Conseil d'État, 5ème - 4ème chambres réunies, 13/10/2017, 399710
Conseil d'État, 5ème - 4ème chambres réunies, 13/10/2017, 399710
Conseil d'État - 5ème - 4ème chambres réunies
- N° 399710
- ECLI:FR:CECHR:2017:399710.20171013
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
vendredi
13 octobre 2017
- Rapporteur
- M. Florian Roussel
- Avocat(s)
- SCP MONOD, COLIN, STOCLET
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 10 avril 2014 par laquelle la commission de médiation des Bouches-du-Rhône a refusé de le déclarer prioritaire et devant être logé d'urgence au titre du droit au logement opposable. Par un jugement n° 1406039 du 4 février 2016, le tribunal a rejeté sa demande.
Par une ordonnance n° 16MA00788 du 2 mai 2016, enregistrée le 11 mai 2016 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 29 février 2016 au greffe de cette cour, présenté par M. A...contre ce jugement. Par ce pourvoi, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 décembre 2016 et 13 septembre 2017, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 4 février 2016 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Florian Roussel, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de M. A....
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 10 avril 2014, la commission de médiation du département des Bouches-du-Rhône a rejeté le recours amiable présenté par M. A...et tendant à la reconnaissance du caractère prioritaire et urgent de sa demande de logement social ; que l'intéressé a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler cette décision ; qu'il se pourvoit en cassation contre le jugement du 4 février 2016 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
2. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation : " La commission de médiation peut être saisie par toute personne qui, satisfaisant aux conditions réglementaires d'accès à un logement locatif social, n'a reçu aucune proposition adaptée en réponse à sa demande de logement dans le délai fixé en application de l'article L. 441-1-4. / Elle peut être saisie sans condition de délai lorsque le demandeur, de bonne foi, est dépourvu de logement, menacé d'expulsion sans relogement, hébergé ou logé temporairement dans un établissement ou un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale, logé dans des locaux impropres à l'habitation ou présentant un caractère insalubre ou dangereux. Elle peut également être saisie, sans condition de délai, lorsque le demandeur est logé dans des locaux manifestement suroccupés ou ne présentant pas le caractère d'un logement décent, s'il a au moins un enfant mineur, s'il présente un handicap au sens de l'article L. 114 du code de l'action sociale et des familles ou s'il a au moins une personne à charge présentant un tel handicap. / (...) / Dans un délai fixé par décret, la commission de médiation désigne les demandeurs qu'elle reconnaît prioritaires et auxquels un logement doit être attribué en urgence (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 441-14-1 de ce code : " La commission, saisie sur le fondement du II ou du III de l'article L. 441-2-3, se prononce sur le caractère prioritaire de la demande et sur l'urgence qu'il y a à attribuer au demandeur un logement ou à l'accueillir dans une structure d'hébergement, en tenant compte notamment des démarches précédemment effectuées dans le département ou en Ile-de-France dans la région. / Peuvent être désignées par la commission comme prioritaires et devant être logées d'urgence en application du II de l'article L. 441-2-3 les personnes de bonne foi qui satisfont aux conditions réglementaires d'accès au logement social qui se trouvent dans l'une des situations prévues au même article et qui répondent aux caractéristiques suivantes : - ne pas avoir reçu de proposition adaptée à leur demande dans le délai fixé en application de l'article L. 441-1-4 ; - être dépourvues de logement. (...) ; - être logées dans des locaux impropres à l'habitation, ou présentant un caractère insalubre ou dangereux. (...) ; - avoir fait l'objet d'une décision de justice prononçant l'expulsion du logement ; - être hébergées dans une structure d'hébergement ou une résidence hôtelière à vocation sociale de façon continue depuis plus de six mois (...) ; - être handicapées, ou avoir à leur charge une personne en situation de handicap, ou avoir à leur charge au moins un enfant mineur, et occuper un logement soit présentant au moins un des risques pour la sécurité ou la santé énumérés à l'article 2 du décret du 30 janvier 2002 ou auquel font défaut au moins deux des éléments d'équipement et de confort mentionnés à l'article 3 du même décret (...). / La commission peut, par décision spécialement motivée, désigner comme prioritaire et devant être logée en urgence une personne qui, se trouvant dans l'une des situations prévues à l'article L. 441-2-3, ne répond qu'incomplètement aux caractéristiques définies ci-dessus " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, pour être désigné comme prioritaire et devant se voir attribuer d'urgence un logement social, le demandeur doit être de bonne foi, satisfaire aux conditions réglementaires d'accès au logement social et justifier qu'il se trouve dans une des situations prévues au II de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation et qu'il satisfait à un des critères définis à l'article R. 441-14-1 de ce code ; que, dès lors que l'intéressé remplit ces conditions, la commission de médiation doit, en principe, reconnaître le caractère prioritaire et urgent de sa demande ; que, toutefois, dans le cas particulier d'une personne se prévalant uniquement du fait qu'elle a présenté une demande de logement social et n'a pas reçu de proposition adaptée dans le délai fixé en application de l'article L. 441-1-4 du code de la construction et de l'habitation, la commission peut légalement tenir compte de la circonstance que l'intéressé dispose déjà d'un logement, à condition que, eu égard à ses caractéristiques, au montant de son loyer et à sa localisation, il puisse être regardé comme adapté à ses besoins ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A...n'avait pas reçu de proposition adaptée en réponse à sa demande de logement social présentée treize ans auparavant et était, du fait du dépassement du délai fixé en application de l'article L. 441-1-4 du code de la construction et de l'habitation, au nombre des personnes pouvant être désignées par la commission de médiation comme prioritaires et devant se voir attribuer d'urgence un logement social en application de l'article R. 441-14-1 de ce code ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus qu'en faisant valoir que, s'il disposait d'un logement dans le parc privé, le loyer qu'il acquittait excédait ses capacités financières, M. A...se prévalait d'une circonstance qui, si elle était établie, excluait que la commission pût légalement fonder un refus sur le fait qu'il disposait d'un logement et lui donnait vocation à bénéficier d'une décision favorable de sa part ; qu'en retenant, pour rejeter son recours contre le refus qui lui avait été opposé, que " la circonstance que M. A...disposerait de revenus modestes et aurait accumulé une dette de loyer n'est pas au nombre des critères mentionnés à l'article R. 441-14-1 du code de la construction et de l'habitation ", le tribunal administratif de Marseille a ainsi commis une erreur de droit ; que son jugement doit, dès lors, être annulé ;
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que la SCP Monod-Colin-Stoclet, avocat du requérant désigné au titre de l'aide juridictionnelle, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cette société de la somme de 3 000 euros ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 février 2016 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Marseille.
Article 3 : L'Etat versera à la SCP Monod-Colin-Stoclet, avocat du requérant, une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au ministre de la cohésion des territoires.
ECLI:FR:CECHR:2017:399710.20171013
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 10 avril 2014 par laquelle la commission de médiation des Bouches-du-Rhône a refusé de le déclarer prioritaire et devant être logé d'urgence au titre du droit au logement opposable. Par un jugement n° 1406039 du 4 février 2016, le tribunal a rejeté sa demande.
Par une ordonnance n° 16MA00788 du 2 mai 2016, enregistrée le 11 mai 2016 au secrétariat de la section du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Marseille a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 29 février 2016 au greffe de cette cour, présenté par M. A...contre ce jugement. Par ce pourvoi, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 28 décembre 2016 et 13 septembre 2017, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le jugement du 4 février 2016 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Florian Roussel, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de M. A....
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une décision du 10 avril 2014, la commission de médiation du département des Bouches-du-Rhône a rejeté le recours amiable présenté par M. A...et tendant à la reconnaissance du caractère prioritaire et urgent de sa demande de logement social ; que l'intéressé a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler cette décision ; qu'il se pourvoit en cassation contre le jugement du 4 février 2016 par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande ;
2. Considérant qu'aux termes du II de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation : " La commission de médiation peut être saisie par toute personne qui, satisfaisant aux conditions réglementaires d'accès à un logement locatif social, n'a reçu aucune proposition adaptée en réponse à sa demande de logement dans le délai fixé en application de l'article L. 441-1-4. / Elle peut être saisie sans condition de délai lorsque le demandeur, de bonne foi, est dépourvu de logement, menacé d'expulsion sans relogement, hébergé ou logé temporairement dans un établissement ou un logement de transition, un logement-foyer ou une résidence hôtelière à vocation sociale, logé dans des locaux impropres à l'habitation ou présentant un caractère insalubre ou dangereux. Elle peut également être saisie, sans condition de délai, lorsque le demandeur est logé dans des locaux manifestement suroccupés ou ne présentant pas le caractère d'un logement décent, s'il a au moins un enfant mineur, s'il présente un handicap au sens de l'article L. 114 du code de l'action sociale et des familles ou s'il a au moins une personne à charge présentant un tel handicap. / (...) / Dans un délai fixé par décret, la commission de médiation désigne les demandeurs qu'elle reconnaît prioritaires et auxquels un logement doit être attribué en urgence (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 441-14-1 de ce code : " La commission, saisie sur le fondement du II ou du III de l'article L. 441-2-3, se prononce sur le caractère prioritaire de la demande et sur l'urgence qu'il y a à attribuer au demandeur un logement ou à l'accueillir dans une structure d'hébergement, en tenant compte notamment des démarches précédemment effectuées dans le département ou en Ile-de-France dans la région. / Peuvent être désignées par la commission comme prioritaires et devant être logées d'urgence en application du II de l'article L. 441-2-3 les personnes de bonne foi qui satisfont aux conditions réglementaires d'accès au logement social qui se trouvent dans l'une des situations prévues au même article et qui répondent aux caractéristiques suivantes : - ne pas avoir reçu de proposition adaptée à leur demande dans le délai fixé en application de l'article L. 441-1-4 ; - être dépourvues de logement. (...) ; - être logées dans des locaux impropres à l'habitation, ou présentant un caractère insalubre ou dangereux. (...) ; - avoir fait l'objet d'une décision de justice prononçant l'expulsion du logement ; - être hébergées dans une structure d'hébergement ou une résidence hôtelière à vocation sociale de façon continue depuis plus de six mois (...) ; - être handicapées, ou avoir à leur charge une personne en situation de handicap, ou avoir à leur charge au moins un enfant mineur, et occuper un logement soit présentant au moins un des risques pour la sécurité ou la santé énumérés à l'article 2 du décret du 30 janvier 2002 ou auquel font défaut au moins deux des éléments d'équipement et de confort mentionnés à l'article 3 du même décret (...). / La commission peut, par décision spécialement motivée, désigner comme prioritaire et devant être logée en urgence une personne qui, se trouvant dans l'une des situations prévues à l'article L. 441-2-3, ne répond qu'incomplètement aux caractéristiques définies ci-dessus " ;
3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, pour être désigné comme prioritaire et devant se voir attribuer d'urgence un logement social, le demandeur doit être de bonne foi, satisfaire aux conditions réglementaires d'accès au logement social et justifier qu'il se trouve dans une des situations prévues au II de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation et qu'il satisfait à un des critères définis à l'article R. 441-14-1 de ce code ; que, dès lors que l'intéressé remplit ces conditions, la commission de médiation doit, en principe, reconnaître le caractère prioritaire et urgent de sa demande ; que, toutefois, dans le cas particulier d'une personne se prévalant uniquement du fait qu'elle a présenté une demande de logement social et n'a pas reçu de proposition adaptée dans le délai fixé en application de l'article L. 441-1-4 du code de la construction et de l'habitation, la commission peut légalement tenir compte de la circonstance que l'intéressé dispose déjà d'un logement, à condition que, eu égard à ses caractéristiques, au montant de son loyer et à sa localisation, il puisse être regardé comme adapté à ses besoins ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M. A...n'avait pas reçu de proposition adaptée en réponse à sa demande de logement social présentée treize ans auparavant et était, du fait du dépassement du délai fixé en application de l'article L. 441-1-4 du code de la construction et de l'habitation, au nombre des personnes pouvant être désignées par la commission de médiation comme prioritaires et devant se voir attribuer d'urgence un logement social en application de l'article R. 441-14-1 de ce code ; qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 ci-dessus qu'en faisant valoir que, s'il disposait d'un logement dans le parc privé, le loyer qu'il acquittait excédait ses capacités financières, M. A...se prévalait d'une circonstance qui, si elle était établie, excluait que la commission pût légalement fonder un refus sur le fait qu'il disposait d'un logement et lui donnait vocation à bénéficier d'une décision favorable de sa part ; qu'en retenant, pour rejeter son recours contre le refus qui lui avait été opposé, que " la circonstance que M. A...disposerait de revenus modestes et aurait accumulé une dette de loyer n'est pas au nombre des critères mentionnés à l'article R. 441-14-1 du code de la construction et de l'habitation ", le tribunal administratif de Marseille a ainsi commis une erreur de droit ; que son jugement doit, dès lors, être annulé ;
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que la SCP Monod-Colin-Stoclet, avocat du requérant désigné au titre de l'aide juridictionnelle, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cette société de la somme de 3 000 euros ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 février 2016 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Marseille.
Article 3 : L'Etat versera à la SCP Monod-Colin-Stoclet, avocat du requérant, une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au ministre de la cohésion des territoires.