Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 10/05/2017, 394826

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 25 novembre 2015 et 9 février 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. C... B... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 30 juillet 2015 par laquelle le sous-directeur de la sous-direction B (" Fiscalité des entreprises ") de la direction de la législation fiscale a rejeté sa demande tendant à l'abrogation des paragraphes 400 à 430 de l'instruction fiscale BOI-BIC-CHAMP-80-10-20-20-20140625 publiée au bulletin officiel des finances publiques - impôts le 25 juin 2014 ;

2°) d'annuler les paragraphes 400 à 430 de cette instruction ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 35,60 euros au titre au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts ;
- le code de justice administrative ;
Vu la note en délibéré, enregistrée le 4 mai 2017, présentée par M. C... B... ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Séverine Larere, maître des requêtes,

- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;




Considérant ce qui suit :

1. Les articles 44 octies et 44 octies A du code général des impôts, à compter du 1er janvier 2006, puis, à compter du 3 avril 2006, le seul article 44 octies A de ce code, dans leur rédaction applicable, instituent une exonération temporaire d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés au profit des contribuables qui créent ou exercent des activités dans certaines zones franches urbaines. Le bénéfice exonéré ne peut excéder 100 000 euros par contribuable et par période de douze mois, majoré de 5 000 euros par nouveau salarié embauché à compter du 1er janvier 2006, domicilié.dans une zone urbaine sensible ou dans une zone franche urbaine et employé à temps plein pendant une période d'au moins six mois L'exonération est totale jusqu'au terme du cinquante-neuvième mois suivant celui du début d'activité dans la zone. Elle porte ensuite sur 60 % du bénéfice au cours des cinq premières périodes de douze mois suivant cette période d'exonération totale, puis 40 % du bénéfice au cours des sixième et septième périodes et 20 % au cours des huitième et neuvième périodes. Le troisième alinéa du d) du I de l'article 44 octies A précise toutefois que si l'exonération est consécutive au transfert, à la reprise, à la concentration ou la restructuration d'activités préexistantes qui elles-mêmes bénéficient ou ont bénéficié de ce dispositif, l'exonération s'applique aux activités reprises dans les conditions ci-dessus décrites, déduction faite de la durée pendant laquelle ces activités ont déjà bénéficié de l'exonération.

2. Les modalités d'application de ce dispositif ont été décrites par l'administration fiscale dans une instruction publiée au bulletin officiel des finances publiques - impôts le 25 juin 2014, dont les paragraphes 400 à 430 traitent du cas des professionnels en contrat de collaboration ou de remplacement. Aux termes des paragraphes 400 à 420 : " 400. Les conditions d'admission au régime et les modalités d'exonération de ces professionnels suivent celles applicables au professionnel titulaire auquel ils sont liés. / 410. Ainsi, l'appartenance au champ d'application du régime du professionnel titulaire conditionne celle du collaborateur ou remplaçant. De même, les modalités d'exonération dégressive applicables au titulaire sont transposables au collaborateur ou remplaçant. / 420. Dans le cas où un contribuable est lié à plusieurs professionnels titulaires, seuls les bénéfices retirés des collaborations ou des remplacements de titulaires entrant dans le champ d'application du régime sont susceptibles d'être exonérés ". Le paragraphe 430 fournit un exemple d'application du dispositif à un médecin effectuant des remplacements.

3. M. B..., avocat au barreau de Beauvais, installé depuis le 1er décembre 2014 dans une zone franche urbaine de deuxième génération dans le cadre d'un contrat de collaboration libérale conclu avec une société civile professionnelle d'avocats présente dans cette zone franche depuis le 1er décembre 2009, a demandé au ministre des finances et des comptes publics l'abrogation de ces paragraphes. L'administration ayant, par courrier du 30 juillet 2015, refusé de faire droit à cette demande, M. B... demande l'annulation de cette décision et des paragraphes 400 à 430 de l'instruction litigieuse.

4. A l'appui de sa requête, M. B... soutient qu'il a droit au bénéfice de l'exonération totale d'impôt prévue par l'article 44 octies A du code général des impôts pendant cinq périodes de douze mois décomptées à compter de son installation dans une zone franche urbaine et non pas seulement à l'exonération partielle applicable, depuis décembre 2014, à la société civile au sein de laquelle il exerce son activité. Eu égard à cette argumentation, il doit être regardé comme demandant l'annulation des paragraphes 400 à 430 de l'instruction fiscale contestée en tant qu'ils n'étendent pas aux professionnels titulaires de contrats de collaboration et de remplacement le bénéfice de l'exonération prévue par les articles 44 octies et 44 octies A du code général des impôts dans les conditions prévues pour les contribuables qui créent une activité dans une zone franche urbaine.

Sur le désistement conditionnel :

5. Par un mémoire, enregistré le 9 février 2017, M. B... demande au Conseil d'Etat de constater son désistement conditionnel d'instance, " dans le cas où la formation de jugement ne serait pas disposée à juger dans les motifs de la décision à venir que les collaborateurs libéraux et les remplaçants sont éligibles à l'exonération d'impôt sur les bénéfices prévue aux articles 44 octies et 44 octies A du code général des impôts, calculées selon des modalités indépendantes de celles de leurs cabinets d'accueil ".

6. Toutefois un requérant ne saurait conditionner son désistement ni aux motifs ni au dispositif de la décision que le juge est amené à rendre. Par suite, la condition mise par M. B... à son désistement d'instance ne saurait être admise. Il ne peut, en conséquence, être donné acte de ce désistement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne les paragraphes 400 à 430 en tant qu'ils commentent les dispositions de l'article 44 octies du code général des impôts :

7. M. B... est dépourvu d'intérêt à agir à l'encontre de ces énonciations, dès lors qu'il est titulaire d'un contrat de collaboration libérale dans un cabinet présent dans une zone franche urbaine depuis le 1er décembre 2009, bénéficiant d'une exonération temporaire d'impôt sur les bénéfices sur le fondement de l'article 44 octies A et non de l'article 44 octies du code général des impôts.

En ce qui concerne les paragraphes 400 à 430 en tant que, commentant les dispositions de l'article 44 octies A du code général des impôts, ils concernent les professionnels titulaires de contrats de remplacement :

8. M. B... est dépourvu d'intérêt à agir à l'encontre de ces énonciations, dès lors qu'il est titulaire d'un contrat de collaboration et non d'un contrat de remplacement.

En ce qui concerne les paragraphes 400 à 430 de l'instruction contestée en tant que, commentant les dispositions de l'article 44 octies A du code général des impôts, ils concernent les professionnels titulaires de contrats de collaboration :

9. Les paragraphes 400 à 430 de l'instruction contestée étendent aux professionnels titulaires d'un contrat de collaboration le bénéfice de l'exonération temporaire prévue par l'article 44 octies A du code général des impôts, dans les conditions prévues au troisième alinéa du d) du I de cet article pour les créations d'activité consécutives à un transfert, à une concentration, une restructuration ou une reprise d'activités préexistantes, alors même que la collaboration auprès d'un professionnel bénéficiaire de cette exonération ne peut être regardée comme une création d'activité. Dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que ces paragraphes retiendraient une interprétation restrictive de la loi fiscale.

10. Le requérant soutient, en outre, que les paragraphes litigieux instituent une discrimination injustifiée entre les professionnels libéraux qui choisissent de s'installer en zone franche urbaine en tant que collaborateurs et ceux qui choisissent de s'installer à leur propre compte et qu'ils méconnaissent ainsi le principe d'égalité. Toutefois, les professionnels qui exercent en tant que collaborateurs se trouvent dans une situation différente de celle des professionnels qui s'installent à leur propre compte. Par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance du principe d'égalité doit être écarté.

11. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à demander l'annulation des paragraphes contestés en tant qu'ils concernent les professionnels titulaires de contrats de collaboration ni, par suite, celle de la décision rejetant sa demande tendant à l'abrogation de ces paragraphes.

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.




D E C I D E :
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Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à Monsieur C...Kieffer et au ministre de l'économie et des finances.

ECLI:FR:CECHR:2017:394826.20170510
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