Conseil d'État, Juge des référés, 07/11/2016, 404484, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État, Juge des référés, 07/11/2016, 404484, Inédit au recueil Lebon
Conseil d'État - Juge des référés
- N° 404484
- ECLI:FR:CEORD:2016:404484.20161107
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
lundi
07 novembre 2016
- Avocat(s)
- SCP SPINOSI, SUREAU
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La Cimade, la Ligue des droits de l'homme, M.B..., M. D..., M.F..., M. C...A...et M. E... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Guyane de reprendre les enregistrements des demandes d'asile et de prendre les mesures d'organisation nécessaires afin de respecter les délais prévus par l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une ordonnance n° 1600700 du 7 octobre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a rejeté leur demande.
Par une requête, enregistrée le 18 octobre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Cimade demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1600700 du 7 octobre 2016 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté leur demande ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Guyane de reprendre l'enregistrement des demandes d'asile et de prendre les mesures d'organisation nécessaires afin de respecter les délais prévus par l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est remplie dès lors que l'interruption de l'enregistrement des demandes d'admission au séjour au titre de l'asile, d'une part, prive des personnes de l'attestation de demande d'asile permettant de justifier de leur droit au séjour ou au maintien sur le territoire, d'autre part, rend impossible l'accès à des conditions matérielles d'accueil décentes et, enfin, porte atteinte aux droits conférés par l'ordre juridique de l'Union européenne ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile, et notamment à son corollaire qu'est le droit de solliciter l'asile ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à l'intérêt général du règlement rapide des demandes d'asile ;
- la décision litigieuse conduit des centaines de personnes souhaitant solliciter le bénéfice de l'asile et qui auraient dû être munies d'une attestation de demande d'asile à être en situation irrégulière ;
- elle prive les demandeurs d'asile du bénéfice des conditions matérielles d'accueil, telles que prévues par l'article 17-1 de la directive 2013/33/UE sans qu'une solution d'hébergement, même d'urgence, ne soit proposée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle permet aux seules personnes présentant une vulnérabilité particulière de bénéficier d'un enregistrement sans délai.
Le Défenseur des droits a présenté des observations enregistrées le 26 octobre 2016.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 26 octobre 2016, la Ligue des droits de l'homme (LDH) demande que le Conseil d'Etat fasse droit aux conclusions de la requête.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 27 octobre 2016, le groupe d'information et de soutien des immigré-e-s (GISTI) demande que le Conseil d'Etat fasse droit aux conclusions de la requête.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 ;
- la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 ;
- le règlement 2013/604 UE du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi organique n° 2011-333 du 23 mars 2011 relative au Défenseur des droits ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la Cimade, d'autre part, le ministre de l'intérieur ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 27 octobre 2016 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- le représentant de la Cimade ;
- Me Spinosi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Cimade ;
- les représentants du ministre de l'intérieur ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction jusqu'au jeudi 3 novembre 2016 ;
Considérant ce qui suit :
1. Devant un afflux exceptionnel de demandes d'asile en Guyane, le préfet de ce département d'outre-mer a indiqué, le 19 août 2016, que l'enregistrement des demandes d'asile serait provisoirement et partiellement suspendu. La Cimade, deux autres associations, l'Astipa de Guyane et la Ligue des droits de l'homme, ainsi que cinq personnes agissant à titre individuel ont demandé, le 5 octobre 2016, au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de reprendre l'enregistrement des demandes d'asile. Le juge des référés a rejeté leur requête par une ordonnance du 7 octobre 2016, dont la Cimade fait appel devant le juge des référés du Conseil d'Etat.
2. Des observations ont été présentées au soutien de la requête par le Défenseur des droits sur le fondement de l'article 33 de la loi organique du 29 mars 2011.
3. La Ligue des droits de l'homme a présenté une intervention au soutien de la requête. Mais elle était au nombre des demandeurs de première instance. Le demandeur de première instance n'étant pas recevable à intervenir en appel, son intervention ne peut être admise.
4. Le groupe d'information et de soutien aux immigré-e-s a intérêt à l'annulation de l'ordonnance attaquée. Son intervention est, par suite, recevable.
5. L'article L. 521-2 du code de justice administrative prévoit qu'en cas d'urgence justifiant son intervention dans les quarante-huit heures, le juge des référés peut ordonner toute mesure nécessaire à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une autorité administrative aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés apprécie l'existence d'une telle atteinte ainsi que la condition d'urgence particulière qui s'attache à cette procédure au regard de la situation de droit et de fait qui existe à la date à laquelle il se prononce.
6. Le droit constitutionnel d'asile, qui a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié, a le caractère d'une liberté fondamentale. Son respect implique, en principe, que le demandeur d'asile soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande. Dans la rédaction que lui a donnée la loi du 29 juillet 2015, l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile, qui met en oeuvre les dispositions du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, prévoit que l'autorité compétente enregistre la demande présentée par un demandeur d'asile présent sur le territoire national et procède à la détermination de l'Etat responsable de son examen par application des règles du droit de l'Union. Cet article précise que l'enregistrement a lieu dans un délai de trois jours, sans condition préalable de domiciliation et que ce délai peut être porté à dix jours "lorsqu'un nombre élevé d'étrangers demandent l'asile simultanément ".
7. Il résulte tant des pièces versées au dossier que des explications données au cours de l'audience publique que la Guyane connaît depuis le début de l'année 2016 une augmentation considérable du nombre des demandes d'asile, présentées principalement par des personnes de nationalité haïtienne. 4687 demandes ont ainsi été enregistrées de janvier à août 2016, soit trois fois plus que sur la même période en 2015 et huit fois plus que sur la période correspondante de 2014.
8. Une hausse de cette importance, qui avait en outre un caractère imprévisible, a entraîné une profonde désorganisation du dispositif mis en place par l'Etat, l'Office français d'immigration et d'intégration et la Croix Rouge. Le guichet unique d'accueil ne s'est plus trouvé en mesure de faire face à ses tâches. L'administration a décidé en conséquence de n'enregistrer que les demandes de personnes particulièrement vulnérables et a entrepris une restructuration complète de son dispositif d'accueil. En particulier de nouveaux locaux ont été mis à la disposition de la Croix Rouge à compter du 1er octobre, les effectifs du guichet unique renforcés et les capacités d'hébergement des demandeurs d'asile accrues. L'ensemble des mesures envisagées devraient permettre une reprise de l'enregistrement de toutes les demandes d'asile dans des conditions normales à compter du 1er décembre.
9. Le complément d'instruction ordonné par le juge des référés à l'issue de l'audience a permis de préciser les conditions dans lesquelles les droits des demandeurs d'asile sont mis en oeuvre dans l'attente de la réouverture, le 1er décembre, d'un guichet unique fonctionnant dans des conditions normales. Une attention particulière est portée aux personnes qui se trouvent dans une situation de vulnérabilité particulière, en raison notamment d'une grossesse, de leur état de santé ou de leur isolement. Des efforts sont en outre déployés pour détecter ces personnes.
10. Il résulte ainsi de l'ensemble de l'instruction que, confrontée à une situation d'une exceptionnelle difficulté, l'administration a certes suspendu l'examen des demandes d'asile auquel elle est tenue de procéder, mais elle l'a fait à titre provisoire, de manière à pouvoir assurer, dans des délais raisonnables et au plus tard le 1er décembre prochain, une réorganisation complète de son dispositif. Elle a en outre préservé la possibilité d'examiner des demandes présentées par des personnes présentant une vulnérabilité particulière. Si, dans des cas individuels, la situation de certains demandeurs d'asile est néanmoins susceptible de conduire le juge des référés à faire usage de ses pouvoirs pour assurer le respect des droits de l'intéressé, l'ensemble des circonstances de l'espèce ne fait ainsi pas apparaître, à la date de la présente ordonnance, de méconnaissance grave et manifeste des obligations de caractère général qu'impose le respect du droit d'asile. La requête de la Cimade, qui tend à ce que soient adressées à l'administration des injonctions en vue de respecter de telles obligations de caractère général, ne peut donc être accueillie. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : L'intervention de la Ligue des droits de l'homme n'est pas admise.
Article 2 : L'intervention du groupe d'information et de soutien des immigré-e-s (GISTI) est admise.
Article 3 : La requête de la Cimade est rejetée.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la Cimade, à la Ligue des droits de l'homme, au groupe d'information et de soutien des immigré-e-s et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au Défenseur des droits.
ECLI:FR:CEORD:2016:404484.20161107
La Cimade, la Ligue des droits de l'homme, M.B..., M. D..., M.F..., M. C...A...et M. E... ont demandé au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Guyane de reprendre les enregistrements des demandes d'asile et de prendre les mesures d'organisation nécessaires afin de respecter les délais prévus par l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une ordonnance n° 1600700 du 7 octobre 2016, le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane a rejeté leur demande.
Par une requête, enregistrée le 18 octobre 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Cimade demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 1600700 du 7 octobre 2016 par laquelle le juge des référés du tribunal administratif de la Guyane, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, a rejeté leur demande ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Guyane de reprendre l'enregistrement des demandes d'asile et de prendre les mesures d'organisation nécessaires afin de respecter les délais prévus par l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est remplie dès lors que l'interruption de l'enregistrement des demandes d'admission au séjour au titre de l'asile, d'une part, prive des personnes de l'attestation de demande d'asile permettant de justifier de leur droit au séjour ou au maintien sur le territoire, d'autre part, rend impossible l'accès à des conditions matérielles d'accueil décentes et, enfin, porte atteinte aux droits conférés par l'ordre juridique de l'Union européenne ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit d'asile, et notamment à son corollaire qu'est le droit de solliciter l'asile ;
- il est porté une atteinte grave et manifestement illégale à l'intérêt général du règlement rapide des demandes d'asile ;
- la décision litigieuse conduit des centaines de personnes souhaitant solliciter le bénéfice de l'asile et qui auraient dû être munies d'une attestation de demande d'asile à être en situation irrégulière ;
- elle prive les demandeurs d'asile du bénéfice des conditions matérielles d'accueil, telles que prévues par l'article 17-1 de la directive 2013/33/UE sans qu'une solution d'hébergement, même d'urgence, ne soit proposée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit en ce qu'elle permet aux seules personnes présentant une vulnérabilité particulière de bénéficier d'un enregistrement sans délai.
Le Défenseur des droits a présenté des observations enregistrées le 26 octobre 2016.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 26 octobre 2016, la Ligue des droits de l'homme (LDH) demande que le Conseil d'Etat fasse droit aux conclusions de la requête.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 octobre 2016, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête. Il soutient que la condition d'urgence n'est pas remplie et que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 27 octobre 2016, le groupe d'information et de soutien des immigré-e-s (GISTI) demande que le Conseil d'Etat fasse droit aux conclusions de la requête.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la directive 2013/32/UE du 26 juin 2013 ;
- la directive 2013/33/UE du 26 juin 2013 ;
- le règlement 2013/604 UE du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi organique n° 2011-333 du 23 mars 2011 relative au Défenseur des droits ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir convoqué à une audience publique, d'une part, la Cimade, d'autre part, le ministre de l'intérieur ;
Vu le procès-verbal de l'audience publique du 27 octobre 2016 à 11 heures au cours de laquelle ont été entendus :
- le représentant de la Cimade ;
- Me Spinosi, avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, avocat de la Cimade ;
- les représentants du ministre de l'intérieur ;
et à l'issue de laquelle le juge des référés a différé la clôture de l'instruction jusqu'au jeudi 3 novembre 2016 ;
Considérant ce qui suit :
1. Devant un afflux exceptionnel de demandes d'asile en Guyane, le préfet de ce département d'outre-mer a indiqué, le 19 août 2016, que l'enregistrement des demandes d'asile serait provisoirement et partiellement suspendu. La Cimade, deux autres associations, l'Astipa de Guyane et la Ligue des droits de l'homme, ainsi que cinq personnes agissant à titre individuel ont demandé, le 5 octobre 2016, au juge des référés du tribunal administratif de la Guyane, sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de reprendre l'enregistrement des demandes d'asile. Le juge des référés a rejeté leur requête par une ordonnance du 7 octobre 2016, dont la Cimade fait appel devant le juge des référés du Conseil d'Etat.
2. Des observations ont été présentées au soutien de la requête par le Défenseur des droits sur le fondement de l'article 33 de la loi organique du 29 mars 2011.
3. La Ligue des droits de l'homme a présenté une intervention au soutien de la requête. Mais elle était au nombre des demandeurs de première instance. Le demandeur de première instance n'étant pas recevable à intervenir en appel, son intervention ne peut être admise.
4. Le groupe d'information et de soutien aux immigré-e-s a intérêt à l'annulation de l'ordonnance attaquée. Son intervention est, par suite, recevable.
5. L'article L. 521-2 du code de justice administrative prévoit qu'en cas d'urgence justifiant son intervention dans les quarante-huit heures, le juge des référés peut ordonner toute mesure nécessaire à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une autorité administrative aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés apprécie l'existence d'une telle atteinte ainsi que la condition d'urgence particulière qui s'attache à cette procédure au regard de la situation de droit et de fait qui existe à la date à laquelle il se prononce.
6. Le droit constitutionnel d'asile, qui a pour corollaire le droit de solliciter le statut de réfugié, a le caractère d'une liberté fondamentale. Son respect implique, en principe, que le demandeur d'asile soit autorisé à demeurer provisoirement sur le territoire jusqu'à ce qu'il ait été statué sur sa demande. Dans la rédaction que lui a donnée la loi du 29 juillet 2015, l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France et du droit d'asile, qui met en oeuvre les dispositions du règlement (UE) n°604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, prévoit que l'autorité compétente enregistre la demande présentée par un demandeur d'asile présent sur le territoire national et procède à la détermination de l'Etat responsable de son examen par application des règles du droit de l'Union. Cet article précise que l'enregistrement a lieu dans un délai de trois jours, sans condition préalable de domiciliation et que ce délai peut être porté à dix jours "lorsqu'un nombre élevé d'étrangers demandent l'asile simultanément ".
7. Il résulte tant des pièces versées au dossier que des explications données au cours de l'audience publique que la Guyane connaît depuis le début de l'année 2016 une augmentation considérable du nombre des demandes d'asile, présentées principalement par des personnes de nationalité haïtienne. 4687 demandes ont ainsi été enregistrées de janvier à août 2016, soit trois fois plus que sur la même période en 2015 et huit fois plus que sur la période correspondante de 2014.
8. Une hausse de cette importance, qui avait en outre un caractère imprévisible, a entraîné une profonde désorganisation du dispositif mis en place par l'Etat, l'Office français d'immigration et d'intégration et la Croix Rouge. Le guichet unique d'accueil ne s'est plus trouvé en mesure de faire face à ses tâches. L'administration a décidé en conséquence de n'enregistrer que les demandes de personnes particulièrement vulnérables et a entrepris une restructuration complète de son dispositif d'accueil. En particulier de nouveaux locaux ont été mis à la disposition de la Croix Rouge à compter du 1er octobre, les effectifs du guichet unique renforcés et les capacités d'hébergement des demandeurs d'asile accrues. L'ensemble des mesures envisagées devraient permettre une reprise de l'enregistrement de toutes les demandes d'asile dans des conditions normales à compter du 1er décembre.
9. Le complément d'instruction ordonné par le juge des référés à l'issue de l'audience a permis de préciser les conditions dans lesquelles les droits des demandeurs d'asile sont mis en oeuvre dans l'attente de la réouverture, le 1er décembre, d'un guichet unique fonctionnant dans des conditions normales. Une attention particulière est portée aux personnes qui se trouvent dans une situation de vulnérabilité particulière, en raison notamment d'une grossesse, de leur état de santé ou de leur isolement. Des efforts sont en outre déployés pour détecter ces personnes.
10. Il résulte ainsi de l'ensemble de l'instruction que, confrontée à une situation d'une exceptionnelle difficulté, l'administration a certes suspendu l'examen des demandes d'asile auquel elle est tenue de procéder, mais elle l'a fait à titre provisoire, de manière à pouvoir assurer, dans des délais raisonnables et au plus tard le 1er décembre prochain, une réorganisation complète de son dispositif. Elle a en outre préservé la possibilité d'examiner des demandes présentées par des personnes présentant une vulnérabilité particulière. Si, dans des cas individuels, la situation de certains demandeurs d'asile est néanmoins susceptible de conduire le juge des référés à faire usage de ses pouvoirs pour assurer le respect des droits de l'intéressé, l'ensemble des circonstances de l'espèce ne fait ainsi pas apparaître, à la date de la présente ordonnance, de méconnaissance grave et manifeste des obligations de caractère général qu'impose le respect du droit d'asile. La requête de la Cimade, qui tend à ce que soient adressées à l'administration des injonctions en vue de respecter de telles obligations de caractère général, ne peut donc être accueillie. Ses conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
O R D O N N E :
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Article 1er : L'intervention de la Ligue des droits de l'homme n'est pas admise.
Article 2 : L'intervention du groupe d'information et de soutien des immigré-e-s (GISTI) est admise.
Article 3 : La requête de la Cimade est rejetée.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la Cimade, à la Ligue des droits de l'homme, au groupe d'information et de soutien des immigré-e-s et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au Défenseur des droits.