Conseil d'État, Juge des référés, 21/06/2017, 410188, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et deux mémoires en réplique, enregistrés les 28 avril, 30 mai et 14 juin 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Les amis de la terre Landes et l'association Collectif d'associations de défense de l'environnement (CADE) demandent au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 123-16 du code de l'environnement :

1°) de suspendre l'exécution du décret du 2 juin 2016 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux nécessaires à la réalisation des lignes ferroviaires à grande vitesse Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax et emportant mise en compatibilité des documents d'urbanisme de plusieurs communes ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Les associations requérantes soutiennent que :
- la requête est recevable, y compris en tant qu'elle émane de l'association Collectif d'associations de défense de l'environnement, dès lors que la commission d'enquête ayant rendu un avis défavorable au projet, la demande de suspension du décret reconnaissant l'utilité publique de ce projet est présentée sur le fondement de l'article L. 123-16 du code de l'environnement et n'est donc soumise ni à la démonstration de l'urgence, ni à l'existence d'un recours au fond, ni à des conditions de délais de recours ;
- le décret contesté méconnaît les dispositions du 2° de l'article L. 2111-10 du code des transports en ce que l'autorité de régulation des activités ferroviaires et routières n'a pas émis d'avis sur la participation financière de SNCF Réseau ;
- le décret contesté méconnaît les articles R. 1511-1 et suivants du code des transports en ce que le dossier d'enquête publique ne comportait pas d'informations suffisantes sur les modalités de réalisation et de financement du projet ;
- le projet est dépourvu d'utilité publique, son évaluation socio-économique étant insuffisante, les prévisions de desserte et les hypothèses de destination étant largement surestimées et le taux de rentabilité interne avec prise en compte du coût d'opportunité des fonds publics étant trop faible ;

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 23 mai et le 13 juin 2017, SNCF Réseau conclut au rejet de la requête et demande à ce que soit mise à la charge des associations requérantes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de la justice administrative. SNCF Réseau soutient que la requête est irrecevable en tant qu'elle émane de l'association Collectif d'associations de défense de l'environnement et que les moyens ne sont pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 mai 2017, le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête. Il soutient que la requête est irrecevable en tant qu'elle émane de l'association Collectif d'associations de défense de l'environnement et que les moyens ne sont pas de nature à faire naître un doute sérieux quant à la légalité du décret contesté.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'environnement ;
- le code des transports ;
- le décret n° 97-444 du 5 mai 1997 ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, l'association Les amis de la terre Landes et l'association Collectif d'associations de défense de l'environnement, d'autre part, le Premier ministre, le ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et SNCF Réseau ;

Vu le procès-verbal de l'audience publique du jeudi 15 juin 2017 à 10 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- les représentants de l'association Les amis de la terre Landes et de l'association Collectif d'associations de défense de l'environnement ;
- les représentants du ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire ;

- Me Molinié, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de SNCF Réseau ;

- les représentants de SNCF Réseau ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a clos l'instruction.



1. Considérant que, par décret du 2 juin 2016, le Premier ministre a déclaré d'utilité publique et urgents les travaux nécessaires à la réalisation des lignes ferroviaires à grande vitesse nouvelles Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax et emportant mise en compatibilité des documents d'urbanisme des communes d'Arbanats, Ayguemorte-les-Graves, Beautiran, Bernos-Beaulac, Captieux, Castres-Gironde, Cazalis, Escaudes, Giscos, Goualade, Landiras, Lerm-et-Musset, Lucmau, Marions, Portets, Préchac, Saint-Médard-d'Eyrans, Saint-Selve et Virelade dans le département de la Gironde, des communes de Brax, Bruch, Caudecoste, Estillac, Fargues-sur-Ourbise, Moirax, Montesquieu, Pompogne, Roquefort, Sainte-Colombe-en-Bruilhois, Saint-Nicolas-de-la-Balerme, Sérignac-sur-Garonne, Vianne ainsi que de la communauté d'agglomération d'Agen (communes de Colayrac-Saint-Cirq, Layrac, Le Passage) dans le département de Lot-et-Garonne, des communes d'Auvillar, Bressols, Campsas, Castelmayran, Castelsarrasin, Cordes-Tolosannes, Donzac, Escatalens, Grisolles, Labastide-Saint-Pierre, Lacourt-Saint-Pierre, Montauban, Montbartier, Montbeton, Saint-Nicolas-de-la-Grave et Saint-Porquier dans le département de Tarn-et-Garonne, des communes de Castelnau-d'Estrétefonds, Fronton, Grenade, Saint-Rustice ainsi que de Toulouse Métropole (commune de Saint-Jory) dans le département de la Haute-Garonne, et des communes d'Arue, Bégaar, Canenx-et-Réaut, Cère, Ousse-Suzan, Pontonx-sur-l'Adour, Saint-Avit, Uchacq-et-Parentis ainsi que du syndicat intercommunal à vocation unique de Roquefort-Sarbazan (communes de Roquefort et de Sarbazan) dans le département des Landes ; que par la présente requête l'association Les amis de la terre Landes et l'association Collectif d'associations de défense de l'environnement demandent la suspension de ce décret ;

Sur la fin de non recevoir opposée à la requête en tant qu'elle émane de l'association Collectif des associations de défense de l'environnement :
2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 554-12 du code de justice administrative : " La décision de suspension d'une décision d'aménagement soumise à une enquête publique préalable obéit aux règles définie par l'article L. 123-16 du code de l'environnement " ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 123-16 du code de l'environnement " Le juge administratif des référés, saisi d'une demande de suspension d'une décision prise après des conclusions défavorables du commissaire-enquêteur ou de la commission d'enquête, fait droit à cette demande si elle comporte un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de celle-ci " ; que si les demandes de suspension de l'exécution d'une décision d'aménagement soumise à une enquête publique préalable présentées sur le fondement de l'article L. 554-12 du code de justice administrative doivent, sans qu'il y ait lieu de rechercher si la condition tenant à l'urgence est ou non remplie, être accueillies par le juge des référés lorsque la décision a été prise après conclusions défavorables du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête et qu'est soulevé un moyen de nature à faire naître un doute sérieux quant à sa légalité, elles obéissent pour le surplus au régime de droit commun des demandes de suspension de l'exécution des décisions administratives ; que, dès lors, l'association Collectif des associations de défense de l'environnement, qui n'est pas requérante dans l'instance tendant à l'annulation du décret du 2 juin 2016 déclarant d'utilité publique et urgents les travaux nécessaires à la réalisation des lignes à grande vitesse Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax, n'est pas recevable à en demander la suspension ; que, par suite, le ministre de la transition écologique et solidaire et SNCF Réseau sont fondés à soutenir que la requête est irrecevable en tant qu'elle émane de cette association ;

Sur les conclusions à fin de suspension présentées par l'association Les amis de la terre Landes :

3. Considérant que les moyens tirés de ce que le décret serait illégal au motif que l'autorité de régulation des activités ferroviaires et routières n'a pas émis d'avis sur la participation financière de SNCF Réseau, que le dossier d'enquête publique ne comportait pas d'informations suffisantes sur les modalités de réalisation et de financement du projet et que le projet est dépourvu d'utilité publique ne sont pas, en l'état de l'instruction et eu égard à l'état d'avancement du projet, de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité du décret attaqué ; que les conclusions tendant à la suspension de ce décret ne peuvent donc qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

4. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de SNCF Réseau tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge des associations requérantes sur le fondement de ces mêmes dispositions ;




O R D O N N E :
------------------
Article 1er : La requête de l'association Les amis de la terre Landes et de l'association Collectif d'associations de défense de l'environnement est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association Les amis de la terre Landes, à l'association Collectif d'associations de défense de l'environnement, au Premier ministre, au ministre d'Etat, ministre de la transition écologique et solidaire et à SNCF Réseau.

ECLI:FR:CEORD:2017:410188.20170621
Retourner en haut de la page