Conseil d'État, 5ème chambre, 10/08/2017, 406586, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu procédure suivante :

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à l'indemniser à hauteur de 51 000 euros des préjudices ayant résulté pour elle de son absence de relogement. Par un jugement n° 1520519/3-3 du 11 octobre 2016, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 janvier et 23 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à la SCP Marlange, de la Burgade, son avocat, au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Marc Lambron, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Laurence Marion, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de Mme A...B....



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B...a été reconnue comme prioritaire et devant être relogée en urgence sur le fondement de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation par une décision du 22 avril 2011 de la commission de médiation de Paris, au motif qu'elle était dépourvue de logement et qu'elle justifiait être hébergée chez un tiers ; que MmeB..., qui n'a pas demandé au tribunal administratif d'enjoindre au préfet de la reloger sur le fondement de l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation, a demandé au tribunal administratif de Paris de condamner l'Etat à lui verser 51 000 euros en réparation du préjudice subi du fait de son absence de relogement ; qu'elle se pourvoit en cassation contre le jugement du 11 octobre 2016 par lequel le tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande ;

2. Considérant que, lorsqu'une personne a été reconnue comme prioritaire et comme devant être logée ou relogée d'urgence par une commission de médiation, en application des dispositions de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation, la carence fautive de l'Etat à exécuter cette décision dans le délai imparti engage sa responsabilité à l'égard du seul demandeur, au titre des troubles dans les conditions d'existence résultant du maintien de la situation qui a motivé la décision de la commission, alors même que l'intéressé n'a pas fait usage du recours en injonction contre l'Etat prévu par l'article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation ; que ces troubles doivent être appréciés en fonction des conditions de logement qui ont perduré du fait de la carence de l'Etat, de la durée de cette carence et du nombre de personnes composant le foyer du demandeur pendant la période de responsabilité de l'Etat, qui court à compter de l'expiration du délai de trois ou six mois à compter de la décision de la commission de médiation que les dispositions de l'article R. 441-16-1 du code de la construction et de l'habitation impartissent au préfet pour provoquer une offre de logement ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'ayant constaté que le préfet n'avait pas proposé un relogement à Mme B...dans le délai prévu par le code de la construction et de l'habitation à compter de la décision de la commission de médiation, le tribunal administratif de Paris ne pouvait, sans commettre une erreur de droit, juger que cette carence, constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, ne causait à l'intéressée aucun préjudice indemnisable, aux motifs que le logement qu'elle occupait depuis le 18 septembre 2013 dans une résidence sociale n'était pas sur-occupé et que ni le défaut d'exécution de l'obligation de relogement pesant sur l'Etat ni la circonstance qu'elle résidait depuis cette date dans un logement meublé dépourvu de cuisine individuelle et dont le règlement intérieur fixait des horaires de visite et d'accès aux équipements collectifs ne suffisaient à caractériser l'existence d'un préjudice réparable résultant de son absence de relogement, alors qu'il était constant que la situation qui avait motivé la décision de la commission perdurait et que l'intéressée justifiait de ce fait de troubles dans ses conditions d'existence lui ouvrant droit à réparation dans les conditions indiquées au point 2 ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, Mme B...est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué ;

4. Considérant que Mme B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros à verser à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de MmeB..., sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat ;




D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 11 octobre 2016 du tribunal administratif de Paris est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Paris.
Article 3 : L'Etat versera à la SCP Marlange, de la Burgade, avocat de MmeB..., une somme de 3 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B...et au ministre de la cohésion des territoires.

ECLI:FR:CECHS:2017:406586.20170810
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