Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 23/12/2016, 399081

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 22 avril et 14 septembre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'avis n° 2016-019 de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières du 17 février 2016 relatif au projet de décision de la Région de limitation du service déclaré par la société FlixBus France sur la liaison entre Limoges et Brive-la-Gaillarde ;

2°) de mettre à la charge de l'ARAFER la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code des transports ;
- le décret n° 85-891 du 16 août 1985 ;
- le code de justice administrative ;






Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Clément Malverti, auditeur,

- les conclusions de M. Xavier Domino, rapporteur public ;






1. Considérant qu'aux termes de l'article L. 3111-17 du code des transports, issu de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques : " Les entreprises de transport public routier de personnes établies sur le territoire national peuvent assurer des services réguliers interurbains " ; qu'aux termes de l'article L. 3111-18 de ce code : " Tout service assurant une liaison dont deux arrêts sont distants de 100 kilomètres ou moins fait l'objet d'une déclaration auprès de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, préalablement à son ouverture. L'autorité publie sans délai cette déclaration./ Une autorité organisatrice de transport peut, après avis conforme de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, dans les conditions définies à l'article L. 3111-19, interdire ou limiter les services mentionnés au premier alinéa du présent article lorsqu'ils sont exécutés entre des arrêts dont la liaison est assurée sans correspondance par un service régulier de transport qu'elle organise et qu'ils portent, seuls ou dans leur ensemble, une atteinte substantielle à l'équilibre économique de la ligne ou des lignes de service public de transport susceptibles d'être concurrencées ou à l'équilibre économique du contrat de service public de transport concerné " ;

2. Considérant que la société FlixBus France a déposé auprès de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, le 29 octobre 2015, deux déclarations portant sur un service régulier interurbain de transport par autocar entre Limoges et Brive-la-Gaillarde visant à réaliser deux dessertes par jour depuis chacune de ces villes ; que la région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes a saisi l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières d'un projet de limitation de ces services à un seul passage quotidien ; que, par un avis n° 2016-019 du 17 février 2016, l'Autorité a estimé que les services envisagés ne portaient pas une atteinte substantielle à l'équilibre économique des lignes de service public de transport que la région organise au titre du service public des transports express régionaux du Limousin et s'est dès lors prononcée défavorablement sur le projet de la région ; que la région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes demande l'annulation pour excès de pouvoir de cet avis ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 31-7 du décret du 16 août 1985 relatif aux transports urbains de personnes et aux transports routiers non urbains de personnes, modifié par le décret du 13 octobre 2015 relatif aux services réguliers interurbains de transport public routier de personnes librement organisés : " Le dossier de déclaration d'un service routier librement organisé assurant une liaison soumise à régulation comprend : (...)/ 2° L'origine et la destination de la liaison assurée, les itinéraires envisagés, les temps de parcours, les arrêts et la fréquence (...) " ; qu'aux termes de l'article 31-11 du même décret : " L'autorité organisatrice d'une liaison peut, à la suite de la publication d'un service assurant l'une des liaisons qu'elle est susceptible d'interdire ou de limiter conformément à l'article 31-15, saisir l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières d'un projet de décision d'interdiction ou de limitation dans les conditions prévues par le I de l'article L. 3111 19 du code des transports " ; qu'aux termes de l'article 31-15 : " Une décision d'interdiction ou de limitation prise par une autorité organisatrice en application de l'article L. 3111-18 du code des transports peut porter sur tout service routier librement organisé assurant une liaison intérieure de distance routière inférieure ou égale au seuil mentionné au premier alinéa de cet article déjà assurée par un service de l'autorité ou une liaison similaire " ; qu'en vertu du 11° de l'article 31-1 de ce décret, une liaison similaire à une liaison d'une autorité organisatrice est définie comme une liaison soumise à régulation dont l'origine et la destination se situent à une distance, mesurée en ligne droite, d'au plus 5 km, respectivement de l'origine et de la destination de la liaison de l'autorité, cette valeur étant portée à 10 km entre les origines ou entre les destinations des deux liaisons si elles sont situées en région Ile-de-France ;

4. Considérant que si la région requérante soutient que les déclarations déposées par la société Flix Bus étaient irrégulières, faute de préciser l'adresse exacte des points d'arrêt dans les villes de Limoges et Brive-la-Gaillarde, cette circonstance est, en tout état de cause, sans incidence sur la légalité de l'avis rendu sur le projet de décision de la région, l'Autorité ayant constaté que les services déclarés correspondaient aux liaisons organisées par la région entre ces deux villes dans le cadre du train express régional Limousin ;

5. Considérant, en deuxième lieu, que l'autorité organisatrice de transport peut, selon l'article L. 3111-18 du code des transports, limiter les services déclarés lorsqu'ils " portent, seuls ou dans leur ensemble, une atteinte substantielle à l'équilibre économique de la ligne ou des lignes de service public de transport susceptibles d'être concurrencées ou à l'équilibre économique du contrat de service public de transport concerné " ; que, pour apprécier le caractère substantiel de cette atteinte, l'Autorité a comparé la perte de recettes commerciales induite par le report de clientèle du service de transport organisé par la région vers le service déclaré par la société FlixBus France avec, d'une part, les recettes commerciales du service de transport organisé par la région, d'autre part, le montant de la compensation versée par la région au titre de ce service ; qu'en procédant ainsi, l'Autorité n'a entaché son avis d'aucune erreur de droit, dès lors que l'équilibre du service de transport organisé par la région dépend, pour une part importante, des subventions publiques dont il bénéficie ;

6. Considérant, en dernier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que l'estimation d'une perte de recettes maximale de 190 000 euros retenue par l'avis attaqué s'appuie sur une analyse circonstanciée et motivée de la substituabilité du service envisagé par la société FlixBus France avec celui qu'organise la région et prend notamment en compte, à juste titre, pour évaluer le report des voyageurs sur le nouveau service, la circonstance que les liaisons déclarées par la société FlixBus France s'inscrivent dans le cadre de l'exploitation de lignes de longue distance ; qu'au regard du montant des subventions publiques versées par la région, qui finance à hauteur de 13 millions d'euros les lignes ferroviaires concernées, dont les recettes commerciales s'élèvent à 1,1 million d'euros, l'Autorité a pu, sans commettre d'erreur d'appréciation, estimer que les services déclarés par la société FlixBus France n'étaient pas susceptibles de porter une atteinte substantielle à l'équilibre économique du service de transport organisé par la région requérante ;

7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes n'est pas fondée à demander l'annulation pour excès de pouvoir de l'avis attaqué ;

8. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées au titre des mêmes dispositions par l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières, qui ne justifie avoir exposé aucun frais pour sa défense dans la présente instance ;



D E C I D E :
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Article 1er : La requête de la région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la région Nouvelle-Aquitaine, à la société FlixBus France et à l'Autorité de régulation des activités ferroviaires et routières. Copie en sera adressée à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat.

ECLI:FR:CECHR:2016:399081.20161223
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