Conseil d'État, 2ème - 7ème chambres réunies, 22/07/2016, 397345

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. A...B...a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Melun, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du préfet du Val-de-Marne du 11 janvier 2016 rejetant sa demande d'utilisation de son droit individuel à la formation professionnelle et d'enjoindre au préfet de signer la convention lui permettant d'en bénéficier. Par une ordonnance n° 1600444 du 4 février 2016, le juge des référés du tribunal administratif a suspendu l'exécution de cette décision et a enjoint au préfet du Val-de-Marne de procéder à une nouvelle instruction de la demande de M. B... dans un délai de quinze jours.

Par un pourvoi, enregistré le 26 février 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le ministre de l'intérieur demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cette ordonnance ;

2°) statuant en référé, de rejeter la demande de suspension présentée par M. B....


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :
- la loi n° 83-631 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-11 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 2007-1470 du 15 octobre 2007 ;
- le code de justice administrative ;




Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Yves Doutriaux, conseiller d'Etat,

- les conclusions de Mme Béatrice Bourgeois-Machureau, rapporteur public ;





1. Considérant qu'aux termes de l'article R. 742-2 du code de justice administrative : " Les ordonnances mentionnent le nom des parties, l'analyse des conclusions ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elles font application " ; que le juge des référés du tribunal administratif de Melun n'a mentionné le mémoire en défense du préfet du Val-de-Marne, enregistré le 29 janvier 2016 au greffe du tribunal administratif avant l'audience publique convoquée le 3 février 2016, ni dans les visas, ni dans les motifs de son ordonnance ; qu'il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen du pourvoi, que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que l'ordonnance attaquée est entachée d'irrégularité et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;

2. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de statuer sur la demande de suspension en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;

3. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision " ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 22 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Le droit à la formation professionnelle tout au long de la vie est reconnu aux fonctionnaires. / (...) Sans préjudice des actions de formation professionnelle prévues par les statuts particuliers, tout agent bénéficie chaque année, en fonction de son temps de travail, d'un droit individuel à la formation qu'il peut invoquer auprès de toute administration à laquelle il se trouve affecté parmi celles mentionnées à l'article 2. Ce droit est mis en oeuvre à l'initiative de l'agent en accord avec son administration. Celle-ci prend en charge les frais de formation. / Les actions de formation suivies au titre du droit individuel à la formation peuvent avoir lieu, en tout ou partie, en dehors du temps de travail. Dans ce cas, les agents bénéficiaires perçoivent une allocation de formation. / (...) Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions et modalités d'utilisation et de financement du droit individuel à la formation, le montant et les conditions d'attribution de l'allocation de formation dont peuvent bénéficier les agents en vertu du quatrième alinéa (...) " ; qu'aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 6° Au congé de formation professionnelle " ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du décret du 15 octobre 2007 relatif à la formation professionnelle tout au long de la vie des fonctionnaires : " (...) La formation professionnelle tout au long de la vie comprend principalement les actions suivantes : / 1° La formation professionnelle statutaire, destinée, conformément aux règles prévues dans les statuts particuliers, à conférer aux fonctionnaires accédant à un grade les connaissances théoriques et pratiques nécessaires à l'exercice de leurs fonctions et la connaissance de l'environnement dans lequel elles s'exercent ; / 2° La formation continue, tendant à maintenir ou parfaire, compte tenu du contexte professionnel dans lequel ils exercent leurs fonctions, la compétence des fonctionnaires en vue d'assurer : / a) Leur adaptation immédiate au poste de travail ; / b) Leur adaptation à l'évolution prévisible des métiers ; / c) Le développement de leurs qualifications ou l'acquisition de nouvelles qualifications ; / 3° La formation de préparation aux examens, concours administratifs et autres procédures de promotion interne ; / 4° La réalisation de bilans de compétences permettant aux agents d'analyser leurs compétences, aptitudes et motivations en vue de définir un projet professionnel ; 5° La validation des acquis de leur expérience en vue de l'acquisition d'un diplôme, d'un titre à finalité professionnelle ou d'un certificat de qualification inscrit au répertoire national prévu par l'article L. 335-6 du code de l'éducation ; / 6° L'approfondissement de leur formation en vue de satisfaire à des projets personnels et professionnels grâce au congé de formation professionnelle régi par le 6° de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 " ; qu'en vertu de l'article 10 du même décret, tout fonctionnaire bénéficie d'un droit individuel à la formation professionnelle d'une durée de vingt heures par année de service ; qu'aux termes de l'article 11 du même décret : " Le droit individuel à la formation professionnelle est utilisé à l'initiative du fonctionnaire en accord avec son administration (....) / L'utilisation du droit individuel à la formation par le fonctionnaire peut porter sur des actions régies par les b et c du 2° de l'article 1er, inscrites au plan de formation de son administration. / Le fonctionnaire peut également faire valoir son droit individuel à la formation pour des actions mentionnées aux 3°, 4° et 5° de l'article 1er (...) / L'action de formation choisie en utilisation du droit individuel à la formation fait l'objet d'un accord écrit entre le fonctionnaire et l'administration dont il relève. / L'administration dispose d'un délai de deux mois pour notifier sa réponse à la demande faite par l'agent. Le défaut de notification de sa réponse par l'administration au terme de ce délai vaut accord écrit au sens de l'alinéa précédent (...) " ;

6. Considérant que le délai de deux mois au terme duquel le défaut de réponse par l'administration à une demande d'utilisation du droit individuel à la formation professionnelle vaut accord ne court qu'à compter de la réception par l'administration de l'ensemble des renseignements nécessaires pour statuer sur cette demande ; qu'il ressort des pièces du dossier que la demande initialement adressée le 6 novembre 2015 par M.B..., attaché d'administration centrale de l'Etat affecté au sein de la direction régionale interministérielle de l'habitat et du logement du Val-de-Marne, à la préfecture du Val-de-Marne, ne comportait pas l'avis de son supérieur hiérarchique sur l'utilisation de son droit individuel à la formation ; qu'à la suite de l'envoi d'un courriel par la section recrutement et formation de la préfecture, M. B...a adressé une nouvelle demande comportant l'avis favorable de son supérieur hiérarchique, qui a été reçue le 13 novembre 2015 ; que, par suite, le moyen tiré de ce qu'une décision implicite d'acceptation était intervenue le 6 janvier 2016 et que la décision qui lui a été notifiée par courriel le 11 janvier 2016 était tardive n'est pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ; qu'il en va de même du moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée ;

7. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'article 11 du décret du 15 octobre 2007 que l'utilisation du droit individuel à la formation peut porter sur des actions de formation continue portant sur l'adaptation des fonctionnaires à l'évolution prévisible des métiers, le développement de leurs qualifications ou l'acquisition de nouvelles qualifications ainsi que sur la formation de préparation aux examens et concours administratifs, la réalisation de bilans de compétences ou la validation des acquis de leur expérience mais non sur des actions de formation en vue de satisfaire à des projets personnels ou professionnels en dehors de ce contexte professionnel, de telles actions relevant d'un congé de formation professionnelle ; que, par suite, le moyen tiré de ce que l'administration ne pouvait lui refuser l'utilisation de son droit individuel à la formation pour suivre une formation en boulangerie s'inscrivant dans le cadre d'un projet personnel n'est pas de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'aucun des moyens invoqués par M. B...n'est de nature à créer un doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée ; que, dès lors, ses conclusions à fin de suspension présentées devant le juge des référés du tribunal administratif de Melun doivent être rejetées, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition d'urgence ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente affaire, la somme que M. B... demande à ce titre ;



D E C I D E :
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Article 1er : L'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Melun du 4 février 2016 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le juge des référés du tribunal administratif de Melun est rejetée.

Article 3 : La présente décision sera notifiée au ministre de l'intérieur et à M. A...B....

ECLI:FR:CECHR:2016:397345.20160722
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