CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 28/09/2017, 15VE01423, Inédit au recueil Lebon
CAA de VERSAILLES, 5ème chambre, 28/09/2017, 15VE01423, Inédit au recueil Lebon
CAA de VERSAILLES - 5ème chambre
- N° 15VE01423
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
jeudi
28 septembre 2017
- Président
- Mme SIGNERIN-ICRE
- Rapporteur
- Mme Céline VAN MUYLDER
- Avocat(s)
- SCP CGCB ET ASSOCIES
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Ondélia a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler le contrat relatif au lot n° 8 " équipements urbains de confort et de sécurité " du marché de fourniture de matériaux de voirie, de dispositifs de signalisation et d'équipements urbains de confort et de sécurité conclu le 16 novembre 2012 par la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DU MONT-VALERIEN (CAMV) avec la société Ingénia et, d'autre part, de condamner ladite communauté d'agglomération à lui verser la somme de 215 720 euros en réparation du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière.
Par un jugement n° 1300273 du 9 mars 2015, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, d'une part, annulé le marché litigieux, d'autre part, condamné la CAMV à verser à la société Ondélia la somme de 215 711,08 euros en réparation du préjudice subi et, enfin, rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires enregistrés respectivement le 11 mai 2015, le 31 mars 2017 et le 27 juin 2017, la CAMV aux droits de laquelle vient l'Etablissement public territorial Paris Ouest La Défense, représentée par Me Gras, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° à titre principal, de rejeter la demande présentée par la société Ondélia devant le tribunal administratif et, à titre subsidiaire, de réduire l'indemnité allouée à la somme de 20 361,63 euros ;
3° de rejeter les conclusions incidentes de la société Ondélia ;
4° de mettre à la charge de la société Ondélia la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, l'offre de la société Ingénia était complète dans la mesure où il n'existait aucune obligation pour les candidats de présenter un rabais pour les prestations hors bulletin des prix unitaires (BPU) ; l'absence de mention de rabais permettait une analyse de l'offre ; en outre, si tel n'était pas le cas, l'offre de la société Ondélia, qui n'a renseigné un rabais que pour le catalogue Procity et non pour l'ensemble des catalogues, était également incomplète ;
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, l'analyse de la valeur financière des offres des candidats n'avait pas à prendre nécessairement en compte à la fois les prix du BPU et les prix hors BPU, dans la mesure où, d'une part, les fournitures du BPU sont les fournitures qui correspondent à ses besoins essentiels et les fournitures hors BPU ont vocation à demeurer occasionnelles, ce que confirme l'exécution de l'actuel marché avec des prestations hors BPU commandées ne représentant que 12,73% du marché, d'autre part, le BPU qui comporte 158 lignes était volontairement exhaustif, enfin, la comparaison des prix des catalogues, lorsqu'il y a plusieurs catalogues proposés, n'est, dans la pratique, pas possible ; elle pouvait, au vu de la jurisprudence, décider de ne pas évaluer la valeur financière des fournitures hors BPU qui ne seraient commandées que de manière occasionnelle ; le fait que le rabais consenti par les candidats ne soit pas pris en compte dans l'évaluation financière des offres des candidats peut être justifié par le fait que ce rabais est automatiquement substitué par le rabais dit de " promotion exceptionnelle " ;
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, l'absence de communication aux candidats du détail quantitatif estimatif (DQE) ne vicie pas la procédure dans la mesure où, d'une part, la jurisprudence retient qu'il n'y a pas d'obligation pour le pouvoir adjudicateur d'informer les candidats quant à la méthode de notation des offres et a d'ailleurs validé la méthode du chantier masqué et, d'autre part, elle a fait le choix de ne pas communiquer le DQE aux candidats en vue de garantir l'équilibre des offres afin qu'ils proposent des prix compétitifs ;
- s'il existe des doublons au sein du DQE, ils ont favorisé la société Ondélia ;
- contrairement à ce que soutient la société Ondélia, les offres n'ont pas été analysées au regard d'un critère supplémentaire de la valeur technique tiré des modalités de stockage dans la mesure où les modalités de stockage entrent dans l'évaluation du critère des conditions de livraison des produits et du sous-critère " délai de livraison " ; en tout état de cause, même sans prendre en compte les modalités de stockage, les délais de la société Ondélia sont plus importants ;
- l'appréciation n'est pas erronée dès lors que la société Ondélia ne proposait pas les meilleurs délais de livraison ;
- en l'absence d'irrégularité dans l'éviction de la société Ondélia, les conclusions indemnitaires doivent être rejetées ;
- subsidiairement, la société Ondélia n'avait pas de chance sérieuse d'emporter le marché dans la mesure où son offre était irrégulière dès lors que, d'une part, l'acte d'engagement ne prévoyait pas de taux de rabais pour les catalogues proposés, d'autre part, le système mis en place par la société pour fixer ses délais de livraison est contraire à la définition du marché à bons de commande ; en effet, il méconnaît les dispositions de l'article 77 du code de marchés publics et les articles 3.1 et 4.2 du cahier des clauses particulières qui posent le principe d'une exécution au fur et à mesure des prestations en fonction de la survenance du besoin ;
- à titre infiniment subsidiaire, le calcul du manque à gagner doit se faire, d'une part, sur la base de trois ans et non de quatre ans dans la mesure où l'acte d'engagement prévoit que l'exécution du marché ne pourra pas excéder la date du 31 décembre 2015 et, d'autre part, sur le montant des commandes réellement passées, soit un montant de 825 565,11 euros HT pour les années 2013 et 2014, et non sur la base de 501 672 euros HT ;
- la simple production des états comptables de l'année 2011 ne permet pas d'établir les taux de marge nette que la société Ondélia aurait pu réaliser ; le taux de marge du secteur concerné avoisine en règle générale 5% ; le taux de 10,75% retenu par le tribunal administratif ne prend pas en compte le rabais de 26,5 % proposé sur le catalogue Procity ; le manque à gagner doit être calculé pour un an, durée prévue au contrat, la société Ondélia ne démontrant pas qu'il aurait été reconduit ;
- les conclusions incidentes de la société Ondélia sont irrecevables pour défaut d'intérêt à agir dès lors que cette société a obtenu entière satisfaction en première instance ;
- elles sont également irrecevables car nouvelles en appel ;
- la société Ondélia ne justifie pas pourquoi l'indemnité allouée doit être revalorisée de 33,33%.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Van Muylder,
- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., pour la CAMV aux droits de laquelle vient l'Etablissement public territorial Paris Ouest La Défense et celles de Me B...A...pour la société Ondélia.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 14 septembre 2017, présentée pour la société Ondélia, et la note en délibéré, enregistrée le 14 septembre 2017, présentée pour l'Etablissement public territorial Paris Ouest La Défense, venant aux droits de la COMMUNAUTÉ D'AGGLOMÉRATION DU MONT VALÉRIEN.
1. Considérant que, par un marché à bons de commande sans minimum d'une durée d'un an reconductible trois fois, conclu le 16 novembre 2012, la COMMUNAUTÉ D'AGGLOMÉRATION DU MONT VALÉRIEN (CAMV) a confié à la société Ingénia le lot n° 8 " Equipements urbains de confort et de sécurité " d'un marché de fourniture de matériaux de voirie, de dispositifs de signalisation et d'équipements urbains de confort et de sécurité ; que la société Ondélia, candidat évincé, a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation de ce contrat et la condamnation de la CAMV à l'indemniser des préjudices résultant de son éviction qu'elle estimait irrégulière ; que, par un jugement du 9 mars 2015, le tribunal administratif a annulé le contrat et condamné la CAMV à verser à la société Ondélia la somme de 215 711,08 euros en réparation des préjudices subis ; que la CAMV relève appel de ce jugement ; que la société Ondélia, par la voie de l'appel incident, demande à ce que l'indemnité qui lui a été allouée soit portée à la somme de 323 598,98 euros ;
Sur l'appel principal :
En ce qui concerne la validité du contrat :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes du I de l'article 35 du code des marchés publics : " 1° (...) Une offre irrégulière est une offre qui, tout en apportant une réponse au besoin du pouvoir adjudicateur, est incomplète ou ne respecte pas les exigences formulées dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation (...) " ; qu'aux termes du III de l'article 53 du même code : " Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées. (...) " ; qu'enfin, aux termes du I de l'article 59 du même code : " Il ne peut y avoir négociation avec les candidats. Il est seulement possible de demander aux candidats de préciser ou de compléter la teneur de leur offre " ; qu'est notamment irrégulière une offre qui, à défaut de contenir toutes les pièces ou renseignements requis par les documents de la consultation, est incomplète ;
3. Considérant, d'autre part, que le règlement de la consultation applicable au marché en litige prévoit en son article 6.2 que : " L'offre comprend, pour chaque lot soumissionnée : (...) 4) le catalogue du titulaire ou barème de prix de vente sur lequel s'appliquera le rabais fixé dans l'acte d'engagement pour l'ensemble des fournitures du lot n°6 et pour les fournitures non prévues dans le BPU pour les autres lots " ; que l'article 2 du cahier des clauses particulières énonce que : " Les documents contractuels de marché sont énumérés ci-dessous, par ordre de priorité décroissante : l'acte d'engagement (AE) accompagné de son bordereau des prix unitaires (BPU) ; le catalogue de prix public du titulaire sur lequel s'appliquera le rabais contractuel inscrit dans son acte d'engagement pour les fournitures non comprises au BPU (...) " ; qu'aux termes de l'article 6.4.1 du même cahier : " Les fournitures, qui ne sont pas inscrites au bordereau et qui correspondent à l'objet du lot du titulaire, sont réglées par application du prix unitaire HT fixé au catalogue du titulaire (catalogue " le plus largement diffusé " du fournisseur), affecté du rabais consenti dans son acte d'engagement, aux quantités réellement commandées. Pourront notamment être commandées hors BPU des fournitures occasionnelles et spécifiques en jalonnement et signalétique. Ce barème ou catalogue public sera remis à la CAMV en quatre exemplaires et un exemplaire sur support numérique, dès notification du marché. Les rabais consentis par le titulaire dans son acte d'engagement sont contractuels fermes et constants pendant toute le durée du marché exceptions faites des dispositions ci-dessous (" rabais exceptionnels "). En cas de reconduction du marché, ces rabais restant applicables aux prix obtenus après révision. En cas de promotions exceptionnelles faisant apparaître un rabais supérieur à celui fixé dans l'acte d'engagement, ce rabais est appliqué au prix unitaire des fournitures commandés. La facture correspondante doit comporter la mention " rabais promotionne " à la place de celui fixé dans l'acte d'engagement. " ;
4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, pour présenter une offre complète, le candidat était tenu d'indiquer, dans l'acte d'engagement, le rabais qu'il consentait, pour les fournitures non comprises dans le bordereau des prix unitaires (BPU), sur les prix fixés à son catalogue ; qu'il résulte de l'instruction que la société Ingénia, attributaire du lot n°8, n'a pas renseigné, dans son acte d'engagement, de rabais pour les fournitures non prévues dans le BPU ; que la CAMV n'est pas fondée à soutenir que l'absence de mention de rabais devait être regardée comme une proposition de rabais égale à zéro dès lors que la société Ingénia n'a pas même coché la case correspondant à ce type de fournitures ; que l'offre de la société Ingénia était, dès lors, incomplète et aurait, ainsi, dû être éliminée ; que, dans ces conditions, et alors même que ces fournitures ne représenteraient qu'une faible part des commandes, le pouvoir adjudicateur était, pour ce seul motif, tenu d'écarter l'offre présentée par la société Ingénia ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la CAMV n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que le contrat litigieux avait été conclu en violation des règles de la commande publique et a, eu égard à la gravité de cette illégalité et en l'absence d'atteinte excessive alléguée à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, prononcé l'annulation du contrat ;
Sur l'indemnisation du manque à gagner de la société Ondélia :
5. Considérant qu'il appartient au juge, lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dès lors que l'offre d'un candidat irrégulièrement évincé d'une procédure de passation d'un marché était irrégulière, ce candidat, de ce seul fait, ne peut être regardé comme ayant été privé d'une chance sérieuse d'obtenir le marché, y compris lorsque l'offre retenue était tout aussi irrégulière, et n'est pas fondé, par suite, à demander réparation d'un tel préjudice ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 77 du code des marchés publics alors en vigueur : " I. Un marché à bons de commande est un marché conclu avec un ou plusieurs opérateurs économiques et exécuté au fur et à mesure de l'émission de bons de commande. ( ...) Dans ce marché le pouvoir adjudicateur a la faculté de prévoir un minimum et un maximum en valeur ou en quantité, ou un minimum, ou un maximum, ou prévoir que le marché est conclu sans minimum ni maximum. L'émission des bons de commande s'effectue sans négociation ni remise en concurrence préalable des titulaires, selon des modalités expressément prévues par le marché (...). L'émission des bons de commande s'effectue sans négociation ni remise en concurrence préalable des titulaires, selon des modalités expressément prévues par le marché " ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Ondélia a indiqué dans son acte d'engagement un délai de livraison des fournitures de deux jours ; que, toutefois, elle a joint à son offre une note sur les délais et leur optimisation dans laquelle elle conditionne ce délai de deux jours à une réunion en début du marché au cours de laquelle la CAMV devra préciser les mobiliers dont la fourniture peut représenter, d'une part, les commandes régulières et récurrentes et, d'autre part, un certain degré potentiel d'urgence et pour lesquels la CAMV s'engagera à commander en fin de contrat le solde des mobiliers demandés ; que l'offre de la société Ondélia qui implique, pour retenir le délai fixé dans l'acte d'engagement, une obligation contractuelle pour la CAMV contraire aux stipulations de l'article 4.2 du cahier des clauses particulières en vertu desquelles : " Les fournitures sont commandées au fur et à mesure des besoins des services intercommunaux et communaux, par bons de commande. " ainsi qu'à celles de son article 3.2 selon lesquelles le pouvoir adjudicateur ne s'engage sur aucun minimum, ne respecte, dès lors, pas les exigences formulées dans les documents de la consultation et est, par suite, irrégulière ; qu'il en résulte que la société Ondélia était dépourvue de toute chance sérieuse d'emporter le marché ; que, dans ces conditions, la CAMV est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamnée à verser à la société Ondélia une somme de 215 711,08 euros en réparation de son manque à gagner ;
Sur l'appel incident de la société Ondélia :
8. Considérant que si, par la voie de l'appel incident, la société Ondélia demande à ce que l'indemnité qui lui a été accordée en première instance soit portée à la somme de 323 598,98 euros, il résulte de ce qui a été dit au point 7 que la société Ondélia, dont l'offre était irrégulière, était dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que ces conclusions doivent, par suite, être rejetées sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la CAMV ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Ondélia la somme de 2 000 euros que la CAMV demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que les conclusions présentées par la société Ondélia sur le même fondement soient accueillies ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1300273 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 9 mars 2015 est annulé en tant qu'il condamne la CAMV à verser à la société Ondélia la somme de 215 711,08 euros.
Article 2 : La société Ondélia versera à la CAMV la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la CAMV est rejeté.
Article 4 : Les conclusions d'appel incident de la société Ondélia et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
N° 15VE01423 6
Procédure contentieuse antérieure :
La société Ondélia a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, d'une part, d'annuler le contrat relatif au lot n° 8 " équipements urbains de confort et de sécurité " du marché de fourniture de matériaux de voirie, de dispositifs de signalisation et d'équipements urbains de confort et de sécurité conclu le 16 novembre 2012 par la COMMUNAUTE D'AGGLOMERATION DU MONT-VALERIEN (CAMV) avec la société Ingénia et, d'autre part, de condamner ladite communauté d'agglomération à lui verser la somme de 215 720 euros en réparation du préjudice subi du fait de son éviction irrégulière.
Par un jugement n° 1300273 du 9 mars 2015, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a, d'une part, annulé le marché litigieux, d'autre part, condamné la CAMV à verser à la société Ondélia la somme de 215 711,08 euros en réparation du préjudice subi et, enfin, rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires enregistrés respectivement le 11 mai 2015, le 31 mars 2017 et le 27 juin 2017, la CAMV aux droits de laquelle vient l'Etablissement public territorial Paris Ouest La Défense, représentée par Me Gras, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° à titre principal, de rejeter la demande présentée par la société Ondélia devant le tribunal administratif et, à titre subsidiaire, de réduire l'indemnité allouée à la somme de 20 361,63 euros ;
3° de rejeter les conclusions incidentes de la société Ondélia ;
4° de mettre à la charge de la société Ondélia la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, l'offre de la société Ingénia était complète dans la mesure où il n'existait aucune obligation pour les candidats de présenter un rabais pour les prestations hors bulletin des prix unitaires (BPU) ; l'absence de mention de rabais permettait une analyse de l'offre ; en outre, si tel n'était pas le cas, l'offre de la société Ondélia, qui n'a renseigné un rabais que pour le catalogue Procity et non pour l'ensemble des catalogues, était également incomplète ;
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, l'analyse de la valeur financière des offres des candidats n'avait pas à prendre nécessairement en compte à la fois les prix du BPU et les prix hors BPU, dans la mesure où, d'une part, les fournitures du BPU sont les fournitures qui correspondent à ses besoins essentiels et les fournitures hors BPU ont vocation à demeurer occasionnelles, ce que confirme l'exécution de l'actuel marché avec des prestations hors BPU commandées ne représentant que 12,73% du marché, d'autre part, le BPU qui comporte 158 lignes était volontairement exhaustif, enfin, la comparaison des prix des catalogues, lorsqu'il y a plusieurs catalogues proposés, n'est, dans la pratique, pas possible ; elle pouvait, au vu de la jurisprudence, décider de ne pas évaluer la valeur financière des fournitures hors BPU qui ne seraient commandées que de manière occasionnelle ; le fait que le rabais consenti par les candidats ne soit pas pris en compte dans l'évaluation financière des offres des candidats peut être justifié par le fait que ce rabais est automatiquement substitué par le rabais dit de " promotion exceptionnelle " ;
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, l'absence de communication aux candidats du détail quantitatif estimatif (DQE) ne vicie pas la procédure dans la mesure où, d'une part, la jurisprudence retient qu'il n'y a pas d'obligation pour le pouvoir adjudicateur d'informer les candidats quant à la méthode de notation des offres et a d'ailleurs validé la méthode du chantier masqué et, d'autre part, elle a fait le choix de ne pas communiquer le DQE aux candidats en vue de garantir l'équilibre des offres afin qu'ils proposent des prix compétitifs ;
- s'il existe des doublons au sein du DQE, ils ont favorisé la société Ondélia ;
- contrairement à ce que soutient la société Ondélia, les offres n'ont pas été analysées au regard d'un critère supplémentaire de la valeur technique tiré des modalités de stockage dans la mesure où les modalités de stockage entrent dans l'évaluation du critère des conditions de livraison des produits et du sous-critère " délai de livraison " ; en tout état de cause, même sans prendre en compte les modalités de stockage, les délais de la société Ondélia sont plus importants ;
- l'appréciation n'est pas erronée dès lors que la société Ondélia ne proposait pas les meilleurs délais de livraison ;
- en l'absence d'irrégularité dans l'éviction de la société Ondélia, les conclusions indemnitaires doivent être rejetées ;
- subsidiairement, la société Ondélia n'avait pas de chance sérieuse d'emporter le marché dans la mesure où son offre était irrégulière dès lors que, d'une part, l'acte d'engagement ne prévoyait pas de taux de rabais pour les catalogues proposés, d'autre part, le système mis en place par la société pour fixer ses délais de livraison est contraire à la définition du marché à bons de commande ; en effet, il méconnaît les dispositions de l'article 77 du code de marchés publics et les articles 3.1 et 4.2 du cahier des clauses particulières qui posent le principe d'une exécution au fur et à mesure des prestations en fonction de la survenance du besoin ;
- à titre infiniment subsidiaire, le calcul du manque à gagner doit se faire, d'une part, sur la base de trois ans et non de quatre ans dans la mesure où l'acte d'engagement prévoit que l'exécution du marché ne pourra pas excéder la date du 31 décembre 2015 et, d'autre part, sur le montant des commandes réellement passées, soit un montant de 825 565,11 euros HT pour les années 2013 et 2014, et non sur la base de 501 672 euros HT ;
- la simple production des états comptables de l'année 2011 ne permet pas d'établir les taux de marge nette que la société Ondélia aurait pu réaliser ; le taux de marge du secteur concerné avoisine en règle générale 5% ; le taux de 10,75% retenu par le tribunal administratif ne prend pas en compte le rabais de 26,5 % proposé sur le catalogue Procity ; le manque à gagner doit être calculé pour un an, durée prévue au contrat, la société Ondélia ne démontrant pas qu'il aurait été reconduit ;
- les conclusions incidentes de la société Ondélia sont irrecevables pour défaut d'intérêt à agir dès lors que cette société a obtenu entière satisfaction en première instance ;
- elles sont également irrecevables car nouvelles en appel ;
- la société Ondélia ne justifie pas pourquoi l'indemnité allouée doit être revalorisée de 33,33%.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Van Muylder,
- les conclusions de Mme Mégret, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., pour la CAMV aux droits de laquelle vient l'Etablissement public territorial Paris Ouest La Défense et celles de Me B...A...pour la société Ondélia.
Vu la note en délibéré, enregistrée le 14 septembre 2017, présentée pour la société Ondélia, et la note en délibéré, enregistrée le 14 septembre 2017, présentée pour l'Etablissement public territorial Paris Ouest La Défense, venant aux droits de la COMMUNAUTÉ D'AGGLOMÉRATION DU MONT VALÉRIEN.
1. Considérant que, par un marché à bons de commande sans minimum d'une durée d'un an reconductible trois fois, conclu le 16 novembre 2012, la COMMUNAUTÉ D'AGGLOMÉRATION DU MONT VALÉRIEN (CAMV) a confié à la société Ingénia le lot n° 8 " Equipements urbains de confort et de sécurité " d'un marché de fourniture de matériaux de voirie, de dispositifs de signalisation et d'équipements urbains de confort et de sécurité ; que la société Ondélia, candidat évincé, a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation de ce contrat et la condamnation de la CAMV à l'indemniser des préjudices résultant de son éviction qu'elle estimait irrégulière ; que, par un jugement du 9 mars 2015, le tribunal administratif a annulé le contrat et condamné la CAMV à verser à la société Ondélia la somme de 215 711,08 euros en réparation des préjudices subis ; que la CAMV relève appel de ce jugement ; que la société Ondélia, par la voie de l'appel incident, demande à ce que l'indemnité qui lui a été allouée soit portée à la somme de 323 598,98 euros ;
Sur l'appel principal :
En ce qui concerne la validité du contrat :
2. Considérant, d'une part, qu'aux termes du I de l'article 35 du code des marchés publics : " 1° (...) Une offre irrégulière est une offre qui, tout en apportant une réponse au besoin du pouvoir adjudicateur, est incomplète ou ne respecte pas les exigences formulées dans l'avis d'appel public à la concurrence ou dans les documents de la consultation (...) " ; qu'aux termes du III de l'article 53 du même code : " Les offres inappropriées, irrégulières et inacceptables sont éliminées. (...) " ; qu'enfin, aux termes du I de l'article 59 du même code : " Il ne peut y avoir négociation avec les candidats. Il est seulement possible de demander aux candidats de préciser ou de compléter la teneur de leur offre " ; qu'est notamment irrégulière une offre qui, à défaut de contenir toutes les pièces ou renseignements requis par les documents de la consultation, est incomplète ;
3. Considérant, d'autre part, que le règlement de la consultation applicable au marché en litige prévoit en son article 6.2 que : " L'offre comprend, pour chaque lot soumissionnée : (...) 4) le catalogue du titulaire ou barème de prix de vente sur lequel s'appliquera le rabais fixé dans l'acte d'engagement pour l'ensemble des fournitures du lot n°6 et pour les fournitures non prévues dans le BPU pour les autres lots " ; que l'article 2 du cahier des clauses particulières énonce que : " Les documents contractuels de marché sont énumérés ci-dessous, par ordre de priorité décroissante : l'acte d'engagement (AE) accompagné de son bordereau des prix unitaires (BPU) ; le catalogue de prix public du titulaire sur lequel s'appliquera le rabais contractuel inscrit dans son acte d'engagement pour les fournitures non comprises au BPU (...) " ; qu'aux termes de l'article 6.4.1 du même cahier : " Les fournitures, qui ne sont pas inscrites au bordereau et qui correspondent à l'objet du lot du titulaire, sont réglées par application du prix unitaire HT fixé au catalogue du titulaire (catalogue " le plus largement diffusé " du fournisseur), affecté du rabais consenti dans son acte d'engagement, aux quantités réellement commandées. Pourront notamment être commandées hors BPU des fournitures occasionnelles et spécifiques en jalonnement et signalétique. Ce barème ou catalogue public sera remis à la CAMV en quatre exemplaires et un exemplaire sur support numérique, dès notification du marché. Les rabais consentis par le titulaire dans son acte d'engagement sont contractuels fermes et constants pendant toute le durée du marché exceptions faites des dispositions ci-dessous (" rabais exceptionnels "). En cas de reconduction du marché, ces rabais restant applicables aux prix obtenus après révision. En cas de promotions exceptionnelles faisant apparaître un rabais supérieur à celui fixé dans l'acte d'engagement, ce rabais est appliqué au prix unitaire des fournitures commandés. La facture correspondante doit comporter la mention " rabais promotionne " à la place de celui fixé dans l'acte d'engagement. " ;
4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, pour présenter une offre complète, le candidat était tenu d'indiquer, dans l'acte d'engagement, le rabais qu'il consentait, pour les fournitures non comprises dans le bordereau des prix unitaires (BPU), sur les prix fixés à son catalogue ; qu'il résulte de l'instruction que la société Ingénia, attributaire du lot n°8, n'a pas renseigné, dans son acte d'engagement, de rabais pour les fournitures non prévues dans le BPU ; que la CAMV n'est pas fondée à soutenir que l'absence de mention de rabais devait être regardée comme une proposition de rabais égale à zéro dès lors que la société Ingénia n'a pas même coché la case correspondant à ce type de fournitures ; que l'offre de la société Ingénia était, dès lors, incomplète et aurait, ainsi, dû être éliminée ; que, dans ces conditions, et alors même que ces fournitures ne représenteraient qu'une faible part des commandes, le pouvoir adjudicateur était, pour ce seul motif, tenu d'écarter l'offre présentée par la société Ingénia ; que, par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, la CAMV n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif a estimé que le contrat litigieux avait été conclu en violation des règles de la commande publique et a, eu égard à la gravité de cette illégalité et en l'absence d'atteinte excessive alléguée à l'intérêt général ou aux droits des cocontractants, prononcé l'annulation du contrat ;
Sur l'indemnisation du manque à gagner de la société Ondélia :
5. Considérant qu'il appartient au juge, lorsqu'une entreprise candidate à l'attribution d'un marché public demande la réparation du préjudice né de son éviction irrégulière de ce dernier, de vérifier d'abord si l'entreprise était ou non dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que, dans l'affirmative, l'entreprise n'a droit à aucune indemnité ; que, dans la négative, elle a droit en principe au remboursement des frais qu'elle a engagés pour présenter son offre ; qu'il convient ensuite de rechercher si l'entreprise avait des chances sérieuses d'emporter le marché ; que, dès lors que l'offre d'un candidat irrégulièrement évincé d'une procédure de passation d'un marché était irrégulière, ce candidat, de ce seul fait, ne peut être regardé comme ayant été privé d'une chance sérieuse d'obtenir le marché, y compris lorsque l'offre retenue était tout aussi irrégulière, et n'est pas fondé, par suite, à demander réparation d'un tel préjudice ;
6. Considérant qu'aux termes de l'article 77 du code des marchés publics alors en vigueur : " I. Un marché à bons de commande est un marché conclu avec un ou plusieurs opérateurs économiques et exécuté au fur et à mesure de l'émission de bons de commande. ( ...) Dans ce marché le pouvoir adjudicateur a la faculté de prévoir un minimum et un maximum en valeur ou en quantité, ou un minimum, ou un maximum, ou prévoir que le marché est conclu sans minimum ni maximum. L'émission des bons de commande s'effectue sans négociation ni remise en concurrence préalable des titulaires, selon des modalités expressément prévues par le marché (...). L'émission des bons de commande s'effectue sans négociation ni remise en concurrence préalable des titulaires, selon des modalités expressément prévues par le marché " ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société Ondélia a indiqué dans son acte d'engagement un délai de livraison des fournitures de deux jours ; que, toutefois, elle a joint à son offre une note sur les délais et leur optimisation dans laquelle elle conditionne ce délai de deux jours à une réunion en début du marché au cours de laquelle la CAMV devra préciser les mobiliers dont la fourniture peut représenter, d'une part, les commandes régulières et récurrentes et, d'autre part, un certain degré potentiel d'urgence et pour lesquels la CAMV s'engagera à commander en fin de contrat le solde des mobiliers demandés ; que l'offre de la société Ondélia qui implique, pour retenir le délai fixé dans l'acte d'engagement, une obligation contractuelle pour la CAMV contraire aux stipulations de l'article 4.2 du cahier des clauses particulières en vertu desquelles : " Les fournitures sont commandées au fur et à mesure des besoins des services intercommunaux et communaux, par bons de commande. " ainsi qu'à celles de son article 3.2 selon lesquelles le pouvoir adjudicateur ne s'engage sur aucun minimum, ne respecte, dès lors, pas les exigences formulées dans les documents de la consultation et est, par suite, irrégulière ; qu'il en résulte que la société Ondélia était dépourvue de toute chance sérieuse d'emporter le marché ; que, dans ces conditions, la CAMV est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamnée à verser à la société Ondélia une somme de 215 711,08 euros en réparation de son manque à gagner ;
Sur l'appel incident de la société Ondélia :
8. Considérant que si, par la voie de l'appel incident, la société Ondélia demande à ce que l'indemnité qui lui a été accordée en première instance soit portée à la somme de 323 598,98 euros, il résulte de ce qui a été dit au point 7 que la société Ondélia, dont l'offre était irrégulière, était dépourvue de toute chance de remporter le marché ; que ces conclusions doivent, par suite, être rejetées sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la CAMV ;
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Ondélia la somme de 2 000 euros que la CAMV demande sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'en revanche, ces dispositions font obstacle à ce que les conclusions présentées par la société Ondélia sur le même fondement soient accueillies ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1300273 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise du 9 mars 2015 est annulé en tant qu'il condamne la CAMV à verser à la société Ondélia la somme de 215 711,08 euros.
Article 2 : La société Ondélia versera à la CAMV la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la CAMV est rejeté.
Article 4 : Les conclusions d'appel incident de la société Ondélia et ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
N° 15VE01423 6