Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème Chambre, 21/06/2016, 14VE00153, Inédit au recueil Lebon
Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème Chambre, 21/06/2016, 14VE00153, Inédit au recueil Lebon
Cour administrative d'appel de Versailles - 3ème Chambre
- N° 14VE00153
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mardi
21 juin 2016
- Président
- M. BRESSE
- Rapporteur
- M. Christophe HUON
- Avocat(s)
- CABINET ARSENE TAXAND
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société ORANGE SA a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution d'une fraction de l'impôt sur les sociétés et des contributions additionnelles à cet impôt auxquels elle a été assujettie au titre de son exercice clos en 2011, à hauteur de 11 510 185 euros.
Par un jugement n° 1209149 en date du 18 novembre 2013, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 janvier 2014 la société ORANGE SA, représentée par Mes Vergniolle etA..., avocats, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° à titre principal, de prononcer la restitution sollicitée, assortie des intérêts au taux légal ;
3° de mettre à la charge de l'État, outre les dépens, la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4° à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.
La société ORANGE SA soutient que :
- l'imposition de la quote-part de frais et charges à raison de dividendes reçus de filiales établies dans d'autres Etats de l'Union européenne alors qu'une telle quote-part est exonérée lorsqu'elle se rapporte à des dividendes versés par des sociétés membres d'un groupe intégré, lequel ne concerne que des sociétés ayant leur siège en France, révèle une différence de traitement constituant une restriction à la liberté d'établissement prohibée par les articles 43 et 48 du traité instituant la Communauté européenne (TCE) devenus articles 49 et 54 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) alors qu'aucune raison impérieuse d'intérêt général ne peut justifier une telle restriction ;
- la neutralisation de la réintégration de la quote-part des frais et charges n'est pas inhérente au régime de l'intégration fiscale dès lors qu'elle n'a pas pour effet d'éliminer la double imposition des bénéfices de la filiale, élimination qui résulte en réalité de l'application de la directive dite mère-fille, mais constitue un avantage consenti, sans justification, aux groupes intégrés comme le constatent plusieurs rapports émanant d'institutions de l'Etat ou du Parlement ; en outre, elle ne se rapporte pas nécessairement à des dividendes prélevés sur des bénéfices réalisés en France ;
- dans son arrêt du 25 février 2010 aff. 337/08 X Holding BV, dont la portée est limitée à la question de la consolidation des résultats des sociétés étrangères avec ceux des sociétés résidentes, la Cour de justice de l'Union européenne n'a nullement tranché la question de la conformité au droit communautaire des autres avantages réservés aux sociétés membres d'un groupe fiscal ; alors qu'elle ne demande pas la consolidation de ses résultats avec ceux de ses filiales européennes, aucune règle n'interdit d'appliquer partiellement les règles de l'intégration fiscale dans les relations intracommunautaires.
..................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne n° C-386/14 du 2 septembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Huon,
- les conclusions de M. Coudert, rapporteur public,
- les observations de MeA..., pour la société ORANGE SA,
- et les observations de MmeB..., pour le ministre des finances et des comptes publics.
1. Considérant que la société Orange Holding, membre du périmètre d'intégration fiscale de la société ORANGE SA a perçu en 2011 des dividendes de sa filiale
Orange Télécommunication Group Limited établie au Royaume-Uni, qui, placés sous le régime fiscal des sociétés mères, ont, en vertu de l'article 216 du code général des impôts été retranchés du résultat fiscal du groupe sous déduction de la quote-part pour frais et charges instituée par cet article ; que, par réclamation 29 mai 2012, la société ORANGE SA a sollicité la restitution de la fraction des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales acquittées au titre de son exercice clos en 2011 et correspondant à l'imposition de cette quote-part, motif pris d'une inégalité de traitement, constitutive d'une entrave prohibée à la liberté d'établissement, quant aux modalités d'imposition des dividendes perçus par une société membre d'un groupe fiscal selon que ces dividendes proviennent de sociétés elles-mêmes membres du groupe ou de filiales non établies en France ; qu'à la suite du rejet du 27 septembre 2012 de cette réclamation, elle a réitéré ses prétentions devant le Tribunal administratif de Montreuil ; que la société ORANGE SA relève appel du jugement du 18 novembre 2013 par lequel le tribunal a rejeté cette demande ;
Sur le désistement partiel :
2. Considérant que, par son mémoire, enregistré le 6 novembre 2015, la société requérante a déclaré ramener sa demande initiale fixée, en droits, à 11 510 185 euros à
4 741 797 euros ; qu'à hauteur de la différence, soit 6 768 388 euros, elle doit être regardée comme se désistant de ses conclusions ; que ce désistement partiel est pur et simple ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;
Sur les conclusions à fin de restitution des impositions restant en litige :
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 216 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges. / La quote-part de frais et charges visée au premier alinéa est fixée uniformément à 5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris. Cette quote-part ne peut toutefois excéder, pour chaque période d'imposition, le montant total des frais et charges de toute nature exposés par la société participante au cours de la même période. " ; qu'aux termes de l'article 223 A du même code : " Une société peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés ou d'établissements stables membres du groupe (...) / Seules peuvent être membres du groupe les sociétés ou les établissements stables qui ont donné leur accord et dont les résultats sont soumis à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou selon les modalités prévues aux articles 214 et 217 bis (...) / Les sociétés du groupe et, sous réserve de la réglementation étrangère qui leur est applicable, les sociétés intermédiaires doivent ouvrir et clore leurs exercices aux mêmes dates (...) " ; qu'aux termes de l'article 223 B de ce code : " Le résultat d'ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, déterminés dans les conditions de droit commun (...) / Le résultat d'ensemble est diminué de la quote-part de frais et charges afférente aux produits de participation perçus par une société du groupe d'une société membre du groupe depuis plus d'un exercice et aux produits de participation perçus par une société du groupe d'une société intermédiaire pour lesquels la société mère apporte la preuve qu'ils proviennent de produits de participation versés par une société membre du groupe depuis plus d'un exercice et n'ayant pas déjà justifié des rectifications effectuées en application du présent alinéa ou du troisième alinéa. (...) " ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) : " Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un État membre établis sur le territoire d'un État membre (...) " ; qu'aux termes de l'article 54 du même traité : " Les sociétés constituées en conformité de la législation d'un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de l'Union sont assimilées, pour l'application des dispositions du présent chapitre, aux personnes physiques ressortissantes des États membres. / Par sociétés, on entend les sociétés de droit civil ou commercial, y compris les sociétés coopératives, et les autres personnes morales relevant du droit public ou privé, à l'exception des sociétés qui ne poursuivent pas de but lucratif. " ;
5. Considérant que, par son arrêt C-386/14 du 2 septembre 2015, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une législation d'un État membre relative à un régime d'intégration fiscale en vertu de laquelle une société mère intégrante bénéficie de la neutralisation de la réintégration d'une quote-part de frais et charges forfaitairement fixée à 5 % du montant net des dividendes perçus par elle des sociétés résidentes parties à l'intégration, alors qu'une telle neutralisation lui est refusée, en vertu de cette législation, pour les dividendes qui lui sont distribués par ses filiales situées dans un autre État membre qui, si elles avaient été résidentes, y auraient été objectivement éligibles, sur option ;
6. Considérant qu'il résulte de l'interprétation ainsi donnée par la Cour de justice de l'Union européenne que l'administration n'est pas fondée à refuser à une société mère intégrante le bénéfice de la neutralisation de la quote-part pour frais et charges, instituée par l'article 223 B du code général des impôts en faveur des groupes fiscalement intégrés, à raison des dividendes qui lui sont distribuées par ses filiales établies dans un autre Etat membre pour autant que ces filiales, si elles avaient été résidentes, auraient été objectivement éligibles au régime d'intégration fiscale, sur option, en vertu de l'article 223 A de ce code ; qu'en outre, pour l'application de ce principe, il incombe au contribuable, seul à même de pouvoir apporter des éléments pertinents en ce sens, de justifier non seulement du respect des conditions fixées pour l'exercice de cette option mais aussi de l'origine et du montant des distributions susceptibles d'ouvrir droit au bénéfice de la neutralisation de la quote-part pour frais et charges, sous réserve que la production des éléments de preuve ne s'avère pas pratiquement impossible ou excessivement difficile ; qu'au demeurant, ainsi que le souligne le ministre, il résulte des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales qu'il appartient à un contribuable qui présente une réclamation dirigée contre une imposition établie d'après les bases indiquées dans la déclaration qu' il a souscrite de démontrer le caractère exagéré des impositions qu'il conteste pour en obtenir la décharge ou la réduction ;
7. Considérant, d'une part, qu'il est constant qu'au cours de l'année 2011, la société distributrice Orange Télécommunication Group Limited, située au Royaume-Uni, filiale de la société Orange Holding a régulièrement distribué à cette dernière des dividendes pour un montant total de 656 758 604 euros ; que ces dividendes ont été retranchés du résultat fiscal de la société ORANGE SA sous déduction de la quote-part pour frais et charges de 5% visée à l'article 216 du code général des impôts, soit 32 837 930 euros ; que, d'autre part, dans le dernier état de ses écritures, le ministre admet, ainsi qu'il ressort d'ailleurs des justificatifs produits par la requérante, que, dès lors qu'elle remplissait les conditions prévues par les articles 223 A et suivants du code général des impôts, la Société Orange Télécommunication Group Limited si elle avait été résidente en France, aurait pu, sur option, rejoindre le périmètre d'intégration de la société ORANGE SA ; que celle-ci peut donc prétendre à la neutralisation de la quote-part pour frais et charges réintégrée dans le résultat d'ensemble du groupe de l'exercice clos en 2011 à raison des dividendes perçus dans les conditions sus-rappelées ;
Sur les conclusions tendant au versement d'intérêts au taux légal :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés (...) " ; que ces dispositions, applicables à l'espèce, font obstacle à ce que soit accueillie la demande de la requérante tendant au versement des intérêts au taux légal, présentée sur le fondement des articles 1153 et suivants du code civil ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société ORANGE SA est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a partiellement rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à la restitution des droits contestés ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
11. Considérant que, par application de ces dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société ORANGE SA et non compris dans les dépens ;
Sur les dépens :
12. Considérant que la présente instance n'a donné lieu à aucun dépens ; que, par suite, les conclusions présentées à ce titre ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il est donné acte du désistement des conclusions de la requête de la société ORANGE SA à hauteur de la somme de 6 768 388 euros, en droits.
Article 2 : Les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés aux contributions additionnelles à cet impôt au titre de l'exercice clos en 2011 de la société ORANGE SA sont réduites à hauteur de la quote-part de frais et charges afférente aux dividendes perçus par la société Orange Holding d'un montant de 32 837 930 euros.
Article 3 : Il est accordé à la société ORANGE SA la restitution des cotisations d'impôt sur les sociétés et des contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de son exercice clos en 2001 à raison de la réduction de base prononcée à l'article 3, dans la limite de la somme de 4 741 797 euros.
Article 4 : Le jugement n° 1209149 du 18 novembre 2013 du Tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : L'État versera à la société ORANGE SA une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions présentées par la société ORANGE SA est rejeté.
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N° 14VE00153
Procédure contentieuse antérieure :
La société ORANGE SA a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la restitution d'une fraction de l'impôt sur les sociétés et des contributions additionnelles à cet impôt auxquels elle a été assujettie au titre de son exercice clos en 2011, à hauteur de 11 510 185 euros.
Par un jugement n° 1209149 en date du 18 novembre 2013, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 janvier 2014 la société ORANGE SA, représentée par Mes Vergniolle etA..., avocats, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° à titre principal, de prononcer la restitution sollicitée, assortie des intérêts au taux légal ;
3° de mettre à la charge de l'État, outre les dépens, la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4° à titre subsidiaire, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'une question préjudicielle.
La société ORANGE SA soutient que :
- l'imposition de la quote-part de frais et charges à raison de dividendes reçus de filiales établies dans d'autres Etats de l'Union européenne alors qu'une telle quote-part est exonérée lorsqu'elle se rapporte à des dividendes versés par des sociétés membres d'un groupe intégré, lequel ne concerne que des sociétés ayant leur siège en France, révèle une différence de traitement constituant une restriction à la liberté d'établissement prohibée par les articles 43 et 48 du traité instituant la Communauté européenne (TCE) devenus articles 49 et 54 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) alors qu'aucune raison impérieuse d'intérêt général ne peut justifier une telle restriction ;
- la neutralisation de la réintégration de la quote-part des frais et charges n'est pas inhérente au régime de l'intégration fiscale dès lors qu'elle n'a pas pour effet d'éliminer la double imposition des bénéfices de la filiale, élimination qui résulte en réalité de l'application de la directive dite mère-fille, mais constitue un avantage consenti, sans justification, aux groupes intégrés comme le constatent plusieurs rapports émanant d'institutions de l'Etat ou du Parlement ; en outre, elle ne se rapporte pas nécessairement à des dividendes prélevés sur des bénéfices réalisés en France ;
- dans son arrêt du 25 février 2010 aff. 337/08 X Holding BV, dont la portée est limitée à la question de la consolidation des résultats des sociétés étrangères avec ceux des sociétés résidentes, la Cour de justice de l'Union européenne n'a nullement tranché la question de la conformité au droit communautaire des autres avantages réservés aux sociétés membres d'un groupe fiscal ; alors qu'elle ne demande pas la consolidation de ses résultats avec ceux de ses filiales européennes, aucune règle n'interdit d'appliquer partiellement les règles de l'intégration fiscale dans les relations intracommunautaires.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne n° C-386/14 du 2 septembre 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Huon,
- les conclusions de M. Coudert, rapporteur public,
- les observations de MeA..., pour la société ORANGE SA,
- et les observations de MmeB..., pour le ministre des finances et des comptes publics.
1. Considérant que la société Orange Holding, membre du périmètre d'intégration fiscale de la société ORANGE SA a perçu en 2011 des dividendes de sa filiale
Orange Télécommunication Group Limited établie au Royaume-Uni, qui, placés sous le régime fiscal des sociétés mères, ont, en vertu de l'article 216 du code général des impôts été retranchés du résultat fiscal du groupe sous déduction de la quote-part pour frais et charges instituée par cet article ; que, par réclamation 29 mai 2012, la société ORANGE SA a sollicité la restitution de la fraction des cotisations d'impôt sur les sociétés et de contributions sociales acquittées au titre de son exercice clos en 2011 et correspondant à l'imposition de cette quote-part, motif pris d'une inégalité de traitement, constitutive d'une entrave prohibée à la liberté d'établissement, quant aux modalités d'imposition des dividendes perçus par une société membre d'un groupe fiscal selon que ces dividendes proviennent de sociétés elles-mêmes membres du groupe ou de filiales non établies en France ; qu'à la suite du rejet du 27 septembre 2012 de cette réclamation, elle a réitéré ses prétentions devant le Tribunal administratif de Montreuil ; que la société ORANGE SA relève appel du jugement du 18 novembre 2013 par lequel le tribunal a rejeté cette demande ;
Sur le désistement partiel :
2. Considérant que, par son mémoire, enregistré le 6 novembre 2015, la société requérante a déclaré ramener sa demande initiale fixée, en droits, à 11 510 185 euros à
4 741 797 euros ; qu'à hauteur de la différence, soit 6 768 388 euros, elle doit être regardée comme se désistant de ses conclusions ; que ce désistement partiel est pur et simple ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;
Sur les conclusions à fin de restitution des impositions restant en litige :
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 216 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " I. Les produits nets des participations, ouvrant droit à l'application du régime des sociétés mères et visées à l'article 145, touchés au cours d'un exercice par une société mère, peuvent être retranchés du bénéfice net total de celle-ci, défalcation faite d'une quote-part de frais et charges. / La quote-part de frais et charges visée au premier alinéa est fixée uniformément à 5 % du produit total des participations, crédit d'impôt compris. Cette quote-part ne peut toutefois excéder, pour chaque période d'imposition, le montant total des frais et charges de toute nature exposés par la société participante au cours de la même période. " ; qu'aux termes de l'article 223 A du même code : " Une société peut se constituer seule redevable de l'impôt sur les sociétés dû sur l'ensemble des résultats du groupe formé par elle-même et les sociétés dont elle détient 95 % au moins du capital, de manière continue au cours de l'exercice, directement ou indirectement par l'intermédiaire de sociétés ou d'établissements stables membres du groupe (...) / Seules peuvent être membres du groupe les sociétés ou les établissements stables qui ont donné leur accord et dont les résultats sont soumis à l'impôt sur les sociétés dans les conditions de droit commun ou selon les modalités prévues aux articles 214 et 217 bis (...) / Les sociétés du groupe et, sous réserve de la réglementation étrangère qui leur est applicable, les sociétés intermédiaires doivent ouvrir et clore leurs exercices aux mêmes dates (...) " ; qu'aux termes de l'article 223 B de ce code : " Le résultat d'ensemble est déterminé par la société mère en faisant la somme algébrique des résultats de chacune des sociétés du groupe, déterminés dans les conditions de droit commun (...) / Le résultat d'ensemble est diminué de la quote-part de frais et charges afférente aux produits de participation perçus par une société du groupe d'une société membre du groupe depuis plus d'un exercice et aux produits de participation perçus par une société du groupe d'une société intermédiaire pour lesquels la société mère apporte la preuve qu'ils proviennent de produits de participation versés par une société membre du groupe depuis plus d'un exercice et n'ayant pas déjà justifié des rectifications effectuées en application du présent alinéa ou du troisième alinéa. (...) " ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne (TFUE) : " Dans le cadre des dispositions ci-après, les restrictions à la liberté d'établissement des ressortissants d'un État membre dans le territoire d'un autre État membre sont interdites. Cette interdiction s'étend également aux restrictions à la création d'agences, de succursales ou de filiales, par les ressortissants d'un État membre établis sur le territoire d'un État membre (...) " ; qu'aux termes de l'article 54 du même traité : " Les sociétés constituées en conformité de la législation d'un État membre et ayant leur siège statutaire, leur administration centrale ou leur principal établissement à l'intérieur de l'Union sont assimilées, pour l'application des dispositions du présent chapitre, aux personnes physiques ressortissantes des États membres. / Par sociétés, on entend les sociétés de droit civil ou commercial, y compris les sociétés coopératives, et les autres personnes morales relevant du droit public ou privé, à l'exception des sociétés qui ne poursuivent pas de but lucratif. " ;
5. Considérant que, par son arrêt C-386/14 du 2 septembre 2015, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que l'article 49 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne doit être interprété en ce sens qu'il s'oppose à une législation d'un État membre relative à un régime d'intégration fiscale en vertu de laquelle une société mère intégrante bénéficie de la neutralisation de la réintégration d'une quote-part de frais et charges forfaitairement fixée à 5 % du montant net des dividendes perçus par elle des sociétés résidentes parties à l'intégration, alors qu'une telle neutralisation lui est refusée, en vertu de cette législation, pour les dividendes qui lui sont distribués par ses filiales situées dans un autre État membre qui, si elles avaient été résidentes, y auraient été objectivement éligibles, sur option ;
6. Considérant qu'il résulte de l'interprétation ainsi donnée par la Cour de justice de l'Union européenne que l'administration n'est pas fondée à refuser à une société mère intégrante le bénéfice de la neutralisation de la quote-part pour frais et charges, instituée par l'article 223 B du code général des impôts en faveur des groupes fiscalement intégrés, à raison des dividendes qui lui sont distribuées par ses filiales établies dans un autre Etat membre pour autant que ces filiales, si elles avaient été résidentes, auraient été objectivement éligibles au régime d'intégration fiscale, sur option, en vertu de l'article 223 A de ce code ; qu'en outre, pour l'application de ce principe, il incombe au contribuable, seul à même de pouvoir apporter des éléments pertinents en ce sens, de justifier non seulement du respect des conditions fixées pour l'exercice de cette option mais aussi de l'origine et du montant des distributions susceptibles d'ouvrir droit au bénéfice de la neutralisation de la quote-part pour frais et charges, sous réserve que la production des éléments de preuve ne s'avère pas pratiquement impossible ou excessivement difficile ; qu'au demeurant, ainsi que le souligne le ministre, il résulte des dispositions de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales qu'il appartient à un contribuable qui présente une réclamation dirigée contre une imposition établie d'après les bases indiquées dans la déclaration qu' il a souscrite de démontrer le caractère exagéré des impositions qu'il conteste pour en obtenir la décharge ou la réduction ;
7. Considérant, d'une part, qu'il est constant qu'au cours de l'année 2011, la société distributrice Orange Télécommunication Group Limited, située au Royaume-Uni, filiale de la société Orange Holding a régulièrement distribué à cette dernière des dividendes pour un montant total de 656 758 604 euros ; que ces dividendes ont été retranchés du résultat fiscal de la société ORANGE SA sous déduction de la quote-part pour frais et charges de 5% visée à l'article 216 du code général des impôts, soit 32 837 930 euros ; que, d'autre part, dans le dernier état de ses écritures, le ministre admet, ainsi qu'il ressort d'ailleurs des justificatifs produits par la requérante, que, dès lors qu'elle remplissait les conditions prévues par les articles 223 A et suivants du code général des impôts, la Société Orange Télécommunication Group Limited si elle avait été résidente en France, aurait pu, sur option, rejoindre le périmètre d'intégration de la société ORANGE SA ; que celle-ci peut donc prétendre à la neutralisation de la quote-part pour frais et charges réintégrée dans le résultat d'ensemble du groupe de l'exercice clos en 2011 à raison des dividendes perçus dans les conditions sus-rappelées ;
Sur les conclusions tendant au versement d'intérêts au taux légal :
8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales : " Quand l'Etat est condamné à un dégrèvement d'impôt par un tribunal ou quand un dégrèvement est prononcé par l'administration à la suite d'une réclamation tendant à la réparation d'une erreur commise dans l'assiette ou le calcul des impositions, les sommes déjà perçues sont remboursées au contribuable et donnent lieu au paiement d'intérêts moratoires dont le taux est celui de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts. Les intérêts courent du jour du paiement. Ils ne sont pas capitalisés (...) " ; que ces dispositions, applicables à l'espèce, font obstacle à ce que soit accueillie la demande de la requérante tendant au versement des intérêts au taux légal, présentée sur le fondement des articles 1153 et suivants du code civil ;
9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société ORANGE SA est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a partiellement rejeté sa demande en tant qu'elle tendait à la restitution des droits contestés ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;
11. Considérant que, par application de ces dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société ORANGE SA et non compris dans les dépens ;
Sur les dépens :
12. Considérant que la présente instance n'a donné lieu à aucun dépens ; que, par suite, les conclusions présentées à ce titre ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Il est donné acte du désistement des conclusions de la requête de la société ORANGE SA à hauteur de la somme de 6 768 388 euros, en droits.
Article 2 : Les bases d'imposition à l'impôt sur les sociétés aux contributions additionnelles à cet impôt au titre de l'exercice clos en 2011 de la société ORANGE SA sont réduites à hauteur de la quote-part de frais et charges afférente aux dividendes perçus par la société Orange Holding d'un montant de 32 837 930 euros.
Article 3 : Il est accordé à la société ORANGE SA la restitution des cotisations d'impôt sur les sociétés et des contributions additionnelles à cet impôt auxquelles elle a été assujettie au titre de son exercice clos en 2001 à raison de la réduction de base prononcée à l'article 3, dans la limite de la somme de 4 741 797 euros.
Article 4 : Le jugement n° 1209149 du 18 novembre 2013 du Tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 5 : L'État versera à la société ORANGE SA une somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions présentées par la société ORANGE SA est rejeté.
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N° 14VE00153