Conseil d'État, 7ème - 2ème chambres réunies, 23/11/2016, 397733

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat le 7 mars et le 5 septembre 2016, M. A...B...demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la décision du 6 janvier 2016 de l'autorité militaire de premier niveau prononçant à son encontre une sanction disciplinaire du premier groupe de 20 jours d'arrêts ;

2°) d'annuler l'ordre de mutation individuel du 26 janvier 2016 du ministre de la défense l'affectant au centre de doctrine d'emploi des forces à compter du 28 janvier 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- le code de la défense ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Grégory Rzepski, maître des requêtes en service extraordinaire,

- les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public.

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Piwnica, Molinié, avocat de M.B....



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, d'une part, que l'autorité militaire de premier niveau a prononcé le 6 janvier 2016 une sanction de vingt jours d'arrêts à l'encontre de M.B..., commandant, exerçant les fonctions de chef de la section législation du bureau de la politique des ressources humaines de l'armée de terre, au motif que, alors " qu'une complicité profonde " s'était développée entre lui même et son adjointe, il a, " par l'envoi de certains mails et SMS, dont le ton n'est clairement pas celui qu'un chef militaire doit employer à l'adresse d'un subordonné, (...) pu créer une certaine ambiguïté ", " que fin novembre 2015, il est constaté une dégradation de la relation entre les deux commandants par une communication réduite et de réguliers accrochages verbaux, dégradation qui s'explique par la volonté de l'adjointe de mettre un terme à cette situation pour le moins ambigüe " et que M. B... " a fait preuve d'un manque de discernement certain en n'instaurant pas la relation nécessaire à de saines relations de supérieur à subordonné " ; que, d'autre part, par ordre de mutation du ministre de la défense émis le 26 janvier 2016, M. B...a été affecté d'office au centre de doctrine d'emploi des forces à compter du 28 janvier 2016 au motif que " la cohabitation [entre le commandant est son adjointe] est définitivement impossible " ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 portant fixation du budget des dépenses et des recettes de l'exercice 1905 ; : " Tous les fonctionnaires civils et militaires (...) ont droit à la communication personnelle et confidentielle de toutes les notes, feuilles signalétiques et tous autres documents composant leur dossier, (...) avant d'être l'objet d'une mesure disciplinaire ou d'un déplacement d'office (...) " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'autorité militaire a sollicité les témoignages écrits des membres de la section législation que M. B...dirigeait afin d'apprécier les conséquences du comportement du commandant à l'égard de son adjointe ; qu'il est constant que ni le dossier disciplinaire communiqué le 18 décembre 2015 au requérant par l'auteur de la demande de sanction, ni le dossier de demande de déplacement d'office communiqué le 6 janvier 2016 à M. B...ne comportaient ces témoignages pourtant utiles à sa défense ; qu'ils auraient dû y figurer en application des dispositions précitées de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905 ; que celles-ci ont donc été méconnues par l'autorité militaire ; que par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. B...est fondé à demander l'annulation des décisions de sanction et de mutation qu'il attaque ;

4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros à verser à M.B..., au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;



D E C I D E :
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Article 1er : La décision du 6 janvier 2016 de l'autorité militaire de premier niveau prononçant à l'encontre de M. B...une sanction disciplinaire du premier groupe de 20 jours d'arrêts est annulée.
Article 2 : L'ordre de mutation individuel du 26 janvier 2016 du ministre de la défense affectant M. B...au centre de doctrine d'emploi des forces à compter du 28 janvier 2016 est annulé.
Article 3 : L'Etat versera à M. B...une somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A...B...et au ministre de la défense.

ECLI:FR:CECHR:2016:397733.20161123
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