Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 19/06/2017, 394677

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure:

Le syndicat des copropriétaires de la résidence Butte Stendhal, M. A...B...et l'association " Mieux Vivre le 20e " ont demandé au tribunal administratif de Paris d'enjoindre avant dire droit à la ville de Paris de leur communiquer l'entier dossier de demande de permis de construire ainsi que diverses pièces concernant la réalisation d'un bâtiment comprenant des logements sociaux, des logements de fonction, un centre d'hébergement d'urgence, une crèche et des places de stationnement situé 5-5bis, rue Stendhal à Paris 20e, de surseoir à statuer dans cette attente et d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 juin 2013 par lequel la maire de Paris a accordé à la régie immobilière de la ville de Paris (RIVP) un permis de construire pour ce projet, ainsi que la décision implicite par laquelle elle a rejeté leur recours gracieux.

Par un jugement n°1317867/7-1 du 8 juillet 2015, le tribunal administratif de Paris a décidé qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat les questions prioritaires de constitutionnalité posées par les requérants, rejeté leurs conclusions à fin de sursis à statuer dans l'attente d'arrêts de la cour administrative d'appel de Paris et d'injonction avant dire droit de communication de pièces, rejeté les conclusions de la RIVP tendant à l'application des dispositions de l'article L. 600-7 du code de l'urbanisme et, en application de l'article L 600-5-1 du même code, sursis à statuer sur les conclusions à fin d'annulation présentées par les requérants pendant un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement, ce délai étant imparti à la ville de Paris pour notifier au tribunal un arrêté portant permis de construire modificatif, qui soit reprendra l'intégralité des prescriptions résultant des avis des 24 janvier 2012 et 21 février 2013 de la délégation permanente de la commission de sécurité et la prescription de l'architecte des bâtiments de France contenue dans son avis du 6 février 2013, soit imposera en un nouvel article à la RIVP de se conformer à ces prescriptions en annexant les trois avis précités à cet arrêté.

Le syndicat des copropriétaires de la Butte Stendhal et autres ont demandé au tribunal administratif de Paris, à titre principal, de surseoir à statuer en attendant l'arrêt statuant sur l'appel qu'ils ont formé contre le jugement du 8 juillet 2015 du même tribunal, à titre subsidiaire, de surseoir à statuer dans l'attente du jugement de leur demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir du permis modificatif délivré à la RIVP par la maire de Paris par un arrêté du 4 septembre 2015 et, à titre infiniment subsidiaire, d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 19 juin 2013 par lequel la maire de Paris a délivré à la RIVP un permis de construire un bâtiment comprenant des logements sociaux, des logements de fonction, un centre d'hébergement d'urgence, une crèche et des places de stationnement situé 5-5bis, rue Stendhal à Paris 20e.

Par un jugement n°131767/7-1 du 17 décembre 2015 le tribunal administratif de Paris a rejeté la demande du syndicat des copropriétaires de la résidence Butte Stendhal et autres.


Procédure contentieuse devant le Conseil d'Etat :

1° Sous le n° 394677, par une ordonnance n°15PA03208 du 10 novembre 2015, enregistrée le 19 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative, le pourvoi, enregistré le 6 août 2015 au greffe de cette cour, présenté par le syndicat des copropriétaires de la résidence Butte Stendhal et autres, tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Paris du 8 juillet 2015 ainsi que le mémoire distinct, enregistré le 13 août 2015, présenté en application de l'article R. 771-16 du code de justice administrative, par lequel les requérants contestent le refus qui leur a été opposé par le tribunal administratif de Paris de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme.

Par ce pourvoi, des mémoires complémentaires et des mémoires en réplique, enregistrés les 23 et 25 février 2016 et le 27 janvier 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le syndicat des copropriétaires de la résidence Butte Stendhal et autres demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Paris du 8 juillet 2015 ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leurs demandes de première instance ;

3°) de mettre à la charge conjointe de la ville de Paris et de la RIVP la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

2° Sous le n° 397149, par un pourvoi, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés le 19 février 2016, le 31 mars 2016 et le 27 janvier 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d'État, le syndicat des copropriétaires de la résidence Butte Stendhal, M. A...B...et l'association " Mieux Vivre le 20e " demandent au Conseil d'État :

1°) d'annuler le jugement n°131767/7-1 du 17 décembre 2015 du tribunal administratif de Paris ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur demande ;

3°) de mettre à la charge de la ville de Paris et de la RIVP la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


....................................................................................



Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'urbanisme, notamment ses articles L. 600-5 et L. 600-5-1 ;
- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Isabelle Lemesle, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat du syndicat des copropriétaires de la résidence Butte Stendhal, de M. A...B...et de l'association mieux vivre le 20 ème, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la ville de Paris, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de la régie immobilière de la ville de paris, à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, Hannotin, avocat de l'association mieux vivre le 20 ème et à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de la régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP) ;



Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que par un arrêté du 19 juin 2013, corrigé d'une erreur matérielle par un arrêté du 17 décembre 2013, le maire de Paris a accordé à la Régie immobilière de la ville de Paris (RIVP) un permis de construire, sur une unité foncière dont elle est propriétaire au 5-5 bis, rue Stendhal à Paris 20e,, un ensemble immobilier comportant un bâtiment de six niveaux accueillant trente-deux logements sociaux, deux logements de fonction, un centre d'hébergement d'urgence de soixante-et-onze places, une crèche collective de soixante-six berceaux et deux places de stationnement. Le syndicat des copropriétaires de la résidence Butte Stendhal, M. B...et l'association " Mieux Vivre le 20e " ont demandé l'annulation de ce permis de construire. Par un jugement avant dire droit du 8 juillet 2015, le tribunal administratif de Paris a considéré qu'il n'y avait pas lieu de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme aux droits et libertés garantis par la Constitution, a rejeté leurs conclusions tendant à ce qu'il soit sursis à statuer en attendant des décisions de la cour administrative d'appel de Paris et à ce qu'il soit enjoint à la ville de Paris de leur communiquer l'entier dossier de demande de permis de construire et, faisant application des dispositions de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, a décidé de surseoir à statuer sur leurs conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 19 juin 2013 modifié, pendant un délai de trois mois, dans l'attente de la notification par la ville de Paris d'un permis de construire modificatif soit reprenant l'intégralité des prescriptions résultant des avis des 24 janvier 2012 et 21 février 2013 de la délégation permanente de la commission de sécurité et la prescription de l'architecte des bâtiments de France résultant de son avis du 6 février 2013, soit imposant à la RIVP de se conformer à ces prescriptions en annexant les avis correspondants. Après communication au tribunal administratif de l'arrêté du maire de Paris du 4 septembre 2015 portant permis modificatif du permis octroyé le 19 juin 2013, le tribunal administratif a, par un jugement du 17 décembre 2015 mettant fin à l'instance, rejeté la requête du syndicat des copropriétaires de la résidence Butte Stendhal et autres. Par deux pourvois qu'il y a lieu de joindre, le syndicat des copropriétaires de la résidence Butte Stendhal, M. B...et l'association " Mieux Vivre le 20e " demandent l'annulation des jugements des 8 juillet 2015 et 17 décembre 2015.


Sur la compétence du Conseil d'Etat :

2. En vertu des dispositions de l'article R. 811-1-1 du code de justice administrative, issu du décret du 1er octobre 2013 relatif au contentieux de l'urbanisme, les tribunaux administratifs statuent en premier et dernier ressort sur les recours, introduits entre le 1er décembre 2013 et le 1er décembre 2018, dirigés contre " les permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d'habitation ou contre les permis d'aménager un lotissement lorsque le bâtiment ou le lotissement est implanté en tout ou partie sur le territoire d'une des communes mentionnées à l'article 232 du code général des impôts et son décret d'application ".

3. Ces dispositions, qui ont pour objectif, dans les zones où la tension entre l'offre et la demande de logements est particulièrement vive, de réduire le délai de traitement des recours pouvant retarder la réalisation d'opérations de construction de logements, dérogent aux dispositions du premier alinéa de l'article R. 811-1 du code de justice administrative aux termes desquelles : " Toute partie présente dans une instance devant le tribunal administratif (...) peut interjeter appel contre toute décision juridictionnelle rendue dans cette instance ". Pour leur application dans le cas où la construction est destinée à différents usages, doit être regardé comme un bâtiment à usage principal d'habitation celui dont plus de la moitié de la surface de plancher est destinée à l'habitation.

4. En l'espèce, d'une part, la ville de Paris figurait, à la date du permis attaqué, sur la liste des communes annexée au décret du 10 mai 2013 relatif au champ d'application de la taxe annuelle sur les logements vacants instituée par l'article 232 du code général des impôts. D'autre part, la demande du syndicat des copropriétaires de la résidence Butte Stendhal et autres a été présentée après le 1er décembre 2013. Enfin, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le permis de construire litigieux autorise la construction d'un bâtiment à usage multiple comportant, pour une surface totale de 4 672 m², 2 037 m² de logements sociaux et logements de fonction, un centre d'hébergement d'urgence de 1 867 m² et une crèche de 864 m². Dès lors qu'un centre d'hébergement d'urgence constitue un bâtiment à usage principal d'habitation au sens des dispositions citées au point 2 de l'article R 811-1-1 du code de justice administrative, le projet immobilier autorisé par le permis de construire en litige, dont 83% de la surface de plancher est destinée à l'habitation, doit être regardé comme étant " à usage principal d'habitation " au sens de ces dispositions.

5. Par suite, contrairement à ce que soutiennent les requérants, les jugements qu'ils attaquent n'étaient pas susceptibles d'appel. C'est donc à bon droit que, sous le n°394577, par une ordonnance du 10 novembre 2015, le président de la cour administrative d'appel de Paris a transmis leur pourvoi au Conseil d'Etat, en application de l'article R. 351-2 du code de justice administrative y compris, par voie de conséquence, leur contestation du refus du tribunal administratif de Paris de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme aux droits et libertés garantis par la Constitution. Sous le n°397149, leur requête a le caractère d'un pourvoi qui relève de la compétence du Conseil d'Etat, juge de cassation.


Sur le pourvoi dirigé contre le jugement avant dire droit du 8 juillet 2015 :

6. Lorsqu'un tribunal administratif, après avoir écarté comme non fondés des moyens de la requête, a cependant retenu l'existence d'un vice entachant la légalité du permis de construire, de démolir ou d'aménager dont l'annulation lui était demandée et a alors décidé de surseoir à statuer en faisant usage des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme pour inviter l'administration à régulariser ce vice, l'auteur du recours formé contre ce jugement avant dire droit peut contester le jugement en tant qu'il a écarté comme non-fondés les moyens dirigés contre l'autorisation initiale d'urbanisme et également en tant qu'il a fait application de ces dispositions de l'article L 600-5-1. Toutefois, à compter de la délivrance du permis modificatif en vue de régulariser le vice relevé, dans le cadre du sursis à statuer prononcé par le jugement avant dire droit, les conclusions dirigées contre ce jugement en tant qu'il met en oeuvre les pouvoirs que le juge tient de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme sont privées d'objet.


Sur les conclusions dirigées contre le jugement avant dire droit en tant qu'il met en oeuvre l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :

7. Dès lors qu'un permis modificatif a été délivré, le 4 septembre 2015, postérieurement à l'introduction du pourvoi, il résulte de ce qui a été dit au point 5 qu'il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de ce pourvoi dirigées contre le jugement avant dire droit du 8 juillet 2015 en tant qu'il met en oeuvre les pouvoirs que le juge tient de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme .


Sur les conclusions dirigées contre le jugement avant dire droit tant qu'il écarte les moyens dirigés contre l'autorisation initiale d'urbanisme :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

8. Aux termes de l'article R. 611-6 du code de justice administrative : " Le président de la juridiction (...) En cas de nécessité reconnue, (...) peut (...) autoriser la remise momentanée de ces pièces, pendant un délai qu'il fixe, entre les mains des avocats ou avoués des parties ou des représentants des administrations (...) ". D'une part, il résulte de ces dispositions que le président de la juridiction n'est jamais tenu de faire droit à la demande des requérants tendant à la remise momentanée des pièces de la procédure entre les mains de leurs avocats ou représentants. D'autre part, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le dossier de demande de permis de construire, dont le syndicat des copropriétaires de la résidence Butte Stendhal et autres demandaient qu'il soit remis entre les mains de leur avocat pendant un délai de quinze jours, a été mis à la disposition de ce dernier au greffe du tribunal administratif, une lettre du 6 février 2015 l'ayant informé qu'il pouvait en prendre connaissance dans un local spécifiquement mis à sa disposition, à une date et selon des modalités pratiques à convenir avec le greffe. Dans ces conditions, les requérants qui ont disposé d'un délai de cinq mois avant l'audience publique pour consulter les pièces du dossier de demande de permis de construire et qui ne contestent pas avoir fait usage de cette faculté, ne sont pas fondés à soutenir que la procédure suivie par le tribunal administratif, qui ne s'est pas mépris sur le sens de leurs écritures, contrairement à ce qui est soutenu, est entachée d'irrégularité.

9. Le caractère contradictoire de la procédure fait en principe obstacle à ce que le juge se fonde sur des pièces produites au cours de l'instance qui n'auraient pas été préalablement communiquées à chacune des parties. Toutefois, le tribunal administratif a pu, pour écarter le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur des avis des 24 janvier 2012 et 21 février 2013 relatifs aux établissements recevant du public, régulièrement se fonder sur les arrêtés du préfet de police relatifs à l'organisation et aux missions de la direction des transports et de la protection du public, ainsi qu'aux délégations de signature consenties en son sein, qui ont été produits en défense, sans les communiquer aux requérants dès lors qu'il s'agit d'actes réglementaires qui ont régulièrement publiés au bulletin municipal officiel de la ville de Paris des 5 et 15 février 2013 et qui sont consultables sur le site internet de la ville de Paris.


En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué :

Quant à la contestation du refus de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité :

10. Les dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance portant loi organique du 7 novembre 1958 prévoient que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat est saisie de moyens contestant la conformité d'une disposition législative aux droits et libertés garantis par la Constitution, elle transmet au Conseil d'Etat la question de constitutionnalité ainsi posée à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et qu'elle ne soit pas dépourvue de caractère sérieux.

11. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Paris a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question, soulevée par le syndicat des copropriétaires de la résidence Butte Stendhal et autres à l'appui de leur demande, de la conformité des dispositions des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme aux droits et libertés garantis par la Constitution au motif, pour les premières, qu'elles n'étaient pas applicables au litige, au sens et pour l'application de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 et, pour les secondes, que la question était dépourvue de caractère sérieux.

12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé par un permis modificatif peut, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, surseoir à statuer jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation. Si un tel permis modificatif est notifié dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations ". Ces dispositions, qui ne portent atteinte à aucune situation qui serait acquise ou définitivement constituée, se bornent à instituer des règles de procédure concernant exclusivement les pouvoirs du juge administratif en matière de contentieux de l'urbanisme. Eu égard aux garanties procédurales qu'elles prévoient, le tribunal administratif n'a pas entaché son jugement d'inexacte qualification juridique en estimant que la question de leur conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution, et notamment à l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, était dépourvue de caractère sérieux.

13. En second lieu, aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé par un permis modificatif, peut limiter à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixer le délai dans lequel le titulaire du permis pourra en demander la régularisation ". Le tribunal administratif n'ayant pas fait application de ces dispositions, c'est sans erreur de droit qu'il en a déduit qu'elles ne pouvaient être regardées comme applicables au litige dont il était saisi.


Quant aux motifs écartant les moyens articulés à l'encontre du permis initial :

14. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que c'est par une appréciation souveraine, exempte de dénaturation, que le tribunal administratif a écarté les moyens tirés du caractère insuffisant de la notice relative à l'accessibilité de la crèche aux personnes handicapées, du caractère incomplet du dossier de sécurité et de l'absence d'accord de l'autorité compétente pour se prononcer sur le respect des normes d'accessibilité et de sécurité. De même, le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant que les avis de la délégation permanente de la commission de sécurité avaient été régulièrement émis.

15. En deuxième lieu, il ressort des motifs du jugement attaqué que le tribunal administratif a recherché, pour répondre aux allégations des requérants, si l'ensemble des éléments concernant, dans la demande de permis de construire, le respect tant des règles d'accessibilité aux personnes handicapées, que des règles de sécurité a permis à l'autorité compétente de se prononcer sur la conformité du projet à la réglementation applicable en ces matières. Dès lors, le moyen tiré de ce que ce jugement serait entaché d'erreur de droit pour ne pas s'être assuré du caractère complet du dossier de demande de permis de construire ne peut qu'être écarté.

16. En troisième lieu, en application de l'article L. 425-3 du code de l'urbanisme, le permis de construire tient lieu de l'autorisation prévue à l'article L. 111-8 du code de la construction et de l'habitation, s'agissant d'un projet qui porte sur un établissement recevant du public. Dès lors, c'est sans erreur de droit que le tribunal administratif a considéré qu'en l'espèce, le permis de construire litigieux, délivré par le maire de Paris après avis de la commission de sécurité, ne pouvait être regardé comme ayant été délivré en l'absence de l'accord de l'autorité compétente en matière de sécurité et d'accessibilité.

17. En quatrième lieu, en vertu de l'article R. 425-30 du code de l'urbanisme pris pour l'application de l'article L. 425-1 du même code, l'architecte des bâtiments de France émet, lorsque le terrain d'assiette d'un projet de construction est situé dans un site inscrit, un avis qui ne lie pas l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire. Il s'ensuit que c'est sans erreur de droit que le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de ce que le permis de construire litigieux aurait été délivré en méconnaissance de l'avis de l'architecte des bâtiments de France.

18. Enfin, dès lors que le juge administratif n'est jamais tenu de réserver une suite favorable à une demande de sursis à statuer présentée par les parties, c'est sans erreur de droit que le tribunal administratif a considéré, au terme d'une appréciation souveraine exempte de dénaturation, qu'il n'y avait pas lieu de surseoir à statuer sur le litige dont il était saisi dans l'attente de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Paris dans l'instance relative à la décision du maire de Paris de signer le 18 juin 2009 une convention d'organisation de la maîtrise d'ouvrage avec la RIVP pour la réalisation du projet en litige.

19. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement avant dire droit du 8 juillet 2015 en tant qu'il écarte comme non fondés les moyens articulés à l'encontre du permis initial.


Sur le pourvoi dirigé contre le jugement du 17 décembre 2015 mettant fin à l'instance de premier et dernier ressort :

20. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 19 que le moyen tiré de ce que le jugement attaqué devrait être annulé par voie de conséquence de l'annulation du jugement avant dire droit du 8 juillet 2015 ne peut qu'être écarté.

21. En deuxième lieu, lorsque le juge a fait usage de la faculté de surseoir à statuer ouverte par l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, qu'un permis modificatif a été délivré et que le juge a mis fin à l'instance par un second jugement, l'auteur d'un recours contre ce jugement peut contester la légalité du permis de construire modificatif par des moyens propres et au motif que le permis initial n'était pas régularisable

22. D'une part, c'est sans erreur de droit ni méconnaissance de la portée des écritures des requérants que le tribunal administratif a jugé inopérants les moyens écartés par le jugement avant dire droit du 8 juillet 2015 et tirés de l'incompétence de l'auteur des avis des 24 janvier 2012 et 21 février 2013 de la délégation permanente de la commission de sécurité, de la méconnaissance des articles CO 4 e) et CO 59 du règlement de sécurité contre les risques d'incendie et de panique dans les établissements recevant du public et de la méconnaissance de l'article UG 11 du règlement du plan local d'urbanisme de la ville de Paris en tant qu'il en résulterait que l'avis de l'architecte des bâtiments de France devait être regardé comme défavorable, dès lors que ces moyens étaient dirigés contre le permis de construire initial et non contre le permis de construire modificatif

23. D'autre part, Il ne résulte pas des dispositions précitées de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme que le bénéficiaire du permis de construire doive solliciter de l'autorité compétente la délivrance du permis modificatif que le juge administratif, statuant avant dire droit, a estimé nécessaire pour régulariser le permis de construire initial. Dans ces conditions, c'est sans erreur de droit que le tribunal administratif a considéré que le permis de construire modificatif qui lui était notifié par la ville de Paris ne devait pas nécessairement résulter d'une demande formulée par la RIVP à l'autorité compétente.

24. Enfin, aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens (...) ". Il résulte de ces dispositions que le paiement des sommes exposées et non comprises dans les dépens ne peut être mis à la charge que de la partie qui perd pour l'essentiel. En l'espèce, le tribunal administratif a rejeté la requête du syndicat des copropriétaires et autres tendant à l'annulation du permis de construire délivré à la RIVP. Même si cette décision est fondée sur la régularisation de cette autorisation opérée, en application de l'article L 600-5-1 du code de l'urbanisme, par le permis de construire modificatif délivré le 4 septembre 2015, les requérants doivent néanmoins être regardés comme la partie qui perd pour l'essentiel. Il s'ensuit que c'est par une exacte qualification juridique des faits que le tribunal administratif a mis la somme de 1 500 euros à la charge conjointe du syndicat des copropriétaires de la résidence Butte Stendhal et autres.

25. Il résulte de tout ce qui précède que le syndicat des copropriétaires de la Butte Stendhal et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation du jugement du 17 décembre 2015 mettant fin à l'instance de premier et dernier ressort.


Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

26. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge conjointe du syndicat des copropriétaires de la résidence Butte Stendhal, de M. B...et de l'association " Mieux vivre le 20e " la somme de 3 000 euros à verser d'une part, à la ville de Paris et d'autre part, à la RIVP au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la ville de Paris ou de la RIVP.




D E C I D E :
--------------
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du pourvoi n° 394677 dirigées contre le jugement 8 juillet 2015 en tant qu'il met en oeuvre l'article L 600-5-1 du code de l'urbanisme.
Article 2 : Le surplus des conclusions du pourvoi n° 394677 et le pourvoi n° 397149 du syndicat des copropriétaires de la résidence Butte Stendhal et autres sont rejetés.
Article 3 : Le syndicat des copropriétaires de la résidence Butte Stendhal, M. B...et l'association " Mieux vivre le 20e " verseront conjointement à la ville de Paris d'une part, et à la RIVP d'autre part, la somme de 3 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au syndicat des copropriétaires de la résidence Butte Stendhal, premier dénommé, à la ville de Paris et à la régie immobilière de la ville de Paris.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel et au Premier ministre.

ECLI:FR:CECHR:2017:394677.20170619
Retourner en haut de la page