Conseil d'État, 3ème - 8ème chambres réunies, 24/11/2017, 397227

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La commune de Châteauneuf-en-Thymerais (Eure-et-Loir) a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères (SETOM) de l'Eure à lui verser, en premier lieu, la somme de 146 817,92 euros, augmentée des intérêts à taux légal, correspondant aux traitements versés à M. B... C...A...du 16 mars 2007 au 8 juillet 2007, puis du 14 novembre 2008 au 31 décembre 2013, ainsi que les montants des traitements restant à verser à l'intéressé jusqu'à la date de sa mise à la retraite, son reclassement ou sa reprise d'activité, en deuxième lieu, la somme de 8 240,41 euros, augmentée des intérêts au taux légal, correspondant aux frais médicaux remboursés à M. C... A...du 16 mars 2007 au 8 juillet 2007, puis du 14 novembre 2008 au 31 décembre 2013, ainsi que les frais médicaux restant à exposer pour l'intéressé et, en troisième lieu, la somme de 6 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal, correspondant aux autres dépenses qu'elle a exposées.

Par un jugement n° 1200240 du 25 mars 2014, le tribunal administratif de Rouen a condamné le SETOM de l'Eure à verser à la commune de Châteauneuf-en-Thymerais la somme correspondant aux traitements versés à M. C... A...pour les périodes du 16 mars 2007 au 6 juillet 2007 et du 14 novembre 2008 au 8 août 2009, assortie des intérêts au taux légal à compter du 9 novembre 2011, et renvoyé la commune devant le SETOM pour qu'il soit procédé à la liquidation et au paiement de cette somme.

La commune de Châteauneuf-en-Thymerais a fait appel de ce jugement en tant qu'il a limité aux périodes du 16 mars au 6 juillet 2007 et du 14 novembre 2008 au 8 août 2009 la condamnation du SETOM de l'Eure à lui rembourser les traitements versés à M. C...A...et qu'il a rejeté les conclusions de sa demande tendant au remboursement des frais et honoraires médicaux exposés pour M. C... A.... Le SETOM a demandé, par la voie de l'appel incident, l'annulation du jugement en tant qu'il l'a condamné à prendre en charge les traitements versés à M. C...A...entre le 14 novembre 2008 et le 8 août 2009.

Par un arrêt n° 14DA00880 du 17 décembre 2015, la cour administrative d'appel de Douai a, en premier lieu, condamné le SETOM de l'Eure à verser à la commune de Châteauneuf-en-Thymerais les sommes correspondant aux traitements servis à M. C... A...durant la période du 8 août 2009 au 17 décembre 2015, augmentées des intérêts au taux légal, et renvoyé la commune devant le SETOM de l'Eure pour qu'il soit procédé à la liquidation et au paiement de ces sommes, en deuxième lieu, condamné le SETOM de l'Eure à verser à la commune de Châteauneuf-en-Thymerais la somme de 2 795,29 euros correspondant aux dépenses médicales exposées dans l'intérêt de M. C... A...durant la période couvrant l'année 2014 et celle s'étendant du 1er janvier au 30 octobre 2015, augmentée des intérêts au taux légal et, en troisième lieu, réformé le jugement du tribunal administratif en ce qu'il avait de contraire à son arrêt.

Procédure devant le Conseil d'Etat

Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 février, 23 mai et 5 décembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le SETOM de l'Eure demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit aux conclusions de son appel incident et de rejeter les conclusions d'appel de la commune de Châteauneuf-en-Thymerais ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Châteauneuf-en-Thymerais une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n° 2003-1306 du 26 décembre 2003 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Christian Fournier, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Thouin-Palat, Boucard, avocat du syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères de l'Eure et à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de la commune de Châteauneuf-en-Thymerais ;




Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. C... A..., adjoint technique territorial, a été victime le 13 mars 2002, alors qu'il était employé par le syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères (SETOM) de l'Eure, d'un accident reconnu imputable au service. M. C... A...a ensuite été recruté le 9 octobre 2006 par la commune de Châteauneuf-en-Thymerais (Eure-et-Loir) et placé en congé de maladie du 16 mars 2007 au 8 juillet 2007, puis à compter du 14 novembre 2008. La commune de Châteauneuf-en-Thymerais, estimant que les arrêts de travail de M. C... A...étaient imputables à l'accident de service survenu le 13 mars 2002, a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner le SETOM de l'Eure à lui verser le montant des traitements et des frais médicaux versés ou à verser à M. C... A...du 16 mars 2007 au 8 juillet 2007 et à compter du 14 novembre 2008 jusqu'à la date de sa mise à la retraite, son reclassement ou sa reprise d'activité, ainsi que le montant des autres dépenses qu'elle a exposées à la suite des procédures contentieuses engagées. Par un jugement du 25 mars 2014, le tribunal administratif de Rouen a condamné le SETOM de l'Eure à verser à la commune de Chateauneuf-en-Thymerais la somme correspondant aux traitements versés à M. C...A...pour les périodes du 16 mars au 6 juillet 2007 et du 14 novembre 2008 au 8 août 2009 et a rejeté le surplus de la demande de la commune. Le SETOM de l'Eure se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 17 décembre 2015 de la cour administrative d'appel de Douai en tant qu'il a, d'une part, condamné le SETOM de l'Eure à verser à la commune de Châteauneuf-en-Thymerais les sommes correspondant aux traitements servis à M. C... A...durant la période du 14 novembre 2008 au 8 août 2009 et durant la période du 8 août 2009 au 17 décembre 2015 et, d'autre part, réformé le jugement du tribunal administratif en ce qu'il a de contraire à son arrêt.

Sur les traitements versés à M. C... A...durant la période du 14 novembre 2008 au 8 août 2009 :

2. En relevant, d'une part, que si la commission départementale de réforme ne s'est pas prononcée, lors de la séance du 30 juin 2009, sur l'imputabilité au service de la période d'arrêt de travail de M. C... A...du 14 novembre 2008 au 8 août 2009, son avis mentionne cependant que cette période d'arrêt de travail se rapporte à des lombalgies et à une sciatique gauche et, d'autre part, qu'il résulte du rapport médical rédigé le 4 juillet 2007 par le docteur Dubost, médecin agréé, concluant à l'imputabilité au service de cette période d'arrêt de travail, que M. A... ne présentait pas de lombalgies ni de sciatique connues avant l'accident de service dont il a été victime le 13 mars 2002 et qu'à la date de son examen, il présentait une lombo-sciatique gauche, associée à une légère boiterie, la cour administrative d'appel a pu, par une décision suffisamment motivée, en déduire, sans commettre d'erreur de qualification juridique ou de dénaturation des faits, que la période d'arrêt de travail du 14 novembre 2008 au 8 août 2009 doit être regardée comme justifiée par l'existence d'épisodes douloureux présentant un lien direct et certain avec l'accident de service survenu le 13 mars 2002.

Sur les traitements versés à M. C... A...durant la période du 8 août 2009 au 17 décembre 2015 :

3. D'une part, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à la mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. (...) La collectivité est subrogée dans les droits éventuels du fonctionnaire victime d'un accident provoqué par un tiers jusqu'à concurrence du montant des charges qu'elle a supportées ou supporte du fait de cet accident. Elle est admise à poursuivre directement contre le responsable du dommage ou son assureur le remboursement des charges patronales afférentes aux rémunérations maintenues ou versées audit fonctionnaire pendant la période d'indisponibilité de celui-ci (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 81 de la même loi : " Les fonctionnaires territoriaux reconnus, par suite d'altération de leur état physique, inaptes à l'exercice de leurs fonctions peuvent être reclassés dans les emplois d'un autre cadre d'emploi emploi ou corps s'ils ont été déclarés en mesure de remplir les fonctions correspondantes. / Le reclassement est subordonné à la présentation d'une demande par l'intéressé ". Aux termes de l'article 30 décret du 26 décembre 2003 relatif au régime de retraite des fonctionnaires affiliées à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités territoriales : " Le fonctionnaire qui se trouve dans l'impossibilité définitive et absolue de continuer ses fonctions par suite de maladie, blessure ou infirmité grave dûment établie peut être admis à la retraite soit d'office, soit sur demande. / Lorsque l'admission à la retraite pour invalidité intervient après que les conditions d'ouverture du droit à une pension de droit commun sont remplies par ailleurs, la liquidation des droits s'effectue selon la réglementation la plus favorable pour le fonctionnaire. / La mise en retraite d'office pour inaptitude définitive à l'exercice de l'emploi ne peut être prononcée qu'à l'expiration des congés de maladie, des congés de longue maladie et des congés de longue durée dont le fonctionnaire bénéficie en vertu des dispositions statutaires qui lui sont applicables, sauf dans les cas prévus à l'article 39 si l'inaptitude résulte d'une maladie ou d'une infirmité que son caractère définitif et stabilisé ne rend pas susceptible de traitement. En aucun cas, elle ne pourra avoir une date d'effet postérieure à la limite d'âge du fonctionnaire sous réserve de l'application des articles 1er-1 à 1er-3 de la loi du 13 septembre 1984 susvisée ". Aux termes de l'article 36 du même décret : " Le fonctionnaire qui a été mis dans l'impossibilité permanente de continuer ses fonctions en raison d'infirmités résultant de blessures ou de maladies contractées ou aggravées, soit en service, soit en accomplissant un acte de dévouement dans un intérêt public, soit en exposant ses jours pour sauver la vie d'une ou plusieurs personnes, peut être mis à la retraite par anticipation soit sur sa demande, soit d'office, à l'expiration des délais prévus au troisième alinéa de l'article 30 et a droit à la pension rémunérant les services prévue au 2° de l'article 7 et au 2° du I de l'article L. 24 du code des pensions civiles et militaires de retraite (...) ".

5. En application de ces dispositions, la collectivité au service de laquelle se trouvait l'agent lors de l'accident de service doit supporter les conséquences financières de la rechute consécutive à cet accident, alors même que cette rechute est survenue alors qu'il était au service d'une nouvelle collectivité. La collectivité qui employait l'agent à la date de l'accident doit ainsi prendre en charge non seulement les honoraires médicaux et les frais exposés par celui-ci qui sont directement entraînés par la rechute mais aussi le remboursement des traitements qui lui ont été versés par la collectivité qui l'emploie à raison de son placement en congé de maladie ordinaire, de congé de longue maladie ou de congé de longue durée, dès lors que ce placement a pour seule cause la survenue de la rechute consécutive à l'accident de service. Si la collectivité qui l'emploie est tenue de verser à son agent les traitements qui lui sont dus, elle est cependant fondée à demander à la collectivité qui l'employait à la date de l'accident, par une action récursoire, le remboursement de ceux de ces traitements qui sont liés à la rechute ainsi que des éventuels honoraires médicaux et frais qu'elle aurait pris en charge du fait de cette rechute. Cette action récursoire ne peut être exercée, s'agissant des traitements, qu'au titre de la période qui est raisonnablement nécessaire pour permettre la reprise par l'agent de son service ou, si cette reprise n'est pas possible, son reclassement dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emplois ou encore, si l'agent ne demande pas son reclassement ou si celui-ci n'est pas possible, pour que la collectivité qui l'emploie prononce sa mise d'office à la retraite par anticipation.

6. Par suite, en condamnant le SETOM à verser à la commune de Châteauneuf-en-Thymerais les sommes correspondant aux traitements servis à M. C...A...durant la période du 8 août 2009 au 17 décembre 2015 sans rechercher si ces sommes avaient été effectivement exposées par cette commune au cours de la période qui lui était nécessaire pour permettre à M. C... A...de reprendre son service ou, si cette reprise n'était pas possible, pour le reclasser dans un emploi d'un autre corps ou cadre d'emplois ou encore, en l'absence de demande de reclassement de sa part ou si celui-ci n'était pas possible, pour le mettre d'office à la retraite par anticipation, la cour administrative d'appel de Douai a commis une erreur de droit.

7. Il résulte de tout ce qui précède que le SETOM de l'Eure n'est fondé à demander l'annulation de l'arrêt qu'il attaque qu'en tant qu'il l'a condamné à verser à la commune de Châteauneuf-en-Thymerais les sommes correspondant aux traitements servis à M. C... A...durant la période du 8 août 2009 au 17 décembre 2015.

8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Châteauneuf-en-Thymerais le versement au SETOM de l'Eure de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge du SETOM de l'Eure, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.



D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 17 décembre 2015 est annulé en tant qu'il a condamné le SETOM de l'Eure à verser à la commune de Châteauneuf-en-Thymerais les sommes correspondant aux traitements servis à M. C... A...durant la période du 8 août 2009 au 17 décembre 2015 et en tant qu'il a annulé le jugement du tribunal administratif de Rouen du 25 mars 2014 en ce qu'il a de contraire.
Article 2 : L'affaire est renvoyée, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Douai.
Article 3 : La commune de Châteauneuf-en-Thymerais versera au SETOM de l'Eure la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions de la commune de Châteauneuf-en-Thymerais présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée au syndicat mixte pour l'étude et le traitement des ordures ménagères de l'Eure et à la commune de Châteauneuf-en-Thymerais.

ECLI:FR:CECHR:2017:397227.20171124
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