CAA de LYON, 2ème chambre - formation à 3, 27/06/2017, 15LY01203, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Le Beau Rivage a demandé au tribunal administratif de Grenoble la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de ses exercices clos en 2003, 2004 et 2005 et des pénalités correspondantes, des droits supplémentaires taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2005 et des pénalités y afférentes, et de l'amende qui lui a été infligée en application de l'article 1763 A du code général des impôts.

Par un jugement n° 1104541 du 2 février 2015, le tribunal administratif de Grenoble a, en ses articles 1 et 2, déchargé la société Le Beau Rivage de l'amende mise à sa charge sur le fondement de l'article 1763 A du code général des impôts et mis à la charge de l Etat le paiement d'une somme de 1 200 euros à cette société au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en son article 3, rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 7 avril 2015, la SAS Le Beau Rivage, représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) de réformer l'article 3 de ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 2 février 2015 ;
2°) de la décharger de ces impositions et des pénalités y afférentes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

la société Le Beau Rivage soutient que :
- la procédure d'imposition est entachée d'un vice substantiel portant gravement atteinte aux droits du contribuable vérifié en ce que l'interlocuteur départemental n'est intervenu que postérieurement à l'avis rendu par la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires en méconnaissance de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales et des pages 4 et 16 de la charte des droits et devoirs du contribuable vérifié ; la commission départementale ne peut intervenir avant la réunion avec l'interlocuteur que lorsque le contribuable lui-même a émis ce souhait ; en l'espèce, le fait que la commission départementale ait émis son avis avant la réunion avec l'interlocuteur départemental, contrairement à ce qu'elle avait demandé a eu pour effet de priver d'effectivité le recours à l'interlocuteur ainsi que cela résulte de la lettre de l'interlocutrice du 28 août 2008 ; la procédure d'imposition est ainsi entachée d'un vice substantiel qui doit entraîner la décharge des impositions et des pénalités y afférentes.

Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mai 2016, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre des finances et des comptes publics soutient que :
- la procédure d'imposition est régulière car l'administration a fait droit à toutes les demande de la société requérante tendant à la saisine du supérieur hiérarchique du vérificateur, de l'interlocuteur départemental et de la commission départementale de sorte qu'elle n'a été privée d'aucune garantie ; aucune disposition règlementaire ou doctrinale n'indique que l'interlocuteur départemental doive intervenir avant la commission départementale.

Par un mémoire en réplique, enregistré le 20 octobre 2016, la société Le Beau Rivage, représentée par Me A...B...de la société d'avocats Jurisophia, persiste par les mêmes moyens dans ses précédentes conclusions et porte à 5 000 euros la somme demandée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 9 janvier 2017 la clôture d'instruction a été fixée au 9 février 2017, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;


Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mear, président-assesseur,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public ;

1. Considérant que la société Le Beau Rivage, qui exploite un bar-restaurant à Aiguebelette, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité selon la procédure de rectification contradictoire ; que l'administration a rejeté sa comptabilité comme non probante, procédé à une reconstitution de ses chiffres d'affaires et effectué d'autres rectifications, portant, en matière d'impôt sur les sociétés, remise en cause d'une partie du montant des loyers déduits en charges, rectification d'amortissements comptabilisés à tort et rectification d'une minoration de l'actif net et, en matière de taxe sur la valeur ajoutée, reversement de la taxe déduite sur des acquisitions d'immobilisations ; que suite à cette vérification, la SAS Le Beau Rivage a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de ses exercices clos en 2003, 2004 et 2005 et à des droits supplémentaires taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2005 ; que ces impositions supplémentaires ont été assorties d'intérêts de retard et de la pénalité de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts ; qu'elle a, par ailleurs, été assujettie à l'amende prévue par l'article 1763 A du même code ; que par un jugement du 2 février 2015, le tribunal administratif de Grenoble a déchargé la société Le Beau Rivage de l'amende mise à sa charge sur le fondement de l'article 1763 A du code général des impôts et mis à la charge de l' Etat le paiement d'une somme de 1 200 euros à cette société au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que la société Le Beau Rivage relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à la décharge des impositions mises à sa charge et des pénalités y afférentes ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Considérant qu'aux termes du dernier alinéa de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " Avant l'engagement d'une des vérifications prévues aux articles L. 12 et L. 13, l'administration des impôts remet au contribuable la charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; les dispositions contenues dans la charte sont opposables à l'administration " ; qu'aux termes du paragraphe 4 intitulé " les agents chargés de la vérification " de la charte des droits et devoirs du contribuable vérifié, dans sa version de mai 2006, remise à la gérante de la société Le Beau Rivage : " (...) En cas de difficultés, vous pouvez vous adresser à l'inspecteur départemental ou principal et ensuite à l'interlocuteur désigné par le directeur. " ; qu'aux termes du paragraphe de cette charte relatif à la conclusion du contrôle : " (...) En cas de désaccord avec le vérificateur : Vous pouvez saisir l'inspecteur départemental ou principal : si le vérificateur a maintenu totalement ou partiellement les rectifications envisagées, des éclaircissements supplémentaires peuvent vous être fournis si nécessaire par l'inspecteur départemental ou principal. Vous pouvez faire appel à l'interlocuteur : si, après ces contacts des divergences importantes subsistent, vous pouvez faire appel à l'interlocuteur spécialement désigné par le directeur dont dépend le vérificateur l'inspecteur départemental ou principal (...) Vous pouvez, dans la plupart des cas, soumettre le désaccord à l'avis d'organismes de médiation indépendants. Ces organismes sont : la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 59 du livre des procédures fiscales : " Lorsque le désaccord persiste sur les rectifications notifiées, l'administration, si le contribuable le demande, soumet le litige à l'avis (...) de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires (...) " ;

3. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que, lorsque des désaccords subsistent entre l'administration et le contribuable sur les rectifications envisagées, il est loisible au contribuable, s'il s'y croit fondé, de faire appel à l'interlocuteur départemental, aussi bien avant la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qu'après que cette commission, saisie par ailleurs, ait rendu son avis et, dans cette dernière hypothèse, jusqu'à la date de la mise en recouvrement de l'impôt ;

4. Considérant qu'il résulte de l'instruction que, suite à la réponse du contribuable qui lui a été adressée le 30 mars 2007, la société requérante a, par lettre du 30 avril 2007, sollicité une rencontre avec le chef de brigade, fait part de son souhait, si des divergences subsistent après cette rencontre, de faire appel à l'interlocuteur et, enfin, demandé, si le désaccord persiste après ces deux recours, que le litige soit soumis à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ; que la gérante de la société requérante a, suite à sa demande, été reçue par le chef de brigade le 11 juin 2007 ; que ce dernier l'a informée par courrier du 14 août 2007 d'une réduction des rehaussements effectués ; que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires a, dans sa séance du 1er février 2008, confirmé les rectifications effectuées par l'administration mais émis l'avis de l'application de taux plus favorables de pertes et d'offerts relatifs à quelques produits ; que, par courrier du 25 mars 2008, l'administration a informé la société requérante des nouvelles bases retenues après pris en compte de l'avis rendu par la commission ; que, le 1er juillet 2008, l'interlocutrice départementale a reçu la gérante de la société requérante et lui a indiqué, par courrier du 28 août 2008, que les rectifications étaient maintenues ; qu'enfin, les impositions litigieuses ont été mises en recouvrement le 6 octobre 2008 ;

5. Considérant que la société requérante soutient que la circonstance que la rencontre avec l'interlocuteur départemental soit intervenue postérieurement à la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires entache la procédure d'une irrégularité substantielle ; que, toutefois, d'une part, aucune disposition légale ni aucune énonciation de la charte n'impose que la rencontre avec l'interlocuteur doive intervenir avant la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires et ce même sur demande du contribuable ; que, d'autre part, il ressort des termes mêmes du courrier adressé le 28 août 2008 par l'interlocutrice départementale que cette dernière a procédé à un examen critique tant des observations présentées par la société requérante devant la commission départementale qu'au cours de l'entretien et motivé le maintien des rectifications par l'absence d'éléments de preuve suffisants ; que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que, du seul fait que la commission départementale ait émis un avis favorable à l'essentiel des rectifications effectuées, avant l'entretien de sa gérante avec l'interlocutrice départementale, ce recours à l'interlocuteur aurait été privé d'effectivité ; que, par suite, la société Le Beau Rivage n'est pas fondée à soutenir que le fait que la rencontre avec l'interlocuteur départemental soit intervenue postérieurement à la saisine de commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, contrairement à sa demande, entache la procédure d'imposition d'une irrégularité substantielle justifiant la décharge des impositions litigieuses et des pénalités y afférentes ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Le Beau Rivage n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la société Le Beau Rivage la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :



Article 1er : La requête de la société Le Beau Rivage est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Le Beau Rivage et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 6 juin 2017 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 27 juin 2017.


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N° 15LY01203



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