CAA de NANCY, 1ère chambre - formation à 3, 03/11/2016, 16NC00405, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANCY, 1ère chambre - formation à 3, 03/11/2016, 16NC00405, Inédit au recueil Lebon
CAA de NANCY - 1ère chambre - formation à 3
- N° 16NC00405
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
jeudi
03 novembre 2016
- Président
- Mme STEFANSKI
- Rapporteur
- M. Michel RICHARD
- Avocat(s)
- SELARL SOLER-COUTEAUX / LLORENS
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'EARL Enderlin Marcel a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 avril 2010 par lequel le préfet du Haut-Rhin a délivré un permis de construire à M. B...et la décision portant rejet de son recours gracieux.
Par un jugement no 1004081 du 18 juin 2013, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 12 avril 2010.
Par un arrêt no 13NC01531 du 24 mars 2014, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé le jugement du 18 juin 2013 et rejeté la demande de l'EARL Enderlin Marcel.
Par une décision du 24 février 2016 n° 380556, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi par l'EARL Enderlin Marcel, a annulé l'arrêt n° 13NC01531 du 24 mars 2014 et renvoyé le jugement de l'affaire à la cour.
Eu égard à la décision précitée du 24 février 2016, la cour se trouve à nouveau saisie de la requête enregistrée le 5 août 2013.
Procédure devant la cour :
I. Par un mémoire enregistré le 5 août 2013 et un mémoire enregistré le 19 décembre 2013 confirmé par des mémoires enregistrés sous le n° 16NC00405 les 18 mai et 10 juin 2016, postérieurement à la décision précitée du Conseil d'Etat, M. B..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1004081 du 18 juin 2013 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de rejeter la demande de l'EARL Enderlin Marcel ;
3°) de mettre à la charge de l'EARL Enderlin Marcel une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B...soutient que :
- sa requête d'appel est recevable au regard des moyens exposés ;
- le tribunal a retenu à tort le premier moyen d'annulation tiré de ce que le permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime ; les règles de distance entre sa construction et les bâtiments d'élevage ne sont pas méconnues et le préfet pouvait en tout état de cause se prévaloir des spécificités locales pour délivrer le permis de construire litigieux en dérogation à de telles règles de distance ;
- le second moyen d'annulation tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme n'est pas fondé ;
- son projet respecte le règlement sanitaire départemental.
Par des mémoires en défense enregistrés le 10 octobre 2013 et 10 février 2014 confirmés par un mémoire enregistré le 27 mai 2016 et un mémoire rectificatif du 30 mai 2016, l'EARL Enderlin Marcel, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'EARL Enderlin Marcel soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable dès lors qu'elle est dépourvue de moyen d'appel et qu'aucune critique du jugement n'est formulée ;
- le permis de construire devait être annulé dès lors qu'il méconnaissait les dispositions combinées de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime et de l'article 2.1.1 de l'annexe I de l'arrêté du 7 février 2005 ainsi que l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental du Haut-Rhin ;
- le préfet du Haut-Rhin a méconnu les dispositions de l'article R. 111-2 du code l'urbanisme ; il a commis une erreur manifeste d'appréciation de l'impact du projet autorisé sur la salubrité publique ;
- les observations produites par M. B...après la décision du Conseil d'Etat sont dépourvues d'objet dès lors que le permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions combinées de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime et de l'article 2.1.1de l'annexe I de l'arrêté ministériel du ministre de l'écologie du 7 février 2005 et que le projet de M. B...se situe dans un périmètre de 100 mètres des bâtiments d'élevage de l'EARL Enderlin Marcel sans qu'il soit justifié de spécificités locales permettant de déroger à cette règle.
Par une ordonnance du 11 juillet 2016, l'instruction a été close au 28 juillet 2016.
II°. La procédure enregistrée sous le n° 16NC00405 a été enregistrée en copie sous le n° 16NC00411 et a fait l'objet d'une dispense d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de l'urbanisme ;
- l'arrêté du ministre de l'écologie et du développement durable du 7 février 2005 fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire les élevages de bovins, de volailles et/ou de gibier à plumes et de porcs soumis à déclaration au titre du livre V du code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Richard, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de Me E...pour M.B..., ainsi que celles de Me A...pour l'EARL Enderlin Marcel.
Considérant ce qui suit :
1. L'EARL Enderlin Marcel a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 avril 2010 par lequel le préfet du Haut-Rhin a délivré un permis de construire à M. B...et la décision portant rejet de son recours gracieux.
2. Par un jugement n° 1004081 du 18 juin 2013, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 12 avril 2010.
3. M. B...relève appel du jugement du 18 juin 2013 par sa requête n° 16NC00405.
4. Le mémoire en observations produit par l'EARL Enderlin Marcel à la suite de la décision précitée du Conseil d'Etat du 24 février 2016 constitue le double de la requête enregistrée sous le n° 16NC00405 et a été enregistré à tort comme une requête distincte sous le n° 16NC00411 avant d'être dispensée d'instruction. Il y a donc lieu, en conséquence, de le radier du registre du greffe de la cour administrative d'appel de Nancy et de le joindre à la requête n° 16NC00405 sur laquelle il est statué par le présent arrêt.
I. Sur la régularité du jugement :
5. M. B...fait valoir, dans ses écritures du 19 décembre 2013, que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime au bénéfice d'un raisonnement entaché d'erreur de droit et de fait.
6. Toutefois, une telle critique relève d'un examen du fond du litige et n'est pas de nature à entacher le jugement attaqué d'irrégularité. Le moyen de M.B..., qui n'a d'ailleurs pas été invoqué dans le délai d'appel, ne peut donc qu'être écarté.
II. Sur le bien fondé du jugement :
7. Le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 12 avril 2010 portant délivrance à l'EARL Enderlin Marcel d'un permis de construire relatif à une maison d'habitation au motif que l'arrêté méconnaissait les dispositions de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime et celles de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
A. En ce qui concerne l'office du juge d'appel :
8. En vertu des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un permis de construire en retenant plusieurs moyens, de se prononcer sur le bien-fondé de tous les moyens d'annulation retenus au soutien de leur décision par les premiers juges et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation. Dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance. Dans le cas où il estime en revanche qu'aucun des moyens retenus par le tribunal administratif n'est fondé, le juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif, des autres moyens de première instance, examine ces moyens. Il lui appartient de les écarter si aucun d'entre eux n'est fondé et, à l'inverse, en application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, de se prononcer, si un ou plusieurs d'entre eux lui paraissent fondés, sur l'ensemble de ceux qu'il estime, en l'état du dossier, de nature à confirmer, par d'autres motifs, l'annulation prononcée par les premiers juges (CE 28 mai 2001 n°218314 et suivants).
B. En ce qui concerne le premier moyen retenu par le tribunal tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime :
9. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires soumettent à des conditions de distance l'implantation ou l'extension de bâtiments agricoles vis-à-vis des habitations et immeubles habituellement occupés par des tiers, la même exigence d'éloignement doit être imposée à ces derniers à toute nouvelle construction et à tout changement de destination précités à usage non agricole nécessitant un permis de construire (...) ".
10. D'autre part, en application de l'article 2.1.1 de l'annexe I de l'arrêté du ministre de l'écologie et du développement durable du 7 février 2005 fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire, notamment, les élevages de bovins soumis à déclaration au titre du livre V du code de l'environnement : " Les bâtiments d'élevage et leurs annexes sont implantés à au moins 100 mètres des habitations des tiers (...) ".
11. Il résulte de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime que les règles de distance imposées, par rapport notamment aux habitations existantes, à l'implantation d'un bâtiment agricole en vertu, en particulier, de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement sont également applicables, par effet de réciprocité, à la délivrance du permis de construire une habitation située à proximité d'un tel bâtiment agricole. Il appartient ainsi à l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire un bâtiment à usage d'habitation de vérifier le respect des dispositions législatives ou réglementaires fixant de telles règles de distance, quelle qu'en soit la nature.
12. Il s'ensuit que la règle d'éloignement de 100 mètres imposée entre les bâtiments d'élevage et les constructions à usage d'habitation par l'article 2.1.1 de l'annexe I de l'arrêté du ministre de l'écologie et du développement durable du 7 février 2005 s'imposait à l'autorité en charge de statuer sur la demande de permis de construire par M.B....
13. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté litigieux, les bâtiments d'élevage de l'EARL Enderlin étaient situés à moins de 100 mètres du projet de M.B....
14. En dépit de la méconnaissance de la règle de distance fixée par l'arrêté ministériel du 7 février 2005, le préfet du Haut-Rhin a estimé qu'il pouvait autoriser le projet de M. B...compte tenu de l'avant dernier alinéa de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime énonçant que " Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, une distance d'éloignement inférieure peut être autorisée par l'autorité qui délivre le permis de construire, après avis de la chambre d'agriculture, pour tenir compte des spécificités locales (...) " dès lors que les spécificités locales observées à Moernach justifiaient, selon le préfet, qu'il soit dérogé à la règle d'éloignement minimal de 100 mètres.
15. Le préfet du Haut-Rhin a ainsi indiqué que le projet de M. B...se situait dans les parties urbanisées de la commune, que son terrain d'assiette était desservi par tous les réseaux, qu'au nord de l'exploitation agricole, trois maisons existantes se situaient à une distance similaire à celle projetée par le pétitionnaire sans que l'EARL Enderlin Marcel se soit jamais plainte de ce que ces constructions lui faisaient grief et, enfin, que le maire avait délivré le 28 février 2008 un permis de construire pour une maison d'habitation à 57 mètres de l'installation de l'EARL Enderlin Marcel pour un projet absolument comparable à celui de Monsieur B...ce qui révélait une rupture dans le principe d'égalité de traitement entre les administrés de la commune.
16. De telles circonstances ne sont toutefois pas de nature à caractériser l'existence de spécificités locales au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime lesquelles ne sauraient, notamment, se déduire du simple respect des conditions de constructibilité liées à l'existence de réseaux ou de l'intégration du terrain d'assiette aux parties actuellement urbanisées de la commune ni de la délivrance antérieure, à la supposer d'ailleurs établie, de permis éventuellement illégaux dans l'environnement proche du projet contesté.
17. M. B...n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions combinées des articles L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime et 2.1.1 de l'annexe I de l'arrêté du 7 février 2005 à l'encontre du permis de construire qui lui a été délivré par l'arrêté du 12 avril 2010.
C. En ce qui concerne le second moyen d'annulation retenu par le tribunal et tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :
18. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Les risques d'atteinte à la sécurité ou à la salubrité publique visés par ce texte sont aussi bien les risques auxquels peuvent être exposés les occupants de la construction pour laquelle le permis est sollicité que ceux que l'opération projetée peut engendrer pour des tiers.
19. L'EARL Enderlin Marcel ne produit aucun élément précis et probant de nature à établir que, compte tenu des caractéristiques et de l'intensité des nuisances engendrées par son élevage de bovins situé à proximité, le projet de M. B...est susceptible de comporter un risque pour les occupants de la maison dont l'édification est envisagée et, en conséquence, un risque pour la sécurité ou la salubrité publique au sens des dispositions de l'article R.111-2 précité. M. B...rappelle d'ailleurs que d'autres constructions ont été édifiées à une distance comparable à la sienne sans qu'aucun problème de salubrité publique n'ait été mis en évidence. L'appelant est ainsi fondé à soutenir que, compte tenu de l'argumentation du demandeur de première instance, en l'absence de démonstration d'une erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet du Haut-Rhin au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions à l'encontre de l'arrêté du 12 avril 2010.
D. En ce qui concerne le moyen tiré du respect du règlement sanitaire départemental :
20. M. B...ne peut utilement se prévaloir de ce que son projet ne contreviendrait pas aux dispositions du règlement sanitaire départemental du Haut-Rhin dès lors que le tribunal administratif de Strasbourg n'a pas retenu ce motif à l'encontre de l'arrêté du 12 avril 2010.
21. En conclusion de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir de l'EARL Enderlin Marcel, M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté, compte tenu de la validité du premier motif d'annulation retenu ainsi que cela a été rappelé aux points 9 à 17, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 12 avril 2010 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a délivré un permis de construire.
III. Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'EARL Enderlin Marcel qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
23. En revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à la charge de M. B...le paiement de la somme de 1 500 euros à l'EARL Enderlin Marcel au titre des frais que celle-ci a exposés pour sa défense.
Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1er : Les productions n° 16NC00411 seront radiées du registre de la cour administrative d'appel de Nancy pour être jointes à la requête n° 16NC00405 de M.B....
Article 2 : La requête n° 16NC00405 de M. B...est rejetée.
Article 3 : M. B...versera à l'EARL Enderlin Marcel une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'EARL Enderlin Marcel, à M. B...et au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer.
Copie en sera adressée à la commune de Moernach et au préfet du Haut-Rhin.
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Nos 16NC00405 - 16NC00411
Procédure contentieuse antérieure :
L'EARL Enderlin Marcel a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 avril 2010 par lequel le préfet du Haut-Rhin a délivré un permis de construire à M. B...et la décision portant rejet de son recours gracieux.
Par un jugement no 1004081 du 18 juin 2013, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 12 avril 2010.
Par un arrêt no 13NC01531 du 24 mars 2014, la cour administrative d'appel de Nancy a annulé le jugement du 18 juin 2013 et rejeté la demande de l'EARL Enderlin Marcel.
Par une décision du 24 février 2016 n° 380556, le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi par l'EARL Enderlin Marcel, a annulé l'arrêt n° 13NC01531 du 24 mars 2014 et renvoyé le jugement de l'affaire à la cour.
Eu égard à la décision précitée du 24 février 2016, la cour se trouve à nouveau saisie de la requête enregistrée le 5 août 2013.
Procédure devant la cour :
I. Par un mémoire enregistré le 5 août 2013 et un mémoire enregistré le 19 décembre 2013 confirmé par des mémoires enregistrés sous le n° 16NC00405 les 18 mai et 10 juin 2016, postérieurement à la décision précitée du Conseil d'Etat, M. B..., représenté par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1004081 du 18 juin 2013 du tribunal administratif de Strasbourg ;
2°) de rejeter la demande de l'EARL Enderlin Marcel ;
3°) de mettre à la charge de l'EARL Enderlin Marcel une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. B...soutient que :
- sa requête d'appel est recevable au regard des moyens exposés ;
- le tribunal a retenu à tort le premier moyen d'annulation tiré de ce que le permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime ; les règles de distance entre sa construction et les bâtiments d'élevage ne sont pas méconnues et le préfet pouvait en tout état de cause se prévaloir des spécificités locales pour délivrer le permis de construire litigieux en dérogation à de telles règles de distance ;
- le second moyen d'annulation tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme n'est pas fondé ;
- son projet respecte le règlement sanitaire départemental.
Par des mémoires en défense enregistrés le 10 octobre 2013 et 10 février 2014 confirmés par un mémoire enregistré le 27 mai 2016 et un mémoire rectificatif du 30 mai 2016, l'EARL Enderlin Marcel, représentée par MeC..., conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. B...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'EARL Enderlin Marcel soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable dès lors qu'elle est dépourvue de moyen d'appel et qu'aucune critique du jugement n'est formulée ;
- le permis de construire devait être annulé dès lors qu'il méconnaissait les dispositions combinées de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime et de l'article 2.1.1 de l'annexe I de l'arrêté du 7 février 2005 ainsi que l'article 153-4 du règlement sanitaire départemental du Haut-Rhin ;
- le préfet du Haut-Rhin a méconnu les dispositions de l'article R. 111-2 du code l'urbanisme ; il a commis une erreur manifeste d'appréciation de l'impact du projet autorisé sur la salubrité publique ;
- les observations produites par M. B...après la décision du Conseil d'Etat sont dépourvues d'objet dès lors que le permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions combinées de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime et de l'article 2.1.1de l'annexe I de l'arrêté ministériel du ministre de l'écologie du 7 février 2005 et que le projet de M. B...se situe dans un périmètre de 100 mètres des bâtiments d'élevage de l'EARL Enderlin Marcel sans qu'il soit justifié de spécificités locales permettant de déroger à cette règle.
Par une ordonnance du 11 juillet 2016, l'instruction a été close au 28 juillet 2016.
II°. La procédure enregistrée sous le n° 16NC00405 a été enregistrée en copie sous le n° 16NC00411 et a fait l'objet d'une dispense d'instruction.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de l'urbanisme ;
- l'arrêté du ministre de l'écologie et du développement durable du 7 février 2005 fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire les élevages de bovins, de volailles et/ou de gibier à plumes et de porcs soumis à déclaration au titre du livre V du code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Richard, premier conseiller,
- les conclusions de M. Favret, rapporteur public,
- et les observations de Me E...pour M.B..., ainsi que celles de Me A...pour l'EARL Enderlin Marcel.
Considérant ce qui suit :
1. L'EARL Enderlin Marcel a demandé au tribunal administratif de Strasbourg d'annuler l'arrêté du 12 avril 2010 par lequel le préfet du Haut-Rhin a délivré un permis de construire à M. B...et la décision portant rejet de son recours gracieux.
2. Par un jugement n° 1004081 du 18 juin 2013, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 12 avril 2010.
3. M. B...relève appel du jugement du 18 juin 2013 par sa requête n° 16NC00405.
4. Le mémoire en observations produit par l'EARL Enderlin Marcel à la suite de la décision précitée du Conseil d'Etat du 24 février 2016 constitue le double de la requête enregistrée sous le n° 16NC00405 et a été enregistré à tort comme une requête distincte sous le n° 16NC00411 avant d'être dispensée d'instruction. Il y a donc lieu, en conséquence, de le radier du registre du greffe de la cour administrative d'appel de Nancy et de le joindre à la requête n° 16NC00405 sur laquelle il est statué par le présent arrêt.
I. Sur la régularité du jugement :
5. M. B...fait valoir, dans ses écritures du 19 décembre 2013, que les premiers juges ont retenu le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime au bénéfice d'un raisonnement entaché d'erreur de droit et de fait.
6. Toutefois, une telle critique relève d'un examen du fond du litige et n'est pas de nature à entacher le jugement attaqué d'irrégularité. Le moyen de M.B..., qui n'a d'ailleurs pas été invoqué dans le délai d'appel, ne peut donc qu'être écarté.
II. Sur le bien fondé du jugement :
7. Le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 12 avril 2010 portant délivrance à l'EARL Enderlin Marcel d'un permis de construire relatif à une maison d'habitation au motif que l'arrêté méconnaissait les dispositions de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime et celles de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
A. En ce qui concerne l'office du juge d'appel :
8. En vertu des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, il appartient au juge d'appel, saisi d'un jugement par lequel un tribunal administratif a prononcé l'annulation d'un permis de construire en retenant plusieurs moyens, de se prononcer sur le bien-fondé de tous les moyens d'annulation retenus au soutien de leur décision par les premiers juges et d'apprécier si l'un au moins de ces moyens justifie la solution d'annulation. Dans ce cas, le juge d'appel n'a pas à examiner les autres moyens de première instance. Dans le cas où il estime en revanche qu'aucun des moyens retenus par le tribunal administratif n'est fondé, le juge d'appel, saisi par l'effet dévolutif, des autres moyens de première instance, examine ces moyens. Il lui appartient de les écarter si aucun d'entre eux n'est fondé et, à l'inverse, en application des dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, de se prononcer, si un ou plusieurs d'entre eux lui paraissent fondés, sur l'ensemble de ceux qu'il estime, en l'état du dossier, de nature à confirmer, par d'autres motifs, l'annulation prononcée par les premiers juges (CE 28 mai 2001 n°218314 et suivants).
B. En ce qui concerne le premier moyen retenu par le tribunal tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime :
9. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime : " Lorsque des dispositions législatives ou réglementaires soumettent à des conditions de distance l'implantation ou l'extension de bâtiments agricoles vis-à-vis des habitations et immeubles habituellement occupés par des tiers, la même exigence d'éloignement doit être imposée à ces derniers à toute nouvelle construction et à tout changement de destination précités à usage non agricole nécessitant un permis de construire (...) ".
10. D'autre part, en application de l'article 2.1.1 de l'annexe I de l'arrêté du ministre de l'écologie et du développement durable du 7 février 2005 fixant les règles techniques auxquelles doivent satisfaire, notamment, les élevages de bovins soumis à déclaration au titre du livre V du code de l'environnement : " Les bâtiments d'élevage et leurs annexes sont implantés à au moins 100 mètres des habitations des tiers (...) ".
11. Il résulte de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime que les règles de distance imposées, par rapport notamment aux habitations existantes, à l'implantation d'un bâtiment agricole en vertu, en particulier, de la législation relative aux installations classées pour la protection de l'environnement sont également applicables, par effet de réciprocité, à la délivrance du permis de construire une habitation située à proximité d'un tel bâtiment agricole. Il appartient ainsi à l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire un bâtiment à usage d'habitation de vérifier le respect des dispositions législatives ou réglementaires fixant de telles règles de distance, quelle qu'en soit la nature.
12. Il s'ensuit que la règle d'éloignement de 100 mètres imposée entre les bâtiments d'élevage et les constructions à usage d'habitation par l'article 2.1.1 de l'annexe I de l'arrêté du ministre de l'écologie et du développement durable du 7 février 2005 s'imposait à l'autorité en charge de statuer sur la demande de permis de construire par M.B....
13. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté litigieux, les bâtiments d'élevage de l'EARL Enderlin étaient situés à moins de 100 mètres du projet de M.B....
14. En dépit de la méconnaissance de la règle de distance fixée par l'arrêté ministériel du 7 février 2005, le préfet du Haut-Rhin a estimé qu'il pouvait autoriser le projet de M. B...compte tenu de l'avant dernier alinéa de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime énonçant que " Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, une distance d'éloignement inférieure peut être autorisée par l'autorité qui délivre le permis de construire, après avis de la chambre d'agriculture, pour tenir compte des spécificités locales (...) " dès lors que les spécificités locales observées à Moernach justifiaient, selon le préfet, qu'il soit dérogé à la règle d'éloignement minimal de 100 mètres.
15. Le préfet du Haut-Rhin a ainsi indiqué que le projet de M. B...se situait dans les parties urbanisées de la commune, que son terrain d'assiette était desservi par tous les réseaux, qu'au nord de l'exploitation agricole, trois maisons existantes se situaient à une distance similaire à celle projetée par le pétitionnaire sans que l'EARL Enderlin Marcel se soit jamais plainte de ce que ces constructions lui faisaient grief et, enfin, que le maire avait délivré le 28 février 2008 un permis de construire pour une maison d'habitation à 57 mètres de l'installation de l'EARL Enderlin Marcel pour un projet absolument comparable à celui de Monsieur B...ce qui révélait une rupture dans le principe d'égalité de traitement entre les administrés de la commune.
16. De telles circonstances ne sont toutefois pas de nature à caractériser l'existence de spécificités locales au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime lesquelles ne sauraient, notamment, se déduire du simple respect des conditions de constructibilité liées à l'existence de réseaux ou de l'intégration du terrain d'assiette aux parties actuellement urbanisées de la commune ni de la délivrance antérieure, à la supposer d'ailleurs établie, de permis éventuellement illégaux dans l'environnement proche du projet contesté.
17. M. B...n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg a retenu le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions combinées des articles L. 111-3 du code rural et de la pêche maritime et 2.1.1 de l'annexe I de l'arrêté du 7 février 2005 à l'encontre du permis de construire qui lui a été délivré par l'arrêté du 12 avril 2010.
C. En ce qui concerne le second moyen d'annulation retenu par le tribunal et tiré de la méconnaissance de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme :
18. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations ". Les risques d'atteinte à la sécurité ou à la salubrité publique visés par ce texte sont aussi bien les risques auxquels peuvent être exposés les occupants de la construction pour laquelle le permis est sollicité que ceux que l'opération projetée peut engendrer pour des tiers.
19. L'EARL Enderlin Marcel ne produit aucun élément précis et probant de nature à établir que, compte tenu des caractéristiques et de l'intensité des nuisances engendrées par son élevage de bovins situé à proximité, le projet de M. B...est susceptible de comporter un risque pour les occupants de la maison dont l'édification est envisagée et, en conséquence, un risque pour la sécurité ou la salubrité publique au sens des dispositions de l'article R.111-2 précité. M. B...rappelle d'ailleurs que d'autres constructions ont été édifiées à une distance comparable à la sienne sans qu'aucun problème de salubrité publique n'ait été mis en évidence. L'appelant est ainsi fondé à soutenir que, compte tenu de l'argumentation du demandeur de première instance, en l'absence de démonstration d'une erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet du Haut-Rhin au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, c'est à tort que le tribunal a retenu le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions à l'encontre de l'arrêté du 12 avril 2010.
D. En ce qui concerne le moyen tiré du respect du règlement sanitaire départemental :
20. M. B...ne peut utilement se prévaloir de ce que son projet ne contreviendrait pas aux dispositions du règlement sanitaire départemental du Haut-Rhin dès lors que le tribunal administratif de Strasbourg n'a pas retenu ce motif à l'encontre de l'arrêté du 12 avril 2010.
21. En conclusion de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non recevoir de l'EARL Enderlin Marcel, M. B...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté, compte tenu de la validité du premier motif d'annulation retenu ainsi que cela a été rappelé aux points 9 à 17, le tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 12 avril 2010 par lequel le préfet du Haut-Rhin lui a délivré un permis de construire.
III. Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
22. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'EARL Enderlin Marcel qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que M. B...demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
23. En revanche, il y a lieu, sur le fondement de ces dernières dispositions, de mettre à la charge de M. B...le paiement de la somme de 1 500 euros à l'EARL Enderlin Marcel au titre des frais que celle-ci a exposés pour sa défense.
Par ces motifs,
DECIDE :
Article 1er : Les productions n° 16NC00411 seront radiées du registre de la cour administrative d'appel de Nancy pour être jointes à la requête n° 16NC00405 de M.B....
Article 2 : La requête n° 16NC00405 de M. B...est rejetée.
Article 3 : M. B...versera à l'EARL Enderlin Marcel une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'EARL Enderlin Marcel, à M. B...et au ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer.
Copie en sera adressée à la commune de Moernach et au préfet du Haut-Rhin.
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Nos 16NC00405 - 16NC00411