Conseil d'État, 9ème chambre, 25/04/2017, 402182, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Mme Saoussen A...a demandé au tribunal administratif de Montreuil de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 euros en réparation du préjudice résultant pour elle-même et ses enfants mineurs du fait de l'absence d'offre de logement ainsi qu'une somme de 5 000 euros au titre des intérêts compensatoires. Par un jugement n° 1506531 du 22 mars 2016, le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 5 août et 7 novembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A... demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à sa demande ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à la SCP Lévis en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le pourvoi a été communiqué au ministre du logement et de l'habitat durable qui n'a pas produit de mémoire.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la construction et de l'habitation ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Catherine Bobo, auditeur,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lévis, avocat de MmeA....




1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A... a été reconnue prioritaire et devant être relogée d'urgence sur le fondement de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation par une décision du 25 octobre 2012 de la commission de médiation de la Seine-Saint-Denis, au motif que la cour d'appel de Paris avait, par un arrêt du 3 juillet 2007, ordonné qu'elle soit expulsée de son logement ; que par un jugement du 31 décembre 2013, le tribunal administratif de Montreuil, saisi par Mme A...sur le fondement du I de l'article L. 441-2-3-1 du même code, a enjoint au préfet de Seine-Saint-Denis d'assurer son relogement sous une astreinte de 600 euros par mois de retard à compter du 1er décembre 2013 ; que, constatant le défaut d'exécution du jugement du 31 décembre 2013, Mme A...a demandé au tribunal de condamner l'Etat à lui verser une indemnité de 15 000 euros en réparation du préjudice qu'elle subissait ; qu'elle se pourvoit en cassation contre le jugement du 22 mars 2016 par lequel le tribunal administratif a rejeté cette demande au motif qu'elle ne justifiait pas d'un préjudice résultant de la carence fautive de l'Etat ;

2. Considérant que, lorsqu'une personne a été reconnue comme prioritaire et comme devant être logée ou relogée d'urgence par une commission de médiation, en application des dispositions de l'article L. 441-2-3 du code de la construction et de l'habitation, et que le juge administratif a ordonné son logement ou son relogement par l'Etat, en application de l'article L. 441-2-3-1 de ce code, la carence fautive de l'Etat à exécuter ces décisions dans le délai imparti engage sa responsabilité à l'égard du seul demandeur, au titre des troubles dans les conditions d'existence résultant du maintien de la situation qui a motivé la décision de la commission ; que ces troubles doivent être appréciés en fonction des conditions de logement qui ont perduré du fait de la carence de l'Etat, de la durée de cette carence et du nombre de personnes composant le foyer du demandeur pendant la période de responsabilité de l'Etat ;

3. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'ayant constaté que le préfet n'avait proposé un relogement à Mme A...ni dans le délai prévu par le code de la construction et de l'habitation à compter de la décision de la commission de médiation, ni dans le délai fixé par le jugement lui enjoignant de faire une telle proposition, le tribunal administratif de Montreuil ne pouvait, sans commettre une erreur de droit, juger que cette carence, constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat, ne causait à l'intéressé aucun préjudice en l'absence d'exécution de la décision de justice ordonnant son expulsion, alors qu'il était constant que la situation qui avait motivé la décision de la commission perdurait et que Mme A...subissait, de ce fait, des troubles dans ses conditions d'existence lui ouvrant droit à réparation dans les conditions rappelées ci-dessus ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de son pourvoi, Mme A... est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que la SCP Lévis, avocat de la requérante désigné au titre de l'aide juridictionnelle, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cette société de la somme de 3 000 euros ;




D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement du 22 mars 2016 du tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée au tribunal administratif de Montreuil.
Article 3 : L'Etat versera à la SCP Lévis, avocat de la requérante, une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette société renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à Mme B...A...et au ministre du logement et de l'habitat durable.

ECLI:FR:CECHS:2017:402182.20170425
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