Conseil d'État, 5ème - 4ème chambres réunies, 05/07/2017, 395350
Conseil d'État, 5ème - 4ème chambres réunies, 05/07/2017, 395350
Conseil d'État - 5ème - 4ème chambres réunies
- N° 395350
- ECLI:FR:CECHR:2017:395350.20170705
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
mercredi
05 juillet 2017
- Rapporteur
- M. Alain Seban
- Avocat(s)
- CORLAY ; SCP MATUCHANSKY, POUPOT, VALDELIEVRE
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner le centre hospitalier de Ponteils (Gard) à l'indemniser du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité de son licenciement. Par un jugement n° 1200172 du 13 mars 2014, le tribunal administratif a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 14MA02100 du 16 octobre 2015 la cour administrative d'appel de Marseille, sur appel de M.A..., a annulé ce jugement et, statuant par voie d'évocation, rejeté la demande de première instance.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 16 décembre 2015, 16 mars 2016 et 12 janvier 2017, M. A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Ponteils une somme de 3 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code du travail ;
- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;
- le décret n° 2002-550 du 19 avril 2002 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alain Seban, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de M. A... et à Me Corlay, avocat du centre hospitalier de Ponteils.
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.A..., masseur-kinésithérapeute, a été recruté par le centre hospitalier de Ponteils (Gard) en mars 2003, en contrat à durée indéterminée, en qualité de " directeur de soins de rééducation " ; qu'il a été licencié par le centre hospitalier le 28 mai 2010 ; qu'il a recherché devant la juridiction administrative l'indemnisation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de ce licenciement ; que, par un jugement du 13 mars 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ; que, par l'arrêt attaqué du 16 octobre 2015, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et, statuant par voie d'évocation, rejeté la demande de première instance ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2411-1 du code du travail : " Bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, y compris lors d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le salarié investi de l'un des mandats suivants:/ (...) 7° Représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2411-13 : " Le licenciement d'un représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. / Cette autorisation est également requise pour le salarié ayant siégé en qualité de représentant du personnel dans ce comité, pendant les six premiers mois suivant l'expiration de son mandat ou la disparition de l'institution " ; que l'article L. 4111-1 du même code a étendu aux établissements publics de santé mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière les dispositions du livre IV du code du travail relatives aux représentants du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, inséparables de celles de l'article L. 2411-13 précité ; que seuls sont exclus du champ d'application de ces dispositions, ainsi que le rappelle l'article R. 2411-1 du code du travail, les fonctionnaires titulaires ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'article L. 2411-13 est applicable aux agents non titulaires des établissements publics de santé ;
3. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que lorsqu'un établissement public de santé licencie un agent non titulaire placé dans une telle situation sans avoir sollicité cette autorisation, le licenciement présente un caractère illégal même s'il repose sur des motifs légaux ; que, dans une telle circonstance, l'absence de saisine de l'inspecteur du travail crée, à elle seule, pour l'agent licencié, un préjudice tenant à la méconnaissance de son statut protecteur ;
4. Considérant qu'il ressort des mentions de l'arrêt attaqué que la cour, après avoir estimé que le centre hospitalier de Ponteils était fondé à procéder au licenciement de M. A..., en a déduit qu'alors même que ce licenciement était intervenu dans des conditions irrégulières, faute d'avoir été précédé de l'autorisation de l'inspecteur du travail, les préjudices dont se prévalait M. A...étaient sans lien avec l'irrégularité ainsi commise et ne pouvaient, dès lors, être indemnisés ; qu'il résulte de ce qui précède qu'en statuant ainsi, alors que le salarié protégé licencié sans autorisation de l'inspecteur du travail dispose au minimum d'un droit à réparation du préjudice lié à la méconnaissance de son statut protecteur, la cour a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, par suite, être annulé ;
5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Ponteils la somme de 3 500 euros que M.A... demande à ce titre ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 16 octobre 2015 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : Le centre hospitalier de Ponteils versera à M. A...une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions du centre hospitalier de Ponteils tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au centre hospitalier de Ponteils.
ECLI:FR:CECHR:2017:395350.20170705
M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nîmes de condamner le centre hospitalier de Ponteils (Gard) à l'indemniser du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité de son licenciement. Par un jugement n° 1200172 du 13 mars 2014, le tribunal administratif a rejeté cette demande.
Par un arrêt n° 14MA02100 du 16 octobre 2015 la cour administrative d'appel de Marseille, sur appel de M.A..., a annulé ce jugement et, statuant par voie d'évocation, rejeté la demande de première instance.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat les 16 décembre 2015, 16 mars 2016 et 12 janvier 2017, M. A...demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Ponteils une somme de 3 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code du travail ;
- le décret n° 91-155 du 6 février 1991 ;
- le décret n° 2002-550 du 19 avril 2002 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Alain Seban, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Matuchansky, Poupot, Valdelièvre, avocat de M. A... et à Me Corlay, avocat du centre hospitalier de Ponteils.
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que M.A..., masseur-kinésithérapeute, a été recruté par le centre hospitalier de Ponteils (Gard) en mars 2003, en contrat à durée indéterminée, en qualité de " directeur de soins de rééducation " ; qu'il a été licencié par le centre hospitalier le 28 mai 2010 ; qu'il a recherché devant la juridiction administrative l'indemnisation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de ce licenciement ; que, par un jugement du 13 mars 2014, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande ; que, par l'arrêt attaqué du 16 octobre 2015, la cour administrative d'appel de Marseille a annulé ce jugement et, statuant par voie d'évocation, rejeté la demande de première instance ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2411-1 du code du travail : " Bénéficie de la protection contre le licenciement prévue par le présent chapitre, y compris lors d'une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le salarié investi de l'un des mandats suivants:/ (...) 7° Représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ; (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 2411-13 : " Le licenciement d'un représentant du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne peut intervenir qu'après autorisation de l'inspecteur du travail. / Cette autorisation est également requise pour le salarié ayant siégé en qualité de représentant du personnel dans ce comité, pendant les six premiers mois suivant l'expiration de son mandat ou la disparition de l'institution " ; que l'article L. 4111-1 du même code a étendu aux établissements publics de santé mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière les dispositions du livre IV du code du travail relatives aux représentants du personnel au comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail, inséparables de celles de l'article L. 2411-13 précité ; que seuls sont exclus du champ d'application de ces dispositions, ainsi que le rappelle l'article R. 2411-1 du code du travail, les fonctionnaires titulaires ; qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que l'article L. 2411-13 est applicable aux agents non titulaires des établissements publics de santé ;
3. Considérant qu'en vertu des dispositions du code du travail, le licenciement des salariés légalement investis de fonctions représentatives, qui bénéficient d'une protection exceptionnelle dans l'intérêt de l'ensemble des travailleurs qu'ils représentent, ne peut intervenir que sur autorisation de l'inspecteur du travail ; que lorsqu'un établissement public de santé licencie un agent non titulaire placé dans une telle situation sans avoir sollicité cette autorisation, le licenciement présente un caractère illégal même s'il repose sur des motifs légaux ; que, dans une telle circonstance, l'absence de saisine de l'inspecteur du travail crée, à elle seule, pour l'agent licencié, un préjudice tenant à la méconnaissance de son statut protecteur ;
4. Considérant qu'il ressort des mentions de l'arrêt attaqué que la cour, après avoir estimé que le centre hospitalier de Ponteils était fondé à procéder au licenciement de M. A..., en a déduit qu'alors même que ce licenciement était intervenu dans des conditions irrégulières, faute d'avoir été précédé de l'autorisation de l'inspecteur du travail, les préjudices dont se prévalait M. A...étaient sans lien avec l'irrégularité ainsi commise et ne pouvaient, dès lors, être indemnisés ; qu'il résulte de ce qui précède qu'en statuant ainsi, alors que le salarié protégé licencié sans autorisation de l'inspecteur du travail dispose au minimum d'un droit à réparation du préjudice lié à la méconnaissance de son statut protecteur, la cour a commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, par suite, être annulé ;
5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de M. A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du centre hospitalier de Ponteils la somme de 3 500 euros que M.A... demande à ce titre ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 16 octobre 2015 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la cour administrative d'appel de Marseille.
Article 3 : Le centre hospitalier de Ponteils versera à M. A...une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions du centre hospitalier de Ponteils tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B...A...et au centre hospitalier de Ponteils.