CAA de LYON, 2ème chambre - formation à 3, 08/06/2017, 15LY01912, Inédit au recueil Lebon
CAA de LYON, 2ème chambre - formation à 3, 08/06/2017, 15LY01912, Inédit au recueil Lebon
CAA de LYON - 2ème chambre - formation à 3
- N° 15LY01912
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
jeudi
08 juin 2017
- Président
- M. BOURRACHOT
- Rapporteur
- Mme Emmanuelle TERRADE
- Avocat(s)
- CABINET DURAFFOURD
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SARL AFC (Aménagement Foncier Construction) a demandé au tribunal administratif de Grenoble de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006 et 2007, et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1203889 du 9 avril 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 8 juin 2015, la SARL AFC (Aménagement Foncier Construction), représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble, en date du 9 avril 2015 ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions contestées et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SARL AFC soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu à son moyen tiré de ce qu'elle n'avait pas intérêt à minorer son résultat imposable en s'abstenant de comptabiliser les produits d'intérêts des prêts accordés à ses filiales, dès lors que ceux-ci, constitutifs de charges pour ces dernières, en aurait réduit le résultat et donc les dividendes perçus par elle ;
- une telle minoration n'est pas établie, compte tenu de la quote-part qu'elle détient dans le capital de ses filiales, ce qui aurait réduit d'autant son résultat ;
- la démarche de l'administration fiscale est incohérente quant à l'application des dispositions de l'article 38 4 bis du code général des impôts en accordant le bénéfice du principe de la correction symétrique des bilans lorsqu'il s'agit de rehausser le résultat sans tenir compte d'une dette au passif du bilan ; l'administration fiscale ne peut tout à la fois l'imposer au titre de 2006 sur le résultat qu'elle a omis de déclarer en 2004 et lui interdire de déduire en 2006 la charge contractée durant l'exercice 2005 en invoquant le principe de l'annualité au motif qu'elle se rattache à un exercice antérieur ;
- l'administration n'établit pas l'existence d'un acte anormal de gestion relatif aux avances sans intérêt consenties à ses filiales ;
- l'administration fiscale n'apporte pas la preuve de son intention délibérée d'éluder l'impôt ; les pénalités pour manquement délibéré ne sont dès lors pas fondées tant en ce qui concerne les résultats des SCI filiales, que du remboursement de frais kilométriques qu'elle a pris en charge au titre des déplacements de son gérant, l'administration fiscale n'apportant pas la preuve qui lui incombe qu'elle aurait délibérément minoré son résultat imposable à concurrence des frais effectivement remboursés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre expose qu'aucun des moyens soulevés par la SARL requérante n'est fondé.
Par un mémoire enregistré le 28 avril 2017, la société AFC Aménagement foncier Construction conclut aux mêmes fins que sa requête initiale par les mêmes moyens.
Elle soutient, en outre, que :
- la position de l'administration fiscale est incohérente qui consiste à considérer à la fois que l'article 38 4 bis du code général des impôts doit s'appliquer quand il s'agit de rehausser le résultat d'une société du fait de l'omission d'inscription d'un bien à l'actif de son bilan tout en refusant d'appliquer ces mêmes dispositions lorsque le résultat se trouve minoré du fait de la constatation d'une dette au passif du bilan ; la comptabilisation en 2006 de la facture émise par ETP en 2005 a consisté à prendre en compte une dette au passif, venue en déduction de l'actif pour le calcul de l'actif net à la clôture de l'exercice 2006 ; que la variation de l'actif net au titre de l'année 2006 doit être prise en compte pour le calcul du résultat ; le stock existant au 31 décembre 2006 a fait l'objet d'une vérification par l'administration fiscale qui l'a d'ailleurs rehaussé ; c'est à tort que l'administration fiscale a cru devoir remettre en cause la déduction de la somme de 53 082 euros HT pour le calcul de son résultat au titre de l'année 2006 ;
- si elle avait facturé des intérêts sur les avances consenties à ses SCI, leur résultat en aurait été diminué d'autant et par voie de conséquence la quote-part de son résultat imposable en résultant ;
- les SCI ne disposaient pas du même expert comptable qu'elle ; l'administration fiscale n'apporte pas la preuve que l'omission de constatation de sa quote-part dans les résultats des SCI serait délibérée ; que la circonstance qu'elle a omis de comptabiliser sa quote-part des pertes réalisées en 2007 par la SCI Les jardins du Mercier démontre qu'il ne s'agit que d'une erreur ;
- elle apporte la preuve des déplacements effectués par son gérant pour les besoins de la société et établit les avoir remboursés ; elle n'a donc pas minoré son résultat en déduisant des frais qu'elle a effectivement supportés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Terrade, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public ;
1. Considérant que la SARL AFC (Aménagement Foncier Construction) a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a rehaussé ses bases à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 et à l'impôt sur les sociétés sur les exercices clos en 2006 et 2007 ; que, par jugement du 9 avril 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités y afférentes ; que, par la présente requête, la SARL AFC relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que la SARL AFC soutient que le tribunal administratif de Grenoble a omis de répondre à son moyen tiré de ce qu'elle n'avait pas intérêt à minorer son résultat imposable en s'abstenant de comptabiliser les produits d'intérêts des prêts accordés à ses filiales, dès lors que ceux-ci, constitutifs de charges pour ces dernières en aurait réduit le résultat ; que, toutefois, il résulte de la lecture du jugement attaqué que pour écarter son moyen tiré de ce que l'administration n'établissait pas l'existence d'un acte anormal de gestion, le tribunal administratif de Grenoble a constaté que la SARL AFC n'apportait aucun justificatif attestant de l'existence de contreparties aux avances sans intérêt qu'elle avait consenties à ses filiales ; que, par suite, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas entaché son jugement d'une omission à statuer ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. (...) " ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts dans sa rédaction issue de l'article 43 de la loi de finances rectificative pour 2004 applicable à l'espèce : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation./ 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) 4 bis. Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci. Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit./ Elles ne sont pas non plus applicables aux omissions ou erreurs qui résultent de dotations aux amortissements excessives au regard des usages mentionnés au 2° du 1 de l'article 39 déduites sur des exercices prescrits ou de la déduction au cours d'exercices prescrits de charges qui auraient dû venir en augmentation de l'actif immobilisé./ Les corrections des omissions ou erreurs mentionnées aux deuxième et troisième alinéas restent sans influence sur le résultat imposable lorsqu'elles affectent l'actif du bilan. (...) " ;
5. Considérant que, dans l'hypothèse où, en application des dispositions de l'article 38-2 du code général des impôts applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209, le bénéfice imposable d'un exercice a été déterminé par différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice et où son montant a servi de base à une imposition qui est devenue définitive en raison de l'expiration du délai de répétition, les erreurs qui ont entraîné une sous-estimation ou une surestimation de l'actif net ressortant du bilan de clôture dudit exercice peuvent être ultérieurement corrigées, à l'initiative du contribuable ou à celle de l'administration à la suite d'une vérification, dans les bilans des exercices non couverts par la prescription et par suite dans les bilans d'ouverture de ces exercices à l'exception du premier ;
6. Considérant que lorsque les bénéfices imposables d'un contribuable ont été déterminés en application de ces dispositions, les erreurs ou omissions qui entachent les écritures comptables retracées au bilan de clôture d'un exercice ou d'une année d'imposition et entraînent une sous-estimation ou une surestimation de l'actif net de l'entreprise peuvent, à l'initiative du contribuable qui les a involontairement commises, ou à celle de l'administration exerçant son droit de reprise, être réparées dans ce bilan ; que les mêmes erreurs ou omissions, s'il est établi qu'elles se retrouvent dans les écritures de bilan d'autres exercices, doivent y être symétriquement corrigées, dès lors qu'elles ne revêtent pas, pour le contribuable qui les invoque, un caractère délibéré et alors même que tout ou partie de ces exercices seraient couverts par la prescription prévue, notamment, aux articles L. 168 et L. 169 du livre des procédures fiscales dès lors que l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit ou résultent de la déduction de charges qui auraient dû venir en augmentation de l'actif immobilisé ; qu'en vertu de ces dispositions, une erreur ou omission affectant l'évaluation d'un élément quelconque du bilan d'un des exercices non prescrits peut, si elle a été commise au cours d'un exercice clos plus de sept ans avant l'ouverture du premier des exercices non prescrits, être corrigée de manière symétrique dans les bilans de clôture et d'ouverture des exercices non prescrits, y compris dans le bilan d'ouverture du premier d'entre eux ; qu'en vertu de la règle d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci dès lors que l'omission n'entre pas dans les exceptions prévues à l'article 38 du code général des impôts ;
En ce qui concerne la déduction au titre du premier exercice non prescrit d'une charge engagée au cours du dernier exercice prescrit :
7. Considérant que les dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts applicables pour la détermination des bases de l'impôt sur les sociétés en vertu du I de l'article 209 du même code, et selon lesquelles le bénéfice net " est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant... notamment : 1° les frais généraux de toute nature (...) ", s'entendent, eu égard au principe de l'indépendance des exercices qui résulte des dispositions du 2 de l'article 38 dudit code, comme autorisant la déduction des charges payées par l'entreprise au cours de l'exercice dont les résultats doivent servir de base à l'impôt, à l'exception de celles " constatées d'avance ", c'est-à-dire correspondant au paiement d'un bien ou d'une prestation de service dont la livraison ou la fourniture n'interviendra qu'au cours d'un exercice ultérieur, sur les résultats duquel il y aura lieu de l'imputer ; que pour être admis en déduction, les frais et charges doivent être compris dans les charges de l'exercice au cours duquel ils ont été engagés, c'est-à-dire celui au cours duquel ils présentent le caractère de dettes certaines dans leur principe et déterminées dans leur montant ; qu'une entreprise ne peut en principe comprendre dans les frais généraux d'un exercice des charges se rapportant à des exercices à venir ou passés ;
8. Considérant qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il incombe dans tous les cas au contribuable, quelle qu'ait été la procédure d'imposition suivie à son encontre, de justifier tant du montant des charges qu'il entend, en application du I de l'article 39 du code général des impôts précité, déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du même code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que, dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ; que, lorsqu'une entreprise a déduit en charge une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis ; que si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ; que le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration ;
9. Considérant en particulier, que, si l'acte contesté par l'administration s'est traduit, en comptabilité, par une écriture portant, soit sur des créances de tiers, lesquelles doivent, en vertu de l'article 38 du code général des impôts, être retranchées des valeurs d'actif pour obtenir le bénéfice net, soit sur les charges de la nature de celles qui sont visées à l'article 39 du même code, et qui viennent en déduction du bénéfice net défini à l'article 38 du code, l'administration doit être réputée apporter la preuve qui lui incombe si le contribuable n'est pas, lui-même, en mesure de justifier dans son principe comme dans son montant, de l'exactitude de l'écriture dont s'agit, quand bien même, en raison de la procédure mise en oeuvre, il n'eût pas été, à ce titre, tenu d'apporter pareille justification ;
10. Considérant qu'aux termes du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts issu de l'article 43 de la loi du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004 : " Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci. / Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit. / Elles ne sont pas non plus applicables aux omissions ou erreurs qui résultent de dotations aux amortissements excessives au regard des usages mentionnés au 2° du 1 de l'article 39 déduites sur des exercices prescrits ou de la déduction au cours d'exercices prescrits de charges qui auraient dû venir en augmentation de l'actif immobilisé. / Les corrections des omissions ou erreurs mentionnées aux deuxième et troisième alinéas restent sans influence sur le résultat imposable lorsqu'elles affectent l'actif du bilan. Toutefois, elles ne sont prises en compte ni pour le calcul des amortissements ou des provisions, ni pour la détermination du résultat de cession. " ;
11. Considérant que la société AFC a omis de comptabiliser sur l'exercice 2005, dernier exercice prescrit à la date du contrôle, une facture de travaux émise le 24 juin 2005 par la SARL ETP d'un montant de 53 082 euros HT ; qu'elle a corrigé cette omission en la comptabilisant comme dette au compte fournisseurs sur l'exercice 2006, premier exercice non prescrit et se prévaut de l'incidence de cette correction sur la variation de son actif net à la clôture de l'exercice 2006 en faisant valoir qu'en vertu du principe d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, aucune correction symétrique des bilans ne peut être opérée sur l'actif de clôture de l'exercice clos en 2005, dernier exercice prescrit ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la situation de la société AFC entrait dans le champ des exceptions prévues au 4 bis de l'article 38 du code général des impôts permettant d'écarter l'application du principe d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit ; que l'administration fiscale soutient que la société AFC ne démontre pas en quoi l'omission de comptabilisation de cette charge en 2005 aurait conduit à une surestimation de l'actif net au bilan de clôture du dernier exercice prescrit et l'incidence de cette surestimation sur la variation de l'actif net au cours de l'exercice 2006 premier exercice non prescrit ; qu'une écriture de bilan comporte une incidence sur l'actif net, lorsqu'elle a des conséquences sur le bénéfice net déterminé en vertu des dispositions du 2. de l'article 38 du code général des impôts par la différence de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice ; que la requérante soutient que la comptabilisation de cette facture au compte fournisseurs de son bilan en 2006 s'est traduit par la constatation d'une dette au passif de cet exercice et, par conséquent, d'une variation de son actif net à la clôture de l'exercice ; que, toutefois, les dépenses qui concourent à l'accroissement de la valeur d'un élément d'actif ne pouvant être comptabilisées en charges doivent être inscrites dans les comptes d'actif et sont par suite sans effet sur la variation de l'actif net ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que la facture litigieuse concernait des dépenses de travaux que la société requérante qui exerce une activité d'aménagement foncier a engagé sans qu'il ne soit ni établi, ni même allégué que ces travaux auraient uniquement affecté le passif de l'entreprise, par la minoration des dettes du dernier exercice prescrit, sans comporter corrélativement une incidence sur ses comptes d'actif par une minoration des stocks ; qu'il résulte de l'instruction que la société AFC justifie par la production du compte de bilan " fournisseurs " de l'exercice 2006, la comptabilisation de la dette litigieuse, sans toutefois établir que cette correction n'aurait eu pour seule incidence que la constatation d'une dette au passif ; que, toutefois, l'administration fiscale qui a entendu remettre en cause cette écriture dans le cadre de la procédure contradictoire n'apporte pas la preuve qui lui incombe que la correction opérée en 2006 par la société AFC aurait eu pour contrepartie une variation corrélative de ses comptes d'actif de l'exercice 2006 et aurait ainsi été sans incidence sur la variation de l'actif net de l'exercice clos en 2006 ; que, par suite, la société AFC est fondée à demander la décharge du redressement correspondant à cette correction sur l'exercice contrôlé ;
En ce qui concerne la renonciation à recettes sur les avances consenties à ses filiales :
12. Considérant que, si la détermination du fardeau de la preuve est, pour l'ensemble des contribuables soumis à l'impôt, tributaire de la procédure d'imposition suivie à leur égard, elle n'en découle, pas moins, à titre principal, dans le cas des entreprises assujetties à l'impôt sur les sociétés, de la nature des opérations comptables auxquelles ont donné lieu les actes de gestion dont l'administration conteste le caractère ; que si l'appréciation du caractère anormal d'un acte de gestion pose une question de droit, il appartient, en règle générale, à l'administration d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal ; que ce principe ne peut, toutefois, recevoir application que dans le respect des prescriptions législatives et réglementaires qui, dans le contentieux fiscal, gouvernent la charge de la preuve ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles 38 et 39 du code général des impôts, applicables en matière d'impôt sur les sociétés en vertu des dispositions de l'article 209 du même code, que le bénéfice net imposable est établi sous déduction des charges supportées dans l'intérêt de l'entreprise ; que seules peuvent être admises en déduction des résultats imposables et relèvent d'une gestion normale, les dépenses effectivement supportées par une entreprise, et qui sont liées à l'exercice de son activité propre, de sorte qu'il puisse être considéré qu'elle en retire une contrepartie réelle ; que, s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon de créances par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ;
13. Considérant que c'est au regard du seul intérêt propre de l'entreprise que l'administration doit apprécier si les opérations litigieuses correspondent à des actes relevant d'une gestion commerciale normale ; que cet intérêt n'est pas méconnu lorsqu'une entreprise se livre à des opérations financières dans des conditions présentant pour elle un caractère avantageux ; qu'indépendamment du cas de détournements de fonds rendus possibles par le comportement délibéré ou la carence manifeste des dirigeants, il n'appartient pas à l'administration, dans ce cadre, de se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par l'entreprise et notamment pas sur l'ampleur des risques pris par elle pour améliorer ses résultats ;
14. Considérant, d'une part, que le fait de consentir des avances sans intérêt à un tiers constitue pour une société un acte étranger à une gestion commerciale normale, même si le tiers est une filiale, hormis le cas où la société mère peut être regardée comme ayant agi dans son propre intérêt en venant en aide à une filiale en difficulté ; que la circonstance que la filiale, en utilisant les fonds provenant de prêt sans intérêt consentis par la société mère pour acquérir des actifs, ait valorisé ainsi la participation détenue par la mère dans son capital, n'est pas de nature à ôter au prêt sans intérêt son caractère d'acte anormal de gestion ; qu'il en va de même de la circonstance selon laquelle la perception d'intérêts eût aggravé le déficit de la filiale, lui-même déductible des résultats de la société mère ;
15. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 238 bis K du code général des impôts : " I. Lorsque des droits dans une société ou un groupement mentionnés aux article 8 (...) sont inscrits à l'actif d'une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun (...) la part de bénéfice correspondant à ces droits est déterminée selon les règles applicables au bénéfice réalisé par la personne ou l'entreprise qui détient ces droits. (...) " ; que l'avantage consenti à une société de personnes relevant de l'article 8 du code général des impôts, procuré par la dispense d'acquitter les intérêts relatifs à une avance gratuite, accroît dans la même proportion son résultat, imposable entre les mains de la personne qui détient les droits de cette société de personnes ;
16. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL AFC participe à la réalisation de divers programmes immobiliers au travers de sociétés civiles immobilières, créées à cet effet et constituées en filiales dont la requérante détient une partie du capital et auxquelles elle a accordé, au titre des exercices vérifiés, des avances de fonds sans intérêt ; que la requérante fait valoir que la dispense de paiement d'intérêts avait pour but de faciliter le développement des programmes immobiliers à l'origine de leur création et, ainsi, d'accroitre la perspective de perception de dividendes non réduits par la charge d'intérêts, qu'elle fait, en outre, valoir que l'application de charges d'intérêt aurait minoré le résultat de ses filiales, et par suite, en proportion de sa quote-part dans le capital de celles-ci, son résultat imposable ; que, toutefois, la circonstance que les entreprises bénéficiaires des avances en litige sont des sociétés civiles immobilières (SCI) relevant du régime fiscal des sociétés de personnes, ne leur retire pas leur caractère de sociétés juridiquement distinctes de la contribuable, auteur des avances ; que les éventuelles difficultés financières rencontrées par les filiales bénéficiaires des avances ne sont pas de nature à conférer un caractère normal à la renonciation aux intérêts afférents à ces avances en l'absence de démonstration par la SARL AFC de l'intérêt financier ou commercial qu'elle aurait eu à procurer de tels avantages ; que, par suite, l'administration doit être regardée comme établissant que la renonciation à percevoir les intérêts en litige procède d'un acte anormal de gestion ;
17. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de la période vérifiée, la SARL AFC détenait à hauteur respectivement de 42 % et 52 % le capital des SCI Espace Florentine et Les Coteaux de Lumbin ; que les avantages procurés à ces deux sociétés de personnes par la renonciation de leur mère à percevoir une rémunération en contrepartie des avances qu'elle leur a consenties ne sont imposables que dans la mesure où ils ont profité aux autres associés de ces SCI ; que, par suite, les bases rectifiées assignées à la SARL AFC ne peuvent être maintenues qu'à concurrence de la part détenue par les coassociés de la contribuable vérifiée dans les SCI bénéficiaires des avances consenties par elle sans intérêt ;
18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL AFC est seulement fondée à demander la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2006 et 2007 en conséquence de la diminution du rehaussement des bases d'impositions procédant de la réintégration des intérêts des avances consenties à ses filiales revêtant la nature de sociétés de personnes ;
Sur les pénalités :
19. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré " ; et qu'aux termes de l'article 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. " ;
En ce qui concerne les quotes-parts de résultat des filiales :
20. Considérant que pour contester le caractère délibéré de l'omission de constatation dans ses écritures des produits de participation de ses filiales, la SARL AFC se borne à soutenir que son expert-comptable n'avait pas connaissance de leurs résultats ; que, pour démontrer le caractère délibéré du manquement, l'administration fiscale fait valoir que la société AFC n'ayant, sur la période vérifiée, bénéficié d'aucune avance de la part de ses filiales, les produits qu'elle en a perçu ne pouvaient constituer que la quote-part de résultat lui revenant dégagé par les sociétés dans lesquelles elle détenait des participations, et qu'elle ne pouvait ignorer être tenue de les déclarer ; que l'administration fiscale fait, en outre, valoir qu'à supposer même que la société AFC ait été ignorante des résultats de ses filiales, elle ne pouvait ignorer être tenue de déclarer la part de l'avantage consenti aux autres associés des SCI ; qu'ainsi, l'administration apporte la preuve qui lui incombe de l'intention délibérée de la SARL AFC d'éluder l'impôt ; que, par suite, elle a pu à bon droit assortir le paiement des droits restant dus à cet égard de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts ;
En ce qui concerne les remboursements de frais kilométriques :
21. Considérant que la SARL AFC soutient que les frais kilométriques correspondant aux déplacements de ses gérants ont été réellement supportés par elle au titre de la période vérifiée ; que l'administration fiscale, pour démontrer le caractère délibéré des manquements, a relevé que des frais pris en charge par la SARL AFC avaient été engagés lors de périodes de congés ou de jours fériés, ainsi que par l'un de ses gérants lors d'un arrêt maladie ; que l'administration fait, en outre, valoir que des notes de frais correspondant à des déplacements automobiles ont été établies par son gérant postérieurement au retrait de son permis de conduire sans que ne soit établie la circonstance qu'il aurait été accompagné par un tiers lors de ses déplacements ; que l'administration fiscale a également constaté la prise en charge non justifiée de déplacements vers des destinations ne correspondant à aucune opération immobilière de la SARL AFC ; qu'eu égard au caractère répétitif des manquements constatés sur chacun des exercices vérifiés et au montant des sommes en cause, l'administration fiscale, qui établit que la SARL AFC ne pouvait ignorer que les frais comptabilisés ne présentaient pas un caractère professionnel justifiant leur prise en charge, apporte la preuve qui lui incombe du caractère délibéré du manquement justifiant l'application de la pénalité de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts ;
22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Aménagement Foncier Construction est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté en totalité sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
23. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, qui est, dans la présente instance, la partie perdante, une somme de 2 000 euros au profit de la SARL AFC au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La base d'impôt sur les sociétés assignée à la SARL Aménagement Foncier Construction au titre de l'exercice clos en 2006 est réduite d'une somme de 53 082 euros et pour les rectifications portant sur les renonciations à recettes au titre des exercices clos en 2006 et 2007 à concurrence de la part de capital qu'elle détenait dans les SCI bénéficiaires des avances consenties par elle sans intérêt.
Article 2 : La SARL Aménagement Foncier Construction est déchargée de la différence entre les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007 et des pénalités y afférentes et celles résultant de la réduction des bases d'imposition définie à l'article 1er.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble n° 1203889 du 9 avril 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à la SARL Aménagement Foncier Construction au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Aménagement Foncier Construction est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Aménagement Foncier Construction et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2017, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 juin 2017.
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N° 15LY01912
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Procédure contentieuse antérieure
La SARL AFC (Aménagement Foncier Construction) a demandé au tribunal administratif de Grenoble de lui accorder la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2006 et 2007, et des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1203889 du 9 avril 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 8 juin 2015, la SARL AFC (Aménagement Foncier Construction), représentée par MeA..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble, en date du 9 avril 2015 ;
2°) de lui accorder la décharge des impositions contestées et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La SARL AFC soutient que :
- le tribunal n'a pas répondu à son moyen tiré de ce qu'elle n'avait pas intérêt à minorer son résultat imposable en s'abstenant de comptabiliser les produits d'intérêts des prêts accordés à ses filiales, dès lors que ceux-ci, constitutifs de charges pour ces dernières, en aurait réduit le résultat et donc les dividendes perçus par elle ;
- une telle minoration n'est pas établie, compte tenu de la quote-part qu'elle détient dans le capital de ses filiales, ce qui aurait réduit d'autant son résultat ;
- la démarche de l'administration fiscale est incohérente quant à l'application des dispositions de l'article 38 4 bis du code général des impôts en accordant le bénéfice du principe de la correction symétrique des bilans lorsqu'il s'agit de rehausser le résultat sans tenir compte d'une dette au passif du bilan ; l'administration fiscale ne peut tout à la fois l'imposer au titre de 2006 sur le résultat qu'elle a omis de déclarer en 2004 et lui interdire de déduire en 2006 la charge contractée durant l'exercice 2005 en invoquant le principe de l'annualité au motif qu'elle se rattache à un exercice antérieur ;
- l'administration n'établit pas l'existence d'un acte anormal de gestion relatif aux avances sans intérêt consenties à ses filiales ;
- l'administration fiscale n'apporte pas la preuve de son intention délibérée d'éluder l'impôt ; les pénalités pour manquement délibéré ne sont dès lors pas fondées tant en ce qui concerne les résultats des SCI filiales, que du remboursement de frais kilométriques qu'elle a pris en charge au titre des déplacements de son gérant, l'administration fiscale n'apportant pas la preuve qui lui incombe qu'elle aurait délibérément minoré son résultat imposable à concurrence des frais effectivement remboursés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 12 octobre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre expose qu'aucun des moyens soulevés par la SARL requérante n'est fondé.
Par un mémoire enregistré le 28 avril 2017, la société AFC Aménagement foncier Construction conclut aux mêmes fins que sa requête initiale par les mêmes moyens.
Elle soutient, en outre, que :
- la position de l'administration fiscale est incohérente qui consiste à considérer à la fois que l'article 38 4 bis du code général des impôts doit s'appliquer quand il s'agit de rehausser le résultat d'une société du fait de l'omission d'inscription d'un bien à l'actif de son bilan tout en refusant d'appliquer ces mêmes dispositions lorsque le résultat se trouve minoré du fait de la constatation d'une dette au passif du bilan ; la comptabilisation en 2006 de la facture émise par ETP en 2005 a consisté à prendre en compte une dette au passif, venue en déduction de l'actif pour le calcul de l'actif net à la clôture de l'exercice 2006 ; que la variation de l'actif net au titre de l'année 2006 doit être prise en compte pour le calcul du résultat ; le stock existant au 31 décembre 2006 a fait l'objet d'une vérification par l'administration fiscale qui l'a d'ailleurs rehaussé ; c'est à tort que l'administration fiscale a cru devoir remettre en cause la déduction de la somme de 53 082 euros HT pour le calcul de son résultat au titre de l'année 2006 ;
- si elle avait facturé des intérêts sur les avances consenties à ses SCI, leur résultat en aurait été diminué d'autant et par voie de conséquence la quote-part de son résultat imposable en résultant ;
- les SCI ne disposaient pas du même expert comptable qu'elle ; l'administration fiscale n'apporte pas la preuve que l'omission de constatation de sa quote-part dans les résultats des SCI serait délibérée ; que la circonstance qu'elle a omis de comptabiliser sa quote-part des pertes réalisées en 2007 par la SCI Les jardins du Mercier démontre qu'il ne s'agit que d'une erreur ;
- elle apporte la preuve des déplacements effectués par son gérant pour les besoins de la société et établit les avoir remboursés ; elle n'a donc pas minoré son résultat en déduisant des frais qu'elle a effectivement supportés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- la loi du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Terrade, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Besse, rapporteur public ;
1. Considérant que la SARL AFC (Aménagement Foncier Construction) a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration fiscale a rehaussé ses bases à la taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 et à l'impôt sur les sociétés sur les exercices clos en 2006 et 2007 ; que, par jugement du 9 avril 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions et des pénalités y afférentes ; que, par la présente requête, la SARL AFC relève appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant que la SARL AFC soutient que le tribunal administratif de Grenoble a omis de répondre à son moyen tiré de ce qu'elle n'avait pas intérêt à minorer son résultat imposable en s'abstenant de comptabiliser les produits d'intérêts des prêts accordés à ses filiales, dès lors que ceux-ci, constitutifs de charges pour ces dernières en aurait réduit le résultat ; que, toutefois, il résulte de la lecture du jugement attaqué que pour écarter son moyen tiré de ce que l'administration n'établissait pas l'existence d'un acte anormal de gestion, le tribunal administratif de Grenoble a constaté que la SARL AFC n'apportait aucun justificatif attestant de l'existence de contreparties aux avances sans intérêt qu'elle avait consenties à ses filiales ; que, par suite, le tribunal administratif de Grenoble n'a pas entaché son jugement d'une omission à statuer ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales : " Pour l'impôt sur le revenu et l'impôt sur les sociétés, le droit de reprise de l'administration des impôts s'exerce jusqu'à la fin de la troisième année qui suit celle au titre de laquelle l'imposition est due. (...) " ;
4. Considérant qu'aux termes de l'article 38 du code général des impôts dans sa rédaction issue de l'article 43 de la loi de finances rectificative pour 2004 applicable à l'espèce : " 1. Sous réserve des dispositions des articles 33 ter, 40 à 43 bis et 151 sexies, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation./ 2. Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. (...) 4 bis. Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci. Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit./ Elles ne sont pas non plus applicables aux omissions ou erreurs qui résultent de dotations aux amortissements excessives au regard des usages mentionnés au 2° du 1 de l'article 39 déduites sur des exercices prescrits ou de la déduction au cours d'exercices prescrits de charges qui auraient dû venir en augmentation de l'actif immobilisé./ Les corrections des omissions ou erreurs mentionnées aux deuxième et troisième alinéas restent sans influence sur le résultat imposable lorsqu'elles affectent l'actif du bilan. (...) " ;
5. Considérant que, dans l'hypothèse où, en application des dispositions de l'article 38-2 du code général des impôts applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209, le bénéfice imposable d'un exercice a été déterminé par différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice et où son montant a servi de base à une imposition qui est devenue définitive en raison de l'expiration du délai de répétition, les erreurs qui ont entraîné une sous-estimation ou une surestimation de l'actif net ressortant du bilan de clôture dudit exercice peuvent être ultérieurement corrigées, à l'initiative du contribuable ou à celle de l'administration à la suite d'une vérification, dans les bilans des exercices non couverts par la prescription et par suite dans les bilans d'ouverture de ces exercices à l'exception du premier ;
6. Considérant que lorsque les bénéfices imposables d'un contribuable ont été déterminés en application de ces dispositions, les erreurs ou omissions qui entachent les écritures comptables retracées au bilan de clôture d'un exercice ou d'une année d'imposition et entraînent une sous-estimation ou une surestimation de l'actif net de l'entreprise peuvent, à l'initiative du contribuable qui les a involontairement commises, ou à celle de l'administration exerçant son droit de reprise, être réparées dans ce bilan ; que les mêmes erreurs ou omissions, s'il est établi qu'elles se retrouvent dans les écritures de bilan d'autres exercices, doivent y être symétriquement corrigées, dès lors qu'elles ne revêtent pas, pour le contribuable qui les invoque, un caractère délibéré et alors même que tout ou partie de ces exercices seraient couverts par la prescription prévue, notamment, aux articles L. 168 et L. 169 du livre des procédures fiscales dès lors que l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit ou résultent de la déduction de charges qui auraient dû venir en augmentation de l'actif immobilisé ; qu'en vertu de ces dispositions, une erreur ou omission affectant l'évaluation d'un élément quelconque du bilan d'un des exercices non prescrits peut, si elle a été commise au cours d'un exercice clos plus de sept ans avant l'ouverture du premier des exercices non prescrits, être corrigée de manière symétrique dans les bilans de clôture et d'ouverture des exercices non prescrits, y compris dans le bilan d'ouverture du premier d'entre eux ; qu'en vertu de la règle d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci dès lors que l'omission n'entre pas dans les exceptions prévues à l'article 38 du code général des impôts ;
En ce qui concerne la déduction au titre du premier exercice non prescrit d'une charge engagée au cours du dernier exercice prescrit :
7. Considérant que les dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts applicables pour la détermination des bases de l'impôt sur les sociétés en vertu du I de l'article 209 du même code, et selon lesquelles le bénéfice net " est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant... notamment : 1° les frais généraux de toute nature (...) ", s'entendent, eu égard au principe de l'indépendance des exercices qui résulte des dispositions du 2 de l'article 38 dudit code, comme autorisant la déduction des charges payées par l'entreprise au cours de l'exercice dont les résultats doivent servir de base à l'impôt, à l'exception de celles " constatées d'avance ", c'est-à-dire correspondant au paiement d'un bien ou d'une prestation de service dont la livraison ou la fourniture n'interviendra qu'au cours d'un exercice ultérieur, sur les résultats duquel il y aura lieu de l'imputer ; que pour être admis en déduction, les frais et charges doivent être compris dans les charges de l'exercice au cours duquel ils ont été engagés, c'est-à-dire celui au cours duquel ils présentent le caractère de dettes certaines dans leur principe et déterminées dans leur montant ; qu'une entreprise ne peut en principe comprendre dans les frais généraux d'un exercice des charges se rapportant à des exercices à venir ou passés ;
8. Considérant qu'en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci ; qu'il incombe dans tous les cas au contribuable, quelle qu'ait été la procédure d'imposition suivie à son encontre, de justifier tant du montant des charges qu'il entend, en application du I de l'article 39 du code général des impôts précité, déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du même code que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité ; que le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée ; que, dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive ; que, lorsqu'une entreprise a déduit en charge une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis ; que si l'administration apporte des éléments suffisants permettant de penser que la facture ne correspond pas à une opération réelle, il appartient alors au contribuable d'apporter toutes justifications utiles sur la réalité de cette opération ; que le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration ;
9. Considérant en particulier, que, si l'acte contesté par l'administration s'est traduit, en comptabilité, par une écriture portant, soit sur des créances de tiers, lesquelles doivent, en vertu de l'article 38 du code général des impôts, être retranchées des valeurs d'actif pour obtenir le bénéfice net, soit sur les charges de la nature de celles qui sont visées à l'article 39 du même code, et qui viennent en déduction du bénéfice net défini à l'article 38 du code, l'administration doit être réputée apporter la preuve qui lui incombe si le contribuable n'est pas, lui-même, en mesure de justifier dans son principe comme dans son montant, de l'exactitude de l'écriture dont s'agit, quand bien même, en raison de la procédure mise en oeuvre, il n'eût pas été, à ce titre, tenu d'apporter pareille justification ;
10. Considérant qu'aux termes du 4 bis de l'article 38 du code général des impôts issu de l'article 43 de la loi du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004 : " Pour l'application des dispositions du 2, pour le calcul de la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice, l'actif net d'ouverture du premier exercice non prescrit déterminé, sauf dispositions particulières, conformément aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 169 du livre des procédures fiscales ne peut être corrigé des omissions ou erreurs entraînant une sous-estimation ou surestimation de celui-ci. / Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas lorsque l'entreprise apporte la preuve que ces omissions ou erreurs sont intervenues plus de sept ans avant l'ouverture du premier exercice non prescrit. / Elles ne sont pas non plus applicables aux omissions ou erreurs qui résultent de dotations aux amortissements excessives au regard des usages mentionnés au 2° du 1 de l'article 39 déduites sur des exercices prescrits ou de la déduction au cours d'exercices prescrits de charges qui auraient dû venir en augmentation de l'actif immobilisé. / Les corrections des omissions ou erreurs mentionnées aux deuxième et troisième alinéas restent sans influence sur le résultat imposable lorsqu'elles affectent l'actif du bilan. Toutefois, elles ne sont prises en compte ni pour le calcul des amortissements ou des provisions, ni pour la détermination du résultat de cession. " ;
11. Considérant que la société AFC a omis de comptabiliser sur l'exercice 2005, dernier exercice prescrit à la date du contrôle, une facture de travaux émise le 24 juin 2005 par la SARL ETP d'un montant de 53 082 euros HT ; qu'elle a corrigé cette omission en la comptabilisant comme dette au compte fournisseurs sur l'exercice 2006, premier exercice non prescrit et se prévaut de l'incidence de cette correction sur la variation de son actif net à la clôture de l'exercice 2006 en faisant valoir qu'en vertu du principe d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, aucune correction symétrique des bilans ne peut être opérée sur l'actif de clôture de l'exercice clos en 2005, dernier exercice prescrit ; qu'il ne résulte pas de l'instruction que la situation de la société AFC entrait dans le champ des exceptions prévues au 4 bis de l'article 38 du code général des impôts permettant d'écarter l'application du principe d'intangibilité du bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit ; que l'administration fiscale soutient que la société AFC ne démontre pas en quoi l'omission de comptabilisation de cette charge en 2005 aurait conduit à une surestimation de l'actif net au bilan de clôture du dernier exercice prescrit et l'incidence de cette surestimation sur la variation de l'actif net au cours de l'exercice 2006 premier exercice non prescrit ; qu'une écriture de bilan comporte une incidence sur l'actif net, lorsqu'elle a des conséquences sur le bénéfice net déterminé en vertu des dispositions du 2. de l'article 38 du code général des impôts par la différence de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de l'exercice ; que la requérante soutient que la comptabilisation de cette facture au compte fournisseurs de son bilan en 2006 s'est traduit par la constatation d'une dette au passif de cet exercice et, par conséquent, d'une variation de son actif net à la clôture de l'exercice ; que, toutefois, les dépenses qui concourent à l'accroissement de la valeur d'un élément d'actif ne pouvant être comptabilisées en charges doivent être inscrites dans les comptes d'actif et sont par suite sans effet sur la variation de l'actif net ; qu'en l'espèce, il résulte de l'instruction que la facture litigieuse concernait des dépenses de travaux que la société requérante qui exerce une activité d'aménagement foncier a engagé sans qu'il ne soit ni établi, ni même allégué que ces travaux auraient uniquement affecté le passif de l'entreprise, par la minoration des dettes du dernier exercice prescrit, sans comporter corrélativement une incidence sur ses comptes d'actif par une minoration des stocks ; qu'il résulte de l'instruction que la société AFC justifie par la production du compte de bilan " fournisseurs " de l'exercice 2006, la comptabilisation de la dette litigieuse, sans toutefois établir que cette correction n'aurait eu pour seule incidence que la constatation d'une dette au passif ; que, toutefois, l'administration fiscale qui a entendu remettre en cause cette écriture dans le cadre de la procédure contradictoire n'apporte pas la preuve qui lui incombe que la correction opérée en 2006 par la société AFC aurait eu pour contrepartie une variation corrélative de ses comptes d'actif de l'exercice 2006 et aurait ainsi été sans incidence sur la variation de l'actif net de l'exercice clos en 2006 ; que, par suite, la société AFC est fondée à demander la décharge du redressement correspondant à cette correction sur l'exercice contrôlé ;
En ce qui concerne la renonciation à recettes sur les avances consenties à ses filiales :
12. Considérant que, si la détermination du fardeau de la preuve est, pour l'ensemble des contribuables soumis à l'impôt, tributaire de la procédure d'imposition suivie à leur égard, elle n'en découle, pas moins, à titre principal, dans le cas des entreprises assujetties à l'impôt sur les sociétés, de la nature des opérations comptables auxquelles ont donné lieu les actes de gestion dont l'administration conteste le caractère ; que si l'appréciation du caractère anormal d'un acte de gestion pose une question de droit, il appartient, en règle générale, à l'administration d'établir les faits sur lesquels elle se fonde pour invoquer ce caractère anormal ; que ce principe ne peut, toutefois, recevoir application que dans le respect des prescriptions législatives et réglementaires qui, dans le contentieux fiscal, gouvernent la charge de la preuve ; qu'il résulte des dispositions combinées des articles 38 et 39 du code général des impôts, applicables en matière d'impôt sur les sociétés en vertu des dispositions de l'article 209 du même code, que le bénéfice net imposable est établi sous déduction des charges supportées dans l'intérêt de l'entreprise ; que seules peuvent être admises en déduction des résultats imposables et relèvent d'une gestion normale, les dépenses effectivement supportées par une entreprise, et qui sont liées à l'exercice de son activité propre, de sorte qu'il puisse être considéré qu'elle en retire une contrepartie réelle ; que, s'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer qu'un abandon de créances par une entreprise à un tiers constitue un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette entreprise n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties ;
13. Considérant que c'est au regard du seul intérêt propre de l'entreprise que l'administration doit apprécier si les opérations litigieuses correspondent à des actes relevant d'une gestion commerciale normale ; que cet intérêt n'est pas méconnu lorsqu'une entreprise se livre à des opérations financières dans des conditions présentant pour elle un caractère avantageux ; qu'indépendamment du cas de détournements de fonds rendus possibles par le comportement délibéré ou la carence manifeste des dirigeants, il n'appartient pas à l'administration, dans ce cadre, de se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par l'entreprise et notamment pas sur l'ampleur des risques pris par elle pour améliorer ses résultats ;
14. Considérant, d'une part, que le fait de consentir des avances sans intérêt à un tiers constitue pour une société un acte étranger à une gestion commerciale normale, même si le tiers est une filiale, hormis le cas où la société mère peut être regardée comme ayant agi dans son propre intérêt en venant en aide à une filiale en difficulté ; que la circonstance que la filiale, en utilisant les fonds provenant de prêt sans intérêt consentis par la société mère pour acquérir des actifs, ait valorisé ainsi la participation détenue par la mère dans son capital, n'est pas de nature à ôter au prêt sans intérêt son caractère d'acte anormal de gestion ; qu'il en va de même de la circonstance selon laquelle la perception d'intérêts eût aggravé le déficit de la filiale, lui-même déductible des résultats de la société mère ;
15. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 238 bis K du code général des impôts : " I. Lorsque des droits dans une société ou un groupement mentionnés aux article 8 (...) sont inscrits à l'actif d'une personne morale passible de l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun (...) la part de bénéfice correspondant à ces droits est déterminée selon les règles applicables au bénéfice réalisé par la personne ou l'entreprise qui détient ces droits. (...) " ; que l'avantage consenti à une société de personnes relevant de l'article 8 du code général des impôts, procuré par la dispense d'acquitter les intérêts relatifs à une avance gratuite, accroît dans la même proportion son résultat, imposable entre les mains de la personne qui détient les droits de cette société de personnes ;
16. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SARL AFC participe à la réalisation de divers programmes immobiliers au travers de sociétés civiles immobilières, créées à cet effet et constituées en filiales dont la requérante détient une partie du capital et auxquelles elle a accordé, au titre des exercices vérifiés, des avances de fonds sans intérêt ; que la requérante fait valoir que la dispense de paiement d'intérêts avait pour but de faciliter le développement des programmes immobiliers à l'origine de leur création et, ainsi, d'accroitre la perspective de perception de dividendes non réduits par la charge d'intérêts, qu'elle fait, en outre, valoir que l'application de charges d'intérêt aurait minoré le résultat de ses filiales, et par suite, en proportion de sa quote-part dans le capital de celles-ci, son résultat imposable ; que, toutefois, la circonstance que les entreprises bénéficiaires des avances en litige sont des sociétés civiles immobilières (SCI) relevant du régime fiscal des sociétés de personnes, ne leur retire pas leur caractère de sociétés juridiquement distinctes de la contribuable, auteur des avances ; que les éventuelles difficultés financières rencontrées par les filiales bénéficiaires des avances ne sont pas de nature à conférer un caractère normal à la renonciation aux intérêts afférents à ces avances en l'absence de démonstration par la SARL AFC de l'intérêt financier ou commercial qu'elle aurait eu à procurer de tels avantages ; que, par suite, l'administration doit être regardée comme établissant que la renonciation à percevoir les intérêts en litige procède d'un acte anormal de gestion ;
17. Considérant, toutefois, qu'il résulte de l'instruction qu'au cours de la période vérifiée, la SARL AFC détenait à hauteur respectivement de 42 % et 52 % le capital des SCI Espace Florentine et Les Coteaux de Lumbin ; que les avantages procurés à ces deux sociétés de personnes par la renonciation de leur mère à percevoir une rémunération en contrepartie des avances qu'elle leur a consenties ne sont imposables que dans la mesure où ils ont profité aux autres associés de ces SCI ; que, par suite, les bases rectifiées assignées à la SARL AFC ne peuvent être maintenues qu'à concurrence de la part détenue par les coassociés de la contribuable vérifiée dans les SCI bénéficiaires des avances consenties par elle sans intérêt ;
18. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL AFC est seulement fondée à demander la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices 2006 et 2007 en conséquence de la diminution du rehaussement des bases d'impositions procédant de la réintégration des intérêts des avances consenties à ses filiales revêtant la nature de sociétés de personnes ;
Sur les pénalités :
19. Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré " ; et qu'aux termes de l'article 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires, des droits d'enregistrement, de la taxe de publicité foncière et du droit de timbre, la preuve de la mauvaise foi et des manoeuvres frauduleuses incombe à l'administration. " ;
En ce qui concerne les quotes-parts de résultat des filiales :
20. Considérant que pour contester le caractère délibéré de l'omission de constatation dans ses écritures des produits de participation de ses filiales, la SARL AFC se borne à soutenir que son expert-comptable n'avait pas connaissance de leurs résultats ; que, pour démontrer le caractère délibéré du manquement, l'administration fiscale fait valoir que la société AFC n'ayant, sur la période vérifiée, bénéficié d'aucune avance de la part de ses filiales, les produits qu'elle en a perçu ne pouvaient constituer que la quote-part de résultat lui revenant dégagé par les sociétés dans lesquelles elle détenait des participations, et qu'elle ne pouvait ignorer être tenue de les déclarer ; que l'administration fiscale fait, en outre, valoir qu'à supposer même que la société AFC ait été ignorante des résultats de ses filiales, elle ne pouvait ignorer être tenue de déclarer la part de l'avantage consenti aux autres associés des SCI ; qu'ainsi, l'administration apporte la preuve qui lui incombe de l'intention délibérée de la SARL AFC d'éluder l'impôt ; que, par suite, elle a pu à bon droit assortir le paiement des droits restant dus à cet égard de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts ;
En ce qui concerne les remboursements de frais kilométriques :
21. Considérant que la SARL AFC soutient que les frais kilométriques correspondant aux déplacements de ses gérants ont été réellement supportés par elle au titre de la période vérifiée ; que l'administration fiscale, pour démontrer le caractère délibéré des manquements, a relevé que des frais pris en charge par la SARL AFC avaient été engagés lors de périodes de congés ou de jours fériés, ainsi que par l'un de ses gérants lors d'un arrêt maladie ; que l'administration fait, en outre, valoir que des notes de frais correspondant à des déplacements automobiles ont été établies par son gérant postérieurement au retrait de son permis de conduire sans que ne soit établie la circonstance qu'il aurait été accompagné par un tiers lors de ses déplacements ; que l'administration fiscale a également constaté la prise en charge non justifiée de déplacements vers des destinations ne correspondant à aucune opération immobilière de la SARL AFC ; qu'eu égard au caractère répétitif des manquements constatés sur chacun des exercices vérifiés et au montant des sommes en cause, l'administration fiscale, qui établit que la SARL AFC ne pouvait ignorer que les frais comptabilisés ne présentaient pas un caractère professionnel justifiant leur prise en charge, apporte la preuve qui lui incombe du caractère délibéré du manquement justifiant l'application de la pénalité de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts ;
22. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SARL Aménagement Foncier Construction est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté en totalité sa demande ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
23. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, qui est, dans la présente instance, la partie perdante, une somme de 2 000 euros au profit de la SARL AFC au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;
DECIDE :
Article 1er : La base d'impôt sur les sociétés assignée à la SARL Aménagement Foncier Construction au titre de l'exercice clos en 2006 est réduite d'une somme de 53 082 euros et pour les rectifications portant sur les renonciations à recettes au titre des exercices clos en 2006 et 2007 à concurrence de la part de capital qu'elle détenait dans les SCI bénéficiaires des avances consenties par elle sans intérêt.
Article 2 : La SARL Aménagement Foncier Construction est déchargée de la différence entre les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2006 et 2007 et des pénalités y afférentes et celles résultant de la réduction des bases d'imposition définie à l'article 1er.
Article 3 : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble n° 1203889 du 9 avril 2015 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à la SARL Aménagement Foncier Construction au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SARL Aménagement Foncier Construction est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Aménagement Foncier Construction et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 9 mai 2017, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Mear, président-assesseur,
Mme Terrade, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 juin 2017.
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N° 15LY01912
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