CAA de NANTES, 1ère chambre, 19/01/2017, 15NT02188, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme C...A...ont demandé au tribunal administratif d'Orléans de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010.

Par un jugement n° 1402951 du 23 juin 2015, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 juillet 2015, M. et MmeA..., représentés par MeB..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 23 juin 2015 du tribunal administratif d'Orléans ;

2°) de prononcer la décharge des suppléments d'imposition contestés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les sommes de 250 000 euros et de 300 000 euros versées respectivement en 2009 et en 2010 l'ont été non au titre d'une clause d'indexation ou d'intéressement mais des modalités de paiement d'un prix déterminé ;
- le vérificateur et les services fiscaux l'ayant admis par écrit, ils invoquent cette prise de position formelle sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;
- en vertu des points 3 et 4 de la fiche 4 de l'instruction du 13 juin 2001 5 C-1-01, reprise au BOI-RPPM-PVBMI-20-10-10-20 n° 30 du 12 septembre 2012, le complément de prix est imposable l'année de sa perception lorsqu'il présente un caractère aléatoire, ce qui n'est pas le cas de la somme totale de 550 000 euros ;
- cette somme devait être imposée au titre de l'année 2008, année au cours de laquelle la cession a eu lieu, et relève donc d'une période prescrite.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 décembre 2015, le ministre des finances et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par M. et Mme A...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Delesalle,
- les conclusions de M. Jouno, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., représentant M. et MmeA....

1. Considérant que par un protocole d'accord signé le 2 octobre 2007, M. A...a cédé à la société Nouvelle Cap Management les 1 319 titres qu'il détenait dans la société Cap Management pour un montant de 1 387 400 euros selon la déclaration de cession de droits sociaux enregistrée le 25 mars 2008 au service des impôts ; qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la société Nouvelle Cap Management et d'une demande de communication adressée à cette société, le service a constaté qu'elle avait versé à M. et Mme A...les sommes de 250 000 euros et 550 000 euros en 2009 et 2010 ; que l'administration a estimé que ces sommes, qui n'avaient pas été déclarées par les requérants, constituaient un complément de prix imposable au titre de ces deux années sur le fondement des dispositions de l'article 150-0 A du code général des impôts ce qui a entraîné le rehaussement de leurs bases d'imposition ; qu'après avoir présenté une réclamation contentieuse qui a été rejetée le 11 juillet 2014, M. et Mme A...ont saisi le tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2009 et 2010 ; qu'ils relèvent appel du jugement du 23 juin 2015 par lequel ce tribunal a rejeté leur demande ;

2. Considérant qu'il résulte de l'instruction, notamment de leur réclamation présentée le 16 janvier 2014, que M. et Mme A...ont demandé la réduction des suppléments d'imposition résultant de la réintégration dans leurs bases d'imposition de la somme de 250 000 euros au titre de l'année 2009 et celle de la somme de 300 000 euros et non de 550 000 euros au titre de l'année 2010 ; que l'argumentation développée tant en première instance qu'en appel tend à obtenir la même réduction de leurs bases d'imposition ; que, dans ces conditions, et s'agissant de l'année 2010, ils doivent être regardés comme demandant seulement la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 12 du code général des impôts : " L'impôt est dû chaque année à raison des bénéfices ou revenus que le contribuable réalise ou dont il dispose au cours de la même année " ; qu'aux termes de l'article 150-0 A du même code, dans sa rédaction alors applicable : " I.-1. (...) les gains nets retirés des cessions à titre onéreux (...) de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu (...) / 2. Le complément de prix reçu par le cédant en exécution de la clause du contrat de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux par laquelle le cessionnaire s'engage à verser au cédant un complément de prix exclusivement déterminé en fonction d'une indexation en relation directe avec l'activité de la société dont les titres sont l'objet du contrat, est imposable au titre de l'année au cours de laquelle il est reçu, quel que soit le montant des cessions au cours de cette année " ;

4. Considérant que l'article 2 du protocole d'accord du 2 octobre 2007 signé notamment entre M. A...et la société Nouvelle Cap Management prévoit, en ce qui concerne la cession par M.A... de ses actions détenues dans la société Cap Management qu'" un complément de prix attaché à cette dernière cession, d'un montant minimum global de cinq cent cinquante mille euros (550 000 €) sera payable en deux annuités. / La première annuité sera calculée sur la base des comptes sociaux audités de l'exercice clos à la date du 31 décembre 2008 (...). / Cette annuité sera égale à 30 % de l'excédent brut d'exploitation (REX) ainsi réalisé par rapport au résultat d'exploitation prévisionnel établi d'un commun accord entre les parties soit 1500 K€ pour l'année 2008, étant précisé que le montant de cette première annuité s'élèvera à 350 000 €. Le montant minimum de 350 000 euros devant être payé au plus tard le 30 juin 2009. Tout retard de paiement étant pénalisé par un taux d'intérêt de 10 % par an. / La seconde annuité, d'un montant minimum de 200 000 € sera calculée, en fonction des résultats prévisionnels de REX 2009, soit 1700 K€, de la même manière qu'indiqué ci-dessus. / (...) " ;

5. Considérant qu'il résulte des termes de ce protocole d'accord que M. A...devait percevoir de la part de la société Nouvelle Cap Management, outre le prix fixé à 1 387 400 euros, un complément de prix versé en deux annuités et constitué d'un montant garanti de 550 000 euros augmenté, le cas échéant, d'une part variable indexée sur les résultats de l'entreprise ; que ce complément de prix comportait ainsi deux composantes, l'une déterminée dès la conclusion du contrat, et l'autre indéterminée en raison de son caractère aléatoire ; que la circonstance que la société a versé à M. A...la somme de 250 000 euros en 2009 au lieu de celle de 350 000 euros contractuellement prévue au titre de la première annuité est sans incidence sur l'objet de ce paiement, qui a porté sur une première partie du complément de prix déterminé, stipulé au contrat, et, en conséquence, sur la détermination de l'année d'imposition ; qu'en outre, le paiement au cours de l'année 2010 d'un complément de prix d'un montant total de 550 000 euros doit être regardé comme correspondant, à hauteur de 300 000 euros, à la seconde partie du complément de prix déterminé, stipulé au contrat, et, pour le surplus au versement de la partie du prix indéterminée en raison de son caractère aléatoire ; qu'il suit de là que les sommes de 250 000 euros et 300 000 euros respectivement payées à M. A...en 2009 et en 2010 étaient imposables l'année de la cession et ne pouvaient être réintégrées dans les bases d'imposition des années 2009 et 2010 ; que, dès lors, M. et Mme A...sont fondés à demander, d'une part, la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009 et, d'autre part, la réduction, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2010 résultant de la réintégration dans leurs bases d'imposition de la somme de 300 000 euros ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. et Mme A...sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté leur demande ;

7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros qui sera versée à M. et Mme A...au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : M. et Mme A...sont déchargés, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2009.
Article 2 : Les bases d'imposition de l'impôt sur le revenu et de contributions sociales dus par M. et Mme A...au titre de l'année 2010 sont diminuées de 300 000 euros.
Article 3 : M. et Mme A...sont déchargés, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales correspondant à la réduction de la base d'imposition mentionnée à l'article 2 du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à M. et Mme A...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C...A...et au ministre de l'économie et des finances.




Délibéré après l'audience du 16 décembre 2016, à laquelle siégeaient :


- Mme Aubert, président de chambre,
- M. Delesalle, premier conseiller,
- Mme Chollet, premier conseiller.



Lu en audience publique, le 19 janvier 2017.


Le rapporteur,
H. DelesalleLe président,
S. Aubert

Le greffier,
E. Haubois



La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 15NT02188



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