Conseil d'État, 4ème chambre, 21/06/2017, 409301, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La société Lilat et la société Phoebus ont demandé à la cour administrative d'appel de Bordeaux d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 6 décembre 2016 du maire de Saint-Lizier accordant à la société Lidl un permis de construire pour un bâtiment commercial comprenant une surface commerciale de 995,50 m². Par une ordonnance n° 17BX00257 du 15 février 2017, le président de la première chambre de la cour administrative d'appel a rejeté leur requête.

Par un pourvoi, enregistré le 28 mars 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Lilat et la société Phoebus demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) de mettre à la charge de la société Lidl et de la commune de Saint-Lizier la somme de 4 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire, enregistré le même jour, elles demandent au Conseil d'Etat, en application de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit des dispositions de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code de commerce ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 ;
- le décret n° 93-306 du 9 mars 1993 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Sara-Lou Gerber, auditeur,

- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Odent, Poulet, avocat des sociétés Lilat et Phoebus ;




1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 822-1 du code de justice administrative : " Le pourvoi en cassation devant le Conseil d'Etat fait l'objet d'une procédure préalable d'admission. L'admission est refusée par décision juridictionnelle si le pourvoi est irrecevable ou n'est fondé sur aucun moyen sérieux " ;

Sur la question prioritaire de constitutionnalité :

2. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel : " Le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution peut être soulevé (...) à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat (...) " ; qu'il résulte des dispositions de cet article que le Conseil constitutionnel est saisi de la question prioritaire de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;

3. Considérant que l'article L. 600-1-4, introduit dans le code de l'urbanisme par la loi du 18 juin 2014 relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dispose que : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions. / Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 600-1-2 d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il vaut autorisation de construire. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale sont irrecevables à l'appui de telles conclusions " ; que l'article L. 425-4 du même code est relatif aux permis de construire délivrés à des " projets soumis à autorisation d'exploitation commerciale au sens de l'article L. 752-1 du code de commerce " ; qu'enfin, l'article L. 752-1 du code de commerce dispose que : " I. - Sont soumis à une autorisation d'exploitation commerciale les projets ayant pour objet : / 1° la création d'un magasin de commerce de détail d'une surface de vente supérieure à 1 000 mètres carrés, résultant soit d'une construction nouvelle, soit de la transformation d'un immeuble existant ; (...) " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond et n'est d'ailleurs pas contesté que le permis de construire litigieux, délivré le 6 décembre 2016 à la société Lidl par le maire de Saint-Lizier, l'a été au vu d'un projet prévoyant une surface de vente inférieure à 1 000 m² ; que, par suite, il résulte des dispositions des articles L. 425-4 du code de l'urbanisme et L. 752-1 du code de commerce citées ci-dessus que ce permis de construire ne tient pas lieu d'autorisation d'exploitation commerciale ; qu'est à cet égard sans incidence l'allégation selon laquelle la société Lidl aurait, sous couvert d'un permis obtenu pour un projet comportant une surface de vente inférieure à 1 000 m², l'intention d'exploiter une surface de vente supérieure à cette limite ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions contestées de l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme, qui ne sont, en vertu de leur lettre même, applicables qu'aux recours formés contre les permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, ne sont pas applicables au présent litige, au sens et pour l'application des dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'ainsi, sans qu'il soit besoin de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée, le moyen tiré par les sociétés requérantes, à l'appui de leur pourvoi en cassation, de ce que l'article L. 600-1-4 du code de l'urbanisme porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution, doit être regardé comme non sérieux ;

Sur les autres moyens du pourvoi :

7. Considérant, que pour demander l'annulation de l'ordonnance du président de la 1ère chambre de la cour administrative d'appel de Bordeaux qu'elles attaquent, les sociétés Lilat et Phoebus soutiennent en outre qu'elle est entachée d'erreur de droit en ce qu'elle se fonde sur les dispositions d'un décret qui n'est plus en vigueur ; qu'elle est entachée d'erreur de droit et de dénaturation des faits en ce qu'elle juge leur requête manifestement irrecevable ; qu'aucun de ces moyens n'est de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède qu'aucun des moyens du pourvoi des sociétés Lilat et Phoebus n'est de nature à permettre son admission ;




D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par les sociétés Lilat et Phoebus.
Article 2 : Le pourvoi des sociétés Lilat et Phoebus n'est pas admis.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société Lilat, à la société Phoebus et au ministre de l'économie.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre, à la société Lidl et à la commune de Saint-Lizier.

ECLI:FR:CECHS:2017:409301.20170621
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