CAA de BORDEAUX, 6ème chambre - formation à 3, 05/02/2018, 16BX02018, Inédit au recueil Lebon
CAA de BORDEAUX, 6ème chambre - formation à 3, 05/02/2018, 16BX02018, Inédit au recueil Lebon
CAA de BORDEAUX - 6ème chambre - formation à 3
- N° 16BX02018
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
lundi
05 février 2018
- Président
- M. LARROUMEC
- Rapporteur
- Mme Florence REY-GABRIAC
- Avocat(s)
- SELARL DINETY AVOCATS
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
Le préfet de la Gironde a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de constater que l'installation de pêche implantée par la société Château Lilian Ladouys en sortie du canal de Reyson dit l'Estey d'Un, au droit du lieu-dit Mapon sur la commune de Saint-Estèphe, établie par procès-verbal du 23 juin 2011, constituait une contravention de grande voirie, de condamner cette société au paiement de l'amende prévue à l'article L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques ainsi qu'à la démolition de cette installation et à la remise en l'état des lieux et d'autoriser le grand port maritime de Bordeaux à procéder, aux frais et risques de cette société, à cette démolition et cette remise en l'état à défaut d'exécution sous huit jours à compter de la notification du jugement.
Par un jugement n° 1201027 du 31 décembre 2013, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a condamné cette société à une amende de 150 euros, lui a ordonné de démonter cette installation et de remettre les lieux en l'état dans un délai de trois mois suivant la notification de son jugement et a autorisé le grand port maritime de Bordeaux à y procéder d'office aux frais, risques et périls du contrevenant passé ce délai.
Par un arrêt n°s 14BX00648, 14BX00706 du 9 juillet 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux, a, d'une part, après avoir annulé ce jugement, fait droit à la demande du préfet par un dispositif identique et, d'autre part, prononcé un non-lieu à statuer sur la requête de la société Lilian Ladouys tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement.
Par une décision n° 384380 du 15 juin 2016, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt du 9 juillet 2014 de la cour administrative d'appel de Bordeaux et lui a renvoyé l'affaire.
Procédures devant la cour :
I) Par une requête et des mémoires, enregistrés le 28 février 2014, le 5 juin 2014 et le 2 septembre 2016 le n° 16BX02018, la société Château Lilian Ladouys, dont le siège est Château Lilian Ladouys à Saint Estèphe (33180), représentée par la SelarlA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1201027 du 31 décembre 2013 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée à payer une amende de 150 euros, à démonter son installation de pêche et à remettre les lieux en l'état dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement, le Grand port maritime de Bordeaux étant autorisé, à défaut d'exécution dans ledit délai, à faire procéder à la réalisation de ces travaux aux frais et risques du contrevenant ;
2°) de rejeter la demande du préfet de la Gironde présentée devant el tribunal administratif de Bordeaux ;
3°) de prononcer la relaxe des fins de la poursuite engagée à son encontre à la suite du procès-verbal de contravention de grande voirie du 23 juin 2011 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761 1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le mémoire présenté par le Grand Port Maritime de Bordeaux (GPMB) et ses conclusions sont irrecevables ; il s'agit d'une intervention volontaire ; le GPMB ne fait état d'aucun intérêt distinct de celui du préfet ni aucun droit auquel il est susceptible d'être porté préjudice ; en tout état de cause, ses demandes de condamnation ne peuvent émaner d'un intervenant qui n'a pas la qualité de partie à l'instance et de ce fait, il ne peut formuler des demandes distinctes de celles du préfet ;
- le jugement attaqué est entaché d'omissions à statuer dans la mesure où il ne répond pas au moyen tiré de ce que le GPMB lui aurait délivré une autorisation d'occupation du domaine public revêtue d'un caractère exprès et à celui tiré du manque d'impartialité de l'agent signataire du procès-verbal du 23 juin 2011 ;
- ce jugement est également insuffisamment motivé et comporte des contradictions dans ses motifs ; il a repris l'argumentation du préfet selon laquelle cette cabane de pêche constituerait un obstacle à la navigation, alors même qu'elle n'est fondée sur aucune pièce du dossier et que le tribunal, qui s'est abstenu de mettre en oeuvre ses pouvoirs d'instruction alors qu'il lui était demandé d'ordonner la production des observations du syndicat intercommunal hydraulique des bassins versants du Médoc au GPMB, est d'ailleurs allé au-delà de cette allégation en précisant que cette cabane constituait " notamment " un obstacle à l'entretien du chenal, alors qu'aucun autre obstacle à la navigation n'était allégué ; en relevant que la société avait pu être induite en erreur par les assurances données par les services du GPMB quant au caractère approprié de l'emplacement du carrelet, le tribunal a également entaché son jugement d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif ;
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, elle disposait bien d'une autorisation expresse d'occupation du domaine public fluvial ; une telle autorisation peut être orale ; le principe de l'occupation était acquis depuis la réunion du 11 décembre 2009 au cours de laquelle avait seulement été discuté l'emplacement de l'installation projetée ; l'autorisation de travaux accordée par les courriels des 10 juin et 22 juillet 2010 révélait l'existence d'une autorisation d'occupation du domaine public ; dans son mémoire enregistré le 8 février 2013, le préfet a d'ailleurs admis l'existence de cette autorisation ;
- cette autorisation doit être regardée, compte tenu des termes employés par les courriers des 11 juillet 2011 et 1er février 2012, comme ayant été retirée au motif que l'emplacement était différent de celui initialement autorisé ; ce retrait est intervenu en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; il n'est pas justifié dans la mesure où l'emplacement de son carrelet n'est pas différent de celui prévu dans la demande ; le plan qu'elle avait adressé au GPMB n'indiquait pas l'emplacement exact de cette construction mais simplement la parcelle A 376 sur laquelle elle devait être installée ; le plan annexé à sa demande a été falsifié par l'administration ; le choix de l'emplacement à l'origine du retrait de l'autorisation est directement et exclusivement le fait de GPMB ; en outre, il n'est pas établi que cet emplacement constituerait un obstacle aux opérations d'entretien du chenal ; d'ailleurs, les photographies annexées au procès-verbal du 23 juin 2011 montrent l'existence de carrelets sur l'autre rive, lesquels ne semblent pas poser de difficulté pour son entretien ;
- subsidiairement, le GPMB a commis des fautes, notamment en déterminant l'emplacement du carrelet, ainsi que l'a reconnu le tribunal administratif ; c'est l'information erronée quant à l'emplacement qui a conduit le GPMB à considérer qu'elle n'avait pas respecté l'emplacement sollicité et à lui retirer l'autorisation d'occupation délivrée ; elle n'a en revanche commis aucune faute en exécutant une autorisation de construire accordée par le GPMB dans deux courriels des 10 juin et 22 juillet 2010 ; la faute du GPMB est à l'origine du dommage ; une erreur ou une négligence de l'administration peut constituer une faute lourde assimilable par sa gravité à un cas de force majeure ; en l'espèce, l'erreur commise par le GPMB dans la détermination de l'emplacement du carrelet est constitutive d'une faute lourde ; cette faute lourde est à l'origine exclusive du dommage ;
- contrairement aux exigences de l'article L. 774-2 du code de justice administrative, le procès-verbal du 23 juin 2011 ne lui a pas été adressé dans le délai de huit jours, mais seulement le 7 mars 2012, alors qu'il a été transmis rapidement au GPMB ainsi qu'en atteste le fait qu'il a été mentionné dans son courrier du 11 juillet 2011 ;
- la notification de ce procès-verbal a été réalisée par le chef du pôle juridique et contentieux qui ne disposait pas d'une délégation pour y procéder ;
- l'agent ayant dressé le procès-verbal n'était pas impartial, ainsi qu'en témoigne le fait qu'il n'ait pas rappelé les échanges oraux et écrits des mois de juillet et septembre 2010 ; il n'a pas dressé un procès-verbal complet dans la mesure où celui-ci ne comporte aucun élément expliquant en quoi ce carrelet constituerait un obstacle à la navigation ; l'agent ayant dressé ce procès-verbal a en outre commis une erreur portant sur le lieu d'implantation de l'installation de pêche ; c'est bien ce défaut de compétence qui est à l'origine de l'erreur d'emplacement sur le domaine public.
Par deux mémoires, enregistrés le 22 mai 2014 et le 30 août 2016, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie puis le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, concluent au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le jugement n'est pas entaché d'irrégularité :
- le jugement n'est entaché d'aucune omission à statuer ; le tribunal a pris en compte le moyen tiré de ce que la société aurait été titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire orale ; la société n'avait pas invoqué, en première instance, le moyen tiré du manque d'impartialité de l'agent verbalisateur ; il est également suffisamment motivé et n'est pas entaché d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif ;
Les poursuites sont bien fondées :
- le positionnement du carrelet, à l'entrée du chenal de l'Estey d'Un, constitue un obstacle à l'entretien du chenal et à la navigation ; la construction de cet ouvrage étant donc incompatible avec l'affectation du domaine public, la contravention de grande voirie est justifiée ;
- la société n'était pas titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public ; elle avait uniquement été informée de la délivrance prochaine de cette autorisation ; en tout état de cause, les courriers de l'agent du GPMB ne sauraient constituer une autorisation dès lors qu'ils émanent d'une autorité incompétente pour délivrer cette autorisation ;
- à supposer que la cour considère que les courriers écrits et les prétendues assurances verbales revêtaient un caractère exprès, l'auteur de ces échanges n'était pas compétent pur délivrer une autorisation d'occupation du domaine public ;
- la société ne saurait se prévaloir de la jurisprudence de la cour administrative d'appel de Marseille dans la mesure où elle se heurte à la position du Conseil d'Etat ; un permis de construire sur le domaine public ne vaut pas autorisation d'occupation de celui-ci ; la société ne saurait dès lors se prévaloir du fait qu'une autorisation de travaux lui avait été accordée ;
- il ne peut y avoir eu retrait d'une autorisation d'occupation du domaine public, dès lors qu'aucune décision d'autorisation n'était intervenue préalablement ; à supposer que la cour considère que telle autorisation avait été délivrée, le moyen tiré de l'irrégularité de son retrait devra être écarté ;
- la société n'a pas implanté son carrelet à l'endroit qu'elle avait indiqué dans sa demande d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public ; lors d'un contrôle sur les lieux, il est apparu qu'elle avait modifié l'emplacement du carrelet par rapport à celui indiqué dans sa demande initiale ;
- compte tenu des courriers qui lui ont été adressés les 7 octobre et 23 novembre 2010, la société pouvait présenter ses observations sur la demande de retrait formulée par GPMB ; le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire et des droits de la défense manque dès lors en fait ;
- aucune faute n'est imputable au GPMB dans la mesure où la société a modifié l'emplacement du carrelet ; en tout état de cause, il ne peut s'agir d'une faute lourde imputable à un cas de force majeure, preuve qui incombe à la société dans le cadre d'une contravention de grande voirie ;
- si par extraordinaire la cour admettait que les services du GPMB ont commis une faute, aucun des faits invoqués par la requérante ne revêt le caractère d'une faute lourde ou n'est assimilable, par sa gravité à un cas de faute majeure ; en tout état de cause, compte tenu de l'imprudence de la société, le dommage ne saurait être imputé de façon exclusive à l'administration ;
La procédure n'est pas entachée d'irrégularité :
- la société n'établit pas que l'agent ayant dressé le procès-verbal de grande voirie n'aurait pas été impartial ;
- le délai de dix jours entre la date de rédaction du procès-verbal et sa notification au contrevenant prévu par l'article L. 742-2 du code n'est pas prescrit à peine de nullité ; le délai entre la rédaction du procès-verbal et sa notification n'a pas placé la contrevenante dans l'impossibilité de réunir les éléments utiles à sa défense ;
- l'acte du 7 mars 2012 portant notification du procès-verbal a été signé par la chef du pôle juridique et contentieux, laquelle avait reçu délégation de signature le 31 août 2010 par un arrêté publié au recueil de actes administratifs de la préfecture de la Gironde ; les poursuites ont été introduites devant le tribunal administratif par la secrétaire générale de la préfecture, qui disposait d'une délégation de signature en vertu d'un arrêté du 1er mars 2010 régulièrement publié ; la notification des poursuites en matière de contravention de grande voirie est de toutes façons régularisée par la saisine du tribunal administratif par l'autorité compétente.
Par un mémoire, enregistré le 8 septembre 2016, le Grand Port Maritime de Bordeaux (GPMB), représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour :
1°) de condamner la société Château Lilian Ladouys à démonter l'installation de pêche et remettre les lieux en l'état dans le délai de trois mois ;
2°) de juger que, passé ce délai, le GPMB sera autorisé à procéder d'office à l'exécution de cette condamnation aux frais, risques et périls du contrevenant ;
3°) de condamner la société Château Lilian Ladouys à lui verser la somme de 2 000 euros pour résistance abusive ;
4°) de mettre à la charge de la société Château Lilian Ladouys la somme de 4 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- le jugement attaqué n'est pas entaché des irrégularités invoquées ;
- la société Lilian Ladouys n'était pas titulaire d'une autorisation d'occupation du domaine public ; le GPMB ne lui en a jamais délivrée, en tout cas, jamais d'autorisation écrite ; en conséquence, il ne peut y avoir eu de retrait d'autorisation ;
- la société n'a pas respecté l'emplacement prévu comme l'a montré le contrôle sur place ; elle n'a pas non plus déplacé son installation comme il le lui a demandé.
Par une ordonnance en date du 5 octobre 2016, la clôture de l'instruction a été reportée au 27 octobre 2016.
Un mémoire pour la société Château Lilian Ladouys a été enregistré le 8 décembre 2017.
II) Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 février 2014 et le 24 octobre 2017, sous le n° 16BX04307, la société Château Lilian Ladouys, représentée par la SelarlA..., demande à la cour :
1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 1201027 du 31 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée à payer une amende de 150 euros, à démonter une installation de pêche et à remettre les lieux en l'état dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement, le préfet de la Gironde étant autorisé, à défaut d'exécution dans ledit délai, à faire procéder à la réalisation de ces travaux aux frais et risques du contrevenant ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros à lui verser au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- ce jugement aurait des conséquences difficilement réparables, justifiant qu'il soit sursis à son exécution, dans la mesure où il la contraint à démonter son installation de pêche et à remettre les lieux en l'état dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, le GPMB ayant été autorisé à procéder d'office à l'exécution de cette condamnation aux frais, risques et périls de cette société ; les conséquences financières de ce jugement seraient difficilement réparables dans la mesure où elle perdrait au minimum une somme de 67 680 euros correspondant au coût de cette construction et de son démontage ; de plus, elle perdrait toute chance de pouvoir maintenir ou implanter une cabane de pêche sur la parcelle A 376 alors que d'autres autorisations d'occupation du domaine public ont été délivrées sur cette même parcelle ; l'exécution du jugement rendrait ainsi sans intérêt une annulation de celui-ci par la cour ;
- il existe des moyens sérieux justifiant le prononcé de l'annulation de ce jugement ; elle reprend ainsi les moyens soulevés dans la requête au fond.
Par un mémoire, enregistré le 27 septembre 2017, le Grand Port Maritime de Bordeaux (GPMB), représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête, à la condamnation de la société Château Lilian Ladouys à la somme de 2 000 euros pour résistance abusive et à ce qu'il soit mis à la charge de celle-ci la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que la société ne produit, à l'appui de sa requête, aucun élément permettant raisonnablement de prouver que l'exécution du jugement entraînerait pour elle des conséquences financières difficilement réparables ; au contraire, elle n'a jamais procédé à l'exécution d'un jugement qui remonte à plus de trois ans, alors que le GPMB était autorisé, passé le délai de trois mois, à procéder d'office à l'exécution de la condamnation.
Par une ordonnance en date du 25 septembre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 novembre 2017.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le procès-verbal de contravention de grande voirie du 23 juin 2011 ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant le Château Lilian Ladouys, et de Me B..., représentant le Grand Port Maritime.
Une note en délibéré pour la société Lilian Ladouys a été enregistrée le 9 janvier 2018 dans l'instance n°16BX02018.
Considérant ce qui suit :
1. La société d'exploitation viticole Château Lilian Ladouys, sise à Saint-Estèphe (Gironde) a, le 7 juin 2010, adressé au Grand Port Maritime de Bordeaux (GPMB) une demande d'autorisation d'occupation du domaine public pour l'installation d'un carrelet sur la parcelle cadastrée section A 376 sur le territoire de la commune de Saint-Estèphe. Un procès-verbal de contravention de grande voirie a été établi le 23 juin 2011 par un agent assermenté en service sur le domaine public de l'Etat géré par le GPMB, sur la base de constatations effectuées le même jour, à l'encontre de M. Lorenzetti, président de la société Château Lilian Ladouys, pour avoir implanté sans autorisation un carrelet de pêche sur la parcelle cadastrée A 376, en sortie du chenal de Reyson dit " l'Estey d'Un ", au lieu-dit Mapon, sur le territoire de la commune de Saint-Estèphe, et avoir ainsi méconnu les articles L. 2132-6 et L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques. Saisi par le préfet de la Gironde, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a, par jugement n° 1201027 du 31 décembre 2013, condamné la société Château Lilian Ladouys, pour contravention de grande voirie, à payer une amende de 150 euros et à procéder à l'enlèvement de cette installation de pêche édifiée sans autorisation sur le domaine public et aux travaux de remise en état des lieux. Ce jugement a également autorisé le GPMB, à défaut d'exécution des travaux dans un délai de trois mois à compter de sa notification, à faire procéder à la réalisation de ces travaux aux frais et risques du contrevenant. Par une requête n° 16BX04268, la société Château Lilian Ladouys demande l'annulation de ce jugement. Par une requête n° 16BX04307, elle en demande également le sursis à exécution. Ces deux requêtes étant dirigées contre le même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
Sur la nature des écritures du Grand Port Maritime de Bordeaux au titre de chacune des instances :
2. Il résulte de l'instruction que, si le GPMB n'a pas produit au titre de la première instance, l'article 4 du jugement attaqué prévoit que celui-ci lui soit notifié. La GPMB a en revanche produit au titre du pourvoi en cassation formé par la société Château Lilian Ladouys et le Conseil d'Etat l'a regardé comme une partie en défense. Au titre de l'instance devant la cour administrative d'appel, l'ensemble de la procédure a été communiqué au GPMB, en tant que faisant partie des défendeurs, dès réception de la requête d'appel. Dans ces conditions, le GPMB doit être regardé, non comme un intervenant volontaire, mais comme une partie à l'instance. Par suite, les fins de non-recevoir opposées par la société requérante à ses conclusions d'appel en ce qu'elles sont distinctes de celles du ministre, tirées ce qu'il n'aurait que la qualité d'intervenant, ne peuvent être accueillies.
Sur la requête au fond :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
3. La société Château Lilian Ladouys fait valoir que le jugement est entaché d'omissions à statuer dans la mesure où il ne répond pas notamment au moyen tiré du manque d'impartialité de l'agent du GPMB, signataire du procès-verbal du 23 juin 2011.
4. Par un mémoire présenté devant le tribunal administratif le 6 décembre 2013, antérieurement à la clôture d'instruction, la société Château Lilian Ladouys a fait valoir que le procès-verbal dressé à son encontre était entaché d'irrégularité dans la mesure où l'agent signataire de ce procès-verbal était aussi celui qui avait instruit sa demande d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public et qu'en conséquence, cette contravention n'aurait pas été dressée dans le respect du principe d'impartialité. Il ne ressort pas des motifs du jugement attaqué que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux ait répondu à ce moyen. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens relatifs à la régularité du jugement, à en demander l'annulation.
5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les poursuites diligentées contre la société Château Lilian Ladouys.
En ce qui concerne la contravention de grande voirie :
Sur la régularité des poursuites :
6. Aux termes de l'article L. 774-2 du code de justice administrative : " Dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal. / La notification est faite dans la forme administrative, mais elle peut également être effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. / La notification indique à la personne poursuivie qu'elle est tenue, si elle veut fournir des défenses écrites, de les déposer dans le délai de quinzaine à partir de la notification qui lui est faite. / Il est dressé acte de la notification ; cet acte doit être adressé au tribunal administratif et y être enregistré comme les requêtes introductives d'instance. ".
7. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que le préfet est compétent, dès qu'il est porté atteinte au domaine public, en l'espèce celui confié à l'établissement public qu'est le GPMB, pour engager des poursuites à l'encontre de l'auteur de cette atteinte, ce qu'il ne peut faire qu'en saisissant le tribunal administratif, juge de la contravention de grande voirie. Ce juge, dès qu'il est saisi par une autorité compétente et notamment le préfet, doit se prononcer tant sur l'action publique que sur l'action domaniale, que lui soient ou non présentées des conclusions en ce sens. Eu égard aux particularités de son office, il doit vérifier, au besoin d'office, lorsque est soulevé un moyen tiré de l'irrégularité de la notification des poursuites, si la procédure n'a pas été régularisée par la saisine régulière du tribunal administratif par l'autorité compétente.
8. Si la société requérante soulève un moyen tiré de l'incompétence de l'agent ayant procédé à la notification du procès-verbal de contravention de grande voirie en litige, il résulte de l'instruction que le tribunal administratif de Bordeaux a été saisi, le 23 mars 2012, par le dépôt de conclusions du préfet de la Gironde, qui lui a également transmis le procès-verbal constatant l'infraction et la notification de ce document citant le représentant de la société à comparaître. Cette saisine du tribunal administratif a été effectuée au nom du préfet par la secrétaire générale de la préfecture, qui a reçu délégation de signature par un arrêté du 1er mars 2010 du préfet de la Gironde, à effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, mémoires, correspondances et documents, régulièrement publié le 1er mars 2010 au recueil des actes administratifs de la préfecture spécial n° 12. Par suite, dès lors que le tribunal administratif a ainsi été régulièrement saisi par l'autorité compétente, cette transmission est de nature à régulariser l'incompétence alléguée de l'auteur de la notification à la société requérante du procès-verbal en cause.
9. En deuxième lieu, la société Château Lilian Ladouys fait valoir que le procès-verbal du 23 juin 2011 ne lui a été adressé que le 7 mars 2012 soit au-delà du délai prescrit par les dispositions précitées de l'article L. 774-2 du code de justice administrative. Cependant, la circonstance que le procès-verbal établi le 23 juin 2011 n'a pas été notifié avant l'expiration du délai de dix jours prévu par ces dispositions n'a pas affecté la régularité de la procédure, dès lors, d'une part, que ce délai de dix jours n'est pas prescrit à peine de nullité, d'autre part, qu'il ne résulte pas de l'instruction que le délai dans lequel le procès-verbal a été notifié aurait eu, en l'espèce, pour effet de porter atteinte aux droits de la défense de la société Château Lilian Ladouys, quand bien même le GPMB en aurait eu connaissance plusieurs mois auparavant.
10. En troisième lieu, la société soutient que l'agent ayant dressé le procès-verbal de contravention n'était pas impartial et lui reproche de n'avoir pas rappelé les nombreux échanges qu'ils avaient eus concernant l'implantation de ce carrelet et de n'avoir pas explicité en quoi celui-ci constituerait un obstacle à la navigation. Cependant, le procès-verbal de contravention de grande voirie, qui vise les articles L. 2122-1, L. 2132-2, L. 2132-6 et L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques, rappelle les échanges entre les parties, et notamment les demandes de déplacement du carrelet, et constate un fait objectif, constitué du maintien de la construction sur le domaine public sans autorisation, alors qu'elle constitue un obstacle aux opérations d'entretien du chenal de l'Estey d'Un. En outre, le fait que l'agent verbalisateur soit précisément celui qui a instruit la demande d'autorisation d'occupation temporaire présentée par cette société n'est pas en lui-même de nature à caractériser un manque d'impartialité, alors que la contravention de grande voirie procède de constatations de fait et en particulier, du constat selon lequel cette installation de pêche constitue un obstacle aux opérations d'entretien. Ainsi, le moyen tiré de l'absence d'impartialité de l'agent verbalisateur ne peut qu'être écarté. Par ailleurs, la circonstance que le procès-verbal n'ait pas détaillé les motifs pour lesquels le carrelet constitue un obstacle aux opérations d'entretien du chenal ne saurait, contrairement à ce que soutient la société Château Lilian Ladouys, le faire regarder comme incomplet.
Sur l'existence d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public au bénéfice de la société Château Lilian Ladouys :
11. Aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. ". Selon l'article L. 2132-2 du même code : " Les contraventions de grande voirie sont instituées par la loi ou par décret, selon le montant de l'amende encourue, en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances du domaine public n'appartenant pas à la voirie routière, la protection soit de l'intégrité ou de l'utilisation de ce domaine public, soit d'une servitude administrative mentionnée à l'article L. 2131-1. / Elles sont constatées, poursuivies et réprimées par voie administrative. ". L'article L. 2132-6 de ce code dispose : " Nul ne peut construire ou laisser subsister sur les rivières et canaux domaniaux ou le long de ces voies, des ouvrages quelconques susceptibles de nuire à l'écoulement des eaux ou à la navigation sous peine de démolition des ouvrages établis ou, à défaut, de paiement des frais de la démolition d'office par l'autorité administrative compétente. ". Selon l'article L. 2132-7 du même code : " Nul ne peut, sous peine de devoir remettre les lieux en état ou, à défaut, de payer les frais de la remise en état d'office par l'autorité administrative compétente : 1° Jeter dans le lit des rivières et canaux domaniaux ou sur leurs bords des matières insalubres ou des objets quelconques ni rien qui puisse embarrasser le lit des cours d'eau ou canaux ou y provoquer des atterrissements ; 2° Y planter des pieux (...) ". Enfin, en vertu de l'article L. 2132-9 dudit code : " Les riverains, les mariniers et autres personnes sont tenus de faire enlever les pierres, terres, bois, pieux, débris de bateaux et autres empêchements qui, de leur fait ou du fait de personnes ou de choses à leur charge, se trouveraient sur le domaine public fluvial. (...) ".
12. Lorsque le juge administratif est saisi d'un procès-verbal de contravention de grande voirie, il ne peut légalement décharger le contrevenant de l'obligation de réparer les atteintes portées au domaine public que dans le cas où ce dernier produit des éléments de nature à établir que le dommage est imputable, de façon exclusive, à un cas de force majeure ou à un fait de l'administration assimilable à un cas de force majeure.
13. La société Château Lilian Ladouys soutient que la contravention de grande voirie relevée à son encontre n'est pas constituée dans la mesure où elle a implanté son carrelet de pêche à un emplacement sur lequel elle bénéficiait d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public.
14. Ni l'article L. 2122-1 précité du code général de la propriété des personnes publiques, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'imposent qu'une autorisation d'occuper le domaine public soit accordée sous forme écrite, une telle autorisation devant seulement revêtir un caractère exprès.
15. Il résulte de l'instruction que la société Château Lilian Ladouys a adressé au GPMB, le 7 juin 2010, une demande d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public afin d'installer, sur la parcelle A 376, un carrelet de pêche. Par un courrier électronique du 10 juin 2010, l'agent chargé d'instruire la demande de la société, lui a indiqué que son dossier était complet et n'appelait aucune remarque en l'état. Il lui a alors précisé qu'il faisait le nécessaire afin d'établir son titre d'occupation et l'a, durant le temps de l'instruction de sa demande, autorisée à commencer les travaux d'implantation du carrelet. Par un courrier électronique daté du 22 juillet 2010, il a précisé que le titre ne serait établi qu'en septembre mais a réitéré l'autorisation qu'il lui avait donnée de commencer les travaux. Enfin, par un dernier courriel en date du 2 septembre 2010, cet agent a informé la société que son titre d'occupation avait été créé et lui a transmis les références de celui-ci, à savoir les numéros de la décision et de son titre d'occupation, et son numéro client. Ainsi, confortée quant à l'existence d'une autorisation d'occupation temporaire à son bénéfice, la société a alors entrepris les travaux de construction du carrelet, lesquels ont été achevés fin septembre 2010. En octobre et novembre 2010 lui ont cependant été adressés des courriers lui demandant de déplacer son installation de pêche au motif qu'elle constituait un obstacle aux opérations de nettoyage du fleuve. Par un courrier du 11 juillet 2011, le chef du service juridique du GPMB a d'ailleurs confirmé qu'il avait été procédé à la " suspension de l'autorisation d'occupation temporaire jusqu'à régularisation ", révélant ainsi l'existence même d'une autorisation au profit de cette société. Enfin, la société a versé au dossier une lettre datée du 1er février 2012 relative aux tarifs d'occupation domaniale, que le directeur général du GPMB lui a adressée, en qualité de titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire. Dans ces conditions, et quand bien même l'autorisation d'occupation temporaire n'aurait pas été signée par le directeur de GPMB, la société Château Lilian Ladouys doit être regardée comme ayant été titulaire d'une telle autorisation.
Sur la légalité de la modification de l'autorisation initiale d'occupation temporaire du domaine public :
16. Le procès-verbal du 23 juin 2011 se fonde notamment, pour établir la contravention de grande voirie à l'encontre de cette société, sur le fait que la société Château Lilian Ladouys a maintenu son carrelet malgré plusieurs demandes tendant à ce qu'elle procède à son déplacement. Par un courrier du 7 octobre 2010, le chef du département de la gestion immobilière du GPMB avait en effet indiqué à cette société que l'implantation de son carrelet ne respectait pas l'emplacement initial et lui avait demandé de modifier cette implantation afin de respecter la cote PK55 980. Les termes de ce courrier ont été confirmés par une lettre du directeur de l'aménagement et de l'environnement du 23 novembre 2010. Dans ces conditions, le GPMB doit être regardé comme ayant procédé, le 23 novembre 2010, non à un retrait de l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public dont le principe n'est pas remis en cause en faveur de la société, comme le montre d'ailleurs le courrier précité du 1er février 2012 du GPMB, mais à une modification de cette autorisation eu égard à l'emplacement autorisé.
17. En premier lieu, la lettre du 23 novembre 2010 modifiant l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public dont la société Château Lilian Ladouys était bénéficiaire précise que cette société n'a pas implanté son carrelet à l'endroit qu'elle avait indiqué dans sa demande d'autorisation et que l'implantation retenue en entrée de chenal constitue un " obstacle rédhibitoire " à l'entretien de l'Estey d'Un. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit dès lors être écarté.
18. En deuxième lieu, la société Château Lilian Ladouys soutient que cette modification est intervenu en méconnaissance du principe du contradictoire. Cependant, il résulte de l'instruction qu'à la suite de la lettre du 7 octobre 2010 l'invitant à déplacer son carrelet, la société requérante a présenté ses observations le 9 novembre suivant. La lettre du 23 novembre 2010 lui a alors confirmé la demande de déplacement de cette installation. Par suite, le moyen tiré de ce que la modification de cette autorisation d'occupation temporaire du domaine public serait intervenue en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 doit être écarté.
19. En troisième lieu, cette modification est fondée sur deux motifs distincts, tirés de ce que la société Château Lilian Ladouys n'a pas respecté l'emplacement convenu pour implanter son carrelet et de ce que cette installation de pêche constitue un obstacle aux travaux d'entretien du chenal.
20. D'une part, la société soutient avoir implanté son carrelet à l'emplacement que lui avait indiqué l'agent chargé de l'instruction de sa demande d'autorisation, après avoir effectué une visite des lieux. Il résulte en effet des attestations précises, circonstanciées et cohérentes versées au dossier, et qui émanent de trois personnes présentes lors de la réunion du 11 décembre 2009, qu'au cours de cette réunion sur le lieu d'implantation du projet, deux emplacements avaient été envisagés, dont celui actuellement occupé par la société. La requérante soutient, sans être contredite, que l'agent du GPMB lui aurait indiqué, par téléphone, dans les jours ayant suivi cet entretien, qu'en raison de la location à un tiers du premier emplacement, elle pouvait installer son carrelet sur le second emplacement identifié lors de cette réunion, et qui se situait sur les vestiges de poteaux d'un ancien carrelet. Ce n'est finalement que lors d'une réunion qui s'est tenue le 24 septembre 2010, alors que le carrelet était en place, en présence du représentant du GPMB et d'un représentant du syndicat intercommunal d'aménagement hydraulique des bassins versants du Centre Médoc, qu'a été discuté l'obstacle que pouvait constituer cette installation aux opérations d'entretien et de circulation dans le chenal et qu'il a, en conséquence, été demandé à la société de déplacer cet ouvrage. L'administration, pour justifier du bien-fondé de la contravention de grande voirie, se réfère au plan joint à la demande d'autorisation d'occupation temporaire qu'avait présentée la société Château Lilian Ladouys le 7 juin 2010. Cette demande précise que " l'installation sera située sur la parcelle section A n° 376 sur la commune de Saint-Estèphe, conformément au plan de localisation joint ". Toutefois, le plan de localisation versé à l'appui de cette demande se bornait à flécher la parcelle A 376 sans faire apparaître l'implantation précise du carrelet. Ainsi, et alors que la société doit être regardée, comme cela a été dit ci-dessus, comme ayant obtenu une autorisation d'occupation, ce plan ne peut être regardé comme impliquant nécessairement que le carrelet soit installé au point kilométrique PK 55980. L'administration ne saurait dès lors, pour justifier sa décision de modification, reprocher à la société requérante d'avoir implanté son carrelet à un emplacement autre que celui pour lequel elle avait obtenu une autorisation.
21. Cependant, d'autre part, il résulte de l'instruction, et en particulier des photographies versées par l'administration, que le carrelet en cause est situé en entrée de chenal, à un endroit où celui-ci forme un coude. Compte tenu de la configuration des lieux et de la présence, sur l'autre rive, d'un autre carrelet, l'installation en litige était de nature à faire obstacle au passage des navires chargés de l'entretien du cours d'eau. Dans ces conditions, en procédant à la modification de l'autorisation d'occupation du domaine public au motif que le carrelet en litige constituait un obstacle aux travaux d'entretien du chenal, et quand bien même cette modification est-elle intervenue peu de temps après que la société requérante eût terminé les travaux, et alors qu'une autorisation d'occupation du domaine public est par nature précaire et révocable, l'autorité gestionnaire du domaine public a exercé son pouvoir d'appréciation d'une façon qui n'est pas manifestement dénuée de fondement. En tout état de cause, il est constant que le procès-verbal en litige a été dressé, non pour construction irrégulière ou absence d'autorisation d'occupation du domaine public, mais pour maintien de la construction malgré mise en demeure de la déplacer. Par suite, et alors que la société Château Lilian Ladouys n'établit pas que son refus de déplacer l'installation serait dû, de façon exclusive, à un cas de force majeure ou à un fait de l'administration assimilable à un cas de force majeure, elle n'est pas fondée à solliciter la décharge de l'obligation de réparer les atteintes portées au domaine public.
22. Aux termes de l'article L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques : " (...) Le contrevenant est passible d'une amende de 150 à 12 000 euros, de la confiscation de l'objet constituant l'obstacle et du remboursement des frais d'enlèvement d'office par l'autorité administrative compétente. ".
23. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société Château Lilian Ladouys à une amende de 300 euros.
En ce qui concerne l'action domaniale :
24. Il y a lieu d'enjoindre à la société Château Lilian Ladouys, de démonter l'installation de pêche occupant sans autorisation le domaine public et de remettre les lieux en état, dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, ainsi que d'autoriser le Grand Port Maritime de Bordeaux à procéder d'office à l'exécution de cette condamnation aux frais, risques et périls du contrevenant, en cas d'inexécution passé ce délai.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires présentées par le GPMB :
25. Le GPMB demande que la société Château Lilian Ladouys soit condamnée à lui verser la somme de 2 000 euros " pour résistance abusive ", conclusion qui doit être regardée comme une demande indemnitaire. Cependant, d'une part, le GPMB n'établit pas la réalité et le montant de son préjudice et, d'autre part, cette conclusion est fondée sur une cause juridique nouvelle en appel. Par suite, ladite conclusion n'est pas recevable.
Sur la requête à fin de sursis à exécution :
26. Le présent arrêt statue sur l'appel de la société Château Lilian Ladouys tendant à l'annulation du jugement attaqué. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
27. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur ce fondement au titre des deux instances.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1201027 du 31 décembre 2013 du magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : La société Château Lilian Ladouys est condamnée à payer une amende d'un montant de 300 euros (trois cents euros).
Article 3 : La société Château Lilian Ladouys devra, pour le cas où elle ne l'aurait déjà fait, démonter l'installation de pêche occupant sans autorisation le domaine public et remettre les lieux en état, dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Le Grand Port Maritime de Bordeaux est autorisé à procéder d'office à l'exécution de cette condamnation aux frais, risques et périls du contrevenant, en cas d'inexécution passé ce délai.
Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 16BX04307 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1201027.
Article 5 : Le surplus des conclusions du préfet de la Gironde, les conclusions de la société Château Lilian Ladouys et celles du Grand Port Maritime de Bordeaux tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les conclusions indemnitaires présentées par ce dernier, sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Château Lilian Ladouys, au ministre de la transition écologique et solidaire, au préfet de la Gironde et au Grand Port Maritime de Bordeaux.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2018 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Gil Cornevaux, président-assesseur,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 février 2018.
Le rapporteur,
Florence Rey-GabriacLe président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
2
N°s 16BX02018, 16BX04307
Procédures contentieuses antérieures :
Le préfet de la Gironde a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de constater que l'installation de pêche implantée par la société Château Lilian Ladouys en sortie du canal de Reyson dit l'Estey d'Un, au droit du lieu-dit Mapon sur la commune de Saint-Estèphe, établie par procès-verbal du 23 juin 2011, constituait une contravention de grande voirie, de condamner cette société au paiement de l'amende prévue à l'article L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques ainsi qu'à la démolition de cette installation et à la remise en l'état des lieux et d'autoriser le grand port maritime de Bordeaux à procéder, aux frais et risques de cette société, à cette démolition et cette remise en l'état à défaut d'exécution sous huit jours à compter de la notification du jugement.
Par un jugement n° 1201027 du 31 décembre 2013, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a condamné cette société à une amende de 150 euros, lui a ordonné de démonter cette installation et de remettre les lieux en l'état dans un délai de trois mois suivant la notification de son jugement et a autorisé le grand port maritime de Bordeaux à y procéder d'office aux frais, risques et périls du contrevenant passé ce délai.
Par un arrêt n°s 14BX00648, 14BX00706 du 9 juillet 2014, la cour administrative d'appel de Bordeaux, a, d'une part, après avoir annulé ce jugement, fait droit à la demande du préfet par un dispositif identique et, d'autre part, prononcé un non-lieu à statuer sur la requête de la société Lilian Ladouys tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement.
Par une décision n° 384380 du 15 juin 2016, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a annulé l'arrêt du 9 juillet 2014 de la cour administrative d'appel de Bordeaux et lui a renvoyé l'affaire.
Procédures devant la cour :
I) Par une requête et des mémoires, enregistrés le 28 février 2014, le 5 juin 2014 et le 2 septembre 2016 le n° 16BX02018, la société Château Lilian Ladouys, dont le siège est Château Lilian Ladouys à Saint Estèphe (33180), représentée par la SelarlA..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1201027 du 31 décembre 2013 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée à payer une amende de 150 euros, à démonter son installation de pêche et à remettre les lieux en l'état dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement, le Grand port maritime de Bordeaux étant autorisé, à défaut d'exécution dans ledit délai, à faire procéder à la réalisation de ces travaux aux frais et risques du contrevenant ;
2°) de rejeter la demande du préfet de la Gironde présentée devant el tribunal administratif de Bordeaux ;
3°) de prononcer la relaxe des fins de la poursuite engagée à son encontre à la suite du procès-verbal de contravention de grande voirie du 23 juin 2011 ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761 1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le mémoire présenté par le Grand Port Maritime de Bordeaux (GPMB) et ses conclusions sont irrecevables ; il s'agit d'une intervention volontaire ; le GPMB ne fait état d'aucun intérêt distinct de celui du préfet ni aucun droit auquel il est susceptible d'être porté préjudice ; en tout état de cause, ses demandes de condamnation ne peuvent émaner d'un intervenant qui n'a pas la qualité de partie à l'instance et de ce fait, il ne peut formuler des demandes distinctes de celles du préfet ;
- le jugement attaqué est entaché d'omissions à statuer dans la mesure où il ne répond pas au moyen tiré de ce que le GPMB lui aurait délivré une autorisation d'occupation du domaine public revêtue d'un caractère exprès et à celui tiré du manque d'impartialité de l'agent signataire du procès-verbal du 23 juin 2011 ;
- ce jugement est également insuffisamment motivé et comporte des contradictions dans ses motifs ; il a repris l'argumentation du préfet selon laquelle cette cabane de pêche constituerait un obstacle à la navigation, alors même qu'elle n'est fondée sur aucune pièce du dossier et que le tribunal, qui s'est abstenu de mettre en oeuvre ses pouvoirs d'instruction alors qu'il lui était demandé d'ordonner la production des observations du syndicat intercommunal hydraulique des bassins versants du Médoc au GPMB, est d'ailleurs allé au-delà de cette allégation en précisant que cette cabane constituait " notamment " un obstacle à l'entretien du chenal, alors qu'aucun autre obstacle à la navigation n'était allégué ; en relevant que la société avait pu être induite en erreur par les assurances données par les services du GPMB quant au caractère approprié de l'emplacement du carrelet, le tribunal a également entaché son jugement d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif ;
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, elle disposait bien d'une autorisation expresse d'occupation du domaine public fluvial ; une telle autorisation peut être orale ; le principe de l'occupation était acquis depuis la réunion du 11 décembre 2009 au cours de laquelle avait seulement été discuté l'emplacement de l'installation projetée ; l'autorisation de travaux accordée par les courriels des 10 juin et 22 juillet 2010 révélait l'existence d'une autorisation d'occupation du domaine public ; dans son mémoire enregistré le 8 février 2013, le préfet a d'ailleurs admis l'existence de cette autorisation ;
- cette autorisation doit être regardée, compte tenu des termes employés par les courriers des 11 juillet 2011 et 1er février 2012, comme ayant été retirée au motif que l'emplacement était différent de celui initialement autorisé ; ce retrait est intervenu en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 ; il n'est pas justifié dans la mesure où l'emplacement de son carrelet n'est pas différent de celui prévu dans la demande ; le plan qu'elle avait adressé au GPMB n'indiquait pas l'emplacement exact de cette construction mais simplement la parcelle A 376 sur laquelle elle devait être installée ; le plan annexé à sa demande a été falsifié par l'administration ; le choix de l'emplacement à l'origine du retrait de l'autorisation est directement et exclusivement le fait de GPMB ; en outre, il n'est pas établi que cet emplacement constituerait un obstacle aux opérations d'entretien du chenal ; d'ailleurs, les photographies annexées au procès-verbal du 23 juin 2011 montrent l'existence de carrelets sur l'autre rive, lesquels ne semblent pas poser de difficulté pour son entretien ;
- subsidiairement, le GPMB a commis des fautes, notamment en déterminant l'emplacement du carrelet, ainsi que l'a reconnu le tribunal administratif ; c'est l'information erronée quant à l'emplacement qui a conduit le GPMB à considérer qu'elle n'avait pas respecté l'emplacement sollicité et à lui retirer l'autorisation d'occupation délivrée ; elle n'a en revanche commis aucune faute en exécutant une autorisation de construire accordée par le GPMB dans deux courriels des 10 juin et 22 juillet 2010 ; la faute du GPMB est à l'origine du dommage ; une erreur ou une négligence de l'administration peut constituer une faute lourde assimilable par sa gravité à un cas de force majeure ; en l'espèce, l'erreur commise par le GPMB dans la détermination de l'emplacement du carrelet est constitutive d'une faute lourde ; cette faute lourde est à l'origine exclusive du dommage ;
- contrairement aux exigences de l'article L. 774-2 du code de justice administrative, le procès-verbal du 23 juin 2011 ne lui a pas été adressé dans le délai de huit jours, mais seulement le 7 mars 2012, alors qu'il a été transmis rapidement au GPMB ainsi qu'en atteste le fait qu'il a été mentionné dans son courrier du 11 juillet 2011 ;
- la notification de ce procès-verbal a été réalisée par le chef du pôle juridique et contentieux qui ne disposait pas d'une délégation pour y procéder ;
- l'agent ayant dressé le procès-verbal n'était pas impartial, ainsi qu'en témoigne le fait qu'il n'ait pas rappelé les échanges oraux et écrits des mois de juillet et septembre 2010 ; il n'a pas dressé un procès-verbal complet dans la mesure où celui-ci ne comporte aucun élément expliquant en quoi ce carrelet constituerait un obstacle à la navigation ; l'agent ayant dressé ce procès-verbal a en outre commis une erreur portant sur le lieu d'implantation de l'installation de pêche ; c'est bien ce défaut de compétence qui est à l'origine de l'erreur d'emplacement sur le domaine public.
Par deux mémoires, enregistrés le 22 mai 2014 et le 30 août 2016, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie puis le ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, concluent au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le jugement n'est pas entaché d'irrégularité :
- le jugement n'est entaché d'aucune omission à statuer ; le tribunal a pris en compte le moyen tiré de ce que la société aurait été titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire orale ; la société n'avait pas invoqué, en première instance, le moyen tiré du manque d'impartialité de l'agent verbalisateur ; il est également suffisamment motivé et n'est pas entaché d'une contradiction entre ses motifs et son dispositif ;
Les poursuites sont bien fondées :
- le positionnement du carrelet, à l'entrée du chenal de l'Estey d'Un, constitue un obstacle à l'entretien du chenal et à la navigation ; la construction de cet ouvrage étant donc incompatible avec l'affectation du domaine public, la contravention de grande voirie est justifiée ;
- la société n'était pas titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public ; elle avait uniquement été informée de la délivrance prochaine de cette autorisation ; en tout état de cause, les courriers de l'agent du GPMB ne sauraient constituer une autorisation dès lors qu'ils émanent d'une autorité incompétente pour délivrer cette autorisation ;
- à supposer que la cour considère que les courriers écrits et les prétendues assurances verbales revêtaient un caractère exprès, l'auteur de ces échanges n'était pas compétent pur délivrer une autorisation d'occupation du domaine public ;
- la société ne saurait se prévaloir de la jurisprudence de la cour administrative d'appel de Marseille dans la mesure où elle se heurte à la position du Conseil d'Etat ; un permis de construire sur le domaine public ne vaut pas autorisation d'occupation de celui-ci ; la société ne saurait dès lors se prévaloir du fait qu'une autorisation de travaux lui avait été accordée ;
- il ne peut y avoir eu retrait d'une autorisation d'occupation du domaine public, dès lors qu'aucune décision d'autorisation n'était intervenue préalablement ; à supposer que la cour considère que telle autorisation avait été délivrée, le moyen tiré de l'irrégularité de son retrait devra être écarté ;
- la société n'a pas implanté son carrelet à l'endroit qu'elle avait indiqué dans sa demande d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public ; lors d'un contrôle sur les lieux, il est apparu qu'elle avait modifié l'emplacement du carrelet par rapport à celui indiqué dans sa demande initiale ;
- compte tenu des courriers qui lui ont été adressés les 7 octobre et 23 novembre 2010, la société pouvait présenter ses observations sur la demande de retrait formulée par GPMB ; le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire et des droits de la défense manque dès lors en fait ;
- aucune faute n'est imputable au GPMB dans la mesure où la société a modifié l'emplacement du carrelet ; en tout état de cause, il ne peut s'agir d'une faute lourde imputable à un cas de force majeure, preuve qui incombe à la société dans le cadre d'une contravention de grande voirie ;
- si par extraordinaire la cour admettait que les services du GPMB ont commis une faute, aucun des faits invoqués par la requérante ne revêt le caractère d'une faute lourde ou n'est assimilable, par sa gravité à un cas de faute majeure ; en tout état de cause, compte tenu de l'imprudence de la société, le dommage ne saurait être imputé de façon exclusive à l'administration ;
La procédure n'est pas entachée d'irrégularité :
- la société n'établit pas que l'agent ayant dressé le procès-verbal de grande voirie n'aurait pas été impartial ;
- le délai de dix jours entre la date de rédaction du procès-verbal et sa notification au contrevenant prévu par l'article L. 742-2 du code n'est pas prescrit à peine de nullité ; le délai entre la rédaction du procès-verbal et sa notification n'a pas placé la contrevenante dans l'impossibilité de réunir les éléments utiles à sa défense ;
- l'acte du 7 mars 2012 portant notification du procès-verbal a été signé par la chef du pôle juridique et contentieux, laquelle avait reçu délégation de signature le 31 août 2010 par un arrêté publié au recueil de actes administratifs de la préfecture de la Gironde ; les poursuites ont été introduites devant le tribunal administratif par la secrétaire générale de la préfecture, qui disposait d'une délégation de signature en vertu d'un arrêté du 1er mars 2010 régulièrement publié ; la notification des poursuites en matière de contravention de grande voirie est de toutes façons régularisée par la saisine du tribunal administratif par l'autorité compétente.
Par un mémoire, enregistré le 8 septembre 2016, le Grand Port Maritime de Bordeaux (GPMB), représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour :
1°) de condamner la société Château Lilian Ladouys à démonter l'installation de pêche et remettre les lieux en l'état dans le délai de trois mois ;
2°) de juger que, passé ce délai, le GPMB sera autorisé à procéder d'office à l'exécution de cette condamnation aux frais, risques et périls du contrevenant ;
3°) de condamner la société Château Lilian Ladouys à lui verser la somme de 2 000 euros pour résistance abusive ;
4°) de mettre à la charge de la société Château Lilian Ladouys la somme de 4 000 euros à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- le jugement attaqué n'est pas entaché des irrégularités invoquées ;
- la société Lilian Ladouys n'était pas titulaire d'une autorisation d'occupation du domaine public ; le GPMB ne lui en a jamais délivrée, en tout cas, jamais d'autorisation écrite ; en conséquence, il ne peut y avoir eu de retrait d'autorisation ;
- la société n'a pas respecté l'emplacement prévu comme l'a montré le contrôle sur place ; elle n'a pas non plus déplacé son installation comme il le lui a demandé.
Par une ordonnance en date du 5 octobre 2016, la clôture de l'instruction a été reportée au 27 octobre 2016.
Un mémoire pour la société Château Lilian Ladouys a été enregistré le 8 décembre 2017.
II) Par une requête et un mémoire, enregistrés le 28 février 2014 et le 24 octobre 2017, sous le n° 16BX04307, la société Château Lilian Ladouys, représentée par la SelarlA..., demande à la cour :
1°) d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 1201027 du 31 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux l'a condamnée à payer une amende de 150 euros, à démonter une installation de pêche et à remettre les lieux en l'état dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement, le préfet de la Gironde étant autorisé, à défaut d'exécution dans ledit délai, à faire procéder à la réalisation de ces travaux aux frais et risques du contrevenant ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros à lui verser au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- ce jugement aurait des conséquences difficilement réparables, justifiant qu'il soit sursis à son exécution, dans la mesure où il la contraint à démonter son installation de pêche et à remettre les lieux en l'état dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement, le GPMB ayant été autorisé à procéder d'office à l'exécution de cette condamnation aux frais, risques et périls de cette société ; les conséquences financières de ce jugement seraient difficilement réparables dans la mesure où elle perdrait au minimum une somme de 67 680 euros correspondant au coût de cette construction et de son démontage ; de plus, elle perdrait toute chance de pouvoir maintenir ou implanter une cabane de pêche sur la parcelle A 376 alors que d'autres autorisations d'occupation du domaine public ont été délivrées sur cette même parcelle ; l'exécution du jugement rendrait ainsi sans intérêt une annulation de celui-ci par la cour ;
- il existe des moyens sérieux justifiant le prononcé de l'annulation de ce jugement ; elle reprend ainsi les moyens soulevés dans la requête au fond.
Par un mémoire, enregistré le 27 septembre 2017, le Grand Port Maritime de Bordeaux (GPMB), représenté par MeC..., conclut au rejet de la requête, à la condamnation de la société Château Lilian Ladouys à la somme de 2 000 euros pour résistance abusive et à ce qu'il soit mis à la charge de celle-ci la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que la société ne produit, à l'appui de sa requête, aucun élément permettant raisonnablement de prouver que l'exécution du jugement entraînerait pour elle des conséquences financières difficilement réparables ; au contraire, elle n'a jamais procédé à l'exécution d'un jugement qui remonte à plus de trois ans, alors que le GPMB était autorisé, passé le délai de trois mois, à procéder d'office à l'exécution de la condamnation.
Par une ordonnance en date du 25 septembre 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 novembre 2017.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le procès-verbal de contravention de grande voirie du 23 juin 2011 ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Florence Rey-Gabriac,
- les conclusions de Mme Béatrice Molina-Andréo, rapporteur public,
- et les observations de MeA..., représentant le Château Lilian Ladouys, et de Me B..., représentant le Grand Port Maritime.
Une note en délibéré pour la société Lilian Ladouys a été enregistrée le 9 janvier 2018 dans l'instance n°16BX02018.
Considérant ce qui suit :
1. La société d'exploitation viticole Château Lilian Ladouys, sise à Saint-Estèphe (Gironde) a, le 7 juin 2010, adressé au Grand Port Maritime de Bordeaux (GPMB) une demande d'autorisation d'occupation du domaine public pour l'installation d'un carrelet sur la parcelle cadastrée section A 376 sur le territoire de la commune de Saint-Estèphe. Un procès-verbal de contravention de grande voirie a été établi le 23 juin 2011 par un agent assermenté en service sur le domaine public de l'Etat géré par le GPMB, sur la base de constatations effectuées le même jour, à l'encontre de M. Lorenzetti, président de la société Château Lilian Ladouys, pour avoir implanté sans autorisation un carrelet de pêche sur la parcelle cadastrée A 376, en sortie du chenal de Reyson dit " l'Estey d'Un ", au lieu-dit Mapon, sur le territoire de la commune de Saint-Estèphe, et avoir ainsi méconnu les articles L. 2132-6 et L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques. Saisi par le préfet de la Gironde, le magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux a, par jugement n° 1201027 du 31 décembre 2013, condamné la société Château Lilian Ladouys, pour contravention de grande voirie, à payer une amende de 150 euros et à procéder à l'enlèvement de cette installation de pêche édifiée sans autorisation sur le domaine public et aux travaux de remise en état des lieux. Ce jugement a également autorisé le GPMB, à défaut d'exécution des travaux dans un délai de trois mois à compter de sa notification, à faire procéder à la réalisation de ces travaux aux frais et risques du contrevenant. Par une requête n° 16BX04268, la société Château Lilian Ladouys demande l'annulation de ce jugement. Par une requête n° 16BX04307, elle en demande également le sursis à exécution. Ces deux requêtes étant dirigées contre le même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.
Sur la nature des écritures du Grand Port Maritime de Bordeaux au titre de chacune des instances :
2. Il résulte de l'instruction que, si le GPMB n'a pas produit au titre de la première instance, l'article 4 du jugement attaqué prévoit que celui-ci lui soit notifié. La GPMB a en revanche produit au titre du pourvoi en cassation formé par la société Château Lilian Ladouys et le Conseil d'Etat l'a regardé comme une partie en défense. Au titre de l'instance devant la cour administrative d'appel, l'ensemble de la procédure a été communiqué au GPMB, en tant que faisant partie des défendeurs, dès réception de la requête d'appel. Dans ces conditions, le GPMB doit être regardé, non comme un intervenant volontaire, mais comme une partie à l'instance. Par suite, les fins de non-recevoir opposées par la société requérante à ses conclusions d'appel en ce qu'elles sont distinctes de celles du ministre, tirées ce qu'il n'aurait que la qualité d'intervenant, ne peuvent être accueillies.
Sur la requête au fond :
En ce qui concerne la régularité du jugement :
3. La société Château Lilian Ladouys fait valoir que le jugement est entaché d'omissions à statuer dans la mesure où il ne répond pas notamment au moyen tiré du manque d'impartialité de l'agent du GPMB, signataire du procès-verbal du 23 juin 2011.
4. Par un mémoire présenté devant le tribunal administratif le 6 décembre 2013, antérieurement à la clôture d'instruction, la société Château Lilian Ladouys a fait valoir que le procès-verbal dressé à son encontre était entaché d'irrégularité dans la mesure où l'agent signataire de ce procès-verbal était aussi celui qui avait instruit sa demande d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public et qu'en conséquence, cette contravention n'aurait pas été dressée dans le respect du principe d'impartialité. Il ne ressort pas des motifs du jugement attaqué que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Bordeaux ait répondu à ce moyen. Par suite, la société requérante est fondée à soutenir que le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens relatifs à la régularité du jugement, à en demander l'annulation.
5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les poursuites diligentées contre la société Château Lilian Ladouys.
En ce qui concerne la contravention de grande voirie :
Sur la régularité des poursuites :
6. Aux termes de l'article L. 774-2 du code de justice administrative : " Dans les dix jours qui suivent la rédaction d'un procès-verbal de contravention, le préfet fait faire au contrevenant notification de la copie du procès-verbal. / La notification est faite dans la forme administrative, mais elle peut également être effectuée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. / La notification indique à la personne poursuivie qu'elle est tenue, si elle veut fournir des défenses écrites, de les déposer dans le délai de quinzaine à partir de la notification qui lui est faite. / Il est dressé acte de la notification ; cet acte doit être adressé au tribunal administratif et y être enregistré comme les requêtes introductives d'instance. ".
7. En premier lieu, il résulte de ces dispositions que le préfet est compétent, dès qu'il est porté atteinte au domaine public, en l'espèce celui confié à l'établissement public qu'est le GPMB, pour engager des poursuites à l'encontre de l'auteur de cette atteinte, ce qu'il ne peut faire qu'en saisissant le tribunal administratif, juge de la contravention de grande voirie. Ce juge, dès qu'il est saisi par une autorité compétente et notamment le préfet, doit se prononcer tant sur l'action publique que sur l'action domaniale, que lui soient ou non présentées des conclusions en ce sens. Eu égard aux particularités de son office, il doit vérifier, au besoin d'office, lorsque est soulevé un moyen tiré de l'irrégularité de la notification des poursuites, si la procédure n'a pas été régularisée par la saisine régulière du tribunal administratif par l'autorité compétente.
8. Si la société requérante soulève un moyen tiré de l'incompétence de l'agent ayant procédé à la notification du procès-verbal de contravention de grande voirie en litige, il résulte de l'instruction que le tribunal administratif de Bordeaux a été saisi, le 23 mars 2012, par le dépôt de conclusions du préfet de la Gironde, qui lui a également transmis le procès-verbal constatant l'infraction et la notification de ce document citant le représentant de la société à comparaître. Cette saisine du tribunal administratif a été effectuée au nom du préfet par la secrétaire générale de la préfecture, qui a reçu délégation de signature par un arrêté du 1er mars 2010 du préfet de la Gironde, à effet de signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, mémoires, correspondances et documents, régulièrement publié le 1er mars 2010 au recueil des actes administratifs de la préfecture spécial n° 12. Par suite, dès lors que le tribunal administratif a ainsi été régulièrement saisi par l'autorité compétente, cette transmission est de nature à régulariser l'incompétence alléguée de l'auteur de la notification à la société requérante du procès-verbal en cause.
9. En deuxième lieu, la société Château Lilian Ladouys fait valoir que le procès-verbal du 23 juin 2011 ne lui a été adressé que le 7 mars 2012 soit au-delà du délai prescrit par les dispositions précitées de l'article L. 774-2 du code de justice administrative. Cependant, la circonstance que le procès-verbal établi le 23 juin 2011 n'a pas été notifié avant l'expiration du délai de dix jours prévu par ces dispositions n'a pas affecté la régularité de la procédure, dès lors, d'une part, que ce délai de dix jours n'est pas prescrit à peine de nullité, d'autre part, qu'il ne résulte pas de l'instruction que le délai dans lequel le procès-verbal a été notifié aurait eu, en l'espèce, pour effet de porter atteinte aux droits de la défense de la société Château Lilian Ladouys, quand bien même le GPMB en aurait eu connaissance plusieurs mois auparavant.
10. En troisième lieu, la société soutient que l'agent ayant dressé le procès-verbal de contravention n'était pas impartial et lui reproche de n'avoir pas rappelé les nombreux échanges qu'ils avaient eus concernant l'implantation de ce carrelet et de n'avoir pas explicité en quoi celui-ci constituerait un obstacle à la navigation. Cependant, le procès-verbal de contravention de grande voirie, qui vise les articles L. 2122-1, L. 2132-2, L. 2132-6 et L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques, rappelle les échanges entre les parties, et notamment les demandes de déplacement du carrelet, et constate un fait objectif, constitué du maintien de la construction sur le domaine public sans autorisation, alors qu'elle constitue un obstacle aux opérations d'entretien du chenal de l'Estey d'Un. En outre, le fait que l'agent verbalisateur soit précisément celui qui a instruit la demande d'autorisation d'occupation temporaire présentée par cette société n'est pas en lui-même de nature à caractériser un manque d'impartialité, alors que la contravention de grande voirie procède de constatations de fait et en particulier, du constat selon lequel cette installation de pêche constitue un obstacle aux opérations d'entretien. Ainsi, le moyen tiré de l'absence d'impartialité de l'agent verbalisateur ne peut qu'être écarté. Par ailleurs, la circonstance que le procès-verbal n'ait pas détaillé les motifs pour lesquels le carrelet constitue un obstacle aux opérations d'entretien du chenal ne saurait, contrairement à ce que soutient la société Château Lilian Ladouys, le faire regarder comme incomplet.
Sur l'existence d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public au bénéfice de la société Château Lilian Ladouys :
11. Aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. ". Selon l'article L. 2132-2 du même code : " Les contraventions de grande voirie sont instituées par la loi ou par décret, selon le montant de l'amende encourue, en vue de la répression des manquements aux textes qui ont pour objet, pour les dépendances du domaine public n'appartenant pas à la voirie routière, la protection soit de l'intégrité ou de l'utilisation de ce domaine public, soit d'une servitude administrative mentionnée à l'article L. 2131-1. / Elles sont constatées, poursuivies et réprimées par voie administrative. ". L'article L. 2132-6 de ce code dispose : " Nul ne peut construire ou laisser subsister sur les rivières et canaux domaniaux ou le long de ces voies, des ouvrages quelconques susceptibles de nuire à l'écoulement des eaux ou à la navigation sous peine de démolition des ouvrages établis ou, à défaut, de paiement des frais de la démolition d'office par l'autorité administrative compétente. ". Selon l'article L. 2132-7 du même code : " Nul ne peut, sous peine de devoir remettre les lieux en état ou, à défaut, de payer les frais de la remise en état d'office par l'autorité administrative compétente : 1° Jeter dans le lit des rivières et canaux domaniaux ou sur leurs bords des matières insalubres ou des objets quelconques ni rien qui puisse embarrasser le lit des cours d'eau ou canaux ou y provoquer des atterrissements ; 2° Y planter des pieux (...) ". Enfin, en vertu de l'article L. 2132-9 dudit code : " Les riverains, les mariniers et autres personnes sont tenus de faire enlever les pierres, terres, bois, pieux, débris de bateaux et autres empêchements qui, de leur fait ou du fait de personnes ou de choses à leur charge, se trouveraient sur le domaine public fluvial. (...) ".
12. Lorsque le juge administratif est saisi d'un procès-verbal de contravention de grande voirie, il ne peut légalement décharger le contrevenant de l'obligation de réparer les atteintes portées au domaine public que dans le cas où ce dernier produit des éléments de nature à établir que le dommage est imputable, de façon exclusive, à un cas de force majeure ou à un fait de l'administration assimilable à un cas de force majeure.
13. La société Château Lilian Ladouys soutient que la contravention de grande voirie relevée à son encontre n'est pas constituée dans la mesure où elle a implanté son carrelet de pêche à un emplacement sur lequel elle bénéficiait d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public.
14. Ni l'article L. 2122-1 précité du code général de la propriété des personnes publiques, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'imposent qu'une autorisation d'occuper le domaine public soit accordée sous forme écrite, une telle autorisation devant seulement revêtir un caractère exprès.
15. Il résulte de l'instruction que la société Château Lilian Ladouys a adressé au GPMB, le 7 juin 2010, une demande d'autorisation d'occupation temporaire du domaine public afin d'installer, sur la parcelle A 376, un carrelet de pêche. Par un courrier électronique du 10 juin 2010, l'agent chargé d'instruire la demande de la société, lui a indiqué que son dossier était complet et n'appelait aucune remarque en l'état. Il lui a alors précisé qu'il faisait le nécessaire afin d'établir son titre d'occupation et l'a, durant le temps de l'instruction de sa demande, autorisée à commencer les travaux d'implantation du carrelet. Par un courrier électronique daté du 22 juillet 2010, il a précisé que le titre ne serait établi qu'en septembre mais a réitéré l'autorisation qu'il lui avait donnée de commencer les travaux. Enfin, par un dernier courriel en date du 2 septembre 2010, cet agent a informé la société que son titre d'occupation avait été créé et lui a transmis les références de celui-ci, à savoir les numéros de la décision et de son titre d'occupation, et son numéro client. Ainsi, confortée quant à l'existence d'une autorisation d'occupation temporaire à son bénéfice, la société a alors entrepris les travaux de construction du carrelet, lesquels ont été achevés fin septembre 2010. En octobre et novembre 2010 lui ont cependant été adressés des courriers lui demandant de déplacer son installation de pêche au motif qu'elle constituait un obstacle aux opérations de nettoyage du fleuve. Par un courrier du 11 juillet 2011, le chef du service juridique du GPMB a d'ailleurs confirmé qu'il avait été procédé à la " suspension de l'autorisation d'occupation temporaire jusqu'à régularisation ", révélant ainsi l'existence même d'une autorisation au profit de cette société. Enfin, la société a versé au dossier une lettre datée du 1er février 2012 relative aux tarifs d'occupation domaniale, que le directeur général du GPMB lui a adressée, en qualité de titulaire d'une autorisation d'occupation temporaire. Dans ces conditions, et quand bien même l'autorisation d'occupation temporaire n'aurait pas été signée par le directeur de GPMB, la société Château Lilian Ladouys doit être regardée comme ayant été titulaire d'une telle autorisation.
Sur la légalité de la modification de l'autorisation initiale d'occupation temporaire du domaine public :
16. Le procès-verbal du 23 juin 2011 se fonde notamment, pour établir la contravention de grande voirie à l'encontre de cette société, sur le fait que la société Château Lilian Ladouys a maintenu son carrelet malgré plusieurs demandes tendant à ce qu'elle procède à son déplacement. Par un courrier du 7 octobre 2010, le chef du département de la gestion immobilière du GPMB avait en effet indiqué à cette société que l'implantation de son carrelet ne respectait pas l'emplacement initial et lui avait demandé de modifier cette implantation afin de respecter la cote PK55 980. Les termes de ce courrier ont été confirmés par une lettre du directeur de l'aménagement et de l'environnement du 23 novembre 2010. Dans ces conditions, le GPMB doit être regardé comme ayant procédé, le 23 novembre 2010, non à un retrait de l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public dont le principe n'est pas remis en cause en faveur de la société, comme le montre d'ailleurs le courrier précité du 1er février 2012 du GPMB, mais à une modification de cette autorisation eu égard à l'emplacement autorisé.
17. En premier lieu, la lettre du 23 novembre 2010 modifiant l'autorisation d'occupation temporaire du domaine public dont la société Château Lilian Ladouys était bénéficiaire précise que cette société n'a pas implanté son carrelet à l'endroit qu'elle avait indiqué dans sa demande d'autorisation et que l'implantation retenue en entrée de chenal constitue un " obstacle rédhibitoire " à l'entretien de l'Estey d'Un. Le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit dès lors être écarté.
18. En deuxième lieu, la société Château Lilian Ladouys soutient que cette modification est intervenu en méconnaissance du principe du contradictoire. Cependant, il résulte de l'instruction qu'à la suite de la lettre du 7 octobre 2010 l'invitant à déplacer son carrelet, la société requérante a présenté ses observations le 9 novembre suivant. La lettre du 23 novembre 2010 lui a alors confirmé la demande de déplacement de cette installation. Par suite, le moyen tiré de ce que la modification de cette autorisation d'occupation temporaire du domaine public serait intervenue en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 doit être écarté.
19. En troisième lieu, cette modification est fondée sur deux motifs distincts, tirés de ce que la société Château Lilian Ladouys n'a pas respecté l'emplacement convenu pour implanter son carrelet et de ce que cette installation de pêche constitue un obstacle aux travaux d'entretien du chenal.
20. D'une part, la société soutient avoir implanté son carrelet à l'emplacement que lui avait indiqué l'agent chargé de l'instruction de sa demande d'autorisation, après avoir effectué une visite des lieux. Il résulte en effet des attestations précises, circonstanciées et cohérentes versées au dossier, et qui émanent de trois personnes présentes lors de la réunion du 11 décembre 2009, qu'au cours de cette réunion sur le lieu d'implantation du projet, deux emplacements avaient été envisagés, dont celui actuellement occupé par la société. La requérante soutient, sans être contredite, que l'agent du GPMB lui aurait indiqué, par téléphone, dans les jours ayant suivi cet entretien, qu'en raison de la location à un tiers du premier emplacement, elle pouvait installer son carrelet sur le second emplacement identifié lors de cette réunion, et qui se situait sur les vestiges de poteaux d'un ancien carrelet. Ce n'est finalement que lors d'une réunion qui s'est tenue le 24 septembre 2010, alors que le carrelet était en place, en présence du représentant du GPMB et d'un représentant du syndicat intercommunal d'aménagement hydraulique des bassins versants du Centre Médoc, qu'a été discuté l'obstacle que pouvait constituer cette installation aux opérations d'entretien et de circulation dans le chenal et qu'il a, en conséquence, été demandé à la société de déplacer cet ouvrage. L'administration, pour justifier du bien-fondé de la contravention de grande voirie, se réfère au plan joint à la demande d'autorisation d'occupation temporaire qu'avait présentée la société Château Lilian Ladouys le 7 juin 2010. Cette demande précise que " l'installation sera située sur la parcelle section A n° 376 sur la commune de Saint-Estèphe, conformément au plan de localisation joint ". Toutefois, le plan de localisation versé à l'appui de cette demande se bornait à flécher la parcelle A 376 sans faire apparaître l'implantation précise du carrelet. Ainsi, et alors que la société doit être regardée, comme cela a été dit ci-dessus, comme ayant obtenu une autorisation d'occupation, ce plan ne peut être regardé comme impliquant nécessairement que le carrelet soit installé au point kilométrique PK 55980. L'administration ne saurait dès lors, pour justifier sa décision de modification, reprocher à la société requérante d'avoir implanté son carrelet à un emplacement autre que celui pour lequel elle avait obtenu une autorisation.
21. Cependant, d'autre part, il résulte de l'instruction, et en particulier des photographies versées par l'administration, que le carrelet en cause est situé en entrée de chenal, à un endroit où celui-ci forme un coude. Compte tenu de la configuration des lieux et de la présence, sur l'autre rive, d'un autre carrelet, l'installation en litige était de nature à faire obstacle au passage des navires chargés de l'entretien du cours d'eau. Dans ces conditions, en procédant à la modification de l'autorisation d'occupation du domaine public au motif que le carrelet en litige constituait un obstacle aux travaux d'entretien du chenal, et quand bien même cette modification est-elle intervenue peu de temps après que la société requérante eût terminé les travaux, et alors qu'une autorisation d'occupation du domaine public est par nature précaire et révocable, l'autorité gestionnaire du domaine public a exercé son pouvoir d'appréciation d'une façon qui n'est pas manifestement dénuée de fondement. En tout état de cause, il est constant que le procès-verbal en litige a été dressé, non pour construction irrégulière ou absence d'autorisation d'occupation du domaine public, mais pour maintien de la construction malgré mise en demeure de la déplacer. Par suite, et alors que la société Château Lilian Ladouys n'établit pas que son refus de déplacer l'installation serait dû, de façon exclusive, à un cas de force majeure ou à un fait de l'administration assimilable à un cas de force majeure, elle n'est pas fondée à solliciter la décharge de l'obligation de réparer les atteintes portées au domaine public.
22. Aux termes de l'article L. 2132-9 du code général de la propriété des personnes publiques : " (...) Le contrevenant est passible d'une amende de 150 à 12 000 euros, de la confiscation de l'objet constituant l'obstacle et du remboursement des frais d'enlèvement d'office par l'autorité administrative compétente. ".
23. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la société Château Lilian Ladouys à une amende de 300 euros.
En ce qui concerne l'action domaniale :
24. Il y a lieu d'enjoindre à la société Château Lilian Ladouys, de démonter l'installation de pêche occupant sans autorisation le domaine public et de remettre les lieux en état, dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, ainsi que d'autoriser le Grand Port Maritime de Bordeaux à procéder d'office à l'exécution de cette condamnation aux frais, risques et périls du contrevenant, en cas d'inexécution passé ce délai.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires présentées par le GPMB :
25. Le GPMB demande que la société Château Lilian Ladouys soit condamnée à lui verser la somme de 2 000 euros " pour résistance abusive ", conclusion qui doit être regardée comme une demande indemnitaire. Cependant, d'une part, le GPMB n'établit pas la réalité et le montant de son préjudice et, d'autre part, cette conclusion est fondée sur une cause juridique nouvelle en appel. Par suite, ladite conclusion n'est pas recevable.
Sur la requête à fin de sursis à exécution :
26. Le présent arrêt statue sur l'appel de la société Château Lilian Ladouys tendant à l'annulation du jugement attaqué. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement.
Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
27. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur ce fondement au titre des deux instances.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1201027 du 31 décembre 2013 du magistrat désigné du tribunal administratif de Bordeaux est annulé.
Article 2 : La société Château Lilian Ladouys est condamnée à payer une amende d'un montant de 300 euros (trois cents euros).
Article 3 : La société Château Lilian Ladouys devra, pour le cas où elle ne l'aurait déjà fait, démonter l'installation de pêche occupant sans autorisation le domaine public et remettre les lieux en état, dans le délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Le Grand Port Maritime de Bordeaux est autorisé à procéder d'office à l'exécution de cette condamnation aux frais, risques et périls du contrevenant, en cas d'inexécution passé ce délai.
Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête n° 16BX04307 tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 1201027.
Article 5 : Le surplus des conclusions du préfet de la Gironde, les conclusions de la société Château Lilian Ladouys et celles du Grand Port Maritime de Bordeaux tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les conclusions indemnitaires présentées par ce dernier, sont rejetés.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Château Lilian Ladouys, au ministre de la transition écologique et solidaire, au préfet de la Gironde et au Grand Port Maritime de Bordeaux.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2018 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
M. Gil Cornevaux, président-assesseur,
Mme Florence Rey-Gabriac, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 février 2018.
Le rapporteur,
Florence Rey-GabriacLe président,
Pierre Larroumec
Le greffier,
Cindy Virin
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et solidaire, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition certifiée conforme.
Le greffier,
Cindy Virin
2
N°s 16BX02018, 16BX04307