CAA de VERSAILLES, 7ème chambre, 18/05/2017, 15VE02127, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SOCIETE OMNIUM DE PARTICIPATIONS a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer le rétablissement de ses déficits reportables à hauteur des sommes respectives de 77 334 945 euros et 79 111 017 euros au titre des exercices clos en 2007 et 2008.

Par un jugement n° 1311654 du 1er juin 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 6 juillet 2015 et le 29 février 2016, la SOCIETE OMNIUM DE PARTICIPATIONS, représentée par Me Duchatel, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer le rétablissement des déficits litigieux ;

3° de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- pour calculer la provision pour charges liée à l'utilisation des chèques-cadeaux auxquels ses clients pourront prétendre à raison des ventes réalisées au cours des exercices litigieux, la société Burton est fondée à tenir compte de la valeur faciale des chèques-cadeaux ;
- par deux décisions du 2 juin 2006 n° 269997, Sté Lever Faberger France et n° 269998, Sté Unilever France, le Conseil d'Etat a admis qu'une société puisse déduire une provision pour charges à raison des bons de réduction qu'elle remet à ses clients à l'occasion de la vente d'un produit et qui pourront être utilisés pour une vente ultérieure ;
- une réduction de recettes est susceptible de faire l'objet d'une provision pour charges si les recettes correspondantes sont comptabilisées au titre de l'exercice litigieux ; la charge liée à l'utilisation des chèques-cadeaux correspond aux recettes comptabilisées au titre des ventes à l'origine de l'attribution des chèques-cadeaux et auxquelles la société renonce ainsi ; cette position a été confirmée par l'avis du Conseil d'Etat du 27 octobre 2009, n°383197 s'agissant des programmes de fidélisation de la clientèle pour lesquels la réduction est attribuée lorsque les achats d'un client excèdent un certain montant ;
- l'avis du comité d'urgence du Conseil national de la comptabilité n°2004-E du
13 octobre 2004 prévoit que lorsque l'avantage consiste en une réduction à proportion de droits accumulés accordés aux clients au titre des ventes antérieures et utilisable à l'occasion de ventes futures, la provision est calculée selon la valeur faciale de l'avantage accordé ; la doctrine comptable prévoit la constitution de provision au titre des réductions contractuelles de prix à accorder au titre des opérations réalisées au cours de l'exercice.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Chayvialle, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Belle, rapporteur public.


1. Considérant que la société Burton, qui exerce une activité de vente de prêt-à-porter, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 2007 et 2008 au terme de laquelle le service vérificateur, par proposition de rectifications du 26 juillet 2010, a remis en cause le montant des provisions pour programme de fidélisation et de la dette clients pour chèques-cadeaux déduits par la société et a, ainsi, réduit ses déficits reportables ; que la SOCIETE OMNIUM DE PARTICIPATIONS, société mère du groupe fiscal intégré auquel appartient la société Burton et dont le déficit d'ensemble des exercices clos en 2007 et 2008 a été réduit à concurrence de la rectification du déficit de la société vérifiée, relève appel du jugement du 1er juin 2015 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant au rétablissement de ses déficits reportables ;

2. Considérant qu'aux termes du 1. de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : /(...)/ 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. " ; qu'une entreprise peut valablement porter en provision et déduire des bénéfices imposables d'un exercice des sommes correspondant à des pertes ou charges qui ne seront supportées qu'ultérieurement par elle, à la condition que ces pertes ou charges soient nettement précisées quant à leur nature et susceptibles d'être évaluées avec une approximation suffisante, qu'elles apparaissent comme probables eu égard aux circonstances constatées à la date de clôture de l'exercice et qu'elles se rattachent par un lien direct aux opérations de toute nature déjà effectuées à cette date par l'entreprise ; qu'en outre, en ce qui concerne les provisions pour charges, elles ne peuvent être déduites au titre d'un exercice que si se trouvent comptabilisés, au titre du même exercice, les produits afférents à ces charges et qu'en ce qui concerne les provisions pour perte, elles ne peuvent être déduites que si la perspective de cette perte se trouve établie par la comparaison, pour une opération ou un ensemble d'opérations suffisamment homogènes, entre les coûts à supporter et les recettes escomptées ; qu'enfin, le fait de renoncer à percevoir un produit qui n'est pas comptabilisé ne constitue pas une charge ;

3. Considérant que, dans le cadre de sa politique de promotion des ventes et de fidélisation de sa clientèle, la société Burton attribue aux clients ayant réalisé des achats d'un montant supérieur à 300 euros des chèques-cadeaux d'un montant de 15 euros à valoir sur l'achat ultérieur d'articles de la société ; que la société Burton a déduit du résultat de ses exercices clos en 2007 et en 2008 une provision destinée à faire face à la charge potentielle relative à l'utilisation des chèques-cadeaux auxquels ses clients pourront prétendre à raison des achats réalisés au cours des exercices litigieux ; que, par ailleurs, la société Burton a déduit du résultat de l'exercice 2008 une dette correspondant aux chèques-cadeaux attribués au cours de l'exercice à ses clients et non utilisés ;

4. Considérant que l'attribution au client d'un chèque-cadeau à valoir sur des ventes ultérieures ne constitue ni une réduction du prix de vente des articles à l'origine de cette attribution, ni la restitution au client d'une somme d'argent ; que la charge correspondant à cette attribution ne peut donc être évaluée à partir du produit comptabilisé par la société au titre des ventes d'articles initiales ; que cette charge ne peut davantage être évaluée en tenant compte de la marge commerciale à laquelle la société renonce lors des ventes ultérieures, dès lors que cette marge n'est en principe pas comptabilisée à la date de l'attribution du chèque-cadeau ; que la charge résultant de l'attribution de ces chèques-cadeaux correspond en réalité au coût supporté par la société pour l'acquisition ou la fabrication des articles qui font l'objet des ventes ultérieures ; que, dans ces conditions, le montant de la provision pour charges liée à l'attribution des chèques-cadeaux doit être limité au coût de revient comptabilisé par la société à raison des articles dont le prix est en tout ou partie acquitté par ce moyen ; que, par suite, c'est à juste titre que le service vérificateur a exclu la marge commerciale réalisée par la société Burton, fixée au taux de 54,2% selon les données comptables de l'exercice 2008, lequel n'est pas sérieusement contesté par la société requérante, du montant de la provision pour charges constituée en vue de faire face à l'utilisation des chèques cadeaux auxquels ses clients pourront prétendre à raison des ventes réalisées au cours des exercices litigieux ;

5. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 2, le fait de renoncer à percevoir un produit qui n'est pas comptabilisé ne constitue pas une charge ; que, par suite, la société Burton ne pouvait inscrire en dette à l'égard de ses clients le montant des chèques-cadeaux distribués et non utilisés à la clôture de l'exercice 2008, sans exclure la marge commerciale à laquelle elle renonce lors des ventes ultérieures d'articles ;

6. Considérant qu'aux termes de l'avis du comité d'urgence du conseil national de la comptabilité n°2004-E du 13 octobre 2004 : " le passif correspondant aux réductions monétaires à accorder, aux avantages en nature, produits à remettre ou services à rendre aux clients, doit en règle général être comptabilisé sous forme de provision, dès la vente initiale sur la base du coût de revient de l'avantage accordé ou de sa valeur faciale lorsque la réduction monétaire est remboursable en espèces " ; que s'agissant des provisions pour l'attribution de chèques-cadeaux, qui ne correspondent pas à des réductions monétaires remboursables en espèces, cet avis ne prévoit pas un calcul du montant de la provision selon la valeur faciale des chèques-cadeaux ; que, par suite, la société requérante n'est, en tout état de cause, pas fondée à se prévaloir de cet avis ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SOCIETE OMNIUM DE PARTICIPATIONS n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SOCIETE OMNIUM DE PARTICIPATIONS est rejetée.
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N° 15VE02127



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