CAA de NANTES, 4ème chambre, 08/12/2017, 16NT01372, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...ont demandé au tribunal administratif de Caen d'annuler les arrêtés du maire du Mont-Saint-Michel du 1er décembre 2014 et du maire de Pontorson du 2 décembre 2014 réglementant la circulation et le stationnement sur la digue route, le pont-passerelle et l'esplanade menant au Mont-Saint-Michel, ainsi que les décisions rejetant leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1500932 du 1er mars 2016, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de M. et MmeC....

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 25 avril 2016 et le 7 novembre 2016, M. et MmeC..., représentés par MeA..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Caen du 1er mars 2016 ;

2°) d'annuler l'arrêté du maire du Mont-Saint-Michel du 1er décembre 2014 et celui du maire de Pontorson du 2 décembre 2014 ;

3°) de mettre à la charge des communes du Mont-Saint-Michel et de Pontorson la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les arrêtés attaqués sont entachés d'un défaut de motivation ;
- ils sont entachés d'incompétence puisque leur champ excède, alors qu'il s'agit d'une seule mesure, le territoire d'une seule commune ;
- la mesure de police n'est ni nécessaire ni proportionnée à un objectif de sécurité publique ;
- elle viole le principe d'égalité ;
- elle viole l'article R. 412-34 du code de la route ;
- elle se borne à exécuter une convention.


Par un mémoire en défense et un mémoire complémentaire, enregistrés le 9 septembre 2016 et le 8 août 2017, les communes du Mont-Saint-Michel et de Pontorson concluent au rejet de la requête et demandent que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. et Mme C...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que les moyens soulevés ne sont pas fondés.


Par ordonnance du 6 octobre 2017, prise en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture d'instruction a été fixée au 27 octobre 2017 à 12h00.

Un mémoire, présenté pour M. et MmeC..., a été enregistré le 27 octobre 2017.


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de la route :
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Rimeu,
- les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public.


1. Considérant que M. et Mme C...relèvent appel du jugement du 1er mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation des arrêtés du maire du Mont-Saint-Michel du 1er décembre 2014 et du maire de Pontorson du 2 décembre 2014 réglementant la circulation et le stationnement sur la digue route, le pont-passerelle et l'esplanade menant au Mont-Saint-Michel ;
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2213-1 du code général des collectivités territoriales : " Le maire exerce la police de la circulation sur les routes nationales, les routes départementales et les voies de communication à l'intérieur des agglomérations, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'Etat dans le département sur les routes à grande circulation. A l'extérieur des agglomérations, le maire exerce également la police de la circulation sur les voies du domaine public routier communal et du domaine public routier intercommunal, sous réserve des pouvoirs dévolus au représentant de l'Etat dans le département sur les routes à grande circulation. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2213-2 du même code: " Le maire peut, par arrêté motivé, eu égard aux nécessités de la circulation et de la protection de l'environnement : 1° Interdire à certaines heures l'accès de certaines voies de l'agglomération ou de certaines portions de voie ou réserver cet accès, à certaines heures, à diverses catégories d'usagers ou de véhicules ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2213-4 du même code : " Le maire peut, par arrêté motivé, interdire l'accès de certaines voies ou de certaines portions de voies ou de certains secteurs de la commune aux véhicules dont la circulation sur ces voies ou dans ces secteurs est de nature à compromettre soit la tranquillité publique, soit la qualité de l'air, soit la protection des espèces animales ou végétales, soit la protection des espaces naturels, des paysages ou des sites ou leur mise en valeur à des fins esthétiques, écologiques, agricoles, forestières ou touristiques. (...) " ;

3. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du maire du Mont Saint Michel du 1er décembre 2014 et celui du maire de Pontorson du 2 décembre 2014 mentionnent les textes sur lesquels ils se fondent, notamment les dispositions précitées du code général des collectivités territoriales, et précisent, d'une part, que " le projet de rétablissement du caractère maritime du Mont Saint Michel vise à valoriser, à des fins touristiques et de protection des paysages, l'approche piétonne des visiteurs du Mont-Saint-Michel dans toute sa dimension naturelle et esthétique ", d'autre part, qu'il incombe au maire d'assurer la commodité de la circulation et de garantir la sécurité publique ; qu'une telle motivation permet aux usagers de comprendre les raisons à la fois esthétique, environnementale, pratique et de sécurité qui fondent la règlementation comportant les interdictions prononcées ; qu'elle est, par suite, suffisante ;

4. Considérant, en deuxième lieu, que si le 3° de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales réserve au représentant de l'Etat dans le département le pouvoir de prendre des mesures de police administrative qui excèdent le territoire d'une commune, il n'interdit pas aux maires de deux communes limitrophes de coordonner l'exercice de leurs compétences propres pour prendre chacun, sur le territoire respectif de leur commune, des mesures harmonisées, voire identiques, afin de réglementer la circulation sur des ouvrages implantés simultanément sur les territoires de leurs deux communes ; que, par suite, M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que les arrêtés contestés, dont le champ respectif n'excède pas le territoire de chacune des communes du Mont-Saint-Michel et de Pontorson, auraient été pris par des autorités incompétentes ;

5. Considérant, en troisième lieu, que si les arrêtés interdisent la circulation des vélos sur la digue route, le pont-passerelle et l'esplanade, cette interdiction ne s'applique que pendant la période de forte affluence touristique, de 10h à 18h du 1er mai au 30 septembre, et ne vise ni les Montois ni les salariés du Mont-Saint-Michel ; que cette mesure, qui ne revêt pas ainsi de caractère général et absolu, est justifiée, d'une part, par la nécessité de garantir la commodité et la sécurité des piétons qui circulent en nombre sur les platelages-bois pendant cette période, et d'autre part, par la nécessité de garantir la sécurité des cyclistes et de réserver la chaussée bitumée, dont la largeur est réduite, notamment au niveau du tronçon terminal du pont passerelle, aux navettes et aux véhicules motorisés autorisés, dont la circulation est particulièrement intense pendant cette période ; qu'il suit de là que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que la mesure d'interdiction prononcée par les arrêtés contestés ne serait pas proportionnée et nécessaire tant à la sécurité publique qu'à la protection et mise en valeur du site particulièrement remarquable du Mont-Saint-Michel ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le platelage bois de la digue route et du pont passerelle n'est pas un trottoir mais une voie verte réservée à la circulation non motorisée ; que, par suite, les requérants ne peuvent utilement se prévaloir des dispositions de l'article R. 412-34 du code de la route, qui obligent les piétons à emprunter les trottoirs ou accotements et permettent aux cyclistes de moins de huit ans d'y circuler ;

7. Considérant, en cinquième lieu, que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité investie du pouvoir réglementaire règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des motifs d'intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit, dans l'un comme dans l'autre cas, en rapport avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier ; que les Montois et salariés du Mont-Saint-Michel circulant à bord d'un véhicule motorisé et ceux circulant à vélo ne sont pas dans une situation identique ; que les véhicules motorisés se voient réserver la chaussée, laquelle est interdite aux cyclistes, et les cyclistes bénéficient de la voie verte, qui leur est réservée ainsi qu'aux piétons ; que ce traitement différent, qui tient compte des particularités de chaque mode de déplacement tout en garantissant la sécurité de tous les usagers de la voie publique, ne crée aucune discrimination illégale ; que le moyen tiré de l'atteinte au principe d'égalité doit donc être écarté ;

8. Considérant, enfin, que si les arrêtés contestés visent la convention signée le 21 novembre 2014 par les maires des communes du Mont-Saint-Michel et de Pontorson et par le président du syndicat mixte de la baie du Mont-Saint-Michel afin de coordonner les mesures de réglementations à prendre pour la digue route, le pont-passerelle et l'esplanade du Mont-Saint-Michel, d'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier que chacun des maires du Mont-Saint-Michel et de Pontorson, qui ont participé à l'élaboration de la convention et ont signé celle-ci, n'aurait pas exercé pleinement les pouvoirs de police qu'ils tiennent des dispositions précitées du code général des collectivités territoriales, et d'autre part, ladite convention n'a pas pour effet de déléguer à une autre autorité le pouvoir de police dont chaque maire dispose sur le territoire de sa commune ; qu'il suit de là que le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire du Mont-Saint-Michel du 1er décembre 2014 et de l'arrêté du maire de Pontorson du 2 décembre 2014 ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des communes du Mont-Saint-Michel et de Pontorson, qui ne sont pas dans la présente instance les parties perdantes, la somme que M. et Mme C...demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
11. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge des requérants la somme que les communes du Mont-Saint-Michel et de Pontorson demandent sur le fondement des mêmes dispositions ;

DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme C...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par les communes du Mont-Saint-Michel et de Pontorson sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D...C..., à la commune du Mont-Saint-Michel et à la commune de Pontorson.
Délibéré après l'audience du 21 novembre 2017, à laquelle siégeaient :


- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Tiger Winterhalter, présidente-assesseure
- Mme Rimeu, premier conseiller,



Lu en audience publique, le 8 décembre 2017.


Le rapporteur,
S. RIMEU
Le président,
L. LAINÉ
Le greffier,
M. B...

La République mande et ordonne au préfet de la Manche en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 16T01372



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