Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 29/06/2016, 375020
Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 29/06/2016, 375020
Conseil d'État - 9ème - 10ème chambres réunies
- N° 375020
- ECLI:FR:CECHR:2016:375020.20160629
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
mercredi
29 juin 2016
- Rapporteur
- Mme Séverine Larere
- Avocat(s)
- SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX ; SCP DELVOLVE ET TRICHET
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures
1°) La société d'aménagement du domaine de Château Barrault et la société Château Barrault ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune de Cursan à leur verser respectivement les sommes de 13 720 000 euros et 11 780 000 euros en réparation du préjudice qu'elles estimaient avoir subi du fait de l'impossibilité dans laquelle elles se sont trouvées de réaliser un programme immobilier sur le territoire de la commune. Par un jugement n° 0404910 du 13 mars 2007, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.
Par un arrêt n° 07BX00969 du 23 décembre 2008, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la société d'aménagement du domaine de Château Barrault et la société Château Barrault contre ce jugement ainsi que leurs conclusions tendant à la condamnation de la commune de Cursan à verser à titre de dommages et intérêts la somme de 13 720 000 euros à la société d'aménagement du domaine de Château Barrault et la somme de 1 500 000 euros à la société Château Barrault, celle-ci ayant limité à ce dernier chiffre sa demande indemnitaire en appel.
Par une décision n°325764 du 21 mai 2012, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé l'arrêt n°07BX00969 du 23 décembre 2008 la cour administrative d'appel de Bordeaux et renvoyé l'affaire devant cette cour.
2°) La société d'aménagement du domaine de Château Barrault et la société Château Barrault ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune de Cursan à leur rembourser la somme totale de 152 949,02 euros versée au titre d'une participation au réseau d'assainissement, d'annuler la décision opposant la prescription quadriennale à leur créance, d'annuler le titre exécutoire émis le 23 avril 1997 par le maire de Cursan pour le recouvrement de la somme de 88 021,01 euros représentant le solde impayé de cette participation et de condamner solidairement l'Etat et la commune de Cursan à réparer les conséquences dommageables de la modification des règles d'urbanisme de cette commune. Par un jugement n°s 0800880, 0801970, 0802860 et 0805186 du 27 septembre 2011, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.
Par un arrêt n°s 11BX03034-12BX01421 du 28 novembre 2013, la cour administrative d'appel de Bordeaux, statuant à la fois sur l'appel formé par la société d'aménagement du domaine de Château Barrault et la société Château Barrault contre ce jugement et sur l'affaire renvoyée à la suite de la décision du 21 mai 2012 du Conseil d'Etat, a déchargé la société d'aménagement du domaine de Château Barrault de l'obligation de payer la somme de 88 021,01 euros dont le recouvrement était poursuivi par le titre exécutoire émis à son encontre par le maire de Cursan le 23 avril 1997 et a rejeté le surplus des conclusions des requêtes d'appel.
Procédure devant le Conseil d'Etat
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 janvier 2014, 29 avril 2014 et 10 décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société d'aménagement du domaine de Château Barrault et la société Château Barrault demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 4 de l'arrêt n°s 11BX03034-12BX01421 du 28 novembre 2013 de la cour administrative d'appel de Bordeaux rejetant le surplus de leurs conclusions d'appel ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ces conclusions ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Cursan et de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Séverine Larere, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société Château Barrault et de la société d'aménagement du Domaine de Château Barrault et à la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de la commune de Cursan ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une convention conclue le 26 février 1987, la commune de Cursan (Gironde) et la société Château Barrault - golf de Paco Rabanne ont prévu la réalisation, sur le territoire de la commune, d'un programme immobilier comprenant un complexe hôtelier, plusieurs golfs et des habitations ; que, conformément à cette convention, et après révision du plan d'occupation des sols, la société Château Barrault - golf de Paco Rabanne a été autorisée, par arrêté municipal du 10 juillet 1987, à lotir un terrain de 1 262 493 m², au lieu-dit " Château Barrault ", réparti en 13 lots, pour une surface de construction hors oeuvre nette globale de 70 171 m² ; que cette autorisation prévoyait notamment que la société réaliserait un système autonome d'assainissement ; que, par protocole d'accord du 22 juin 1989, les lots du programme immobilier ont été répartis entre la société Château Barrault, la société d'aménagement du domaine de Château Barrault, la société immobilière et hôtelière du Golf de Château Barrault et la société foncière du Golf de Château Barrault ; que, par arrêté du 16 octobre 1989, le maire de Cursan a modifié l'autorisation de lotir du 10 juillet 1987 en autorisant son transfert à ces quatre sociétés ; que, par arrêté du 4 mai 1991, il a délivré à la société Château Barrault un permis de construire pour l'aménagement du château et sa transformation en hôtel-restaurant ; que, par une nouvelle convention en date des 16 juillet et 31 août 1992, la commune de Cursan et la société d'aménagement du domaine de Château Barrault sont convenues que la commune réaliserait elle-même une station de traitement des effluents aux lieu et place de la station prévue par l'arrêté de lotissement, ainsi qu'un " collecteur d'assainissement public jusqu'au droit de l'opération (...) permettant le raccordement définitif de l'opération ", en contrepartie d'une participation financière de la société s'élevant à 1 330 000 francs hors taxe ;
2. Considérant qu'il ressort également des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, d'une part, la commune n'a pas achevé les travaux prévus par la convention, faisant obstacle au raccordement du domaine et que, d'autre part, la société d'aménagement du domaine de Château Barrault n'a pas versé l'intégralité de la participation mise à sa charge à ce titre ; que le maire de Cursan a émis, le 23 avril 1997, à l'encontre de cette société, un titre exécutoire pour avoir paiement de la somme de 577 380 francs (88 021,01 euros), correspondant au solde de la participation financière prévue par la convention des 16 juillet et 31 août 1992 augmenté de la taxe sur la valeur ajoutée appliquée à la totalité de la participation ; qu'un commandement de payer cette somme a été émis le 21 janvier 2005 par le trésorier de Créon ; que les sociétés titulaires de l'autorisation de lotir, dont les requérantes, ont sollicité le 21 novembre 2003 un certificat d'urbanisme opérationnel portant sur " la réalisation, sur le domaine, d'un programme résidentiel, hôtelier et sportif d'une SHON de 70 171 m² " ; que, par arrêté du 20 février 2004, le maire de Cursan leur a délivré un certificat d'urbanisme négatif en raison du non respect de l'obligation, prévue par l'article I NA 4-2°-a du plan d'occupation des sols alors en vigueur, de raccordement des terrains à un réseau collectif d'assainissement ; que par décisions des 24 mai et 5 juillet 2004, le maire de Cursan a rejeté, pour le même motif, les demandes de permis de construire déposées par la société Château Barrault en vue de réaliser respectivement l'agrandissement de l'hôtel et la construction de vingt-deux logements ;
3. Considérant, par ailleurs, qu'à la suite de la délibération du 6 juillet 2004, par laquelle la commune de Cursan a décidé de procéder à l'abrogation du plan d'occupation des sols tel que révisé en 1987, la société d'aménagement du domaine de Château Barrault et la société Château Barrault ont sollicité l'indemnisation, à hauteur de 13 720 000 euros pour la première société et de 11 780 000 euros pour la seconde, du préjudice qu'elles estimaient avoir subi du fait de l'impossibilité de réaliser le programme prévu en raison des fautes de la commune, à laquelle étaient reprochés son refus de réaliser le raccordement au réseau public d'assainissement et sa volonté de faire obstacle au projet par l'adoption de nouvelles dispositions d'urbanisme ; que, par un jugement du 13 mars 2007, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande au motif que les créances alléguées étaient, en tout état de cause, atteintes par la prescription quadriennale ; que par un arrêt n° 07BX00969 du 23 décembre 2008, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté leur requête dirigée contre ce jugement ; que par une décision n° 325764 du 21 mai 2012, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour, qui l'a enregistrée sous le n° 12BX01421 ;
4. Considérant, en outre, que par une délibération du 23 juin 2005, la commune de Cursan a abrogé son plan d'occupation de sols et approuvé une carte communale, laquelle a classé la majeure partie des terrains d'assiette du domaine de Château Barrault en zone naturelle non-constructible, limitant les droits à construire sur le domaine à 6 978 mètres carrés de surface hors oeuvre nette ; que cette carte communale a été approuvée par le préfet de la Gironde par un arrêté du 31 août 2005 ; que par courrier du 31 janvier 2008, la société d'aménagement du domaine de Château Barrault et la société Château Barrault ont adressé une nouvelle réclamation à la commune de Cursan et une première réclamation au préfet de la Gironde, à hauteur de 13 720 000 euros pour la première société et de 1 500 000 euros pour la seconde, tendant à la réparation des préjudices qu'elles estimaient avoir subis du fait de la modification des règles d'urbanisme de Cursan par la carte communale ; que les sociétés ont saisi le tribunal administratif de Bordeaux de quatre requêtes tendant, en premier lieu, à la condamnation de la commune de Cursan à leur rembourser la somme de 152 949,02 euros versée au titre de la participation au réseau d'assainissement pour inexécution de ses engagements contractuels ou, en cas d'illégalité de ces engagements, sur le fondement quasi contractuel de la répétition de l'indu, en deuxième lieu, à l'annulation de la décision du 16 mai 2008 par laquelle le maire de Cursan leur a opposé la prescription quadriennale sur la demande précédente, en troisième lieu, à l'annulation du titre exécutoire émis pour le recouvrement de la somme de 88 021,01 euros représentant le solde impayé de la participation prévue par la convention des 16 juillet et 31 août 1992 et, enfin, à la condamnation solidaire de l'Etat et de la commune de Cursan à réparer les conséquences dommageables de la modification des règles d'urbanisme de Cursan consécutive à l'approbation de la carte communale ; que par un jugement nos 0800880, 0801970, 0802860 et 0805186 du 27 septembre 2011, le tribunal administratif de Bordeaux, après avoir joint ces requêtes, les a rejetées ; que les sociétés requérantes ont fait appel de ce jugement par une requête enregistrée devant la cour administrative d'appel de Bordeaux sous le n° 11BX03034 ;
5. Considérant, enfin, que, par l'arrêt attaqué du 28 novembre 2013, la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir joint les requêtes nos 11BX03034 et 12BX01421, a déchargé la société d'aménagement du domaine de Château Barrault de l'obligation de payer la somme de 88 021,01 euros dont le recouvrement était poursuivi par le titre exécutoire émis à son encontre par le maire de Cursan le 23 avril 1997 et a rejeté le surplus des conclusions des parties ; que les sociétés se pourvoient en cassation contre cet arrêt en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs conclusions d'appel ;
Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires des sociétés requérantes :
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle de la commune de Cursan du fait du défaut d'achèvement des travaux d'assainissement prévus par la convention des 16 juillet et 31 août 1992 :
6. Considérant que, lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de conclusion de la convention des 16 juillet et 31 août 1992 : " Les bénéficiaires d'autorisations de construire ne peuvent être tenus que des obligations suivantes : 1° Le versement de la taxe locale d'équipement prévue à l'article 1585 A du code général des impôts ou de la participation instituée dans les secteurs d'aménagement définis à l'article L. 332-9 ; 2° Le versement des contributions aux dépenses d'équipements publics mentionnées à l'article L. 332-6-1. Toutefois ces contributions telles qu'elles sont définies aux 2° et 3° dudit article ne peuvent porter sur les équipements publics donnant lieu à la participation instituée dans les secteurs d'aménagement définis à l'article L. 332-9 ; 3° La réalisation des équipements propres mentionnés à l'article L. 332-15. 4° La participation à la diversité de l'habitat prévue à l'article L. 332-17. (...) " ; qu'aux termes de L. 332-6-1 du même code, dans sa version alors applicable : " Les contributions aux dépenses d'équipements publics prévus au 2° de l'article L. 332-6 sont les suivantes : (...) 2°(...) c) La participation spécifique pour la réalisation d'équipements publics exceptionnels prévue à l'article L. 332-8 (...) " ; que l'article L. 332-8 de ce code disposait : " Une participation spécifique peut être exigée des bénéficiaires des autorisations de construire qui ont pour objet la réalisation de toute installation à caractère industriel, agricole, commercial ou artisanal qui, par sa nature, sa situation ou son importance, nécessite la réalisation d'équipements publics exceptionnels. " ; que l'article L. 332-9, alors en vigueur, prévoyait que : " Dans les secteurs de la commune où un programme d'aménagement d'ensemble a été approuvé par le conseil municipal, il peut être mis à la charge des constructeurs tout ou partie du coût des équipements publics réalisés pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans le secteur concerné. Lorsque la capacité des équipements programmés excède ces besoins, seule la fraction du coût proportionnelle à ces besoins peut être mise à la charge des constructeurs. Lorsqu'un équipement doit être réalisé pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans plusieurs opérations successives devant faire l'objet de zones d'aménagement concerté ou de programmes d'aménagement d'ensemble, la répartition du coût de ces équipements entre différentes opérations peut être prévue dès la première, à l'initiative de l'autorité publique qui approuve l'opération. / Dans les communes où la taxe locale d'équipement est instituée, les constructions édifiées dans ces secteurs sont exclues du champ d'application de la taxe. (...) " ;
8. Considérant, par ailleurs, qu'aux termes de l'article L. 332-12 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Les dispositions des articles L. 332-6 et L. 332-7 sont applicables dans les conditions suivantes aux lotisseurs (...). Peuvent être mis à la charge du lotisseur (...): a) Le versement pour dépassement du plafond légal de densité dans les conditions prévues à l'article L. 333-9-1 ; b) La participation pour dépassement du coefficient d'occupation des sols dans les conditions prévues à l'article L. 332-1 ; c) La participation spécifique pour équipements publics exceptionnels dans les conditions prévues à l'article L. 332-8 ; d) Une participation forfaitaire représentative de la taxe locale d'équipement ou de la participation prévue à l'article L. 332-9 et des contributions énumérées aux c et d du 1°, aux a, b, d et e du 2° et au 3° de l'article L. 332-6-1. e) Un versement représentatif de la participation à la diversité de l'habitat prévue à l'article L. 332-17. Il ne peut être perçu sur les constructeurs aucune des contributions ou participations qui ont été mises à la charge du lotisseur, de la personne ayant aménagé le terrain destiné à l'accueil d'habitations légères de loisir, ou de l'association foncière urbaine de remembrement. " ; qu'aux termes, enfin, de l'article L. 332-15 du même code : " L'autorité qui délivre l'autorisation de construire, d'aménager, ou de lotir exige, en tant que de besoin, du bénéficiaire de celle-ci la réalisation et le financement de tous travaux nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction, du terrain aménagé ou du lotissement, notamment en ce qui concerne la voirie, l'alimentation en eau, gaz et électricité, les réseaux de télécommunication, l'évacuation et le traitement des eaux et matières usées, l'éclairage, les aires de stationnement, les espaces collectifs, les aires de jeux et les espaces plantés. " ;
9. Considérant que la cour a jugé que la participation mise à la charge de la société d'aménagement du domaine de Château Barrault par la convention des 16 juillet et 31 août 1992 ne pouvait légalement l'avoir été ni en application de l'article L. 332-8 précité du code de l'urbanisme, dès lors que cette société n'était pas titulaire, à la date de la convention, d'une autorisation de construire et n'avait pas pour projet d'édifier une installation à caractère industriel, agricole, commercial ou artisanal, ni en application de l'article L. 332-15 du même code dès lors que les travaux financés, pour partie, par la participation en cause ne portaient pas sur un équipement propre au lotissement ; qu'elle en a déduit que cette participation était illégale et que cette irrégularité entachait la convention de nullité, de sorte que les conclusions des sociétés requérantes présentées sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la commune de Cursan ne pouvaient être accueillies ;
10. Considérant, en premier lieu, que la cour n'a pas dénaturé les faits en jugeant qu'à la date de la conclusion de la convention des 16 juillet et 31 août 1992, la société d'aménagement du domaine de Château-Barrault n'était pas titulaire d'une autorisation de construire dès lors qu'il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que seule la société Château-Barrault, qui n'était pas partie à cette convention, était titulaire, à cette date, d'un permis de construire délivré le 4 mai 1991 ;
11. Considérant, en deuxième lieu, que si les sociétés requérantes soutiennent que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que la participation prévue par la convention de 1992 était illégale, alors qu'une telle participation pouvait selon elles légalement être mise à la charge de la société d'aménagement du domaine de Château-Barrault en application des dispositions précitées de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme, ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, est nouveau en cassation ; qu'il ne peut, dès lors, être accueilli ; qu'en tout état de cause, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la participation litigieuse aurait été mise à la charge de la société d'aménagement du domaine de Château-Barrault en application de ces dispositions ;
12. Considérant, enfin, que par la décision n° 325764 du 21 mai 2012, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a censuré l'arrêt n° 07BX00969 du 23 décembre 2008 de la cour administrative d'appel de Bordeaux au motif que cet arrêt était entaché d'erreurs de droit dans l'application des règles relatives à la prescription quadriennale, sans se prononcer sur la validité de la convention des 16 juillet et 31 août 1992 ; que, par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir qu'en statuant comme elle l'a fait dans l'arrêt attaqué, la cour a méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à cette décision ;
En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Cursan du fait du certificat d'urbanisme négatif et des refus de permis de construire opposés aux sociétés :
13. Considérant qu'après avoir relevé que le certificat d'urbanisme négatif opposé aux sociétés requérantes le 20 février 2004 par le maire de Cursan et les refus de construire opposés à la société Château Barrault par la même autorité les 24 mai et 5 juillet 2004 étaient fondés sur le non respect de l'obligation, prévue par l'article I NA 4-2°-a du plan d'occupation des sols alors en vigueur, de raccordement des terrains à un réseau collectif d'assainissement, la cour a jugé que les sociétés, en se bornant à faire valoir que l'édiction de ces décisions avait été rendue possible par la carence de la commune dans la réalisation des travaux d'assainissement, n'établissaient pas l'illégalité de ces décisions ; qu'elle a, en conséquence, rejeté leurs conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité de la commune du fait de cette édiction ;
14. Considérant que les sociétés requérantes reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que la responsabilité de la commune ne pouvait être engagée qu'à raison de l'illégalité des décisions litigieuses sans rechercher si la même commune, d'une part, était ou non responsable de l'impossibilité dans laquelle elles s'étaient trouvées de procéder au raccordement des terrains au réseau collectif et, d'autre part, les avait ou non privées de la possibilité de se doter d'un réseau d'assainissement propre ; que, toutefois, dès lors que, comme l'indique l'arrêt attaqué, la responsabilité de la commune était recherchée à raison de " l'édiction " du certificat d'urbanisme négatif et des refus de permis de construire opposés aux sociétés requérantes, la cour, qui a, par ailleurs, examiné si la responsabilité de la commune pouvait être engagée à raison du non respect de ses obligations contractuelles, d'une part, et de son comportement vis-à-vis des sociétés requérantes, d'autre part, n'a pas commis d'erreur de droit en statuant comme elle l'a fait ; que son arrêt est, enfin, suffisamment motivé sur ce point ;
En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Cursan du fait d'informations erronées et de promesses non tenues :
15. Considérant que la cour a notamment jugé que, s'il résultait des courriers du notaire des sociétés des 17 janvier 2001 et 19 octobre 2001, ainsi que du courrier du maire de Cursan du 20 avril 2002, que ce dernier avait confirmé son souhait de voir le projet aboutir et suggéré que les modifications à venir du plan d'occupation des sols de la commune ne compromettent pas les possibilités de construire sur les terrains du lotissement, ces prises de position ambigües ne pouvaient être regardées par des professionnels de l'immobilier, qui ne pouvaient ignorer les aléas pesant nécessairement sur une telle procédure assujettie à l'accord du conseil municipal, comme une promesse dont la méconnaissance engagerait la responsabilité de la commune de Cursan ;
16. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des motifs pertinents de l'arrêt attaqué que la cour a estimé que le comportement de la commune n'était pas fautif dès lors que ses propos ou écrits ne pouvaient être regardés, dans les circonstances de l'espèce, comme une " promesse " ; qu'ainsi, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'arrêt attaqué serait insuffisamment motivé ;
17. Considérant, en deuxième lieu, qu'en tenant compte de ce que les sociétés requérantes étaient des " professionnels de l'immobilier " pour en déduire que les prises de positions de la commune n'avaient pu être regardées par elles comme une promesse, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;
18. Considérant, enfin, qu'en déduisant des faits qu'elle a relevés et qu'elle a souverainement appréciés que la commune n'avait pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité, la cour n'a pas entaché son arrêt d'une erreur de qualification juridique des faits ;
En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat et de la commune de Cursan du fait de la modification des règles d'urbanisme :
S'agissant de la responsabilité pour faute :
19. Considérant que la cour a jugé, par des motifs qui ne sont pas argués de dénaturation et qui ne sont entachés d'aucune erreur de droit, qu'à la date d'approbation de la carte communale, soit le 23 juin 2005, les sociétés requérantes, dont les demandes d'autorisation de construire et de certificat d'urbanisme opérationnel avaient été rejetées en 2004 par un motif tiré de l'absence de raccordement à un réseau collectif d'assainissement, n'étaient pas titulaires d'un droit à construire sur les terrains concernés par la modification des règles d'urbanisme et que l'autorisation de lotir, dont le délai d'exécution, repoussé jusqu'au 31 mars 1999, était d'ailleurs largement dépassé, ne leur conférait pas un tel droit ; que c'est, dès lors, sans erreur de droit ni erreur de qualification juridique qu'elle en a déduit que les sociétés requérantes n'étaient pas fondées à soutenir que l'adoption de la carte communale aurait remis en cause leur droit à construire en violation des stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la responsabilité sans faute :
20. Considérant qu'aux termes de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme : " N'ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du présent code en matière de voirie, d'hygiène et d'esthétique ou pour d'autres objets et concernant, notamment, l'utilisation du sol, la hauteur des constructions, la proportion des surfaces bâties et non bâties dans chaque propriété, l'interdiction de construire dans certaines zones et en bordure de certaines voies, la répartition des immeubles entre diverses zones. / Toutefois, une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain ; cette indemnité, à défaut d'accord amiable, est fixée par le tribunal administratif, qui doit tenir compte de la plus-value donnée aux immeubles par la réalisation du plan d'occupation des sols rendu public ou du plan local d'urbanisme approuvé ou du document qui en tient lieu " ; que ces dispositions instituent un régime spécial d'indemnisation exclusif de l'application du régime de droit commun de la responsabilité sans faute de l'administration pour rupture de l'égalité devant les charges publiques ; qu'elles ne font, toutefois, pas obstacle à ce que le propriétaire dont le bien est frappé d'une servitude prétende à une indemnisation dans le cas exceptionnel où il résulte de l'ensemble des conditions et circonstances dans lesquelles la servitude a été instituée et mise en oeuvre, ainsi que de son contenu, que ce propriétaire supporte une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi ;
21. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les sociétés requérantes n'ont acquis, respectivement en 1987 et en 1989, les terrains d'assiette de l'opération immobilière " Château-Barrault " qu'après que le plan d'occupation des sols de la commune de Cursan eut été modifié, conformément aux engagements pris par la commune, afin de le rendre compatible avec leur projet d'aménagement ; qu'elles ont engagé d'importants travaux en vue de la réalisation de ce projet qui bénéficiait, à l'origine, du soutien de la commune ; que le projet n'a pu aboutir en raison du défaut de raccordement des terrains d'assiette au réseau d'assainissement, lequel n'a pu être opéré faute que la commune ait procédé à la réalisation de la canalisation prévue à cet effet ; que s'il était loisible à la commune de décider, en 2005, d'abroger le plan d'occupation des sols tel que révisé en 1987 et d'approuver, conjointement avec le préfet, une carte communale procédant au classement de terrains en zone naturelle non constructible pour le motif d'intérêt général tiré de la préservation du caractère rural de cette zone, l'approbation de cette carte a eu, en l'espèce, pour effet, en procédant au classement en zone inconstructible de la totalité des terrains dont la société d'aménagement du domaine de Château-Barrault est propriétaire, d'amoindrir la valeur vénale de sa propriété, laquelle occupe une partie substantielle du territoire de la commune, et de compromettre définitivement ses projets d'aménagement ; que les dispositions ainsi adoptées doivent être regardées comme ayant fait peser sur cette société, qui a été seule affectée par ce classement, une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi ; qu'en jugeant le contraire, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de qualification juridique des faits ;
22. Considérant, en revanche, que la cour n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant que la modification des règles d'urbanisme n'avait pas fait peser sur la société Château Barrault une charge spéciale et exorbitante hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi ; qu'en effet, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les terrains dont cette société est propriétaire sont demeurés constructibles et que l'exploitation du château en hôtel n'a pas été compromise ;
Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions des sociétés requérantes tendant à la restitution des sommes versées en application de la convention des 16 juillet et 31 août 1992 :
23. Considérant que, dans sa rédaction applicable à la date de la convention, le dernier alinéa de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 332-30 du même code, prévoyait que : " Les taxes ou contributions qui sont obtenues ou imposées en violation des dispositions du présent article sont réputées sans cause ; les sommes versées ou celles qui correspondent au coût des prestations fournies sont sujettes à répétition. L'action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement des taxes ou contributions ou de l'obtention des prestations indûment exigées. Les sommes à rembourser portent intérêt au taux légal. " ; qu'après avoir exposé que les versements effectués par la société d'aménagement du domaine de Château Barrault en paiement de la participation illégalement mise à sa charge étaient sujets à répétition en vertu de ces dispositions, la cour a jugé que le dernier règlement par cette société, d'un montant de 450 000 francs, avait été effectué le 15 mars 1993 et que faute de versement durant les cinq années suivantes, l'action en répétition dont elle disposait en application des dispositions spécifiques du code de l'urbanisme était prescrite à la date du 26 février 1999 à laquelle les sociétés avaient adressé une lettre au maire de Cursan pour lui réclamer le remboursement des sommes versées ; qu'elle a également jugé que le versement de 500 euros opéré le 21 décembre 2007 par la société Château Barrault, qui n'était pas redevable de la participation litigieuse, n'avait pas pu rouvrir le délai d'action et qu'il n'était au demeurant pas établi qu'il aurait été effectué pour l'application de la convention des 16 juillet et 31 août 1992 ;
En ce qui concerne les conclusions tendant à la restitution de la somme de 152 449,02 euros (un million de francs) :
24. Considérant, en premier lieu, que l'action en répétition prévue par les dispositions précitées de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme, reprises à l'article L. 332-30 du même code, est exclusive de toute autre action fondée sur l'illégalité des participations visées par ces dispositions, y compris lorsque ces participations ont été obtenues ou imposées par une convention et que cette dernière est, dès lors, entachée de nullité ; qu'il en résulte que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en rejetant, sur le fondement de ces seules dispositions, les conclusions à fin de restitution des sommes versées en exécution de la convention de 1992 présentées par les sociétés requérantes alors même qu'elle avait constaté la nullité de cette convention ;
25. Considérant, en deuxième lieu, que la cour n'a entaché son arrêt d'aucune contradiction ni insuffisance de motivation en jugeant que la participation mise à la charge de la société d'aménagement du domaine de Château-Barrault, dont elle a estimé qu'elle avait été instituée en violation des dispositions de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme, pouvait faire l'objet de l'action en répétition prévue par les dispositions de cet article, reprises à l'article L. 332-30 du même code ;
26. Considérant, en troisième lieu, que le " dernier versement " visé par ces dispositions s'entend du dernier versement intervenu avant la formation d'une demande tendant à la restitution des participations indument imposées ou obtenues ; que, par suite, en jugeant que le dernier versement effectué par la société d'aménagement du domaine de Château Barrault en règlement de la participation mise à sa charge était celui du 15 mars 1993 et non le règlement de 500 euros intervenu le 21 décembre 2007, soit postérieurement à sa demande de restitution du 26 février 1999, la cour n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas dénaturé les faits ;
27. Considérant, en quatrième lieu, que les sociétés requérantes ne sauraient utilement soutenir que la cour a méconnu l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, dès lors que les dispositions de cette loi ne sont pas applicables en cas d'action en restitution fondée sur les dispositions particulières de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme ; qu'au surplus et en tout état de cause, les sociétés ne peuvent prétendre avoir été dans l'ignorance de leur créance jusqu'à ce que la commune de Cursan se prévale de la nullité de la convention des 16 juillet et 31 août 1992, alors qu'il résulte des motifs non contestés de l'arrêt attaqué qu'elles ont formé une première demande de restitution de la participation en litige dès 1999 ;
28. Considérant, enfin, que si les sociétés soutiennent que la cour a méconnu le droit au recours et le droit au respect des biens garantis par les articles 6§1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par l'article 1er du protocole additionnel à cette convention en jugeant que la créance dont se prévalait la société d'aménagement était prescrite en application des dispositions de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme, alors que seule la déclaration de nullité de la convention, intervenue après l'expiration du délai de cinq ans prévu par cet article, a révélé l'intérêt que pouvait avoir cette société à faire valoir cette créance, ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, est nouveau en cassation et ne peut, donc, qu'être écarté ;
En ce qui concerne les conclusions tendant à la restitution de la somme de 500 euros :
29. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, notamment de la lettre adressée, le 10 décembre 2007, par les deux sociétés requérantes au trésorier de Créon, que le chèque de 500 euros émis par la société Château-Barrault et joint à ce courrier constituait un " à valoir sur la somme de 90 661,58 euros " réclamée à la société d'aménagement du domaine de Château Barrault en vertu du commandement de payer du 21 janvier 2005, lequel fait expressément référence à la participation due en application de la convention du 31 août 1992 ; que, par suite, ce règlement devait être regardé, quand bien même il a été effectué par la société Château Barrault qui n'était pas redevable de la participation litigieuse, comme effectué pour l'application de la convention des 16 juillet et 31 août 1992 ; qu'en jugeant le contraire, la cour a entaché son arrêt de dénaturation des pièces du dossier ;
30. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Château Barrault et la société d'aménagement du domaine de Château Barrault sont seulement fondées à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a rejeté, d'une part, les conclusions de la société d'aménagement du domaine de Château Barrault tendant à l'engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat et de la commune de Cursan du fait de la modification des règles d'urbanisme de cette commune et, d'autre part, leurs conclusions tendant au remboursement de la somme de 500 euros versée le 21 décembre 2007 ;
31. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire " ; qu'il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond ;
Sur les conclusions tendant à la restitution de la somme de 500 euros :
En ce qui concerne les conclusions présentées par la société Château Barrault :
32. Considérant que, par son jugement nos 0800880, 0801970, 0802860 et 0805186 du 27 septembre 2011, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté les conclusions de la société Château Barrault tendant à la restitution des sommes acquittées en exécution de la convention des 16 juillet et 31 août 1992 comme étant irrecevables au motif que cette société, qui n'était pas partie à la convention, était dépourvue d'intérêt à agir ; que la société Château Barrault ne conteste pas cette irrecevabilité ; que, dans ces conditions, ses conclusions tendant à la restitution de la somme de 500 euros acquittée en exécution de la convention des 16 juillet et 31 août 1992 ne peuvent qu'être rejetées ;
En ce qui concerne les conclusions présentées par la société d'aménagement du domaine de Château Barrault :
33. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la participation mise à la charge de la société d'aménagement du domaine de Château Barrault par la convention des 16 juillet et 31 août 1992 ne pouvait légalement l'être ni en application de l'article L. 332-8 précité du code de l'urbanisme, dès lors que cette société n'était pas titulaire, à la date de la convention, d'une autorisation de construire et n'avait pas pour projet d'édifier une installation à caractère industriel, agricole, commercial ou artisanal, ni en application de l'article L. 332-15 du même code dès lors que les travaux financés, pour partie, par la participation en cause ne portaient pas sur un équipement propre au lotissement ; que cette participation, qui a été obtenue en méconnaissance des dispositions de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme dans leur rédaction alors en vigueur était ainsi sujette à répétition en application des dispositions de cet article qui ont été reprises au premier alinéa de l'article L. 332-30 du même code ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 28 ci-dessus, le versement de cinq cents euros adressé par la société Château Barrault et la société d'aménagement du domaine de Château Barrault, le 10 décembre 2007, au trésorier de Créon et dont celui-ci a accusé réception le 21 décembre 2007, a été opéré au titre de cette participation ; que le délai spécial de prescription de cinq ans prévu par les dispositions de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme n'était pas expiré à la date du 17 juin 2008 à laquelle la société d'aménagement du domaine de Château Barrault a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande, enregistrée sous le n°0802860, tendant notamment au remboursement de cette somme ; que, par suite, cette société est fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement nos 0800880, 0801970, 0802860 et 0805186 du 27 septembre 2011 ce tribunal a rejeté ses conclusions tendant à la restitution de cette somme ;
34. Considérant qu'aux termes de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme dans sa rédaction résultant de la loi du 29 janvier 1993 : " Les taxes et contributions de toute nature qui sont obtenues ou imposées en violation des dispositions des articles L. 311-4-1 et L. 332-6 sont réputées sans cause ; les sommes versées ou celles qui correspondent au coût de prestations fournies sont sujettes à répétition. L'action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement ou de l'obtention des prestations indûment exigées. (...) Les sommes à rembourser au titre des deux alinéas précédents portent intérêt au taux légal majoré de cinq points. " ; qu'il résulte de ces dispositions que la société d'aménagement du domaine de Château-Barrault a droit aux intérêts au taux légal majoré de cinq points sur la somme de 500 euros à compter du 17 juin 2008, date d'enregistrement, devant le tribunal administratif, de sa demande tendant à la restitution de cette somme ;
35. Considérant que la capitalisation des intérêts dus sur la somme de 500 euros a été demandée le 17 juin 2008 ; qu'à cette date, il n'était pas dû au moins une année d'intérêts ; qu'en conséquence, la capitalisation des intérêts ne peut être accordée qu'à compter du 17 juin 2009, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière ;
Sur les conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité de l'Etat et de la commune de Cursan du fait de la modification des règles d'urbanisme :
En ce qui concerne la fin de non recevoir opposée par la commune de Cursan :
36. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société d'aménagement du domaine de Château Barrault et la société Château Barrault ont adressé, le 31 janvier 2008, au maire de Cursan et au préfet de la Gironde une réclamation tendant à la réparation des préjudices qu'elles estimaient avoir subis du fait de l'abrogation du plan d'occupation des sols et de l'approbation de la carte communale, qui a été reçue le 2 février 2008 par le maire et le 4 février 2008 par le préfet ; que la fin de non-recevoir opposée par la commune de Cursan, tirée de l'absence de réclamation préalable doit, par suite, être écartée ;
Au fond :
37. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 21 ci-dessus que la modification, en 2005, des règles d'urbanisme applicables dans la commune de Cursan résultant de l'abrogation du plan d'occupation des sols et de l'approbation, par le conseil municipal et le préfet, de la carte communale, ont fait peser sur la société d'aménagement du domaine de Château Barrault une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi ; que la carte communale étant, en vertu de l'article L. 124-2 du code de l'urbanisme, alors applicable, approuvée conjointement par le conseil municipal et par le préfet, les préjudices en résultant sont de nature à engager la responsabilité conjointe de la commune et de l'Etat à son égard ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de chacun d'entre eux la moitié des sommes à lui verser à ce titre ;
38. Considérant, toutefois, que par son comportement, et notamment son inertie durant les années 1997 à 2002, au cours desquelles elle n'a pas entrepris de démarches auprès de la commune pour tenter de résoudre les difficultés liées à l'impossibilité de raccorder ses terrains au réseau d'assainissement, la société d'aménagement du domaine de Château Barrault a elle-même contribué à la réalisation du préjudice dont elle demande réparation ; qu'il sera fait une juste appréciation des faits de l'espèce en laissant à sa charge la moitié du préjudice indemnisable ;
39. Considérant que, dans le dernier état de ses écritures, la société d'aménagement du domaine de Château Barrault demande la condamnation solidaire de l'Etat et de la commune de Cursan à lui verser une somme de 13 720 000 euros ; qu'elle précise que cette somme " s'inspire " du prix proposé, en 2003, par un investisseur pour l'acquisition du domaine ;
40. Considérant, toutefois, que la société ne saurait prétendre qu'à l'indemnisation du préjudice résultant, d'une part, du montant des dépenses exposées en pure perte pour la réalisation de l'opération d'aménagement envisagée et, d'autre part, de la perte de valeur vénale des terrains dont elle est propriétaire ; que l'état du dossier ne permet pas au Conseil d'Etat d'apprécier le montant de ces préjudices ; que, dès lors, il y a lieu, avant de statuer sur ses conclusions indemnitaires, d'ordonner une expertise sur ce point ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 28 novembre 2013 est annulé en tant qu'il a rejeté, d'une part, les conclusions de la société Château Barrault et de la société d'aménagement du domaine de Château Barrault tendant à la restitution de la somme de cinq cents euros versée le 21 décembre 2007 et, d'autre part, les conclusions de la société d'aménagement du domaine de Château Barrault tendant à la mise en jeu de la responsabilité sans faute de l'Etat et de la commune de Cursan du fait de la modification, en 2005, des règles d'urbanisme applicables dans la commune.
Article 2 : La commune de Cursan remboursera à la société d'aménagement du domaine de Château Barrault la somme de 500 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 17 juin 2008. Les intérêts dus seront capitalisés à la date du 17 juin 2009 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 3 : L'Etat et la commune de Cursan sont déclarés responsables à parts égales de la moitié des préjudices subis par la société d'aménagement du domaine de Château Barrault et résultant du montant des dépenses exposées en pure perte pour la réalisation de l'opération d'aménagement envisagée et de la perte de la valeur vénale des terrains dont elle est propriétaire.
Article 4 : Le jugement nos 0800880, 0801970, 0802860 et 0805186 du 27 septembre 2011 du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 de la présente décision.
Article 5 : Il sera, avant de statuer sur les conclusions de la société d'aménagement du domaine de Château Barrault tendant à la condamnation de l'Etat et de la commune de Cursan à lui verser une indemnité en réparation des préjudices subis du fait de la modification, en 2005, des règles d'urbanisme applicables dans la commune, procédé par un expert, désigné par le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, à une expertise avec mission pour l'expert d'évaluer le montant des préjudices mentionnés à l'article 3.
Article 6 : L'expert prêtera serment par écrit ou devant le secrétaire du contentieux du Conseil d'Etat. Le rapport d'expertise sera déposé au secrétariat du contentieux dans le délai de six mois suivant la prestation de serment.
Article 7 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.
Article 8 : Tous droits et moyens des parties, notamment les conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sur lesquels il n'est pas expressément statué par la présente décision sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 9 : La présente décision sera notifiée à la société d'aménagement du domaine de Château Barrault, à la société Château Barrault, à la commune de Cursan et à la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.
ECLI:FR:CECHR:2016:375020.20160629
Procédures contentieuses antérieures
1°) La société d'aménagement du domaine de Château Barrault et la société Château Barrault ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune de Cursan à leur verser respectivement les sommes de 13 720 000 euros et 11 780 000 euros en réparation du préjudice qu'elles estimaient avoir subi du fait de l'impossibilité dans laquelle elles se sont trouvées de réaliser un programme immobilier sur le territoire de la commune. Par un jugement n° 0404910 du 13 mars 2007, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande.
Par un arrêt n° 07BX00969 du 23 décembre 2008, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté l'appel formé par la société d'aménagement du domaine de Château Barrault et la société Château Barrault contre ce jugement ainsi que leurs conclusions tendant à la condamnation de la commune de Cursan à verser à titre de dommages et intérêts la somme de 13 720 000 euros à la société d'aménagement du domaine de Château Barrault et la somme de 1 500 000 euros à la société Château Barrault, celle-ci ayant limité à ce dernier chiffre sa demande indemnitaire en appel.
Par une décision n°325764 du 21 mai 2012, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé l'arrêt n°07BX00969 du 23 décembre 2008 la cour administrative d'appel de Bordeaux et renvoyé l'affaire devant cette cour.
2°) La société d'aménagement du domaine de Château Barrault et la société Château Barrault ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la commune de Cursan à leur rembourser la somme totale de 152 949,02 euros versée au titre d'une participation au réseau d'assainissement, d'annuler la décision opposant la prescription quadriennale à leur créance, d'annuler le titre exécutoire émis le 23 avril 1997 par le maire de Cursan pour le recouvrement de la somme de 88 021,01 euros représentant le solde impayé de cette participation et de condamner solidairement l'Etat et la commune de Cursan à réparer les conséquences dommageables de la modification des règles d'urbanisme de cette commune. Par un jugement n°s 0800880, 0801970, 0802860 et 0805186 du 27 septembre 2011, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.
Par un arrêt n°s 11BX03034-12BX01421 du 28 novembre 2013, la cour administrative d'appel de Bordeaux, statuant à la fois sur l'appel formé par la société d'aménagement du domaine de Château Barrault et la société Château Barrault contre ce jugement et sur l'affaire renvoyée à la suite de la décision du 21 mai 2012 du Conseil d'Etat, a déchargé la société d'aménagement du domaine de Château Barrault de l'obligation de payer la somme de 88 021,01 euros dont le recouvrement était poursuivi par le titre exécutoire émis à son encontre par le maire de Cursan le 23 avril 1997 et a rejeté le surplus des conclusions des requêtes d'appel.
Procédure devant le Conseil d'Etat
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 29 janvier 2014, 29 avril 2014 et 10 décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société d'aménagement du domaine de Château Barrault et la société Château Barrault demandent au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler l'article 4 de l'arrêt n°s 11BX03034-12BX01421 du 28 novembre 2013 de la cour administrative d'appel de Bordeaux rejetant le surplus de leurs conclusions d'appel ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à ces conclusions ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Cursan et de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Séverine Larere, maître des requêtes,
- les conclusions de M. Romain Victor, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de la société Château Barrault et de la société d'aménagement du Domaine de Château Barrault et à la SCP Delvolvé et Trichet, avocat de la commune de Cursan ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par une convention conclue le 26 février 1987, la commune de Cursan (Gironde) et la société Château Barrault - golf de Paco Rabanne ont prévu la réalisation, sur le territoire de la commune, d'un programme immobilier comprenant un complexe hôtelier, plusieurs golfs et des habitations ; que, conformément à cette convention, et après révision du plan d'occupation des sols, la société Château Barrault - golf de Paco Rabanne a été autorisée, par arrêté municipal du 10 juillet 1987, à lotir un terrain de 1 262 493 m², au lieu-dit " Château Barrault ", réparti en 13 lots, pour une surface de construction hors oeuvre nette globale de 70 171 m² ; que cette autorisation prévoyait notamment que la société réaliserait un système autonome d'assainissement ; que, par protocole d'accord du 22 juin 1989, les lots du programme immobilier ont été répartis entre la société Château Barrault, la société d'aménagement du domaine de Château Barrault, la société immobilière et hôtelière du Golf de Château Barrault et la société foncière du Golf de Château Barrault ; que, par arrêté du 16 octobre 1989, le maire de Cursan a modifié l'autorisation de lotir du 10 juillet 1987 en autorisant son transfert à ces quatre sociétés ; que, par arrêté du 4 mai 1991, il a délivré à la société Château Barrault un permis de construire pour l'aménagement du château et sa transformation en hôtel-restaurant ; que, par une nouvelle convention en date des 16 juillet et 31 août 1992, la commune de Cursan et la société d'aménagement du domaine de Château Barrault sont convenues que la commune réaliserait elle-même une station de traitement des effluents aux lieu et place de la station prévue par l'arrêté de lotissement, ainsi qu'un " collecteur d'assainissement public jusqu'au droit de l'opération (...) permettant le raccordement définitif de l'opération ", en contrepartie d'une participation financière de la société s'élevant à 1 330 000 francs hors taxe ;
2. Considérant qu'il ressort également des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, d'une part, la commune n'a pas achevé les travaux prévus par la convention, faisant obstacle au raccordement du domaine et que, d'autre part, la société d'aménagement du domaine de Château Barrault n'a pas versé l'intégralité de la participation mise à sa charge à ce titre ; que le maire de Cursan a émis, le 23 avril 1997, à l'encontre de cette société, un titre exécutoire pour avoir paiement de la somme de 577 380 francs (88 021,01 euros), correspondant au solde de la participation financière prévue par la convention des 16 juillet et 31 août 1992 augmenté de la taxe sur la valeur ajoutée appliquée à la totalité de la participation ; qu'un commandement de payer cette somme a été émis le 21 janvier 2005 par le trésorier de Créon ; que les sociétés titulaires de l'autorisation de lotir, dont les requérantes, ont sollicité le 21 novembre 2003 un certificat d'urbanisme opérationnel portant sur " la réalisation, sur le domaine, d'un programme résidentiel, hôtelier et sportif d'une SHON de 70 171 m² " ; que, par arrêté du 20 février 2004, le maire de Cursan leur a délivré un certificat d'urbanisme négatif en raison du non respect de l'obligation, prévue par l'article I NA 4-2°-a du plan d'occupation des sols alors en vigueur, de raccordement des terrains à un réseau collectif d'assainissement ; que par décisions des 24 mai et 5 juillet 2004, le maire de Cursan a rejeté, pour le même motif, les demandes de permis de construire déposées par la société Château Barrault en vue de réaliser respectivement l'agrandissement de l'hôtel et la construction de vingt-deux logements ;
3. Considérant, par ailleurs, qu'à la suite de la délibération du 6 juillet 2004, par laquelle la commune de Cursan a décidé de procéder à l'abrogation du plan d'occupation des sols tel que révisé en 1987, la société d'aménagement du domaine de Château Barrault et la société Château Barrault ont sollicité l'indemnisation, à hauteur de 13 720 000 euros pour la première société et de 11 780 000 euros pour la seconde, du préjudice qu'elles estimaient avoir subi du fait de l'impossibilité de réaliser le programme prévu en raison des fautes de la commune, à laquelle étaient reprochés son refus de réaliser le raccordement au réseau public d'assainissement et sa volonté de faire obstacle au projet par l'adoption de nouvelles dispositions d'urbanisme ; que, par un jugement du 13 mars 2007, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leur demande au motif que les créances alléguées étaient, en tout état de cause, atteintes par la prescription quadriennale ; que par un arrêt n° 07BX00969 du 23 décembre 2008, la cour administrative d'appel de Bordeaux a rejeté leur requête dirigée contre ce jugement ; que par une décision n° 325764 du 21 mai 2012, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire devant la cour, qui l'a enregistrée sous le n° 12BX01421 ;
4. Considérant, en outre, que par une délibération du 23 juin 2005, la commune de Cursan a abrogé son plan d'occupation de sols et approuvé une carte communale, laquelle a classé la majeure partie des terrains d'assiette du domaine de Château Barrault en zone naturelle non-constructible, limitant les droits à construire sur le domaine à 6 978 mètres carrés de surface hors oeuvre nette ; que cette carte communale a été approuvée par le préfet de la Gironde par un arrêté du 31 août 2005 ; que par courrier du 31 janvier 2008, la société d'aménagement du domaine de Château Barrault et la société Château Barrault ont adressé une nouvelle réclamation à la commune de Cursan et une première réclamation au préfet de la Gironde, à hauteur de 13 720 000 euros pour la première société et de 1 500 000 euros pour la seconde, tendant à la réparation des préjudices qu'elles estimaient avoir subis du fait de la modification des règles d'urbanisme de Cursan par la carte communale ; que les sociétés ont saisi le tribunal administratif de Bordeaux de quatre requêtes tendant, en premier lieu, à la condamnation de la commune de Cursan à leur rembourser la somme de 152 949,02 euros versée au titre de la participation au réseau d'assainissement pour inexécution de ses engagements contractuels ou, en cas d'illégalité de ces engagements, sur le fondement quasi contractuel de la répétition de l'indu, en deuxième lieu, à l'annulation de la décision du 16 mai 2008 par laquelle le maire de Cursan leur a opposé la prescription quadriennale sur la demande précédente, en troisième lieu, à l'annulation du titre exécutoire émis pour le recouvrement de la somme de 88 021,01 euros représentant le solde impayé de la participation prévue par la convention des 16 juillet et 31 août 1992 et, enfin, à la condamnation solidaire de l'Etat et de la commune de Cursan à réparer les conséquences dommageables de la modification des règles d'urbanisme de Cursan consécutive à l'approbation de la carte communale ; que par un jugement nos 0800880, 0801970, 0802860 et 0805186 du 27 septembre 2011, le tribunal administratif de Bordeaux, après avoir joint ces requêtes, les a rejetées ; que les sociétés requérantes ont fait appel de ce jugement par une requête enregistrée devant la cour administrative d'appel de Bordeaux sous le n° 11BX03034 ;
5. Considérant, enfin, que, par l'arrêt attaqué du 28 novembre 2013, la cour administrative d'appel de Bordeaux, après avoir joint les requêtes nos 11BX03034 et 12BX01421, a déchargé la société d'aménagement du domaine de Château Barrault de l'obligation de payer la somme de 88 021,01 euros dont le recouvrement était poursuivi par le titre exécutoire émis à son encontre par le maire de Cursan le 23 avril 1997 et a rejeté le surplus des conclusions des parties ; que les sociétés se pourvoient en cassation contre cet arrêt en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs conclusions d'appel ;
Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires des sociétés requérantes :
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle de la commune de Cursan du fait du défaut d'achèvement des travaux d'assainissement prévus par la convention des 16 juillet et 31 août 1992 :
6. Considérant que, lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l'exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ;
7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction en vigueur à la date de conclusion de la convention des 16 juillet et 31 août 1992 : " Les bénéficiaires d'autorisations de construire ne peuvent être tenus que des obligations suivantes : 1° Le versement de la taxe locale d'équipement prévue à l'article 1585 A du code général des impôts ou de la participation instituée dans les secteurs d'aménagement définis à l'article L. 332-9 ; 2° Le versement des contributions aux dépenses d'équipements publics mentionnées à l'article L. 332-6-1. Toutefois ces contributions telles qu'elles sont définies aux 2° et 3° dudit article ne peuvent porter sur les équipements publics donnant lieu à la participation instituée dans les secteurs d'aménagement définis à l'article L. 332-9 ; 3° La réalisation des équipements propres mentionnés à l'article L. 332-15. 4° La participation à la diversité de l'habitat prévue à l'article L. 332-17. (...) " ; qu'aux termes de L. 332-6-1 du même code, dans sa version alors applicable : " Les contributions aux dépenses d'équipements publics prévus au 2° de l'article L. 332-6 sont les suivantes : (...) 2°(...) c) La participation spécifique pour la réalisation d'équipements publics exceptionnels prévue à l'article L. 332-8 (...) " ; que l'article L. 332-8 de ce code disposait : " Une participation spécifique peut être exigée des bénéficiaires des autorisations de construire qui ont pour objet la réalisation de toute installation à caractère industriel, agricole, commercial ou artisanal qui, par sa nature, sa situation ou son importance, nécessite la réalisation d'équipements publics exceptionnels. " ; que l'article L. 332-9, alors en vigueur, prévoyait que : " Dans les secteurs de la commune où un programme d'aménagement d'ensemble a été approuvé par le conseil municipal, il peut être mis à la charge des constructeurs tout ou partie du coût des équipements publics réalisés pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans le secteur concerné. Lorsque la capacité des équipements programmés excède ces besoins, seule la fraction du coût proportionnelle à ces besoins peut être mise à la charge des constructeurs. Lorsqu'un équipement doit être réalisé pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers des constructions à édifier dans plusieurs opérations successives devant faire l'objet de zones d'aménagement concerté ou de programmes d'aménagement d'ensemble, la répartition du coût de ces équipements entre différentes opérations peut être prévue dès la première, à l'initiative de l'autorité publique qui approuve l'opération. / Dans les communes où la taxe locale d'équipement est instituée, les constructions édifiées dans ces secteurs sont exclues du champ d'application de la taxe. (...) " ;
8. Considérant, par ailleurs, qu'aux termes de l'article L. 332-12 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Les dispositions des articles L. 332-6 et L. 332-7 sont applicables dans les conditions suivantes aux lotisseurs (...). Peuvent être mis à la charge du lotisseur (...): a) Le versement pour dépassement du plafond légal de densité dans les conditions prévues à l'article L. 333-9-1 ; b) La participation pour dépassement du coefficient d'occupation des sols dans les conditions prévues à l'article L. 332-1 ; c) La participation spécifique pour équipements publics exceptionnels dans les conditions prévues à l'article L. 332-8 ; d) Une participation forfaitaire représentative de la taxe locale d'équipement ou de la participation prévue à l'article L. 332-9 et des contributions énumérées aux c et d du 1°, aux a, b, d et e du 2° et au 3° de l'article L. 332-6-1. e) Un versement représentatif de la participation à la diversité de l'habitat prévue à l'article L. 332-17. Il ne peut être perçu sur les constructeurs aucune des contributions ou participations qui ont été mises à la charge du lotisseur, de la personne ayant aménagé le terrain destiné à l'accueil d'habitations légères de loisir, ou de l'association foncière urbaine de remembrement. " ; qu'aux termes, enfin, de l'article L. 332-15 du même code : " L'autorité qui délivre l'autorisation de construire, d'aménager, ou de lotir exige, en tant que de besoin, du bénéficiaire de celle-ci la réalisation et le financement de tous travaux nécessaires à la viabilité et à l'équipement de la construction, du terrain aménagé ou du lotissement, notamment en ce qui concerne la voirie, l'alimentation en eau, gaz et électricité, les réseaux de télécommunication, l'évacuation et le traitement des eaux et matières usées, l'éclairage, les aires de stationnement, les espaces collectifs, les aires de jeux et les espaces plantés. " ;
9. Considérant que la cour a jugé que la participation mise à la charge de la société d'aménagement du domaine de Château Barrault par la convention des 16 juillet et 31 août 1992 ne pouvait légalement l'avoir été ni en application de l'article L. 332-8 précité du code de l'urbanisme, dès lors que cette société n'était pas titulaire, à la date de la convention, d'une autorisation de construire et n'avait pas pour projet d'édifier une installation à caractère industriel, agricole, commercial ou artisanal, ni en application de l'article L. 332-15 du même code dès lors que les travaux financés, pour partie, par la participation en cause ne portaient pas sur un équipement propre au lotissement ; qu'elle en a déduit que cette participation était illégale et que cette irrégularité entachait la convention de nullité, de sorte que les conclusions des sociétés requérantes présentées sur le fondement de la responsabilité contractuelle de la commune de Cursan ne pouvaient être accueillies ;
10. Considérant, en premier lieu, que la cour n'a pas dénaturé les faits en jugeant qu'à la date de la conclusion de la convention des 16 juillet et 31 août 1992, la société d'aménagement du domaine de Château-Barrault n'était pas titulaire d'une autorisation de construire dès lors qu'il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que seule la société Château-Barrault, qui n'était pas partie à cette convention, était titulaire, à cette date, d'un permis de construire délivré le 4 mai 1991 ;
11. Considérant, en deuxième lieu, que si les sociétés requérantes soutiennent que la cour a commis une erreur de droit en jugeant que la participation prévue par la convention de 1992 était illégale, alors qu'une telle participation pouvait selon elles légalement être mise à la charge de la société d'aménagement du domaine de Château-Barrault en application des dispositions précitées de l'article L. 332-9 du code de l'urbanisme, ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, est nouveau en cassation ; qu'il ne peut, dès lors, être accueilli ; qu'en tout état de cause, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que la participation litigieuse aurait été mise à la charge de la société d'aménagement du domaine de Château-Barrault en application de ces dispositions ;
12. Considérant, enfin, que par la décision n° 325764 du 21 mai 2012, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a censuré l'arrêt n° 07BX00969 du 23 décembre 2008 de la cour administrative d'appel de Bordeaux au motif que cet arrêt était entaché d'erreurs de droit dans l'application des règles relatives à la prescription quadriennale, sans se prononcer sur la validité de la convention des 16 juillet et 31 août 1992 ; que, par suite, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir qu'en statuant comme elle l'a fait dans l'arrêt attaqué, la cour a méconnu l'autorité de la chose jugée attachée à cette décision ;
En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Cursan du fait du certificat d'urbanisme négatif et des refus de permis de construire opposés aux sociétés :
13. Considérant qu'après avoir relevé que le certificat d'urbanisme négatif opposé aux sociétés requérantes le 20 février 2004 par le maire de Cursan et les refus de construire opposés à la société Château Barrault par la même autorité les 24 mai et 5 juillet 2004 étaient fondés sur le non respect de l'obligation, prévue par l'article I NA 4-2°-a du plan d'occupation des sols alors en vigueur, de raccordement des terrains à un réseau collectif d'assainissement, la cour a jugé que les sociétés, en se bornant à faire valoir que l'édiction de ces décisions avait été rendue possible par la carence de la commune dans la réalisation des travaux d'assainissement, n'établissaient pas l'illégalité de ces décisions ; qu'elle a, en conséquence, rejeté leurs conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité de la commune du fait de cette édiction ;
14. Considérant que les sociétés requérantes reprochent à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que la responsabilité de la commune ne pouvait être engagée qu'à raison de l'illégalité des décisions litigieuses sans rechercher si la même commune, d'une part, était ou non responsable de l'impossibilité dans laquelle elles s'étaient trouvées de procéder au raccordement des terrains au réseau collectif et, d'autre part, les avait ou non privées de la possibilité de se doter d'un réseau d'assainissement propre ; que, toutefois, dès lors que, comme l'indique l'arrêt attaqué, la responsabilité de la commune était recherchée à raison de " l'édiction " du certificat d'urbanisme négatif et des refus de permis de construire opposés aux sociétés requérantes, la cour, qui a, par ailleurs, examiné si la responsabilité de la commune pouvait être engagée à raison du non respect de ses obligations contractuelles, d'une part, et de son comportement vis-à-vis des sociétés requérantes, d'autre part, n'a pas commis d'erreur de droit en statuant comme elle l'a fait ; que son arrêt est, enfin, suffisamment motivé sur ce point ;
En ce qui concerne la responsabilité de la commune de Cursan du fait d'informations erronées et de promesses non tenues :
15. Considérant que la cour a notamment jugé que, s'il résultait des courriers du notaire des sociétés des 17 janvier 2001 et 19 octobre 2001, ainsi que du courrier du maire de Cursan du 20 avril 2002, que ce dernier avait confirmé son souhait de voir le projet aboutir et suggéré que les modifications à venir du plan d'occupation des sols de la commune ne compromettent pas les possibilités de construire sur les terrains du lotissement, ces prises de position ambigües ne pouvaient être regardées par des professionnels de l'immobilier, qui ne pouvaient ignorer les aléas pesant nécessairement sur une telle procédure assujettie à l'accord du conseil municipal, comme une promesse dont la méconnaissance engagerait la responsabilité de la commune de Cursan ;
16. Considérant, en premier lieu, qu'il ressort des motifs pertinents de l'arrêt attaqué que la cour a estimé que le comportement de la commune n'était pas fautif dès lors que ses propos ou écrits ne pouvaient être regardés, dans les circonstances de l'espèce, comme une " promesse " ; qu'ainsi, les sociétés requérantes ne sont pas fondées à soutenir que l'arrêt attaqué serait insuffisamment motivé ;
17. Considérant, en deuxième lieu, qu'en tenant compte de ce que les sociétés requérantes étaient des " professionnels de l'immobilier " pour en déduire que les prises de positions de la commune n'avaient pu être regardées par elles comme une promesse, la cour n'a pas commis d'erreur de droit ;
18. Considérant, enfin, qu'en déduisant des faits qu'elle a relevés et qu'elle a souverainement appréciés que la commune n'avait pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité, la cour n'a pas entaché son arrêt d'une erreur de qualification juridique des faits ;
En ce qui concerne la responsabilité de l'Etat et de la commune de Cursan du fait de la modification des règles d'urbanisme :
S'agissant de la responsabilité pour faute :
19. Considérant que la cour a jugé, par des motifs qui ne sont pas argués de dénaturation et qui ne sont entachés d'aucune erreur de droit, qu'à la date d'approbation de la carte communale, soit le 23 juin 2005, les sociétés requérantes, dont les demandes d'autorisation de construire et de certificat d'urbanisme opérationnel avaient été rejetées en 2004 par un motif tiré de l'absence de raccordement à un réseau collectif d'assainissement, n'étaient pas titulaires d'un droit à construire sur les terrains concernés par la modification des règles d'urbanisme et que l'autorisation de lotir, dont le délai d'exécution, repoussé jusqu'au 31 mars 1999, était d'ailleurs largement dépassé, ne leur conférait pas un tel droit ; que c'est, dès lors, sans erreur de droit ni erreur de qualification juridique qu'elle en a déduit que les sociétés requérantes n'étaient pas fondées à soutenir que l'adoption de la carte communale aurait remis en cause leur droit à construire en violation des stipulations de l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
S'agissant de la responsabilité sans faute :
20. Considérant qu'aux termes de l'article L. 160-5 du code de l'urbanisme : " N'ouvrent droit à aucune indemnité les servitudes instituées par application du présent code en matière de voirie, d'hygiène et d'esthétique ou pour d'autres objets et concernant, notamment, l'utilisation du sol, la hauteur des constructions, la proportion des surfaces bâties et non bâties dans chaque propriété, l'interdiction de construire dans certaines zones et en bordure de certaines voies, la répartition des immeubles entre diverses zones. / Toutefois, une indemnité est due s'il résulte de ces servitudes une atteinte à des droits acquis ou une modification à l'état antérieur des lieux déterminant un dommage direct, matériel et certain ; cette indemnité, à défaut d'accord amiable, est fixée par le tribunal administratif, qui doit tenir compte de la plus-value donnée aux immeubles par la réalisation du plan d'occupation des sols rendu public ou du plan local d'urbanisme approuvé ou du document qui en tient lieu " ; que ces dispositions instituent un régime spécial d'indemnisation exclusif de l'application du régime de droit commun de la responsabilité sans faute de l'administration pour rupture de l'égalité devant les charges publiques ; qu'elles ne font, toutefois, pas obstacle à ce que le propriétaire dont le bien est frappé d'une servitude prétende à une indemnisation dans le cas exceptionnel où il résulte de l'ensemble des conditions et circonstances dans lesquelles la servitude a été instituée et mise en oeuvre, ainsi que de son contenu, que ce propriétaire supporte une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi ;
21. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les sociétés requérantes n'ont acquis, respectivement en 1987 et en 1989, les terrains d'assiette de l'opération immobilière " Château-Barrault " qu'après que le plan d'occupation des sols de la commune de Cursan eut été modifié, conformément aux engagements pris par la commune, afin de le rendre compatible avec leur projet d'aménagement ; qu'elles ont engagé d'importants travaux en vue de la réalisation de ce projet qui bénéficiait, à l'origine, du soutien de la commune ; que le projet n'a pu aboutir en raison du défaut de raccordement des terrains d'assiette au réseau d'assainissement, lequel n'a pu être opéré faute que la commune ait procédé à la réalisation de la canalisation prévue à cet effet ; que s'il était loisible à la commune de décider, en 2005, d'abroger le plan d'occupation des sols tel que révisé en 1987 et d'approuver, conjointement avec le préfet, une carte communale procédant au classement de terrains en zone naturelle non constructible pour le motif d'intérêt général tiré de la préservation du caractère rural de cette zone, l'approbation de cette carte a eu, en l'espèce, pour effet, en procédant au classement en zone inconstructible de la totalité des terrains dont la société d'aménagement du domaine de Château-Barrault est propriétaire, d'amoindrir la valeur vénale de sa propriété, laquelle occupe une partie substantielle du territoire de la commune, et de compromettre définitivement ses projets d'aménagement ; que les dispositions ainsi adoptées doivent être regardées comme ayant fait peser sur cette société, qui a été seule affectée par ce classement, une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi ; qu'en jugeant le contraire, la cour a entaché son arrêt d'une erreur de qualification juridique des faits ;
22. Considérant, en revanche, que la cour n'a pas inexactement qualifié les faits de l'espèce en jugeant que la modification des règles d'urbanisme n'avait pas fait peser sur la société Château Barrault une charge spéciale et exorbitante hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi ; qu'en effet, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que les terrains dont cette société est propriétaire sont demeurés constructibles et que l'exploitation du château en hôtel n'a pas été compromise ;
Sur l'arrêt attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions des sociétés requérantes tendant à la restitution des sommes versées en application de la convention des 16 juillet et 31 août 1992 :
23. Considérant que, dans sa rédaction applicable à la date de la convention, le dernier alinéa de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme, dont les dispositions ont été reprises à l'article L. 332-30 du même code, prévoyait que : " Les taxes ou contributions qui sont obtenues ou imposées en violation des dispositions du présent article sont réputées sans cause ; les sommes versées ou celles qui correspondent au coût des prestations fournies sont sujettes à répétition. L'action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement des taxes ou contributions ou de l'obtention des prestations indûment exigées. Les sommes à rembourser portent intérêt au taux légal. " ; qu'après avoir exposé que les versements effectués par la société d'aménagement du domaine de Château Barrault en paiement de la participation illégalement mise à sa charge étaient sujets à répétition en vertu de ces dispositions, la cour a jugé que le dernier règlement par cette société, d'un montant de 450 000 francs, avait été effectué le 15 mars 1993 et que faute de versement durant les cinq années suivantes, l'action en répétition dont elle disposait en application des dispositions spécifiques du code de l'urbanisme était prescrite à la date du 26 février 1999 à laquelle les sociétés avaient adressé une lettre au maire de Cursan pour lui réclamer le remboursement des sommes versées ; qu'elle a également jugé que le versement de 500 euros opéré le 21 décembre 2007 par la société Château Barrault, qui n'était pas redevable de la participation litigieuse, n'avait pas pu rouvrir le délai d'action et qu'il n'était au demeurant pas établi qu'il aurait été effectué pour l'application de la convention des 16 juillet et 31 août 1992 ;
En ce qui concerne les conclusions tendant à la restitution de la somme de 152 449,02 euros (un million de francs) :
24. Considérant, en premier lieu, que l'action en répétition prévue par les dispositions précitées de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme, reprises à l'article L. 332-30 du même code, est exclusive de toute autre action fondée sur l'illégalité des participations visées par ces dispositions, y compris lorsque ces participations ont été obtenues ou imposées par une convention et que cette dernière est, dès lors, entachée de nullité ; qu'il en résulte que la cour n'a pas commis d'erreur de droit en rejetant, sur le fondement de ces seules dispositions, les conclusions à fin de restitution des sommes versées en exécution de la convention de 1992 présentées par les sociétés requérantes alors même qu'elle avait constaté la nullité de cette convention ;
25. Considérant, en deuxième lieu, que la cour n'a entaché son arrêt d'aucune contradiction ni insuffisance de motivation en jugeant que la participation mise à la charge de la société d'aménagement du domaine de Château-Barrault, dont elle a estimé qu'elle avait été instituée en violation des dispositions de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme, pouvait faire l'objet de l'action en répétition prévue par les dispositions de cet article, reprises à l'article L. 332-30 du même code ;
26. Considérant, en troisième lieu, que le " dernier versement " visé par ces dispositions s'entend du dernier versement intervenu avant la formation d'une demande tendant à la restitution des participations indument imposées ou obtenues ; que, par suite, en jugeant que le dernier versement effectué par la société d'aménagement du domaine de Château Barrault en règlement de la participation mise à sa charge était celui du 15 mars 1993 et non le règlement de 500 euros intervenu le 21 décembre 2007, soit postérieurement à sa demande de restitution du 26 février 1999, la cour n'a pas commis d'erreur de droit et n'a pas dénaturé les faits ;
27. Considérant, en quatrième lieu, que les sociétés requérantes ne sauraient utilement soutenir que la cour a méconnu l'article 3 de la loi du 31 décembre 1968, dès lors que les dispositions de cette loi ne sont pas applicables en cas d'action en restitution fondée sur les dispositions particulières de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme ; qu'au surplus et en tout état de cause, les sociétés ne peuvent prétendre avoir été dans l'ignorance de leur créance jusqu'à ce que la commune de Cursan se prévale de la nullité de la convention des 16 juillet et 31 août 1992, alors qu'il résulte des motifs non contestés de l'arrêt attaqué qu'elles ont formé une première demande de restitution de la participation en litige dès 1999 ;
28. Considérant, enfin, que si les sociétés soutiennent que la cour a méconnu le droit au recours et le droit au respect des biens garantis par les articles 6§1 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et par l'article 1er du protocole additionnel à cette convention en jugeant que la créance dont se prévalait la société d'aménagement était prescrite en application des dispositions de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme, alors que seule la déclaration de nullité de la convention, intervenue après l'expiration du délai de cinq ans prévu par cet article, a révélé l'intérêt que pouvait avoir cette société à faire valoir cette créance, ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, est nouveau en cassation et ne peut, donc, qu'être écarté ;
En ce qui concerne les conclusions tendant à la restitution de la somme de 500 euros :
29. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, notamment de la lettre adressée, le 10 décembre 2007, par les deux sociétés requérantes au trésorier de Créon, que le chèque de 500 euros émis par la société Château-Barrault et joint à ce courrier constituait un " à valoir sur la somme de 90 661,58 euros " réclamée à la société d'aménagement du domaine de Château Barrault en vertu du commandement de payer du 21 janvier 2005, lequel fait expressément référence à la participation due en application de la convention du 31 août 1992 ; que, par suite, ce règlement devait être regardé, quand bien même il a été effectué par la société Château Barrault qui n'était pas redevable de la participation litigieuse, comme effectué pour l'application de la convention des 16 juillet et 31 août 1992 ; qu'en jugeant le contraire, la cour a entaché son arrêt de dénaturation des pièces du dossier ;
30. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Château Barrault et la société d'aménagement du domaine de Château Barrault sont seulement fondées à demander l'annulation de l'arrêt attaqué en tant qu'il a rejeté, d'une part, les conclusions de la société d'aménagement du domaine de Château Barrault tendant à l'engagement de la responsabilité sans faute de l'Etat et de la commune de Cursan du fait de la modification des règles d'urbanisme de cette commune et, d'autre part, leurs conclusions tendant au remboursement de la somme de 500 euros versée le 21 décembre 2007 ;
31. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire " ; qu'il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond ;
Sur les conclusions tendant à la restitution de la somme de 500 euros :
En ce qui concerne les conclusions présentées par la société Château Barrault :
32. Considérant que, par son jugement nos 0800880, 0801970, 0802860 et 0805186 du 27 septembre 2011, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté les conclusions de la société Château Barrault tendant à la restitution des sommes acquittées en exécution de la convention des 16 juillet et 31 août 1992 comme étant irrecevables au motif que cette société, qui n'était pas partie à la convention, était dépourvue d'intérêt à agir ; que la société Château Barrault ne conteste pas cette irrecevabilité ; que, dans ces conditions, ses conclusions tendant à la restitution de la somme de 500 euros acquittée en exécution de la convention des 16 juillet et 31 août 1992 ne peuvent qu'être rejetées ;
En ce qui concerne les conclusions présentées par la société d'aménagement du domaine de Château Barrault :
33. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la participation mise à la charge de la société d'aménagement du domaine de Château Barrault par la convention des 16 juillet et 31 août 1992 ne pouvait légalement l'être ni en application de l'article L. 332-8 précité du code de l'urbanisme, dès lors que cette société n'était pas titulaire, à la date de la convention, d'une autorisation de construire et n'avait pas pour projet d'édifier une installation à caractère industriel, agricole, commercial ou artisanal, ni en application de l'article L. 332-15 du même code dès lors que les travaux financés, pour partie, par la participation en cause ne portaient pas sur un équipement propre au lotissement ; que cette participation, qui a été obtenue en méconnaissance des dispositions de l'article L. 332-6 du code de l'urbanisme dans leur rédaction alors en vigueur était ainsi sujette à répétition en application des dispositions de cet article qui ont été reprises au premier alinéa de l'article L. 332-30 du même code ; qu'ainsi qu'il a été dit au point 28 ci-dessus, le versement de cinq cents euros adressé par la société Château Barrault et la société d'aménagement du domaine de Château Barrault, le 10 décembre 2007, au trésorier de Créon et dont celui-ci a accusé réception le 21 décembre 2007, a été opéré au titre de cette participation ; que le délai spécial de prescription de cinq ans prévu par les dispositions de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme n'était pas expiré à la date du 17 juin 2008 à laquelle la société d'aménagement du domaine de Château Barrault a saisi le tribunal administratif de Bordeaux d'une demande, enregistrée sous le n°0802860, tendant notamment au remboursement de cette somme ; que, par suite, cette société est fondée à soutenir que c'est à tort que, par son jugement nos 0800880, 0801970, 0802860 et 0805186 du 27 septembre 2011 ce tribunal a rejeté ses conclusions tendant à la restitution de cette somme ;
34. Considérant qu'aux termes de l'article L. 332-30 du code de l'urbanisme dans sa rédaction résultant de la loi du 29 janvier 1993 : " Les taxes et contributions de toute nature qui sont obtenues ou imposées en violation des dispositions des articles L. 311-4-1 et L. 332-6 sont réputées sans cause ; les sommes versées ou celles qui correspondent au coût de prestations fournies sont sujettes à répétition. L'action en répétition se prescrit par cinq ans à compter du dernier versement ou de l'obtention des prestations indûment exigées. (...) Les sommes à rembourser au titre des deux alinéas précédents portent intérêt au taux légal majoré de cinq points. " ; qu'il résulte de ces dispositions que la société d'aménagement du domaine de Château-Barrault a droit aux intérêts au taux légal majoré de cinq points sur la somme de 500 euros à compter du 17 juin 2008, date d'enregistrement, devant le tribunal administratif, de sa demande tendant à la restitution de cette somme ;
35. Considérant que la capitalisation des intérêts dus sur la somme de 500 euros a été demandée le 17 juin 2008 ; qu'à cette date, il n'était pas dû au moins une année d'intérêts ; qu'en conséquence, la capitalisation des intérêts ne peut être accordée qu'à compter du 17 juin 2009, date à laquelle les intérêts étaient dus pour une année entière ;
Sur les conclusions tendant à l'engagement de la responsabilité de l'Etat et de la commune de Cursan du fait de la modification des règles d'urbanisme :
En ce qui concerne la fin de non recevoir opposée par la commune de Cursan :
36. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la société d'aménagement du domaine de Château Barrault et la société Château Barrault ont adressé, le 31 janvier 2008, au maire de Cursan et au préfet de la Gironde une réclamation tendant à la réparation des préjudices qu'elles estimaient avoir subis du fait de l'abrogation du plan d'occupation des sols et de l'approbation de la carte communale, qui a été reçue le 2 février 2008 par le maire et le 4 février 2008 par le préfet ; que la fin de non-recevoir opposée par la commune de Cursan, tirée de l'absence de réclamation préalable doit, par suite, être écartée ;
Au fond :
37. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit au point 21 ci-dessus que la modification, en 2005, des règles d'urbanisme applicables dans la commune de Cursan résultant de l'abrogation du plan d'occupation des sols et de l'approbation, par le conseil municipal et le préfet, de la carte communale, ont fait peser sur la société d'aménagement du domaine de Château Barrault une charge spéciale et exorbitante, hors de proportion avec l'objectif d'intérêt général poursuivi ; que la carte communale étant, en vertu de l'article L. 124-2 du code de l'urbanisme, alors applicable, approuvée conjointement par le conseil municipal et par le préfet, les préjudices en résultant sont de nature à engager la responsabilité conjointe de la commune et de l'Etat à son égard ; qu'il y a lieu de mettre à la charge de chacun d'entre eux la moitié des sommes à lui verser à ce titre ;
38. Considérant, toutefois, que par son comportement, et notamment son inertie durant les années 1997 à 2002, au cours desquelles elle n'a pas entrepris de démarches auprès de la commune pour tenter de résoudre les difficultés liées à l'impossibilité de raccorder ses terrains au réseau d'assainissement, la société d'aménagement du domaine de Château Barrault a elle-même contribué à la réalisation du préjudice dont elle demande réparation ; qu'il sera fait une juste appréciation des faits de l'espèce en laissant à sa charge la moitié du préjudice indemnisable ;
39. Considérant que, dans le dernier état de ses écritures, la société d'aménagement du domaine de Château Barrault demande la condamnation solidaire de l'Etat et de la commune de Cursan à lui verser une somme de 13 720 000 euros ; qu'elle précise que cette somme " s'inspire " du prix proposé, en 2003, par un investisseur pour l'acquisition du domaine ;
40. Considérant, toutefois, que la société ne saurait prétendre qu'à l'indemnisation du préjudice résultant, d'une part, du montant des dépenses exposées en pure perte pour la réalisation de l'opération d'aménagement envisagée et, d'autre part, de la perte de valeur vénale des terrains dont elle est propriétaire ; que l'état du dossier ne permet pas au Conseil d'Etat d'apprécier le montant de ces préjudices ; que, dès lors, il y a lieu, avant de statuer sur ses conclusions indemnitaires, d'ordonner une expertise sur ce point ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux du 28 novembre 2013 est annulé en tant qu'il a rejeté, d'une part, les conclusions de la société Château Barrault et de la société d'aménagement du domaine de Château Barrault tendant à la restitution de la somme de cinq cents euros versée le 21 décembre 2007 et, d'autre part, les conclusions de la société d'aménagement du domaine de Château Barrault tendant à la mise en jeu de la responsabilité sans faute de l'Etat et de la commune de Cursan du fait de la modification, en 2005, des règles d'urbanisme applicables dans la commune.
Article 2 : La commune de Cursan remboursera à la société d'aménagement du domaine de Château Barrault la somme de 500 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal majoré de cinq points à compter du 17 juin 2008. Les intérêts dus seront capitalisés à la date du 17 juin 2009 et à chaque échéance annuelle à compter de cette date.
Article 3 : L'Etat et la commune de Cursan sont déclarés responsables à parts égales de la moitié des préjudices subis par la société d'aménagement du domaine de Château Barrault et résultant du montant des dépenses exposées en pure perte pour la réalisation de l'opération d'aménagement envisagée et de la perte de la valeur vénale des terrains dont elle est propriétaire.
Article 4 : Le jugement nos 0800880, 0801970, 0802860 et 0805186 du 27 septembre 2011 du tribunal administratif de Bordeaux est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 2 de la présente décision.
Article 5 : Il sera, avant de statuer sur les conclusions de la société d'aménagement du domaine de Château Barrault tendant à la condamnation de l'Etat et de la commune de Cursan à lui verser une indemnité en réparation des préjudices subis du fait de la modification, en 2005, des règles d'urbanisme applicables dans la commune, procédé par un expert, désigné par le président de la section du contentieux du Conseil d'Etat, à une expertise avec mission pour l'expert d'évaluer le montant des préjudices mentionnés à l'article 3.
Article 6 : L'expert prêtera serment par écrit ou devant le secrétaire du contentieux du Conseil d'Etat. Le rapport d'expertise sera déposé au secrétariat du contentieux dans le délai de six mois suivant la prestation de serment.
Article 7 : Les frais d'expertise sont réservés pour y être statué en fin d'instance.
Article 8 : Tous droits et moyens des parties, notamment les conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sur lesquels il n'est pas expressément statué par la présente décision sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 9 : La présente décision sera notifiée à la société d'aménagement du domaine de Château Barrault, à la société Château Barrault, à la commune de Cursan et à la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité.