CAA de MARSEILLE, 2ème chambre - formation à 3, 18/01/2018, 15MA04919, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : Mme B...A...a demandé au tribunal administratif de Toulon de condamner l'Etat à lui verser la somme de 16 250 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait des carences de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) dans l'exercice de sa mission de contrôle et de police sanitaire des activités de la société Poly Implant Prothèse (PIP) ; Par un jugement n° 1302231 du 22 octobre 2015, le tribunal administratif de Toulon a rejeté cette demande. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée le 23 décembre 2015, Mme B...A...représentée par l'AARPI Didier Hollet - Nicole Hugues, demande à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 22 octobre 2015 ; 2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 16 250 euros, ainsi que les intérêts au taux légal, en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de la faute qu'aurait commise l'AFSSAPS ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les carences de l'AFSSAPS dans le contrôle de la société PIP sont la cause de la découverte tardive de la fraude organisée par cette société ; - les préjudices subis sont la conséquence de la faute de l'AFSSAPS. Par un mémoire en défense, enregistré le 16 mars 2016, le ministre des solidarités et de la santé conclut au rejet de la requête. Il soutient qu'aucune carence ne peut être reprochée à l'AFSSAPS dans son activité de contrôle de la société PIP. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code de la santé publique ; - la loi n° 98-535 du 1er juillet 1998 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Argoud, - et les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique. 1. Considérant qu'une inspection inopinée, menée par l'AFSSAPS le 17 mars 2010, a révélé que la société PIP utilisait frauduleusement un gel de silicone différent de celui pour lequel elle avait obtenu un certificat de conformité, pour la fabrication d'implants mammaires, qui constituent des dispositifs médicaux au sens des dispositions de la directive 93/42/CEE du 14 juin 1993 et de l'article L. 5211-1 du code de la santé publique ; que le directeur général de l'AFSSAPS a pris le 29 mars 2010 une décision de suspension de la mise sur le marché, de distribution, d'exportation et d'utilisation sur le fondement de l'article L. 5312-1 du même code ; que Mme A... relève appel du jugement du 22 octobre 2015, par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande de condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis du fait du retard de l'AFSSAPS à découvrir les fautes commises par la société PIP ; Sur les conclusions indemnitaires : 2. Considérant que l'article 6 de la loi du 1er juillet 1998 relative au renforcement de la veille sanitaire et du contrôle de la sécurité sanitaire des produits destinés à l'homme, entré en vigueur en mars 1999, a créé un établissement public de l'Etat dénommé "Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé", placé sous la tutelle du ministre chargé de la santé, dont la mission, est notamment de participer à l'application des lois et règlements relatifs aux essais, à la fabrication, à la préparation, à l'exploitation, à la mise sur le marché, à la publicité et à l'utilisation des dispositifs médicaux ; que dans le cadre de cette mission, l'agence doit procéder à l'évaluation des bénéfices et des risques liés à l'utilisation de ces produits et objets à tout moment opportun et notamment lorsqu'un élément nouveau est susceptible de remettre en cause l'évaluation initiale ; 3. Considérant que la responsabilité de l'Etat peut être engagée à raison de la faute commise par les autorités agissant en son nom dans l'exercice de leurs pouvoirs de police sanitaire relative aux dispositifs médicaux, pour autant qu'il en soit résulté un préjudice direct et certain ; 4. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction qu'en mars 1999, à la date du transfert à l'AFSSAPS de la compétence de surveillance des dispositifs médicaux, antérieurement dévolue à la direction des hôpitaux du ministère chargé de la santé publique, la commercialisation des dispositifs médicaux implantable à visée esthétique faisait l'objet d'une décision de suspension depuis le mois de mai 1998, qui a été suivie en juin 1998 par l'entrée en vigueur de la directive européenne du 14 juin 1993 imposant une norme CE pour les dispositifs médicaux ; que l'AFSSAPS a mis fin à cette mesure générale de suspension pour tous les fabricants le 31 décembre 2000 ; qu'à partir de cette date, seuls les fabricants pour lesquels les données ne permettaient pas de s'assurer de la conformité de leurs implants aux exigences sanitaires, au nombre desquels se trouvait la société PIP, ont fait l'objet de décisions individuelles de suspension, dans l'attente d'études complémentaires ; qu'au vu des résultats satisfaisants de tests de toxicité, de suintement, et plus généralement relativement aux propriétés physiques, chimiques et mécaniques des prothèses remplies de gel de silicone NuSil(r), fabriquées par la société PIP, la mesure de suspension de la commercialisation de ces produits a été levée par l'AFSSAPS le 18 avril 2001 ; qu'il ne résulte d'aucun élément du dossier qu'à cette date, l'administration aurait dû soupçonner que le gel de silicone utilisé par la société dans les implants commercialisés était différent de celui ayant fait l'objet des contrôles ; 5. Considérant, d'autre part, qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'étude des signalements d'incidents relatifs à des implants en silicone, qu'entre les années 2001 et 2003, les taux de rupture des matériels émanant de la société PIP ne sont pas supérieurs à ceux des sept autres fabricants ; qu'en 2003, à la suite de contrôles effectués par l'AFSSAPS, la direction des laboratoires du ministère de la santé a réalisé des études de cytotoxicité sur les gels utilisés dans les prothèses de tous les fabricants, dont les résultats obtenus pour la société PIP ont été favorables, de façon identique à ceux des autres fabricants ; qu'entre 2004 et 2006, le suivi par l'AFSSAPS des incidents relatifs aux implants mammaires montre que la société PIP présentait le second taux de rupture le plus important parmi les huit fabricants recensés par l'agence, sans être significativement supérieur aux taux de rupture des prothèses des autres laboratoires ; que les autres incidents documentés, relatifs aux implants de la société PIP, concernent l'apparition de coques fibreuses, qui constituent un mécanisme naturel de défense de l'organisme envers un corps étranger ; que l'ensemble de ces incidents des dispositifs médicaux commercialisés par la société PIP ne permettaient, ni par leur nombre, ni par leur nature, et eu égard à la circonstance que 80 % de leurs signalements, émanaient du fabricant, de mettre en évidence l'éventualité d'un risque anormal présenté par ces prothèses, ou de l'utilisation frauduleuse d'un gel de silicone autre que celui autorisé, qui a été révélée ultérieurement ; 6. Considérant que la requérante ne démontre pas qu'en 2006, à la date à laquelle des prothèses de la société PIP lui ont été implantées, l'AFSSAPS disposait d'éléments qui auraient dû lui faire soupçonner la fraude révélée en 2010 ou que les contrôles par cette agence, des matériels médicaux de la société PIP, auraient été insuffisants ; que, dès lors, la responsabilité de l'Etat n'est pas engagée ; 7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme A...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande ; Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 8. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas la qualité de partie perdante à la présente instance verse une quelconque somme à Mme A...au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; D É C I D E : Article 1er : La requête de Mme A...est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...et au ministre des solidarités et de la santé. Délibéré après l'audience du 21 décembre 2017, où siégeaient : - M. Vanhullebus, président, - M. Barthez, président-assesseur, - M. Argoud, premier conseiller. Lu en audience publique, le 18 janvier 2018.2N° 15MA04919 kp



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