CAA de NANTES, 1ère chambre, 16/11/2017, 17NT01205, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...D...A...épouse C...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du préfet de Loire-Atlantique du 19 janvier 2017 portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de renvoi.

Par un jugement n° 1701029 du 14 mars 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 avril 2017 et 13 juillet 2017, Mme B...D...A...épouseC..., représentée par Me Le Floch, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;



3°) d'enjoindre au préfet de la Loire-Atlantique de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois sous astreinte de dix euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ; elle est entachée d'erreur de droit en l'absence d'examen de sa situation personnelle ; elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu de la présence en France de sa cellule familiale, de la stabilité du séjour régulier en France de son époux et de l'impossibilité pour son époux de bénéficier du traitement approprié à sa pathologie au Niger ; elle méconnaît l'intérêt supérieur de l'enfant tel qu'il est protégé par l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant dès lors qu'elle a pour effet de priver l'enfant soit de son père soit de sa mère ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ; elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant en raison du risque de séparation entre l'enfant et l'un de ses parents.

Par deux mémoires en défense, enregistrés les 28 juin 2017 et 11 août 2017, le préfet de la Loire-Atlantique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'il s'en remet à ses écritures de première instance et que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'est pas fondé.

Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 mai 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Malingue,
- et les observations de Me Le Floch, avocat de MmeC....

1. Considérant que MmeC..., ressortissante nigérienne, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa requête tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 janvier 2017 par lequel le préfet de la Loire-Atlantique lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C...est entrée en France le 21 décembre 2015 sous couvert d'un visa de court séjour pour rejoindre son époux, de nationalité nigérienne; qu'il n'est pas contesté qu'elle réside auprès de lui dans le logement qu'il occupe rue Paul Eluard à Nantes avec leur enfant né le 12 octobre 2016 ; que son époux bénéficie, pour une pathologie de longue durée, de cartes de séjour temporaire en qualité d'étranger malade depuis 2013, dont la dernière était, à la date de la décision attaquée, valable jusqu'au 10 février 2017, délivrées au motif que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et pour laquelle il ne peut bénéficier d'un traitement approprié au Niger ; que l'absence de traitement approprié au Niger ne saurait utilement être remis en cause à l'occasion du présent litige par une appréciation médicale désormais divergente produite par le préfet aux termes de laquelle une association de molécules quasi-identique aux antirétroviraux nécessaires à la pathologie de M. C...est disponible au Niger ; que, dès lors, le père de l'enfant ayant vocation, à la date de la décision contestée, à demeurer en France pour y être soigné, l'exécution de la mesure d'éloignement de Mme C...aurait nécessairement pour effet de priver l'enfant Zeinab soit de la présence de sa mère pour le cas où il resterait en France auprès de son père soit de la présence de son père dans le cas inverse ; que, par conséquent, la décision du préfet de Loire-Atlantique portant obligation de quitter le territoire français a méconnu les stipulations citées au point 2 et doit être annulée ; que la décision fixant le pays de destination doit, par voie de conséquence, l'être aussi ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède et, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme C...est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
5. Considérant qu'il y a lieu, en l'espèce, de faire droit à la demande tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Loire-Atlantique de réexaminer la situation de Mme C...et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois ; qu'il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;



Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et sur le fondement de ces dispositions, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me Le Floch ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n°1701029 du 14 mars 2017 du tribunal administratif de Nantes et l'arrêté du 19 janvier 2017 du préfet de Loire-Atlantique sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de Loire-Atlantique de réexaminer la situation de Mme C...et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois.
Article 3 : L'Etat versera à Me Le Floch la somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...D...A...épouse C...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de Loire-Atlantique.


Délibéré après l'audience du 26 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,
- M. Delesalle, premier conseiller,
- Mme Malingue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 novembre 2017.

Le rapporteur,
F. MalingueLe président,
F. Bataille

Le greffier,
C.Croiger

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 17NT01205



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