Conseil d'État, 10ème - 9ème chambres réunies, 22/02/2017, 392337

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

La société civile immobilière (SCI) du Chant du Chêne a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2013. Par un jugement n° 1201333, 1300166 et 1400850 du 4 juin 2015, le magistrat désigné du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 4 août 2015 et 4 novembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SCI du Chant du Chêne demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Arno Klarsfeld, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, avocat de la SCI du Chant du Chêne ;




Considérant ce qui suit :

1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que la société civile immobilière (SCI) du Chant du Chêne a acquis, par acte du 31 mai 2010, un ensemble industriel, situé à Celles-sur-Belle, comprenant, outre un bâtiment de bureau, un bâtiment principal, composé d'installations frigorifiques, qui n'était plus exploité. La SCI du Chant du Chêne a demandé la réduction des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2013 à raison de cet ensemble immobilier, au motif que l'administration fiscale avait, à tort, fait application de la valeur plancher prévue par les dispositions de l'article 1518 B du code général des impôts en cas de cession d'établissement. Elle se pourvoit en cassation contre le jugement du 4 juin 2015 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

2 Aux termes l'article 1518 B du code général des impôts, dans sa rédaction alors applicable : " A compter du 1er janvier 1980, la valeur locative des immobilisations corporelles acquises à la suite d'apports, de scissions, de fusions de sociétés ou de cessions d'établissements réalisés à partir du 1er janvier 1976 ne peut être inférieure aux deux tiers de la valeur locative retenue l'année précédant l'apport, la scission, la fusion ou la cession. (...) Pour les opérations mentionnées au premier alinéa réalisées à compter du 1er janvier 1992, la valeur locative des immobilisations corporelles ne peut être inférieure aux quatre cinquièmes de son montant avant l'opération. (...) ". Pour l'application de ces dispositions, un établissement doit être regardé comme ayant fait l'objet d'une cession lorsque le même redevable a acquis l'ensemble des éléments mobiliers et immobiliers, qui étaient nécessaires à l'activité exercée par le cédant, en vue d'y exercer avec ces moyens sa propre activité. Tel n'est pas le cas lorsque l'état des éléments achetés interdit leur utilisation immédiate sans la réalisation d'importants travaux de remise en état au regard de la valeur des biens acquis.

3. Il ressort des énonciations du jugement attaqué que l'ensemble immobilier acquis par la SCI du Chant du Chêne n'était plus exploité depuis six ans et avait été qualifié de " désaffecté " par l'acte de vente, que certaines parties au moins étaient délabrées et que les installations frigorifiques, nécessaires à l'activité exercée, étaient temporairement désarmées ou nécessitaient des travaux pour pouvoir à nouveau être utilisées. En jugeant que la vente de cet ensemble immobilier pouvait être regardée comme une cession d'établissement, au sens des dispositions précitées de l'article 1518 B du code général des impôts, au motif que les locaux n'étaient pas dépourvus des moyens techniques et industriels dont ils avaient été antérieurement équipés, sans rechercher si ces moyens, nécessaires à l'activité exercée, étaient immédiatement utilisables sans nécessiter la réalisation d'importants travaux de remise en état, le tribunal a commis une erreur de droit. Il suit de là que la SCI du Chant du Chêne est fondée à demander l'annulation du jugement qu'elle attaque.

4. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros à verser à la SCI du Chant du Chêne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




D E C I D E :
--------------

Article 1er : Le jugement du 4 juin 2015 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.
Article 2: L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Poitiers.
Article 3 : L'Etat versera une somme de 3 000 euros à la SCI du Chant du Chêne au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4: La présente décision sera notifiée à la société civile immobilière du Chant du Chêne et au ministre de l'économie et des finances.

ECLI:FR:CECHR:2017:392337.20170222
Retourner en haut de la page