CAA de VERSAILLES, 6ème chambre, 11/05/2017, 15VE01982, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler la décision en date du 15 mai 2014 par laquelle le maire de Drancy a préempté un immeuble à usage de commerce et d'habitation situé143, avenue Henri Barbusse, à Drancy.

Par un jugement n° 1405956 en date du 23 avril 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a accueilli sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 19 juin 2015, la COMMUNE DE DRANCY, représentée par Me Goutal, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande de M.A... ;

3° de mettre à la charge de M. A...le versement d'une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


La COMMUNE DE DRANCY soutient que :
- la minute du jugement attaqué n'est pas signée ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en considérant que l'objectif de diversification commerciale n'entre pas dans les dispositions combinées des articles L. 210-1 et L. 300-1 du code de l'urbanisme ;
- la décision de préemption reposait sur un projet préexistant répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme.

..........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Soyez,
- les conclusions de M. Errera, rapporteur public,
- et les observations de MeC..., substituant Me Goutal, représentant la
COMMUNE DE DRANCY.


Sur la régularité du jugement attaqué :

1. Considérant que, la minute du jugement étant signée par le président de la formation de jugement, par le rapporteur et par le greffier, le moyen tiré de la méconnaissance de
l'article R. 741-7 du code de justice administrative manque en fait ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. (...) Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 300-1 du même code : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs, de lutter contre l'insalubrité, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. / L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations. " ; qu'il résulte de ces dispositions que les collectivités titulaires du droit de préemption urbain peuvent légalement exercer ce droit, d'une part, si elles justifient, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, si elles font apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption ; qu'en outre, la mise en oeuvre de ce droit doit, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, répondre à un intérêt général suffisant ;

3. Considérant que si une politique de diversification commerciale et de maintien d'une offre commerciale de qualité peut relever du droit de préemption urbaine défini à l'article
L. 300-1 précité, en tant qu'elle tend à " organiser le maintien, l'extension ou l'accueil d'activités économiques ", la COMMUNE DE DRANCY, qui justifie la décision attaquée par un projet de recomposition urbaine lancé en juin 2013, englobant le secteur de l'avenue
Henri Barbusse et pour la réalisation duquel elle a délégué son droit de préemption à l'établissement public foncier d'Ile-de-France, ne précise pas quelle est l'activité commerciale dont, dans l'avenue en question, elle entend assurer le maintien, l'extension ou l'accueil ; que si elle fait valoir que l'avenue Henri Barbusse et les autres artères du quartier sont saturées par des commerces de restauration rapide, du type " kebab ", et que, dans un but de diversification, elle a déjà exercé par trois fois son droit de préemption sur des locaux situés dans cette avenue et accueillant ce type d'activité, un projet de diversification commerciale entrant dans les prévisions de l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme ne saurait se borner, comme en l'espèce, à faire obstacle à l'installation d'une catégorie particulière d'activité commerciale et à supprimer les commerces exerçant cette activité ; que, par suite, la COMMUNE DE DRANCY ne justifie pas, par les considérations qu'elle invoque, de l'existence d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés par cet article ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE DRANCY n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la décision de préemption du 15 mai 2014 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M.A..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la COMMUNE DE DRANCY demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de cette commune une somme de 1 500 euros à verser à M. A...sur le fondement des mêmes dispositions ;



DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la COMMUNE DE DRANCY est rejetée.
Article 2 : La COMMUNE DE DRANCY versera à M. A...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
N° 15VE01982 2



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