CAA de DOUAI, 1ère chambre - formation à 3, 02/02/2017, 16DA01003, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...G...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 janvier 2014 par lequel le maire de la commune de Templeuve a délivré à Mme F...un permis d'aménager pour la création d'un lotissement de huit lots sur un terrain situé rue de l'Hardinière, ainsi que la décision du 7 mai 2014 rejetant son recours gracieux.

Par un jugement n° 1404339 du 31 mars 2016, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 31 mai 2016, M. E...G..., représenté par la SCP Bignon Lebray, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 14 janvier 2014 ainsi que la décision du 7 mai 2014 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Templeuve une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Il soutient que :
- le jugement est entaché d'une irrégularité dès lors que le rapporteur public a prononcé des conclusions dont le sens différait de celui qui lui avait été communiqué avant l'audience ;
- ce jugement est irrégulier dès lors qu'il dispose d'un intérêt à agir en sa qualité de voisin immédiat ;
- le maire de Templeuve était tenu d'opposer un refus à la demande de permis d'aménager en application des dispositions de l'article L. 111-4 du code de l'urbanisme ;
- il a méconnu les dispositions de l'article R. 111-15 du code de l'urbanisme en accordant ce permis qui a des conséquences dommageables sur le cours d'eau séparant sa propriété de la parcelle d'assiette du projet.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2016, Mme I...F..., représentée par la SELARL Enard-Bazire, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. G...d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :
- le requérant n'a pas notifié sa requête à la commune de Templeuve, en méconnaissance de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- il ne justifie pas d'un intérêt à agir en appel ;
- les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 janvier 2016, la commune de Templeuve, représentée par Me E...-J...B..., conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de M. G...d'une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
- et les observations de Me D...C..., représentant M. G... et de Me A...H..., substituant MeB..., représentant la commune de Templeuve.


1. Considérant que, par un arrêté du 14 janvier 2014, le maire de la commune de Templeuve a délivré à Mme F...un permis d'aménager pour la construction d'un lotissement de huit lots sur un terrain situé rue de l'Hardinière à Templeuve ; que M.G..., résidant au 14 A rue de la Fourmisière à Templeuve, a formé un recours gracieux tendant au retrait de ce permis d'aménager le 10 mars 2014, qui a été rejeté le 7 mai 2014 ; qu'il relève appel du jugement du 31 mars 2016 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande comme irrecevable au motif que l'intéressé ne justifiait pas d'un intérêt à agir à l'encontre du permis d'aménager en litige ;

Sur les fins de non-recevoir opposées en appel par MmeF... :

2. Considérant que M. G...justifie avoir notifié dans les délais prescrits son recours au pétitionnaire et à l'auteur de la décision attaquée conformément à l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ; que, par suite, la fin de non-recevoir opposée par Mme F...et tirée de ce que M. G...n'a pas notifié sa requête d'appel à la commune de Templeuve doit être écartée ;

3. Considérant que M. G...défère à la cour le jugement par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande de première instance ; que, dès lors, contrairement à ce que soutient MmeF..., M. G...dispose d'un intérêt à faire appel de ce jugement ;
Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager que si la construction, l'aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement (...) " ;

5. Considérant qu'il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien ; qu'il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité ; que le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci ; qu'eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction ;

6. Considérant que M. G...s'est prévalu dans sa demande au tribunal avoir la qualité de voisin immédiat de la parcelle d'assiette du projet, implanté au fond de sa propriété ; qu'il avait joint certains documents graphiques du dossier du permis d'aménager, des vues aériennes et des photographies permettant d'apprécier l'importance du projet et sa proximité immédiate avec sa propriété ; que des clichés permettent d'ailleurs de constater que la vue directe sur le terrain d'assiette du projet depuis sa propriété n'est pas masquée par la végétation présente en fond de parcelle ; qu'en outre, M. G...a également fait état d'atteintes à la conservation du cours d'eau séparant sa propriété du terrain d'assiette du projet ; qu'il n'avait pas à apporter la preuve du caractère certain de ces atteintes invoquées au soutien de la recevabilité de son recours ; qu'ainsi, eu égard à sa situation particulière de voisin immédiat, M. G...justifiait d'un intérêt à agir ; que, par suite, en rejetant sa demande comme irrecevable au motif qu'il ne justifiait pas de son intérêt à agir à l'encontre du permis d'aménager, le tribunal administratif de Lille a entaché son jugement d'irrégularité ; que, dès lors et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen relatif à la régularité du jugement attaqué, M. G...est fondé à en demander l'annulation ;

7. Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Lille pour qu'il statue à nouveau sur la demande de M. G... ;

Sur les conclusions présentées en appel au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Templeuve une somme de 1 500 euros au bénéfice de M. G...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées sur leur fondement par Mme F...et la commune de Templeuve à l'encontre de M. G...qui n'est pas la partie perdante en appel ;








DÉCIDE :







Article 1er : Le jugement du 31 mars 2016 du tribunal administratif de Lille est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Lille pour qu'il soit statué sur la demande de M.G....

Article 3 : La commune de Templeuve versera à M. G...la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.










Article 4 : Les conclusions de Mme F...et de la commune de Templeuve présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...G..., à Mme I...F...et à la commune de Templeuve.

Délibéré après l'audience publique du 19 janvier 2017 à laquelle siégeaient :

- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- M. Xavier Fabre, premier conseiller.

Lu en audience publique le 2 février 2017.




Le président-assesseur,
Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,
Président-rapporteur,
Signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : C. SIRE





La République mande et ordonne au ministre du logement et de l'habitat durable en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.


Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier,
Christine Sire
N°16DA01003 2



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