Conseil d'État, 5ème chambre, 19/08/2016, 393646, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Rouen de condamner la commune de Maromme à lui verser une somme de 55 456 euros en réparation des préjudices subis à raison de l'illégalité de la décision du 7 novembre 2000 par laquelle le maire de Maromme l'a placé en surnombre pour une durée d'un an dans le grade d'assistant territorial d'enseignement artistique. Par un jugement n° 1100940 du 18 mars 2014, le tribunal administratif de Rouen a rejeté sa demande. M. A... a relevé appel de ce jugement.

Par un arrêt n° 14DA00879 du 21 juillet 2015, la cour administrative d'appel de Douai a condamné la commune de Maromme à verser à M. A...la somme de 40 456 euros.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 21 septembre et 21 décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la commune de Maromme demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ses conclusions d'appel ;

3°) de mettre à la charge de M. A...la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret-loi du 29 octobre 1936 ;
- le décret n° 91-298 du 20 mars 1991 ;
- le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Marie-Anne Lévêque, conseiller d'Etat,

- les conclusions de M. Olivier Henrard, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Foussard, Froger, avocat de la commune de Maromme ;



1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis au juge du fond que, par un jugement du 8 mars 2005, le tribunal administratif de Rouen a annulé, pour un motif de légalité interne, la délibération du conseil de Maromme du 23 octobre 2000 supprimant le poste à temps complet d'assistant spécialisé d'enseignement artistique qu'occupait M. A...et l'arrêté du 7 novembre 2000 du maire de la commune maintenant en surnombre M. A...pendant un an sur un poste à temps incomplet ; qu'en exécution de ce jugement, M. A...a réintégré les effectifs de la commune de Maromme à compter du 1er septembre 2007 ; qu'il a alors demandé au même tribunal de lui accorder, en réparation de son éviction illégale, l'indemnité que lui refusait la commune de Maromme ; que par un arrêt du 21 juillet 2015, la cour administrative d'appel de Douai, statuant sur cette demande indemnitaire en appel d'un jugement du 18 mars 2014 du tribunal administratif de Rouen, a ramené la condamnation de la commune de Maromme à une somme de 40 456 euros au titre du préjudice subi par M. A...du fait, d'une part, de la perte de primes liées à l'exercice effectif des fonctions qui étaient les siennes au sein de la commune de Maromme et, d'autre part, de la privation illégale des rémunérations perçues de la commune de Gonfreville-l'Orcher qui l'employait en tant qu'intervenant à temps non complet au sein de son école de musique ; que la commune de Maromme demande l'annulation de cet arrêt en tant qu'il a fait partiellement droit aux demandes de M. A...;

2. Considérant qu'en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre ; que sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité ; que, pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions ; qu'enfin, il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations que l'agent a pu se procurer par son travail au cours de la période d'éviction ;

3. Considérant, en premier lieu, qu'en jugeant qu'il ne résultait pas de l'instruction que la prime annuelle versée par la commune de Maromme à ses agents puisse être regardée comme ayant le caractère d'une indemnité destinée à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions, la cour administrative d'appel de Douai s'est livrée à une appréciation souveraine des faits exempte de dénaturation et a suffisamment motivé son arrêt ; que, contrairement à ce que soutient la commune de Maromme, la cour n'a pas non plus commis d'erreur de droit ni insuffisamment motivé son arrêt en jugeant, sans relever que l'intéressé avait une chance sérieuse de bénéficier de cette prime annuelle, que celle-ci devait être regardée comme un complément de rémunération dont M. A...aurait pu bénéficier au cours de la période durant laquelle il a été illégalement évincé, alors que la commune s'était bornée à soutenir, en appel, que cette prime était liée à la rémunération d'un travail effectif et devait être par principe exclue de l'évaluation du montant de l'indemnité due et que par ailleurs il ressortait des pièces du dossier soumis au juge du fond que cette prime était attribuée à tous les agents de la commune, en fonction de leur grade ;

4. Considérant, en second lieu, que la commune de Maromme soutient que la cour administrative d'appel de Douai a commis une erreur de droit en faisant application à la situation de M. A...du décret-loi du 29 octobre 1936 relatif aux cumuls de retraites, de rémunérations et de fonctions, alors qu'en sa qualité de fonctionnaire à temps complet d'une commune occupant parallèlement un emploi à temps non complet dans une autre commune, il relevait des dispositions du décret du 20 mars 1991 portant dispositions statutaires applicables aux fonctionnaires territoriaux nommés dans des emplois permanents à temps non complet, qui restreignent la possibilité de cumul d'emplois, celui-ci n'étant possible, en application de l'article 8 de ce décret, que si la durée totale du service qui en résulte n'excède pas de plus de 15 % celle afférente à un emploi à temps complet ;

5. Considérant toutefois qu'en soutenant que M. A...occupait à Gonfreville-l'Orcher un emploi dont la quotité l'amenait à dépasser le plafond fixé par l'article 8 du décret du 20 mars 1991, la commune de Maromme soulève une question de droit nouvelle qui n'a pas été soumise au juge du fond devant lequel elle se bornait à soutenir que le cumul d'activités de M. A...était illégal faute pour ce dernier d'avoir obtenu au préalable, ainsi que le prévoit le décret-loi du 29 octobre 1936, une autorisation de cumul de son employeur principal pour exercer une activité auprès de la commune de Gonfreville-l'Orcher ; que, par suite, ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, ne peut être utilement invoqué devant le juge de cassation ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Maromme n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêt qu'elle attaque ; que M. A...n'étant, par suite, pas la partie perdante dans la présente instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à sa charge au titre des frais exposés par la commune de Maromme et non compris dans les dépens ;






D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de la commune de Maromme est rejeté.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la commune de Maromme et à M. B...A....

ECLI:FR:CECHS:2016:393646.20160819
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