CAA de PARIS, 1ère chambre, 09/02/2017, 15PA01423, Inédit au recueil Lebon
CAA de PARIS, 1ère chambre, 09/02/2017, 15PA01423, Inédit au recueil Lebon
CAA de PARIS - 1ère chambre
- N° 15PA01423
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
jeudi
09 février 2017
- Président
- Mme PELLISSIER
- Rapporteur
- Mme Pearl NGUYÊN-DUY
- Avocat(s)
- DOKHAN
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Billy a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2013 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a ordonné en application de l'article L. 541-3 du code de l'environnement de consigner une somme de 1 135 447 euros.
Par un jugement n° 1302754 du 5 février 2015, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 23 janvier 2013 et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par un recours enregistré le 7 avril 2015, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1302754 du tribunal administratif de Melun du
5 février 2015 ;
2°) de rejeter la demande de la société Billy.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier, dès lors qu'il est insuffisamment motivé en violation de l'article 9 du code de justice administrative ;
- le jugement est irrégulier, dès lors que le tribunal n'a pas informé les parties, en violation de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public tiré de la méconnaissance de l'article L. 541-3 du code de l'environnement, la société Billy n'ayant plus les déchets en sa possession ;
- le jugement est irrégulier, dès lors qu'à supposer que la société Billy ait entendu invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de l'arrêté de mise en demeure du 6 mars 2012 à l'encontre de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 23 janvier 2013, le tribunal a omis de soulever d'office l'irrecevabilité de cette exception d'illégalité, l'arrêté de mise en demeure étant devenu définitif ;
- le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de l'arrêté de mise en demeure du 6 mars 2012 à l'encontre de l'arrêté de consignation du préfet du Val-de-Marne du 23 janvier 2013 n'est pas recevable, dès lors que cet arrêté est devenu définitif ;
- le jugement attaqué est entaché de contradiction de motifs, dès lors qu'il ne pouvait rappeler le principe de responsabilité des détenteurs actuels ou antérieurs des déchets jusqu'à leur élimination ou valorisation finale, tout en relevant que le détenteur au sens de l'article L. 541-3 du code de l'environnement ne peut s'entendre que de la personne se trouvant alors en possession des déchets, soit le détenteur actuel ;
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la société Billy, en sa qualité de détenteur des déchets au sens des articles L. 541-2 et L. 541-3 du code de l'environnement et compte tenu des conditions dans lesquelles sont intervenus les dépôts et l'élimination des déchets dans le centre de Limeil-Brévannes, demeurait responsable de la gestion de ces déchets, quand bien même elle en aurait confié l'élimination à la société LGD Développement ;
- à supposer que la société Billy ne puisse être rendue débitrice d'une obligation matérielle d'élimination des déchets, la responsabilité de la prise en charge financière des coûts d'élimination des déchets lui incombe néanmoins en qualité de détenteur intervenu dans la chaîne de traitement des déchets en application du principe " pollueur-payeur ", l'article L. 541-3 du code de l'environnement constituant la seule procédure permettant de faire supporter au producteur ou détenteur antérieur le coût de l'élimination des déchets.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 octobre 2016, la société Billy, représentée par Me Dokhan, conclut au rejet du recours et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2008/98/CE du 19 novembre 2008 du Parlement européen et du conseil ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Nguyên Duy,
- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,
- et les observations de Me Dokhan, avocat de la société Billy.
1. Considérant que par arrêté du 16 novembre 2005, le préfet du Val-de-Marne a autorisé la société LGD Développement à exploiter, sur le territoire de la commune de Limeil-Brévannes, un centre de tri et de transit de déchets issus de chantiers de constructions ou de démolitions ; qu'à la suite de deux inspections intervenues les 21 juillet et 14 septembre 2009, l'administration a constaté que la société LGD Développement ne respectait pas les prescriptions relatives à l'exploitation du site et l'a mise en demeure de se mettre en conformité par arrêtés des 9 octobre 2009 et 6 juillet 2010 ; qu'en l'absence de respect de ces deux arrêtés, le préfet du Val-de-Marne a suspendu l'activité de la société LGD Développement par arrêté du 15 novembre 2010 avant de lui enjoindre, par arrêté du 16 février 2011, de consigner la somme de neuf millions d'euros correspondant au coût estimé des travaux nécessaires pour l'évacuation et l'élimination des déchets présents sur le site ; qu'à la suite de la liquidation judiciaire de la société LGD Développement le 28 avril 2011, le préfet du Val-de-Marne a demandé à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), par arrêtés des 25 mai et 3 août 2011, d'intervenir pour sécuriser le site et évacuer les déchets aux frais des personnes physiques ou morales responsables ; que, par une série d'arrêtés du 6 mars 2012 pris après une procédure contradictoire, le préfet du Val-de-Marne a mis en demeure, sur le fondement de l'article L. 541-3 du code de l'environnement, plusieurs sociétés clientes de la société LGD Développement, dont la société Billy, d'assurer ou de faire assurer dans le délai de quinze jours la gestion des déchets remis à cette société ; que constatant que cet arrêté n'avait pas été exécuté, le préfet du Val-de-Marne, a, par un arrêté du 23 janvier 2013, ordonné à la société Billy de consigner entre les mains d'un comptable public une somme de 1 135 447 euros ; que, par le présent recours, le ministre chargé de l'environnement relève appel du jugement du 5 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 23 janvier 2013 pris à l'encontre de la société Billy ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant, en premier lieu, que, pour annuler l'arrêté du 23 janvier 2013 par lequel le préfet du Val-de-Marne a ordonné à la société Billy de consigner une somme de 1 135 447 euros, le tribunal administratif de Melun a considéré qu'elle ne pouvait être considérée comme le détenteur des déchets en cause au sens des articles L. 541-2 et L. 541-3 du code de l'environnement, dès lors, d'une part, qu'elle ne se trouvait plus en possession des déchets confiés à la société LGD développement, et que, d'autre part, il ne lui était pas reproché, par l'arrêté contesté, d'avoir continué à déposer des déchets au centre de tri et de transit de Limeil-Brévannes après avoir eu connaissance de la suspension de l'activité de son exploitant ; qu'il ressort ainsi des points 3 et 4 du jugement que le tribunal a retenu, pour annuler la décision préfectorale, l'une et l'autre de ces circonstances ; que, contrairement à ce que soutient le ministre chargé de l'environnement, les juges de première instance ont ainsi suffisamment expliqué en fait et en droit les raisons pour lesquelles ils estimaient que le préfet du Val-de-Marne ne pouvait légalement ordonner à la société Billy de consigner la somme litigieuse ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient le ministre, il ressort du point 4 du jugement attaqué que, pour annuler l'arrêté de consignation du 23 janvier 2013, le tribunal administratif de Melun a retenu que le préfet du Val-de-Marne avait méconnu le champ d'application du I de l'article L. 541-3 du code de l'environnement et ne s'est pas fondé, par voie d'exception, sur l'illégalité de la mise en demeure adressée le 6 mars 2012 à la société Billy d'assurer la gestion des déchets ; qu'il ne résulte pas plus des termes du jugement que les premiers juges auraient prononcé l'annulation de l'arrêté du 23 janvier 2013 par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté du 6 mars 2012 ; qu'ainsi le ministre chargé de l'environnement n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier pour insuffisance de motivation sur ce point et faute d'avoir soulevé d'office l'irrecevabilité d'une telle exception d'illégalité ;
4. Considérant, en troisième lieu, que si la société Billy, afin d'écarter la qualification de détenteur des déchets au sens de l'article L. 541-2 du code de l'environnement, s'est surtout prévalue en première instance de la circonstance qu'elle n'était pas propriétaire du terrain sur lequel ont été entreposés les déchets, il appartenait toutefois au tribunal de se prononcer de façon plus générale sur le champ d'application de l'article L. 541-3 du code de l'environnement au vu des circonstances qui lui étaient soumises et qui ressortaient des pièces du dossier ; qu'il s'ensuit le tribunal n'avait pas à informer les parties de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public tiré de la méconnaissance de l'article L. 541-3 du code de l'environnement, au motif que la société Billy n'était plus en possession des déchets en cause ;
5. Considérant, en quatrième lieu, que si le ministre chargé de l'environnement soutient que le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs, celle-ci n'affecterait que le bien fondé de ce jugement qu'il appartient en tout état de cause à la cour d'examiner dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel ;
Sur la légalité de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 23 janvier 2013 :
6. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 541-1-1 du code de l'environnement : " Au sens du présent chapitre, on entend par : Déchet : toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou l'obligation de se défaire (...) Gestion des déchets : la collecte, le transport, la valorisation et l'élimination des déchets et, plus largement, toute activité participant de l'organisation de la prise en charge des déchets depuis leur production jusqu'à leur traitement final, y compris les activités de négoce ou de courtage et la supervision de l'ensemble de ces opérations ; Producteur de déchets : toute personne dont l'activité produit des déchets (producteur initial de déchets) ou toute personne qui effectue des opérations de traitement des déchets conduisant à un changement de la nature ou de la composition de ces déchets (producteur subséquent de déchets) ; Détenteur de déchets : producteur des déchets ou toute autre personne qui se trouve en possession des déchets (...) " ;
7. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 541-3 du code de l'environnement : " I. - Lorsque des déchets sont abandonnés, déposés ou gérés contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application, l'autorité titulaire du pouvoir de police compétente avise le producteur ou détenteur de déchets des faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu'il encourt et, après l'avoir informé de la possibilité de présenter ses observations, écrites ou orales, dans un délai d'un mois, le cas échéant assisté par un conseil ou représenté par un mandataire de son choix, peut le mettre en demeure d'effectuer les opérations nécessaires au respect de cette réglementation dans un délai déterminé. / Au terme de cette procédure, si la personne concernée n'a pas obtempéré à cette injonction dans le délai imparti par la mise en demeure, l'autorité titulaire du pouvoir de police compétente peut, par une décision motivée qui indique les voies et délais de recours : / 1° L'obliger à consigner entre les mains d'un comptable public une somme correspondant au montant des mesures prescrites, laquelle est restituée au fur et à mesure de l'exécution de ces mesures. (...) / 2° Faire procéder d'office, en lieu et place de la personne mise en demeure et à ses frais, à l'exécution des mesures prescrites. Les sommes consignées en application du 1° peuvent être utilisées pour régler les dépenses ainsi engagées ; / (...) L'exécution des travaux ordonnés d'office peut être confiée par le ministre chargé de l'environnement à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie ou à un autre établissement public compétent. Les sommes consignées leur sont alors reversées à leur demande. (...) II. - En cas d'urgence, l'autorité titulaire du pouvoir de police compétente fixe les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l'environnement. (...) / V. - Si le producteur ou le détenteur des déchets ne peut être identifié ou s'il est insolvable, l'Etat peut, avec le concours financier éventuel des collectivités territoriales, confier la gestion des déchets et la remise en état du site pollué par ces déchets à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie ou à un autre établissement public compétent. " ; qu'aux termes de l'article L. 541-2 du même code : " Tout producteur ou détenteur de déchets est tenu d'en assurer ou d'en faire assurer la gestion, conformément aux dispositions du présent chapitre. / Tout producteur ou détenteur de déchets est responsable de la gestion de ces déchets jusqu'à leur élimination ou valorisation finale, même lorsque le déchet est transféré à des fins de traitement à un tiers. / Tout producteur ou détenteur de déchets s'assure que la personne à qui il les remet est autorisée à les prendre en charge. " ;
8. Considérant que, pour annuler l'arrêté litigieux, le tribunal administratif a notamment estimé que le préfet avait méconnu le champ d'application des dispositions précitées de l'article L. 541-3 du code de l'environnement dès lors que la société intimée ne pouvait pas, en sa seule qualité de collecteur et transporteur de déchets qu'elle avait remis à la société LGD Développement, être tenue d'assurer la gestion de déchets qu'elle ne détenait plus ; que, toutefois, il ne résulte ni des dispositions précitées de l'article L. 541-3 du code de l'environnement ni de celles de l'article L. 541-1-1 du code de l'environnement que seul le détenteur actuel des déchets pourrait être mis en demeure, sur le fondement de l'article L. 541-3 du code de l'environnement, d'en assurer une gestion conforme aux règles environnementales et d'assurer la responsabilité financière de cette gestion en cas de défaillance ; que ces dispositions, au contraire, permettent de poursuivre un détenteur antérieur si celui-ci a méconnu les prescriptions du code de l'environnement en abandonnant, gérant ou déposant des déchets contrairement à ces prescriptions ;
9. Considérant, cependant, que la société Billy, entreprise de travaux publics ayant pour activité le terrassement et la location de bennes, a déposé des déchets au centre de tri et de transit exploité par la société LGD Développement ; que, comme il a été dit au point 1, l'activité de celle-ci avait été autorisée par un arrêté du préfet du Val-de-Marne du 16 novembre 2005 avant d'être suspendue, à la suite de plusieurs mises en demeure restées infructueuses, par arrêté du préfet du Val-de-Marne du 15 novembre 2010 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la société Billy aurait continué à déposer des déchets après publication de cette décision de suspension ; qu'ainsi, et dès lors que la société Billy a, sans qu'aucune négligence puisse être relevée à son encontre, transporté et déposé les déchets dans un centre de tri autorisé par l'administration sans les abandonner irrégulièrement, le préfet du Val-de-Marne ne pouvait légalement lui ordonner de consigner la somme de 1 135 447 euros sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 541-3 du code de l'environnement ;
10. Considérant que dès lors que la société Billy ne saurait être regardée comme un producteur ou un détenteur de déchets au sens des articles L. 541-2 et L. 541-3 du code de l'environnement, le ministre chargé de l'environnement ne saurait soutenir que pèserait, à tout le moins, sur elle une obligation de prise en charge financière du coût de l'élimination des déchets en vertu du principe du pollueur-payeur ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre chargé de l'environnement n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 23 janvier 2013 par lequel le préfet du Val-de-Marne a ordonné à la société Billy de consigner une somme de 1 135 447 euros ;
12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la société Billy au titre des frais exposés pour sa défense en appel, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du ministre chargé de l'environnement est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la société Billy la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer et à la société Billy.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente,
- Mme Amat, premier conseiller,
- Mme Nguyên Duy, premier conseiller.
Lu en audience publique le 9 février 2017.
Le rapporteur,
P. NGUYEN DUY La présidente,
S. PELLISSIER Le greffier,
M. A...La République mande et ordonne au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, en ce qui le concerne ou à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA01423
Procédure contentieuse antérieure :
La société Billy a demandé au tribunal administratif de Melun d'annuler l'arrêté du 23 janvier 2013 par lequel le préfet du Val-de-Marne lui a ordonné en application de l'article L. 541-3 du code de l'environnement de consigner une somme de 1 135 447 euros.
Par un jugement n° 1302754 du 5 février 2015, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 23 janvier 2013 et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par un recours enregistré le 7 avril 2015, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1302754 du tribunal administratif de Melun du
5 février 2015 ;
2°) de rejeter la demande de la société Billy.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier, dès lors qu'il est insuffisamment motivé en violation de l'article 9 du code de justice administrative ;
- le jugement est irrégulier, dès lors que le tribunal n'a pas informé les parties, en violation de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public tiré de la méconnaissance de l'article L. 541-3 du code de l'environnement, la société Billy n'ayant plus les déchets en sa possession ;
- le jugement est irrégulier, dès lors qu'à supposer que la société Billy ait entendu invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de l'arrêté de mise en demeure du 6 mars 2012 à l'encontre de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 23 janvier 2013, le tribunal a omis de soulever d'office l'irrecevabilité de cette exception d'illégalité, l'arrêté de mise en demeure étant devenu définitif ;
- le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de l'arrêté de mise en demeure du 6 mars 2012 à l'encontre de l'arrêté de consignation du préfet du Val-de-Marne du 23 janvier 2013 n'est pas recevable, dès lors que cet arrêté est devenu définitif ;
- le jugement attaqué est entaché de contradiction de motifs, dès lors qu'il ne pouvait rappeler le principe de responsabilité des détenteurs actuels ou antérieurs des déchets jusqu'à leur élimination ou valorisation finale, tout en relevant que le détenteur au sens de l'article L. 541-3 du code de l'environnement ne peut s'entendre que de la personne se trouvant alors en possession des déchets, soit le détenteur actuel ;
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la société Billy, en sa qualité de détenteur des déchets au sens des articles L. 541-2 et L. 541-3 du code de l'environnement et compte tenu des conditions dans lesquelles sont intervenus les dépôts et l'élimination des déchets dans le centre de Limeil-Brévannes, demeurait responsable de la gestion de ces déchets, quand bien même elle en aurait confié l'élimination à la société LGD Développement ;
- à supposer que la société Billy ne puisse être rendue débitrice d'une obligation matérielle d'élimination des déchets, la responsabilité de la prise en charge financière des coûts d'élimination des déchets lui incombe néanmoins en qualité de détenteur intervenu dans la chaîne de traitement des déchets en application du principe " pollueur-payeur ", l'article L. 541-3 du code de l'environnement constituant la seule procédure permettant de faire supporter au producteur ou détenteur antérieur le coût de l'élimination des déchets.
Par un mémoire en défense enregistré le 13 octobre 2016, la société Billy, représentée par Me Dokhan, conclut au rejet du recours et à la mise à la charge de l'Etat de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 2008/98/CE du 19 novembre 2008 du Parlement européen et du conseil ;
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Nguyên Duy,
- les conclusions de M. Romnicianu, rapporteur public,
- et les observations de Me Dokhan, avocat de la société Billy.
1. Considérant que par arrêté du 16 novembre 2005, le préfet du Val-de-Marne a autorisé la société LGD Développement à exploiter, sur le territoire de la commune de Limeil-Brévannes, un centre de tri et de transit de déchets issus de chantiers de constructions ou de démolitions ; qu'à la suite de deux inspections intervenues les 21 juillet et 14 septembre 2009, l'administration a constaté que la société LGD Développement ne respectait pas les prescriptions relatives à l'exploitation du site et l'a mise en demeure de se mettre en conformité par arrêtés des 9 octobre 2009 et 6 juillet 2010 ; qu'en l'absence de respect de ces deux arrêtés, le préfet du Val-de-Marne a suspendu l'activité de la société LGD Développement par arrêté du 15 novembre 2010 avant de lui enjoindre, par arrêté du 16 février 2011, de consigner la somme de neuf millions d'euros correspondant au coût estimé des travaux nécessaires pour l'évacuation et l'élimination des déchets présents sur le site ; qu'à la suite de la liquidation judiciaire de la société LGD Développement le 28 avril 2011, le préfet du Val-de-Marne a demandé à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME), par arrêtés des 25 mai et 3 août 2011, d'intervenir pour sécuriser le site et évacuer les déchets aux frais des personnes physiques ou morales responsables ; que, par une série d'arrêtés du 6 mars 2012 pris après une procédure contradictoire, le préfet du Val-de-Marne a mis en demeure, sur le fondement de l'article L. 541-3 du code de l'environnement, plusieurs sociétés clientes de la société LGD Développement, dont la société Billy, d'assurer ou de faire assurer dans le délai de quinze jours la gestion des déchets remis à cette société ; que constatant que cet arrêté n'avait pas été exécuté, le préfet du Val-de-Marne, a, par un arrêté du 23 janvier 2013, ordonné à la société Billy de consigner entre les mains d'un comptable public une somme de 1 135 447 euros ; que, par le présent recours, le ministre chargé de l'environnement relève appel du jugement du 5 février 2015 par lequel le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 23 janvier 2013 pris à l'encontre de la société Billy ;
Sur la régularité du jugement :
2. Considérant, en premier lieu, que, pour annuler l'arrêté du 23 janvier 2013 par lequel le préfet du Val-de-Marne a ordonné à la société Billy de consigner une somme de 1 135 447 euros, le tribunal administratif de Melun a considéré qu'elle ne pouvait être considérée comme le détenteur des déchets en cause au sens des articles L. 541-2 et L. 541-3 du code de l'environnement, dès lors, d'une part, qu'elle ne se trouvait plus en possession des déchets confiés à la société LGD développement, et que, d'autre part, il ne lui était pas reproché, par l'arrêté contesté, d'avoir continué à déposer des déchets au centre de tri et de transit de Limeil-Brévannes après avoir eu connaissance de la suspension de l'activité de son exploitant ; qu'il ressort ainsi des points 3 et 4 du jugement que le tribunal a retenu, pour annuler la décision préfectorale, l'une et l'autre de ces circonstances ; que, contrairement à ce que soutient le ministre chargé de l'environnement, les juges de première instance ont ainsi suffisamment expliqué en fait et en droit les raisons pour lesquelles ils estimaient que le préfet du Val-de-Marne ne pouvait légalement ordonner à la société Billy de consigner la somme litigieuse ;
3. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient le ministre, il ressort du point 4 du jugement attaqué que, pour annuler l'arrêté de consignation du 23 janvier 2013, le tribunal administratif de Melun a retenu que le préfet du Val-de-Marne avait méconnu le champ d'application du I de l'article L. 541-3 du code de l'environnement et ne s'est pas fondé, par voie d'exception, sur l'illégalité de la mise en demeure adressée le 6 mars 2012 à la société Billy d'assurer la gestion des déchets ; qu'il ne résulte pas plus des termes du jugement que les premiers juges auraient prononcé l'annulation de l'arrêté du 23 janvier 2013 par voie de conséquence de l'illégalité de l'arrêté du 6 mars 2012 ; qu'ainsi le ministre chargé de l'environnement n'est pas fondé à soutenir que le jugement serait irrégulier pour insuffisance de motivation sur ce point et faute d'avoir soulevé d'office l'irrecevabilité d'une telle exception d'illégalité ;
4. Considérant, en troisième lieu, que si la société Billy, afin d'écarter la qualification de détenteur des déchets au sens de l'article L. 541-2 du code de l'environnement, s'est surtout prévalue en première instance de la circonstance qu'elle n'était pas propriétaire du terrain sur lequel ont été entreposés les déchets, il appartenait toutefois au tribunal de se prononcer de façon plus générale sur le champ d'application de l'article L. 541-3 du code de l'environnement au vu des circonstances qui lui étaient soumises et qui ressortaient des pièces du dossier ; qu'il s'ensuit le tribunal n'avait pas à informer les parties de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen d'ordre public tiré de la méconnaissance de l'article L. 541-3 du code de l'environnement, au motif que la société Billy n'était plus en possession des déchets en cause ;
5. Considérant, en quatrième lieu, que si le ministre chargé de l'environnement soutient que le jugement attaqué est entaché d'une contradiction de motifs, celle-ci n'affecterait que le bien fondé de ce jugement qu'il appartient en tout état de cause à la cour d'examiner dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel ;
Sur la légalité de l'arrêté du préfet du Val-de-Marne du 23 janvier 2013 :
6. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 541-1-1 du code de l'environnement : " Au sens du présent chapitre, on entend par : Déchet : toute substance ou tout objet, ou plus généralement tout bien meuble, dont le détenteur se défait ou dont il a l'intention ou l'obligation de se défaire (...) Gestion des déchets : la collecte, le transport, la valorisation et l'élimination des déchets et, plus largement, toute activité participant de l'organisation de la prise en charge des déchets depuis leur production jusqu'à leur traitement final, y compris les activités de négoce ou de courtage et la supervision de l'ensemble de ces opérations ; Producteur de déchets : toute personne dont l'activité produit des déchets (producteur initial de déchets) ou toute personne qui effectue des opérations de traitement des déchets conduisant à un changement de la nature ou de la composition de ces déchets (producteur subséquent de déchets) ; Détenteur de déchets : producteur des déchets ou toute autre personne qui se trouve en possession des déchets (...) " ;
7. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article L. 541-3 du code de l'environnement : " I. - Lorsque des déchets sont abandonnés, déposés ou gérés contrairement aux prescriptions du présent chapitre et des règlements pris pour leur application, l'autorité titulaire du pouvoir de police compétente avise le producteur ou détenteur de déchets des faits qui lui sont reprochés ainsi que des sanctions qu'il encourt et, après l'avoir informé de la possibilité de présenter ses observations, écrites ou orales, dans un délai d'un mois, le cas échéant assisté par un conseil ou représenté par un mandataire de son choix, peut le mettre en demeure d'effectuer les opérations nécessaires au respect de cette réglementation dans un délai déterminé. / Au terme de cette procédure, si la personne concernée n'a pas obtempéré à cette injonction dans le délai imparti par la mise en demeure, l'autorité titulaire du pouvoir de police compétente peut, par une décision motivée qui indique les voies et délais de recours : / 1° L'obliger à consigner entre les mains d'un comptable public une somme correspondant au montant des mesures prescrites, laquelle est restituée au fur et à mesure de l'exécution de ces mesures. (...) / 2° Faire procéder d'office, en lieu et place de la personne mise en demeure et à ses frais, à l'exécution des mesures prescrites. Les sommes consignées en application du 1° peuvent être utilisées pour régler les dépenses ainsi engagées ; / (...) L'exécution des travaux ordonnés d'office peut être confiée par le ministre chargé de l'environnement à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie ou à un autre établissement public compétent. Les sommes consignées leur sont alors reversées à leur demande. (...) II. - En cas d'urgence, l'autorité titulaire du pouvoir de police compétente fixe les mesures nécessaires pour prévenir les dangers graves et imminents pour la santé, la sécurité publique ou l'environnement. (...) / V. - Si le producteur ou le détenteur des déchets ne peut être identifié ou s'il est insolvable, l'Etat peut, avec le concours financier éventuel des collectivités territoriales, confier la gestion des déchets et la remise en état du site pollué par ces déchets à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie ou à un autre établissement public compétent. " ; qu'aux termes de l'article L. 541-2 du même code : " Tout producteur ou détenteur de déchets est tenu d'en assurer ou d'en faire assurer la gestion, conformément aux dispositions du présent chapitre. / Tout producteur ou détenteur de déchets est responsable de la gestion de ces déchets jusqu'à leur élimination ou valorisation finale, même lorsque le déchet est transféré à des fins de traitement à un tiers. / Tout producteur ou détenteur de déchets s'assure que la personne à qui il les remet est autorisée à les prendre en charge. " ;
8. Considérant que, pour annuler l'arrêté litigieux, le tribunal administratif a notamment estimé que le préfet avait méconnu le champ d'application des dispositions précitées de l'article L. 541-3 du code de l'environnement dès lors que la société intimée ne pouvait pas, en sa seule qualité de collecteur et transporteur de déchets qu'elle avait remis à la société LGD Développement, être tenue d'assurer la gestion de déchets qu'elle ne détenait plus ; que, toutefois, il ne résulte ni des dispositions précitées de l'article L. 541-3 du code de l'environnement ni de celles de l'article L. 541-1-1 du code de l'environnement que seul le détenteur actuel des déchets pourrait être mis en demeure, sur le fondement de l'article L. 541-3 du code de l'environnement, d'en assurer une gestion conforme aux règles environnementales et d'assurer la responsabilité financière de cette gestion en cas de défaillance ; que ces dispositions, au contraire, permettent de poursuivre un détenteur antérieur si celui-ci a méconnu les prescriptions du code de l'environnement en abandonnant, gérant ou déposant des déchets contrairement à ces prescriptions ;
9. Considérant, cependant, que la société Billy, entreprise de travaux publics ayant pour activité le terrassement et la location de bennes, a déposé des déchets au centre de tri et de transit exploité par la société LGD Développement ; que, comme il a été dit au point 1, l'activité de celle-ci avait été autorisée par un arrêté du préfet du Val-de-Marne du 16 novembre 2005 avant d'être suspendue, à la suite de plusieurs mises en demeure restées infructueuses, par arrêté du préfet du Val-de-Marne du 15 novembre 2010 ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la société Billy aurait continué à déposer des déchets après publication de cette décision de suspension ; qu'ainsi, et dès lors que la société Billy a, sans qu'aucune négligence puisse être relevée à son encontre, transporté et déposé les déchets dans un centre de tri autorisé par l'administration sans les abandonner irrégulièrement, le préfet du Val-de-Marne ne pouvait légalement lui ordonner de consigner la somme de 1 135 447 euros sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 541-3 du code de l'environnement ;
10. Considérant que dès lors que la société Billy ne saurait être regardée comme un producteur ou un détenteur de déchets au sens des articles L. 541-2 et L. 541-3 du code de l'environnement, le ministre chargé de l'environnement ne saurait soutenir que pèserait, à tout le moins, sur elle une obligation de prise en charge financière du coût de l'élimination des déchets en vertu du principe du pollueur-payeur ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre chargé de l'environnement n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Melun a annulé l'arrêté du 23 janvier 2013 par lequel le préfet du Val-de-Marne a ordonné à la société Billy de consigner une somme de 1 135 447 euros ;
12. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à la société Billy au titre des frais exposés pour sa défense en appel, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le recours du ministre chargé de l'environnement est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera à la société Billy la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer et à la société Billy.
Délibéré après l'audience du 26 janvier 2017, à laquelle siégeaient :
- Mme Pellissier, présidente,
- Mme Amat, premier conseiller,
- Mme Nguyên Duy, premier conseiller.
Lu en audience publique le 9 février 2017.
Le rapporteur,
P. NGUYEN DUY La présidente,
S. PELLISSIER Le greffier,
M. A...La République mande et ordonne au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, en ce qui le concerne ou à tous les huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 15PA01423