Conseil d'État, 6ème chambre, 28/12/2016, 384236, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État, 6ème chambre, 28/12/2016, 384236, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État - 6ème chambre
- N° 384236
- ECLI:FR:CECHS:2016:384236.20161228
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mercredi
28 décembre 2016
- Rapporteur
- M. François Monteagle
- Avocat(s)
- SCP GARREAU, BAUER-VIOLAS, FESCHOTTE-DESBOIS ; SCP BORE, SALVE DE BRUNETON
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler, d'une part, les décisions des 21 décembre 2010 et 20 janvier 2011 par lesquelles le maire de la commune de Garges-lès-Gonesse (Val d'Oise) lui a respectivement infligé un avertissement et une sanction d'exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux jours et, d'autre part, des décisions implicites rejetant ses recours gracieux tendant au retrait de ces deux décisions. Par un jugement n° 1104693-1105553 du 18 février 2013, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 13VE01187 du 19 juin 2014, la cour administrative d'appel de Versailles, faisant droit à l'appel de M.A..., a annulé le jugement du 18 février 2013, les décisions des 21 décembre 2010 et 20 janvier 2011 ainsi que les décisions implicites rejetant les recours gracieux tendant au retrait de ces deux décisions.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et des mémoires en réplique, enregistrés les 5 septembre et 4 décembre 2014 et le 21 décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Garges-lès-Gonesse demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de rejeter l'appel de M. A... ;
3°) de mettre à la charge de M. A... la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. François Monteagle, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de M. Vincent Daumas, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Boré, Salve de Bruneton, avocat de la commune de Garges-lès-Gonesse et à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de M. A...;
Considérant ce qui suit :
1. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un arrêté du 11 octobre 2010, le maire de la commune de Garges-lès-Gonesse (Val d'Oise) a décidé la création d'un traitement de données à caractère personnel, reposant sur un dispositif biométrique utilisant la technologie de la reconnaissance des contours de la main, dont l'objet était la gestion des horaires et des temps de présence des agents municipaux. Ce traitement de données a fait l'objet, le 3 août 2010, d'une déclaration de conformité auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) en application de la décision d'autorisation unique AU-007 prise par cette autorité le 27 avril 2006 sur le fondement des dispositions du II de l'article 25 de la loi du 6 janvier 1978. Le 21 décembre 2010 puis le 20 janvier 2011, le maire de Garges-lès-Gonesse a pris à l'encontre de M. A... deux sanctions disciplinaires, respectivement un avertissement et une exclusion temporaire de fonctions d'une durée de deux jours, tirant les conséquences du refus de cet agent de se soumettre au contrôle biométrique de son temps de présence. Par un jugement en date du 18 février 2013, le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation des décisions litigieuses. La commune de Garges-lès-Gonesse se pourvoit en cassation contre l'arrêt du 19 juin 2014 par lequel la cour administrative d'appel de Versailles, faisant droit à l'appel de M.A..., a annulé ce jugement ainsi que les décisions contestées.
2. Aux termes du I de l'article 32 de la loi du 6 janvier 1978 : " La personne auprès de laquelle sont recueillies des données à caractère personnel la concernant est informée, sauf si elle l'a été au préalable, par le responsable du traitement ou son représentant / 1° De l'identité du responsable du traitement et, le cas échéant, de celle de son représentant ; / 2° De la finalité poursuivie par le traitement auquel les données sont destinées ; / 3° Du caractère obligatoire ou facultatif des réponses ; / 4° Des conséquences éventuelles, à son égard, d'un défaut de réponse ; / 5° Des destinataires ou catégories de destinataires des données ; / 6° Des droits qu'elle tient des dispositions de la section 2 du présent chapitre ; / 7° Le cas échéant, des transferts de données à caractère personnel envisagés à destination d'un Etat non membre de la Communauté européenne. (...) " ;
3. En vertu de ces dispositions, il incombe au responsable d'un traitement de données à caractère personnel de fournir à toute personne concernée par l'inscription de données dans ce traitement, dès leur enregistrement, l'ensemble des informations prévues au I de cet article 32, y compris quand ces données personnelles ne sont pas recueillies auprès de la personne directement concernée elle-même. Les obligations du responsable du traitement de données ne sont toutefois relatives qu'aux modalités concrètes de fonctionnement de ce dernier et leur méconnaissance ne peut avoir, à elle seule, pour effet de rendre la décision administrative instaurant ce traitement inopposable aux personnes concernées par le recueil des données personnelles. Par suite, en se fondant sur le seul motif tiré de ce qu'une telle méconnaissance devait être regardée comme ayant eu pour effet de rendre la décision du maire de la commune de Garges-lès-Gonesse du 11 octobre 2010 inopposable aux agents de la commune pour en déduire que les sanctions litigieuses étaient illégales, la cour administrative d'appel a commis une erreur de droit.
4. Il résulte de ce qui précède que la commune de Garges-lès-Gonesse est fondée à demander l'annulation de l'arrêt attaqué.
5. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Garges-lès-Gonesse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce que la somme demandée par M. A...au même titre soit mise à la charge de la commune de Garges-lès-Gonesse, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative de Versailles du 19 juin 2014 est annulé.
Article 2 : L'affaire est renvoyée à la cour administrative d'appel de Versailles.
Article 3 : Le surplus des conclusions du pourvoi de la commune de Garges-lès-Gonesse est rejeté.
Article 4 : Les conclusions présentées par M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à la commune de Garges-lès-Gonesse et à M. B... A....