d'une demande de décharge des cotisations supplémentaires à l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 et des pénalités correspondantes. Par un jugement du 7 janvier 2016, le tribunal administratif de Poitiers a seulement prononcé la décharge des sommes résultant de la majoration de 10 % qui leur a été appliquée, et a rejeté le surplus de leur demande. M. et Mme C...interjettent appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'ensemble de leurs demandes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Il est vrai que, à moins que l'imposition soit rétablie en retenant les éléments déclarés par le contribuable, il résulte des dispositions du livre des procédures fiscales relatives tant à la procédure de rectification contradictoire qu'aux procédures d'imposition d'office qu'après avoir prononcé le dégrèvement d'une imposition, l'administration ne peut établir, sur les mêmes bases, une nouvelle imposition sans avoir préalablement informé le contribuable de la persistance de son intention de l'imposer.

3. Toutefois, tel n'a pas été le cas en l'espèce. A la suite d'un contrôle sur pièces, le service a rectifié l'imposition de la plus-value résultant de la vente de deux biens immobiliers après avoir estimé qu'elle relevait du régime d'imposition des plus-values de professionnels et non de celles réalisées par des particuliers ainsi qu'elle avait été déclarée initialement par les requérants, sans que ceux-ci puissent prétendre au bénéfice de l'exonération prévue par l'article 151 septies du code général des impôts. Le service n'a nullement repris la procédure de rectification après dégrèvement ni établi une nouvelle imposition procédant du contrôle mais a seulement prononcé le dégrèvement de l'imposition primitive de la plus-value qui avait été déclarée initialement selon le régime applicable aux plus-values réalisées par les particuliers, afin d'éviter une double imposition. Le dégrèvement a été mentionné dans la lettre du 18 janvier 2013 portant rejet de la réclamation des contribuables. La procédure d'imposition n'est ainsi entachée d'aucune irrégularité.

Sur le bien-fondé :

4. L'article 151 septies du code général des impôts prévoit que : " I.- Sous réserve des dispositions du VII, les dispositions du présent article s'appliquent aux activités commerciales, industrielles, artisanales, libérales ou agricoles, exercées à titre professionnel. L'exercice à titre professionnel implique la participation personnelle, directe et continue à l'accomplissement des actes nécessaires à l'activité. (...) / II.- Les plus-values de cession soumises au régime des articles 39 duodecies à 39 quindecies, à l'exception de celles afférentes aux biens entrant dans le champ d'application du A de l'article 1594-0 G, et réalisées dans le cadre d'une des activités mentionnées au I sont, à condition que l'activité ait été exercée pendant au moins cinq ans, exonérées (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que le bénéfice de l'exonération qu'elles prévoient est, notamment, subordonné à la condition que le bien, dont la cession a dégagé une plus-value, ait été affecté à l'une des activités qu'elles visent, et que celle-ci ait été exercée par le cédant pendant une période d'au moins cinq années précédant la cession.

6. Il est constant que les biens dont la cession les 13 août 2010 et 5 novembre 2010 est à l'origine des plus-values litigieuses ont été acquis par M. C...le 23 février 2004 et inscrits à l'actif du bilan de l'entreprise individuelle de location d'appartements meublés " Location Résimer Locations Résimont ", créée par M. C... le 2 octobre 2006 avec une date de début d'activité au 31 octobre 2006.

7. Les requérants soutiennent que l'interruption de leur activité de loueur en meublé du mois de février 2004 au mois d'octobre 2006, durant les travaux de rénovation réalisés sur l'ensemble immobilier le Clos Musset comprenant les deux appartements vendus en 2010, ne fait pas obstacle au bénéfice des dispositions de l'article 151 septies du code général des impôts, dès lors que, par ailleurs, la durée cumulée d'exercice de leur activité dépasse le délai de 5 ans prévu par ces mêmes dispositions.

8. Toutefois, il résulte de l'instruction que M. C...a débuté son activité de loueur en meublé le 2 janvier 1995 et l'a cessé en procédant à la radiation de son entreprise du registre du commerce et des sociétés le 24 février 2004. Il n'est pas contesté qu'il a alors procédé à la vente de l'immeuble qu'il louait. Il a ensuite déclaré, le 2 octobre 2006, la création d'une entreprise individuelle de location de meublé, avec un début d'activité le 31 octobre 2006. Un bail a été conclu le 5 octobre 2006 pour un des appartements compris dans l'ensemble immobilier acquis le 23 février 2004. Il ne résulte nullement de l'instruction que l'activité de loueur en meublés a été poursuivie par le requérant entre le 23 février 2004, date d'acquisition de l'ensemble immobilier le Clos Musset, et le 5 octobre 2006, date de signature du premier bail de location en meublé susmentionné.

9. Dans ces conditions, c'est à compter du 5 octobre 2006 que court le délai de 5 ans de participation continue de M. C...à l'activité professionnelle de loueur en meublé, prévu par les dispositions précitées de l'article 151 septies du code général des impôt. Par suite, à la date de cession des deux appartements litigieux, en 2010, les requérants ne remplissaient pas la condition de durée minimale d'activité nécessaire pour pouvoir bénéficier de l'exonération prévue au II de l'article 151 septies du code général des impôts.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté leur demande. Par voie de conséquence, les conclusions qu'ils présentent sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administratives doivent être rejetées.



DECIDE :


Article 1er : La requête de M. et Mme C...est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A...C...et au ministre de l'action et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-Ouest.
Délibéré après l'audience du 12 janvier 2018 à laquelle siégeaient :
M. Philippe Pouzoulet, président,
Mme Marianne Pouget, président-assesseur,
Mme Sylvande Perdu, premier conseiller,
Lu en audience publique, le 9 février 2018.

Le rapporteur,
Sylvande Perdu
Le président,
Philippe Pouzoulet Le greffier,
Florence Deligey
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 16BX00844



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