CAA de DOUAI, 1ère chambre - formation à 3 (bis), 23/11/2017, 16DA00232, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'association Hardelot Opale Environnement a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 20 avril 2012 par lequel le maire de Neufchâtel-Hardelot a délivré à la Compagnie Immobilière d'Hardelot un permis de construire pour l'édification d'une résidence de vingt appartements dénommée " Ruban Bleu " sur le territoire de cette commune.

Par un jugement n° 1205225 du 1er décembre 2015, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.


Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 3 février 2016 et 2 octobre 2017, l'association Hardelot Opale Environnement, représentée par la SELARL Huglo, Lepage et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir ce permis de construire ainsi que la décision du 8 juillet 2012 rejetant son recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge solidaire de la commune de Neufchâtel-Hardelot et de la Compagnie Immobilière d'Hardelot le versement de la somme de 5 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

.........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Charles-Edouard Minet, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Amélie Fort-Besnard, rapporteur public,
- et les observations de Me C...E..., représentant l'association Hardelot Opale Environnement, de Me F...B..., représentant la commune de Neufchâtel-Hardelot, et de Me A...D..., représentant la Compagnie Immobilière d'Hardelot.

Une note en délibéré présentée par la Compagnie Immobilière d'Hardelot a été enregistrée le 2 novembre 2017.

Une note en délibéré présentée par l'association Hardelot Opale Environnement a été enregistrée le 6 novembre 2017.

Une note en délibéré présentée par la commune de Neufchâtel-Hardelot a été enregistrée le 15 novembre 2017.


Sur la régularité du jugement :

1. Considérant qu'il résulte des motifs mêmes du jugement que le tribunal administratif de Lille, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par la requérante ; que l'association Hardelot Opale Environnement, si elle fait grief au jugement attaqué d'être insuffisamment motivé, n'assortit pas ce moyen des précisions qui permettent d'en apprécier le bien-fondé ; que, par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'irrégularité ;


Sur le bien-fondé du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " I - L'extension de l'urbanisation doit se réaliser soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. / (...) / II - L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés à l'article 2 de la loi n° 86-2 du 3 janvier 1986 précitée doit être justifiée et motivée, dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. / Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celles d'un schéma de mise en valeur de la mer. / En l'absence de ces documents, l'urbanisation peut être réalisée avec l'accord du représentant de l'Etat dans le département. Cet accord est donné après que la commune a motivé sa demande et après avis de la commission départementale compétente en matière de nature, de paysages et de sites appréciant l'impact de l'urbanisation sur la nature. Les communes intéressées peuvent également faire connaître leur avis dans un délai de deux mois suivant le dépôt de la demande d'accord. Le plan local d'urbanisme doit respecter les dispositions de cet accord (...) " ;

En ce qui concerne la régularité de la consultation de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites :

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la commission départementale de la nature, des paysages et des sites a été consultée, en 2011, sur un premier projet présenté par la même pétitionnaire et portant sur la réalisation d'un bâtiment de vingt logements, similaire à celui autorisé par l'arrêté attaqué, sur le même terrain ; qu'à cette occasion, la commission a émis, le 7 octobre 2011, un avis favorable à ce projet, relevant qu'il " complète l'urbanisation de ce secteur de la station en assurant une transition entre un front de mer très construit et un arrière littoral de type pavillonnaire " ; que l'association requérante, qui se borne à soutenir que les pièces du dossier ne permettent pas d'apprécier la régularité de la composition de la commission lors de cette séance, n'apporte aucun élément de nature à démontrer que celle-ci se serait prononcée dans des conditions irrégulières ; qu'au vu de cet avis, le préfet du Pas-de-Calais a, le 10 octobre 2011, délivré l'autorisation prévue par les dispositions citées au point précédent à la Compagnie Immobilière d'Hardelot, qui a finalement abandonné ce premier projet ; que le permis de construire attaqué, qui autorise l'édification d'un bâtiment aux caractéristiques très proches de celles du premier projet, a été délivré sans que la commission départementale de la nature, des paysages et des sites soit à nouveau consultée ; que, postérieurement à l'arrêté attaqué, la commune de Neufchâtel-Hardelot a néanmoins jugé utile de consulter à nouveau la commission, qui a émis un nouvel avis favorable le 17 décembre 2013, au vu duquel le préfet du Pas-de-Calais a réitéré son autorisation d'urbanisation du secteur le 20 décembre 2013 ; qu'un permis de construire modificatif a alors été délivré, le 30 décembre 2013, à la Compagnie Immobilière d'Hardelot ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le nouveau projet, au demeurant très proche du précédent, aurait comporté des modifications qui auraient justifié une consultation de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites destinée à lui permettre d'apprécier de nouveau " l'impact de l'urbanisation sur la nature " au regard de ce projet ; qu'en outre, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier, contrairement à ce qui est allégué par l'association requérante, que la seconde saisine de la commission serait intervenue sur la base d'informations lacunaires quant aux caractéristiques du nouveau projet et qu'enfin, à supposer même ces allégations démontrées, que ces lacunes auraient été de nature à exercer une influence sur son appréciation et en définitive sur la position prise par l'autorité préfectorale puis par le maire de Neufchâtel-Hardelot ; que, par suite, le moyen tiré des conditions irrégulières de consultation de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites doit être écarté ;

En ce qui concerne le caractère limité de l'extension d'urbanisation :

4. Considérant que, pour déterminer si une zone peut être qualifiée d'espace proche du rivage au sens des dispositions précitées du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme, trois critères doivent être pris en compte, à savoir la distance séparant cette zone du rivage, son caractère urbanisé ou non et la covisibilité entre cette zone et la mer ;

5. Considérant qu'en l'espèce, le terrain d'assiette du projet est situé à environ 200 mètres du rivage de la mer et en covisibilité avec celle-ci, dans un compartiment pour l'essentiel non bâti et situé en retrait de bâtiments résidentiels de grande hauteur édifiés en front de mer ; qu'ainsi, ce secteur constitue un espace proche du rivage au sens du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ;

6. Considérant que le caractère limité de l'extension de l'urbanisation dans un espace proche du rivage, au sens des mêmes dispositions, s'apprécie eu égard à l'implantation, à l'importance, à la densité, à la destination des constructions envisagées et à la topographie des lieux ;

7. Considérant que le permis de construire en litige autorise l'édification d'un bâtiment résidentiel comprenant vingt appartements, représentant au total une surface hors oeuvre nette de 1 847 mètres carrés, sur un terrain qui, s'il est pour l'essentiel non bâti, comporte déjà deux courts de tennis aménagés au sud et une rangée de garages individuels longeant sa limite ouest ; que l'implantation du bâtiment au nord-ouest de ce terrain le place en continuité de l'urbanisation existante sur le front de mer, caractérisée par sa forte densité, et amorce, comme l'a relevé la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, une transition entre ces immeubles de grande hauteur et les pavillons situés à une distance d'environ 200 mètres à l'est ; qu'en outre, ce terrain est bordé, au sud, par une rangée de quatre immeubles résidentiels de quatre étages composant la résidence " les Myriades ", dont les caractéristiques sont comparables à celles du bâtiment projeté ; que si le terrain d'assiette du projet, de nature dunaire, a été inclus, postérieurement à la décision attaquée, à l'extrémité du périmètre de la zone naturelle d'intérêt écologique, floristique et faunistique (ZNIEFF) des dunes de Dannes et du Mont Saint-Frieux, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il présente une valeur écologique particulière ; que, dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le projet en litige réalise une extension limitée de l'urbanisation existante, conformément aux dispositions du II de l'article L. 146-4 du code de l'urbanisme ;

En ce qui concerne la violation des articles L. 146-6 et R. 146-1 du code de l'urbanisme :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, alors en vigueur : " Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. Un décret fixe la liste des espaces et milieux à préserver, comportant notamment, en fonction de l'intérêt écologique qu'ils présentent, les dunes et les landes côtières (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 146-1 du même code : " En application du premier alinéa de l'article L. 146-6, sont préservés, dès lors qu'ils constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral, sont nécessaires au maintien des équilibres biologiques ou présentent un intérêt écologique : / a) Les dunes, les landes côtières, (...) " ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit au point 7, que le terrain d'assiette du projet en litige se situe en continuité de la partie urbanisée du front de mer de la station balnéaire de Neufchâtel-Hardelot, composée d'immeubles résidentiels de grande hauteur ; que ce terrain, qui est viabilisé et ceinturé par des voies publiques, s'il demeure pour l'essentiel non bâti, comporte toutefois deux terrains de tennis ainsi qu'une rangée de garages édifiés le long de sa limite ouest ; qu'il est constant qu'à la date de l'arrêté attaqué, il ne faisait l'objet d'aucune protection particulière ; que si, postérieurement à la délivrance du permis de construire en litige, le terrain, pourtant défriché par la pétitionnaire sur le fondement d'une autorisation obtenue en 2012, a été inclus à l'extrémité du périmètre de la ZNIEFF des dunes de Dannes et du Mont Saint-Frieux, dont les limites épousent désormais celles de la zone urbanisée de Neufchâtel-Hardelot, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il présente un intérêt écologique particulier ; qu'en particulier, l'association requérante, qui se borne à citer la présentation générale de la ZNIEFF, n'apporte pas d'élément de nature à démontrer que le terrain d'assiette du projet présentait, à la date de l'arrêté attaqué, une valeur écologique propre ou qu'il serait nécessaire à l'équilibre de l'ensemble de la zone ; qu'au demeurant, compte tenu de la position du terrain à la toute extrémité de la zone non bâtie et à proximité immédiate d'un secteur déjà urbanisé, la réalisation d'un bâtiment de taille modeste pensé comme un élément de transition et non comme le point de départ d'une nouvelle extension d'urbanisation, ne porte pas atteinte à la protection de la zone prise dans son ensemble et désormais comprise au sein d'une ZNIEFF ; que, dans ces conditions, le terrain d'implantation du projet ne saurait recevoir la qualification d'espace remarquable, au sens et pour l'application des dispositions citées au point précédent ;

En ce qui concerne la méconnaissance de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme :

10. Considérant qu'aux termes de l'article R. 111-21 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales " ;

11. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 9, l'opération projetée porte sur un immeuble de taille modeste en limite d'un secteur déjà densément urbanisé et a pour vocation d'assurer une fonction de transition entre cette partie de l'agglomération et les zones non bâties désormais comprises au sein d'une ZNIEFF ; qu'il ne porte pas une atteinte significative au site dunaire et n'altère pas le paysage naturel ; que l'aspect architectural du projet ne porte pas davantage atteinte au caractère et à l'intérêt des lieux avoisinants ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que l'association Hardelot Opale Environnement n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;


Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de cet article font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Neufchâtel-Hardelot et de la Compagnie Immobilière d'Hardelot, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, le versement à l'association Hardelot Opale Environnement des sommes que celle-ci demande sur leur fondement ;

14. Considérant, en revanche, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'association Hardelot Opale Environnement le versement à la commune de Neufchâtel-Hardelot et à la Compagnie Immobilière d'Hardelot de la somme de 750 euros chacune sur le fondement du même article ;




DÉCIDE :




Article 1er : La requête de l'association Hardelot Opale Environnement est rejetée.

Article 2 : L'association Hardelot Opale Environnement versera la somme de 750 euros à la commune d'Hardelot et la somme de 750 euros à la Compagnie Immobilière d'Hardelot au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Hardelot Opale Environnement, à la société Compagnie Immobilière d'Hardelot et à la commune de Neufchâtel-Hardelot.

Copie en sera adressée pour information au préfet du Pas-de-Calais.
N°16DA00232 2



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