Conseil d'État, 8ème chambre, 23/12/2016, 394106, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Mme A...C...épouse B...a demandé à la Cour nationale du droit d'asile d'annuler la décision du directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 31 mars 2015 rejetant sa demande d'asile. Par une ordonnance n° 15011331 du 19 août 2015, le président de la formation de jugement de la Cour nationale du droit d'asile a rejeté sa demande.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 16 octobre 2015 et 1er février 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, Mme A...C...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions de première instance ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;


Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Arno Klarsfeld, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Edouard Crépey, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de Mme A...C...;




Considérant ce qui suit :

1. Selon l'article L. 723-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, ce dernier se prononce sur la reconnaissance de la qualité de réfugié ou l'octroi de la protection subsidiaire au terme d'une instruction unique au cours de laquelle le demandeur d'asile est mis en mesure de présenter les éléments à l'appui de sa demande. Selon l'article L. 723-3 du même code, dans sa rédaction alors applicable, " L'office convoque le demandeur à une audition. Il peut s'en dispenser s'il apparaît que : / a) L'office s'apprête à prendre une décision positive à partir des éléments en sa possession ; / b) Le demandeur d'asile a la nationalité d'un pays pour lequel ont été mises en oeuvre les stipulations du 5 du C de l'article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ; / c) Les éléments fournis à l'appui de la demande sont manifestement infondés ; / d) Des raisons médicales interdisent de procéder à l'entretien ".

2. Il appartient, en principe, à la Cour nationale du droit d'asile, qui est saisie d'un recours de plein contentieux, non d'apprécier la légalité de la décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides qui lui est déférée, mais de se prononcer elle-même sur le droit de l'intéressé à la qualité de réfugié ou au bénéfice de la protection subsidiaire au vu de l'ensemble des circonstances de fait dont elle a connaissance au moment où elle statue. Toutefois lorsque le recours dont est saisie la Cour est dirigé contre une décision du directeur général de l'Office qui a statué sur une demande d'asile sans procéder à l'audition du demandeur prévue par l'article L. 723-3, il revient à la Cour, eu égard au caractère essentiel et à la portée de la garantie en cause, si elle juge que l'Office n'était pas dispensé par la loi de convoquer le demandeur à une audition et que le défaut d'audition est imputable à l'Office, d'annuler la décision qui lui est déférée et de renvoyer l'examen de la demande d'asile à l'Office, sauf à ce qu'elle soit en mesure de prendre immédiatement une décision positive sur la demande de protection au vu des éléments établis devant elle.

3. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme A...C..., de nationalité algérienne, a présenté une demande d'asile devant l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 26 décembre 2014. L'Office l'a convoquée, en application des dispositions de l'article L. 723-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pour un entretien prévu le 12 mars 2015. Si Mme A...C...ne s'est pas présentée à cet entretien, elle a soutenu devant la Cour ne pas avoir reçu la convocation du fait d'un changement d'adresse que son époux, M.B..., aurait pourtant fait connaitre à l'Office. Ainsi, en relevant que Mme A...C...ne s'était pas présentée à l'entretien auquel l'OFPRA l'avait convoquée sans rechercher si ce défaut d'audition était ou non imputable à l'OFPRA le président de la formation de jugement de la Cour nationale du droit d'asile a entaché son ordonnance d'une erreur de droit.

4. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, Mme A...C...est fondée à demander l'annulation de l'ordonnance attaquée.

5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.




D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du président de la formation de jugement de la Cour nationale du droit d'asile du 19 août 2015 est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant la Cour nationale du droit d'asile.
Article 3 : L'OFPRA versera à Mme A...C...épouse B...la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée au directeur de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et à Mme A...C...épouseB....



ECLI:FR:CECHS:2016:394106.20161223
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