CAA de NANTES, 4ème chambre, 06/07/2017, 15NT03805, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANTES, 4ème chambre, 06/07/2017, 15NT03805, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANTES - 4ème chambre
- N° 15NT03805
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
jeudi
06 juillet 2017
- Président
- M. LAINE
- Rapporteur
- M. Laurent BOUCHARDON
- Avocat(s)
- LABRUSSE
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. G...a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la communauté urbaine de Cherbourg à lui verser la somme de 295 557 euros en réparation des préjudices qu'il a subis au titre de son entreprise " Ecographique ", à raison des fautes commises par la communauté urbaine.
Par un jugement n° 1102067 du 28 octobre 2015, le tribunal administratif de Caen a condamné la communauté urbaine de Cherbourg à lui verser la somme de 43 962,46 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2015, suivie de la production de pièces complémentaires les 26 et 30 janvier 2017, et d'un mémoire, enregistré le 3 février 2017, M. A...G..., représenté par MeH..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 28 octobre 2015 du tribunal administratif de Caen, en tant qu'il a limité à 43 962,46 euros l'indemnité que la communauté urbaine de Cherbourg a été condamnée à lui verser ;
2°) de condamner la communauté urbaine de Cherbourg à lui verser la somme de 266 575,57 euros, avec intérêts de droit à compter du 20 juillet 2011 et anatocisme ;
3°) de mettre à la charge de la communauté urbaine de Cherbourg le versement à son profit de la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- s'il est vrai que les murs de son atelier lui ont été restitués le 6 janvier 2006, le manque à gagner ne saurait s'arrêter à cette date dès lors que l'outillage de production ou le " capital ", comme retenu par les premiers juges, était alors détruit ; c'est à tort que les premiers juges n'ont pas retenu, dans l'évaluation de son préjudice, cette période de prolongation d'engagement de la responsabilité de la communauté urbaine de Cherbourg ;
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu qu'il s'était prévalu deux fois du même préjudice résultant de l'impossibilité d'exploiter son entreprise pendant la même période ; les indemnisations qu'il sollicite ne se superposent pas intégralement et ne font pas double emploi ; il est fondé à être indemnisé à hauteur de 31 641,84 euros ;
- les premiers juges n'ont pas appréhendé les éléments qu'il a produits qui attestent de la réalité du préjudice lié à l'annulation du programme de vente de fours à céramique arrêté avec M.D... ; la faute de la communauté urbaine de Cherbourg a de manière directe et certaine empêché la réalisation du projet sous la forme de vente des 12 fours à céramique par an pendant deux ans et la majoration des bénéfices liés à la promotion des modèles existants ; il est fondé à être indemnisé à hauteur de 165 971,27 euros ;
- il établit avoir été privé d'emploi pendant la période postérieure au 6 janvier 2006, de sorte qu'il est en droit d'obtenir réparation à hauteur de 40 000 euros du préjudice subi à ce titre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2017, la communauté urbaine de Cherbourg, représentée par MeI..., conclut :
à titre principal, par la voie de l'appel incident :
- à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Caen du 28 octobre 2015 ;
- au rejet des conclusions indemnitaires de M.G... ;
à titre subsidiaire, par la voie de l'appel provoqué, à la condamnation de la SARL Diatek à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre en principal, frais et accessoires ;
en tout état de cause, à ce que soit mis la charge de M. G...le versement à son profit de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a retenu sa responsabilité ;
- M. G...ne peut sérieusement soutenir que ses difficultés postérieures à 2006 résulteraient de manquements qu'elle aurait commis ;
- c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a accordé à M. G...une indemnité au titre du manque à gagner, d'un préjudice lié à l'annulation d'un programme de vente ou de la perte d'emploi ;
- subsidiairement, elle est fondée à appeler en garantie la société Diatek, attributaire en 2004 du marché du repérage amiante, dont le tribunal correctionnel de Cherbourg a relevé les nombreuses erreurs dans son jugement du 14 septembre 2010.
La procédure a été communiquée à Me C...E..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Diatek, lequel n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bouchardon ;
- et les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public.
1. Considérant que la communauté urbaine de Cherbourg a, par deux conventions de concessions administratives précaires des 16 avril et 25 novembre 2004, mis à disposition de l'entreprise Echographique, spécialisée dans la conception mécanique, représentée par son gérant, M.G..., des locaux situés dans le bâtiment B d'une pépinière d'entreprises à Cherbourg-Octeville (Manche) ; qu'en septembre 2005, des travaux de réhabilitation de la couverture du bâtiment, entrepris pour le compte de la communauté urbaine de Cherbourg, ont fait apparaître d'importants risques de pollution à l'amiante nécessitant l'intervention d'une entreprise qualifiée dans les travaux de désamiantage et une immobilisation de l'outil de travail de M. G...durant cette période ; que l'intéressé a adressé le 20 juillet 2011 une réclamation indemnitaire à la communauté urbaine de Cherbourg pour un montant de 295 557 euros ; que cette demande a été rejetée par un courrier du 2 août 2011 ; que M. G...relève appel du jugement du tribunal administratif de Caen du 28 octobre 2015 en tant que, après avoir condamné la communauté urbaine de Cherbourg au versement à son profit de la somme de 43 962,46 euros, il a rejeté le surplus de sa demande et conclut à ce que cette indemnité soit portée à la somme de 266 575,57 euros ; que, par la voie de l'appel incident, la communauté urbaine de Cherbourg demande à la cour, à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen et, à titre subsidiaire, de condamner la société Diatek, attributaire en 2004 du marché de repérage amiante avant travaux, à la garantir intégralement des condamnations prononcées à son encontre ;
Sur la responsabilité de la communauté urbaine de Cherbourg :
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que la communauté urbaine de Cherbourg a sous-estimé les conséquences de la présence d'amiante dans le bâtiment susmentionné, dès lors qu'elle a conclu les contrats précités en étant informée de ce problème ; que, d'autre part, comme l'établit notamment le rapport de l'inspection du travail du 3 novembre 2005, les travaux de désamiantage consistant en la dépose et le retrait de matériaux friables amiantés ont été réalisés par l'entreprise prestataire sans que soient adoptées des mesures pratiques susceptibles d'éviter les échanges d'air entre la zone d'intervention et l'atelier de M.G..., en méconnaissance des règles de sécurité applicable en matière d'amiante, de telles carences n'étant rendues possibles que par les défaillances des services de la communauté urbaine dans l'exercice de leurs prérogatives de maître d'ouvrage et de leurs compétences de maître d'oeuvre dans la direction et le contrôle des travaux de désamiantage ; que l'action du requérant ne peut procéder que des contrats d'occupation précaire qui le liaient à la communauté urbaine de Cherbourg ; que cette dernière devait, en vertu de ces contrats, garantir à l'intéressé une occupation des locaux en cause conforme à l'objet même des conventions, qui était de permettre l'exercice de l'activité professionnelle de M.G... ; que les préjudices de M.G..., qui a été privé de la jouissance de ses locaux entre le 16 septembre 2005 et le 6 janvier 2006 du fait d'une pollution par l'amiante de son atelier et de ses outils, découlent directement et de façon certaine des carences fautives sus-relevées de la collectivité publique ; que les circonstances que la communauté urbaine de Cherbourg a proposé à M.G..., le 27 octobre 2005, la mise à disposition d'un autre local à titre gracieux et a suspendu rétroactivement la facturation des loyers et des charges de l'entreprise, ne sont pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité ;
Sur la réparation :
En ce qui concerne le préjudice résultant du manque à gagner consécutif à la perte de ventes résultant de l'annulation de commandes et à la perte de bénéfices :
3. Considérant, d'une part, que M. G...ne peut être simultanément fondé à demander réparation des préjudices résultant du manque à gagner consécutif, tant à la perte de vente de matériels résultant de l'annulation de commandes, qu'à la perte de bénéfices pour la période allant du 12 septembre au 31 décembre 2005, pour un montant total de 31 641,84 euros, dès lors que cette perte de bénéfices comprend nécessairement le manque à gagner résultant de l'annulation desdites commandes ; que le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que les premiers juges ont fait une appréciation insuffisante de ce chef de préjudice en fixant, par une juste appréciation, à 15 000 euros l'indemnité due à ce titre ;
4. Considérant, d'autre part, que M. G...ne produit aucun élément permettant d'établir un lien de causalité direct et certain entre la faute de la communauté urbaine de Cherbourg et la situation financière difficile de son entreprise qui a conduit à la clôture des opérations pour insuffisance d'actifs le 16 décembre 2010, postérieurement à la restitution des murs de son atelier, le 6 janvier 2006 ;
En ce qui concerne le préjudice résultant de l'annulation d'un programme de vente :
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. G...a signé, le 10 août 2005, au nom de son entreprise personnelle, un contrat de commercialisation avec M. B...D..., céramiste, en vue de la réalisation d'un four de très haute performance ; qu'alors que M. D...a mis fin à leur collaboration le 15 décembre 2005 en raison du retard pris par dans le développement du projet, le requérant soutient que l'annulation de ce programme de vente et la disparition corrélative des retombées pour sa société en terme de renommée, découlent directement et de façon certaine de la faute commise par la communauté urbaine de Cherbourg ; que, toutefois, s'il affirme que les recherches et études avaient abouti le 23 septembre 2005, date à laquelle il a été contraint d'évacuer ses locaux professionnels, il ne l'établit pas ; que la seule circonstance que le contrat avait été signé n'est pas de nature à établir que la réalisation du four à céramique haute performance avait débuté, alors surtout que le courrier de M. D...du 15 décembre 2005 mettant fin à leur collaboration évoque l'étude de " l'avant-projet " de four dont les résultats étaient attendus pour la fin du mois de septembre ; que, dès lors, la réalité de ce préjudice n'est pas établie par l'instruction ;
En ce qui concerne le préjudice résultant de la perte de l'emploi :
6. Considérant que si M. G...établit qu'il a perçu le revenu minimum d'insertion, puis le revenu de solidarité active, de mars 2006 à décembre 2010, et qu'il était inscrit en tant que demandeur d'emploi auprès de Pôle emploi à compter du 4 décembre 2007, de telles circonstances ne suffisent pas, eu égard à la situation déjà détériorée de son entreprise, à établir un lien de causalité direct et certain entre la perte de son emploi d'entrepreneur et la mise à l'arrêt forcée de son activité professionnelle du 23 septembre 2005 au 6 janvier 2006 ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. G...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a limité à 43 962,46 euros la somme que la communauté urbaine de Cherbourg a été condamnée à lui verser au titre de ses préjudices ;
Sur l'appel incident de la communauté urbaine de Cherbourg :
8. Considérant qu'eu égard à la responsabilité de la communauté urbaine de Cherbourg retenue au point 2, ses conclusions d'appel incident tendant à ce qu'elle soit déchargée de toute condamnation indemnitaire ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur l'appel provoqué de la communauté urbaine de Cherbourg :
9. Considérant que le présent arrêt n'aggravant pas la situation de la communauté urbaine de Cherbourg, ses conclusions d'appel provoqué dirigées contre la société Diatek sont irrecevables et doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais qu'elles ont exposés en raison de la présente instance et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. G...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident et d'appel provoqué présentées par la communauté urbaine de Cherbourg sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la communauté urbaine de Cherbourg au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...G..., à la communauté urbaine de Cherbourg et à Me C...E..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Diatek.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président assesseur,
- M. Bouchardon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 juillet 2017.
Le rapporteur,
L. BOUCHARDONLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
M. F... La République mande et ordonne au préfet de la Manche en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 15NT03805
Procédure contentieuse antérieure :
M. G...a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner la communauté urbaine de Cherbourg à lui verser la somme de 295 557 euros en réparation des préjudices qu'il a subis au titre de son entreprise " Ecographique ", à raison des fautes commises par la communauté urbaine.
Par un jugement n° 1102067 du 28 octobre 2015, le tribunal administratif de Caen a condamné la communauté urbaine de Cherbourg à lui verser la somme de 43 962,46 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 14 décembre 2015, suivie de la production de pièces complémentaires les 26 et 30 janvier 2017, et d'un mémoire, enregistré le 3 février 2017, M. A...G..., représenté par MeH..., demande à la cour :
1°) de réformer le jugement du 28 octobre 2015 du tribunal administratif de Caen, en tant qu'il a limité à 43 962,46 euros l'indemnité que la communauté urbaine de Cherbourg a été condamnée à lui verser ;
2°) de condamner la communauté urbaine de Cherbourg à lui verser la somme de 266 575,57 euros, avec intérêts de droit à compter du 20 juillet 2011 et anatocisme ;
3°) de mettre à la charge de la communauté urbaine de Cherbourg le versement à son profit de la somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- s'il est vrai que les murs de son atelier lui ont été restitués le 6 janvier 2006, le manque à gagner ne saurait s'arrêter à cette date dès lors que l'outillage de production ou le " capital ", comme retenu par les premiers juges, était alors détruit ; c'est à tort que les premiers juges n'ont pas retenu, dans l'évaluation de son préjudice, cette période de prolongation d'engagement de la responsabilité de la communauté urbaine de Cherbourg ;
- c'est à tort que les premiers juges ont retenu qu'il s'était prévalu deux fois du même préjudice résultant de l'impossibilité d'exploiter son entreprise pendant la même période ; les indemnisations qu'il sollicite ne se superposent pas intégralement et ne font pas double emploi ; il est fondé à être indemnisé à hauteur de 31 641,84 euros ;
- les premiers juges n'ont pas appréhendé les éléments qu'il a produits qui attestent de la réalité du préjudice lié à l'annulation du programme de vente de fours à céramique arrêté avec M.D... ; la faute de la communauté urbaine de Cherbourg a de manière directe et certaine empêché la réalisation du projet sous la forme de vente des 12 fours à céramique par an pendant deux ans et la majoration des bénéfices liés à la promotion des modèles existants ; il est fondé à être indemnisé à hauteur de 165 971,27 euros ;
- il établit avoir été privé d'emploi pendant la période postérieure au 6 janvier 2006, de sorte qu'il est en droit d'obtenir réparation à hauteur de 40 000 euros du préjudice subi à ce titre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2017, la communauté urbaine de Cherbourg, représentée par MeI..., conclut :
à titre principal, par la voie de l'appel incident :
- à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Caen du 28 octobre 2015 ;
- au rejet des conclusions indemnitaires de M.G... ;
à titre subsidiaire, par la voie de l'appel provoqué, à la condamnation de la SARL Diatek à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre en principal, frais et accessoires ;
en tout état de cause, à ce que soit mis la charge de M. G...le versement à son profit de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a retenu sa responsabilité ;
- M. G...ne peut sérieusement soutenir que ses difficultés postérieures à 2006 résulteraient de manquements qu'elle aurait commis ;
- c'est à tort que le tribunal administratif de Caen a accordé à M. G...une indemnité au titre du manque à gagner, d'un préjudice lié à l'annulation d'un programme de vente ou de la perte d'emploi ;
- subsidiairement, elle est fondée à appeler en garantie la société Diatek, attributaire en 2004 du marché du repérage amiante, dont le tribunal correctionnel de Cherbourg a relevé les nombreuses erreurs dans son jugement du 14 septembre 2010.
La procédure a été communiquée à Me C...E..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Diatek, lequel n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bouchardon ;
- et les conclusions de M. Bréchot, rapporteur public.
1. Considérant que la communauté urbaine de Cherbourg a, par deux conventions de concessions administratives précaires des 16 avril et 25 novembre 2004, mis à disposition de l'entreprise Echographique, spécialisée dans la conception mécanique, représentée par son gérant, M.G..., des locaux situés dans le bâtiment B d'une pépinière d'entreprises à Cherbourg-Octeville (Manche) ; qu'en septembre 2005, des travaux de réhabilitation de la couverture du bâtiment, entrepris pour le compte de la communauté urbaine de Cherbourg, ont fait apparaître d'importants risques de pollution à l'amiante nécessitant l'intervention d'une entreprise qualifiée dans les travaux de désamiantage et une immobilisation de l'outil de travail de M. G...durant cette période ; que l'intéressé a adressé le 20 juillet 2011 une réclamation indemnitaire à la communauté urbaine de Cherbourg pour un montant de 295 557 euros ; que cette demande a été rejetée par un courrier du 2 août 2011 ; que M. G...relève appel du jugement du tribunal administratif de Caen du 28 octobre 2015 en tant que, après avoir condamné la communauté urbaine de Cherbourg au versement à son profit de la somme de 43 962,46 euros, il a rejeté le surplus de sa demande et conclut à ce que cette indemnité soit portée à la somme de 266 575,57 euros ; que, par la voie de l'appel incident, la communauté urbaine de Cherbourg demande à la cour, à titre principal, d'annuler le jugement du tribunal administratif de Caen et, à titre subsidiaire, de condamner la société Diatek, attributaire en 2004 du marché de repérage amiante avant travaux, à la garantir intégralement des condamnations prononcées à son encontre ;
Sur la responsabilité de la communauté urbaine de Cherbourg :
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction, d'une part, que la communauté urbaine de Cherbourg a sous-estimé les conséquences de la présence d'amiante dans le bâtiment susmentionné, dès lors qu'elle a conclu les contrats précités en étant informée de ce problème ; que, d'autre part, comme l'établit notamment le rapport de l'inspection du travail du 3 novembre 2005, les travaux de désamiantage consistant en la dépose et le retrait de matériaux friables amiantés ont été réalisés par l'entreprise prestataire sans que soient adoptées des mesures pratiques susceptibles d'éviter les échanges d'air entre la zone d'intervention et l'atelier de M.G..., en méconnaissance des règles de sécurité applicable en matière d'amiante, de telles carences n'étant rendues possibles que par les défaillances des services de la communauté urbaine dans l'exercice de leurs prérogatives de maître d'ouvrage et de leurs compétences de maître d'oeuvre dans la direction et le contrôle des travaux de désamiantage ; que l'action du requérant ne peut procéder que des contrats d'occupation précaire qui le liaient à la communauté urbaine de Cherbourg ; que cette dernière devait, en vertu de ces contrats, garantir à l'intéressé une occupation des locaux en cause conforme à l'objet même des conventions, qui était de permettre l'exercice de l'activité professionnelle de M.G... ; que les préjudices de M.G..., qui a été privé de la jouissance de ses locaux entre le 16 septembre 2005 et le 6 janvier 2006 du fait d'une pollution par l'amiante de son atelier et de ses outils, découlent directement et de façon certaine des carences fautives sus-relevées de la collectivité publique ; que les circonstances que la communauté urbaine de Cherbourg a proposé à M.G..., le 27 octobre 2005, la mise à disposition d'un autre local à titre gracieux et a suspendu rétroactivement la facturation des loyers et des charges de l'entreprise, ne sont pas de nature à l'exonérer de sa responsabilité ;
Sur la réparation :
En ce qui concerne le préjudice résultant du manque à gagner consécutif à la perte de ventes résultant de l'annulation de commandes et à la perte de bénéfices :
3. Considérant, d'une part, que M. G...ne peut être simultanément fondé à demander réparation des préjudices résultant du manque à gagner consécutif, tant à la perte de vente de matériels résultant de l'annulation de commandes, qu'à la perte de bénéfices pour la période allant du 12 septembre au 31 décembre 2005, pour un montant total de 31 641,84 euros, dès lors que cette perte de bénéfices comprend nécessairement le manque à gagner résultant de l'annulation desdites commandes ; que le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que les premiers juges ont fait une appréciation insuffisante de ce chef de préjudice en fixant, par une juste appréciation, à 15 000 euros l'indemnité due à ce titre ;
4. Considérant, d'autre part, que M. G...ne produit aucun élément permettant d'établir un lien de causalité direct et certain entre la faute de la communauté urbaine de Cherbourg et la situation financière difficile de son entreprise qui a conduit à la clôture des opérations pour insuffisance d'actifs le 16 décembre 2010, postérieurement à la restitution des murs de son atelier, le 6 janvier 2006 ;
En ce qui concerne le préjudice résultant de l'annulation d'un programme de vente :
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. G...a signé, le 10 août 2005, au nom de son entreprise personnelle, un contrat de commercialisation avec M. B...D..., céramiste, en vue de la réalisation d'un four de très haute performance ; qu'alors que M. D...a mis fin à leur collaboration le 15 décembre 2005 en raison du retard pris par dans le développement du projet, le requérant soutient que l'annulation de ce programme de vente et la disparition corrélative des retombées pour sa société en terme de renommée, découlent directement et de façon certaine de la faute commise par la communauté urbaine de Cherbourg ; que, toutefois, s'il affirme que les recherches et études avaient abouti le 23 septembre 2005, date à laquelle il a été contraint d'évacuer ses locaux professionnels, il ne l'établit pas ; que la seule circonstance que le contrat avait été signé n'est pas de nature à établir que la réalisation du four à céramique haute performance avait débuté, alors surtout que le courrier de M. D...du 15 décembre 2005 mettant fin à leur collaboration évoque l'étude de " l'avant-projet " de four dont les résultats étaient attendus pour la fin du mois de septembre ; que, dès lors, la réalité de ce préjudice n'est pas établie par l'instruction ;
En ce qui concerne le préjudice résultant de la perte de l'emploi :
6. Considérant que si M. G...établit qu'il a perçu le revenu minimum d'insertion, puis le revenu de solidarité active, de mars 2006 à décembre 2010, et qu'il était inscrit en tant que demandeur d'emploi auprès de Pôle emploi à compter du 4 décembre 2007, de telles circonstances ne suffisent pas, eu égard à la situation déjà détériorée de son entreprise, à établir un lien de causalité direct et certain entre la perte de son emploi d'entrepreneur et la mise à l'arrêt forcée de son activité professionnelle du 23 septembre 2005 au 6 janvier 2006 ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. G...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a limité à 43 962,46 euros la somme que la communauté urbaine de Cherbourg a été condamnée à lui verser au titre de ses préjudices ;
Sur l'appel incident de la communauté urbaine de Cherbourg :
8. Considérant qu'eu égard à la responsabilité de la communauté urbaine de Cherbourg retenue au point 2, ses conclusions d'appel incident tendant à ce qu'elle soit déchargée de toute condamnation indemnitaire ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur l'appel provoqué de la communauté urbaine de Cherbourg :
9. Considérant que le présent arrêt n'aggravant pas la situation de la communauté urbaine de Cherbourg, ses conclusions d'appel provoqué dirigées contre la société Diatek sont irrecevables et doivent être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il ne paraît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les frais qu'elles ont exposés en raison de la présente instance et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. G...est rejetée.
Article 2 : Les conclusions d'appel incident et d'appel provoqué présentées par la communauté urbaine de Cherbourg sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par la communauté urbaine de Cherbourg au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...G..., à la communauté urbaine de Cherbourg et à Me C...E..., ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Diatek.
Délibéré après l'audience du 20 juin 2017, à laquelle siégeaient :
- M. Lainé, président de chambre,
- Mme Loirat, président assesseur,
- M. Bouchardon, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 6 juillet 2017.
Le rapporteur,
L. BOUCHARDONLe président,
L. LAINÉ
Le greffier,
M. F... La République mande et ordonne au préfet de la Manche en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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