CAA de DOUAI, 1ère chambre - formation à 3, 04/05/2016, 14DA00485, Inédit au recueil Lebon
CAA de DOUAI, 1ère chambre - formation à 3, 04/05/2016, 14DA00485, Inédit au recueil Lebon
CAA de DOUAI - 1ère chambre - formation à 3
- N° 14DA00485
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
mercredi
04 mai 2016
- Président
- M. Yeznikian
- Rapporteur
- M. Christian Bernier
- Avocat(s)
- ERNST & YOUNG SOCIÉTÉ D'AVOCATS
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...E...a demandé le 11 mai 2011 au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 11 mars 2011 par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a refusé de revenir sur la délimitation du domaine public maritime au droit de sa propriété.
Par un jugement n°1102818 du 16 janvier 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de M. B...E....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 mars 2014, M. B...E..., représenté par la SELARL Dhorne, Carlier, Khayat demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille ;
2°) d'annuler en conséquence la décision de rejet de son recours gracieux du directeur départemental des territoires et de la mer du 11 mars 2011 ;
3°) de dire que la parcelle de terrain de 3 075 m2 sur le territoire de la commune de Oye-Plage ne fait pas partie du domaine public maritime ;
4°) de le déclarer propriétaire de la parcelle en cause;
5°) de dire qu'aucune redevance n'est due au titre de l'occupation de cette parcelle qui lui appartient ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure de délimitation des lais et relais côté terre, objet de l'arrêté du 23 janvier 1976 puis d'incorporation, objet de l'arrêté du 20 février 1976, n'a pas été régulière faute d'une information du propriétaire de la parcelle ;
- les arrêtés du 23 janvier 1976 et du 20 février 1976 sont des actes réglementaires dont l'illégalité peut être invoquée à tout moment par la voie de l'exception ;
- en incorporant au domaine public maritime une propriété privée qui n'était pas incluse dans les lais et relais de mer, le préfet a violé la loi.
Par un mémoire enregistré le 19 février 2015, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- l'exception d'illégalité des arrêtés du 23 janvier 1976 et du 20 février 1976 est tardive ;
- les autres moyens ne sont pas fondés.
Par un nouveau mémoire, enregistré le 12 février 2016, M. B...E..., représenté désormais par Me K...L..., conclut aux mêmes fins que sa requête.
Il soutient, en outre, que :
- les arrêtés du 23 janvier 1976 et du 20 février 1976 qui présentent un caractère recognitif peuvent être contestés à tout moment ;
- la réalité de l'enquête publique n'étant pas établie, la procédure de délimitation a été irrégulière ;
- la parcelle acquise le 18 aout 1981 auprès des consorts C...sous le n° AB259, elle-même acquise en 1934 auprès des époux D...s'étend jusqu'au rivage ;
- la parcelle F 150, entrée dans le domaine privé de l'Etat et qui en est sortie en 1910, ne pouvait être intégrée au domaine public.
Vu :
- le rapport d'expertise de M. A...G..., expert et l'ordonnance du 2 septembre 2015 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Douai a liquidé et taxé à la somme de 3 619,68 euros les frais et honoraires de l'expert et à la somme de 2 346 euros les frais et honoraires de M. J...I..., sapiteur, et les a mis à la charge solidaire de M. B...E...et de M. H...E... ;
- les autres pièces du dossier.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 11 mars 2016.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- la loi n° 63-1178 du 28 novembre 1963 ;
- le décret n°66-413 du 17 juin 1966 ;
- le décret n°72-879 du 19 septembre 1972 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
-et les observations de Me K...L..., représentant M. B...E....
1. Considérant que M. B...E...et son épouse ont acquis entre 1976 et 1987 quatre parcelles cadastrées AB 638 (anciennement 259), AB 639, AB 260 et AB 264 situées sur le territoire de la commune de Oye-Plage sur lesquelles ils ont exploité à partir de 1984 le camping des Oyats ; que, par lettre du 19 juin 2009, le coordinateur territorial du littoral a informé le directeur du camping qu'il occupait sans y avoir été autorisé une fraction, d'une superficie de 3 075 m2 de la parcelle cadastrée AB 219 appartenant au domaine public de l'Etat et l'a invité à libérer les lieux ; que, l'administration et la direction du camping n'étant pas parvenues à s'accorder sur le montant d'une redevance d'occupation, M. B...E..., par lettre du 17 janvier 2011 a demandé au directeur départemental des territoires et de la mer du Pas-de-Calais de mettre fin à la procédure engagée à son encontre et de rattacher à sa propriété la parcelle litigieuse jouxtant son camping ; que, par une décision du 11 mars 2011, le directeur départemental des territoires et de la mer a rejeté cette demande au motif que la parcelle, formée de lais et relais de mer, avait été incorporée au domaine public maritime, sur le fondement de la loi du 28 novembre 1963, par un arrêté préfectoral du 23 janvier 1976 portant délimitation du domaine public, devenu définitif ; que cette décision doit être regardée comme un refus de revenir sur la délimitation du domaine public maritime au droit de sa propriété et sur l'incorporation qui en a découlé, prononcée par l'arrêté préfectoral du 20 février 1976 du préfet du Pas-de-Calais ; que, par un jugement du 16 janvier 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté les demandes de M. B...E... ; que ce dernier en relève appel ;
Sur la légalité de la décision du 11 mars 2011 :
2. Considérant que M. B...E...est recevable à invoquer par la voie de l'exception l'illégalité de l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 20 février 1976 portant incorporation des lais et relais de mer constitués avant la promulgation de la loi du 28 novembre 1963 sur le territoire de la commune de Oye-Plage, dont il est constant qu'il n'a fait l'objet d'aucune publication ; que si l'arrêté du 23 janvier 1976 par lequel la même autorité a délimité préalablement le domaine public maritime côté terre, a été régulièrement publié au recueil des actes administratifs, son caractère définitif ne fait pas, par lui-même, obstacle à ce que les énonciations qu'il contient puissent être à tout moment remises en cause, compte tenu de son caractère purement recognitif ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 28 novembre 1963 relative au domaine public maritime dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté du 20 février 1976 : " Peuvent être incorporés au domaine public maritime, sous réserve des droits des tiers, les lais et relais de la mer faisant partie du domaine privé de l'Etat à la date de la promulgation de la présente loi " ; que l'article 2 du décret du 17 juin 1966 pris pour l'application de cette loi prévoit que la délimitation des lais et relais de mer visés à l'article 2 et faisant partie du domaine privé à la date de promulgation de la loi sera faite après enquête, tous droits des tiers étant réservés ; que l'article 2 du décret du 19 septembre 1972 portant modification de la loi n° 63-1178 du 28 novembre 1963 relative au domaine public maritime et fixant les procédures d'incorporation et de déclassement des lais et relais de la mer dispose que : " L'incorporation au domaine public maritime des lais et relais de la mer ayant fait partie du domaine privé de l'Etat à la date de promulgation de la loi susvisée du 28 novembre 1963 est prononcée par arrêté préfectoral " ; que, pour l'application de cette législation, les lais de mer doivent être regardés comme des alluvions déposés par la mer et les relais comme des terrains que la mer découvre en se retirant et que ne submergent plus les plus hautes eaux ; que les dunes provoquées par un phénomène éolien peuvent avoir recouvert les lais ou relais de mer sans en changer la nature ;
4. Considérant que le terrain en litige revendiqué par M.E..., correspondant à la partie de la parcelle AB 219 occupée par le camping, et dont la superficie a été évaluée à 3 075 m2 par l'administration et à 3 446 m2 par l'expert, forme approximativement un triangle compris entre les points Q, R, et T du plan annexé à l'arrêté de délimitation du 23 janvier 1976 ; qu'il est bordé, à l'ouest, par la parcelle AB 260 achetée en 1987 par M. et Mme B...E...à M. et MmeF..., et, au sud, par la parcelle AB 638 (numérotée 259 dans l'ancien cadastre) achetée en 1981 par M. et Mme B...E...aux consortsC... ; que, depuis son incorporation au domaine public maritime par l'arrêté préfectoral du 20 février 1976, ce terrain est compris dans la parcelle cadastrale AB 219 ; que cette parcelle aux dimensions plus vastes correspond aux terrains que l'Etat a intégrés à cette date à son domaine public maritime comme lais et relais de mer ; que, dans les années 1980, M. et Mme B...E...ont débroussaillé et clôturé la partie du terrain en litige dont ils considéraient, en l'absence de bornage, qu'il appartenait à l'ancienne parcelle 259 achetée aux consortsC..., en vue d'agrandir le terrain de camping qu'ils exploitaient sur les parcelles avoisinantes ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des constatations de l'expert, que le terrain contesté se situe à une centaine de mètres au sud du rivage, défini par le plus haut flot, dont il est séparé par un large cordon dunaire fortement végétalisé d'une hauteur de 8 à 10 mètres ; que les plans les plus anciens, qui remontent au XVIIIème siècle, attestent que ni la ligne du rivage, rectiligne à cet endroit, ni le cordon dunaire n'ont sensiblement bougé depuis cette époque ; que rien ne vient établir que le terrain en litige, situé immédiatement derrière le cordon dunaire, correspondrait à des espaces autrefois recouverts en permanence par la mer qui s'en serait retirée à une époque non déterminée ; que l'expert a d'ailleurs conclu " qu'aucun indice, aucun élément ne permet de déceler une occupation de la mer au-delà du talus " constitué par le cordon dunaire, et donc sur le terrain en cause ; qu'il ne ressort pas davantage du rapport d'expertise, des documents cadastraux et des anciens plans d'archive ni des photographies aériennes anciennes et récentes, que ce terrain plat, situé en contrebas du cordon dunaire, appartient ou a appartenu aux vallonnements sableux qui le surplombent ; que le terrain en litige, situé derrière la dune, ne saurait dès lors être regardé comme un lais ou relais de mer selon ce qui a été dit au point 3 ; que l'administration se borne à s'appuyer sur la délimitation à laquelle elle a procédé en 1976 sans en expliquer les raisons ; qu'il s'ensuit que le terrain litigieux d'une superficie maximale de 3 446 m2 actuellement comprise dans la parcelle AB 219 ne saurait être regardé comme un lais ou un relais de mer; que, par suite, son incorporation au domaine public maritime de l'Etat par l'arrêté du 20 février 1976 est entachée d'illégalité ; que, par conséquent, M. B...E...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 mars 2011, par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a refusé de revenir sur la délimitation du domaine public maritime au droit de ce terrain;
Sur les autres conclusions de la requête :
6. Considérant qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative de se prononcer sur les droits que M. B...E...prétend détenir sur le terrain en litige ; qu'en tout état de cause, le constat, par le présent arrêt, que la parcelle en cause n'appartient pas au domaine public maritime n'implique pas que M. B...E...en soit propriétaire ; qu'il appartient au seul juge judiciaire de connaître des conclusions tendant à la reconnaissance d'un droit de propriété sur ce terrain ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B...E...n'est pas le débiteur des redevances d'occupation du domaine public réclamées au gestionnaire du camping des Oyats, désormais assurée par son fils NicolasE... ; que M. B...E...ne justifie en l'espèce d'aucun préjudice propre ; que, par suite, ses conclusions tendant à la décharge des montants de redevance ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les frais d'expertise compris dans les dépens :
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, les dépens liquidés et taxés à la somme de 5 965,68 euros par ordonnance du président de la cour administrative d'appel de Douai du 2 septembre 2015 ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à M. B...E...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°1102818 du tribunal administratif de Lille du 16 janvier 2014 et la décision du 11 mars 2011 du directeur départemental des territoires et de la mer sont annulés.
Article 2 : Les frais d'expertise d'un montant de 5 965,68 euros sont mis à la charge de l'Etat.
Article 3 : L'Etat versera à M. B...E...une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...E...et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer.
Copie en sera adressée pour information à la préfète du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience publique du 21 avril 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- M. Hadi Habchi, premier conseiller.
Lu en audience publique le 4 mai 2016.
Le président-rapporteur,
Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,
président de chambre,
signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : S. DUPUIS
La république mande et ordonne à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier
Sylviane Dupuis
N°14DA0485 2
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...E...a demandé le 11 mai 2011 au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 11 mars 2011 par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a refusé de revenir sur la délimitation du domaine public maritime au droit de sa propriété.
Par un jugement n°1102818 du 16 janvier 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté la demande de M. B...E....
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 17 mars 2014, M. B...E..., représenté par la SELARL Dhorne, Carlier, Khayat demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lille ;
2°) d'annuler en conséquence la décision de rejet de son recours gracieux du directeur départemental des territoires et de la mer du 11 mars 2011 ;
3°) de dire que la parcelle de terrain de 3 075 m2 sur le territoire de la commune de Oye-Plage ne fait pas partie du domaine public maritime ;
4°) de le déclarer propriétaire de la parcelle en cause;
5°) de dire qu'aucune redevance n'est due au titre de l'occupation de cette parcelle qui lui appartient ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure de délimitation des lais et relais côté terre, objet de l'arrêté du 23 janvier 1976 puis d'incorporation, objet de l'arrêté du 20 février 1976, n'a pas été régulière faute d'une information du propriétaire de la parcelle ;
- les arrêtés du 23 janvier 1976 et du 20 février 1976 sont des actes réglementaires dont l'illégalité peut être invoquée à tout moment par la voie de l'exception ;
- en incorporant au domaine public maritime une propriété privée qui n'était pas incluse dans les lais et relais de mer, le préfet a violé la loi.
Par un mémoire enregistré le 19 février 2015, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- l'exception d'illégalité des arrêtés du 23 janvier 1976 et du 20 février 1976 est tardive ;
- les autres moyens ne sont pas fondés.
Par un nouveau mémoire, enregistré le 12 février 2016, M. B...E..., représenté désormais par Me K...L..., conclut aux mêmes fins que sa requête.
Il soutient, en outre, que :
- les arrêtés du 23 janvier 1976 et du 20 février 1976 qui présentent un caractère recognitif peuvent être contestés à tout moment ;
- la réalité de l'enquête publique n'étant pas établie, la procédure de délimitation a été irrégulière ;
- la parcelle acquise le 18 aout 1981 auprès des consorts C...sous le n° AB259, elle-même acquise en 1934 auprès des époux D...s'étend jusqu'au rivage ;
- la parcelle F 150, entrée dans le domaine privé de l'Etat et qui en est sortie en 1910, ne pouvait être intégrée au domaine public.
Vu :
- le rapport d'expertise de M. A...G..., expert et l'ordonnance du 2 septembre 2015 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Douai a liquidé et taxé à la somme de 3 619,68 euros les frais et honoraires de l'expert et à la somme de 2 346 euros les frais et honoraires de M. J...I..., sapiteur, et les a mis à la charge solidaire de M. B...E...et de M. H...E... ;
- les autres pièces du dossier.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 11 mars 2016.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- la loi n° 63-1178 du 28 novembre 1963 ;
- le décret n°66-413 du 17 juin 1966 ;
- le décret n°72-879 du 19 septembre 1972 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Christian Bernier, président-assesseur,
- les conclusions de M. Jean-Michel Riou, rapporteur public,
-et les observations de Me K...L..., représentant M. B...E....
1. Considérant que M. B...E...et son épouse ont acquis entre 1976 et 1987 quatre parcelles cadastrées AB 638 (anciennement 259), AB 639, AB 260 et AB 264 situées sur le territoire de la commune de Oye-Plage sur lesquelles ils ont exploité à partir de 1984 le camping des Oyats ; que, par lettre du 19 juin 2009, le coordinateur territorial du littoral a informé le directeur du camping qu'il occupait sans y avoir été autorisé une fraction, d'une superficie de 3 075 m2 de la parcelle cadastrée AB 219 appartenant au domaine public de l'Etat et l'a invité à libérer les lieux ; que, l'administration et la direction du camping n'étant pas parvenues à s'accorder sur le montant d'une redevance d'occupation, M. B...E..., par lettre du 17 janvier 2011 a demandé au directeur départemental des territoires et de la mer du Pas-de-Calais de mettre fin à la procédure engagée à son encontre et de rattacher à sa propriété la parcelle litigieuse jouxtant son camping ; que, par une décision du 11 mars 2011, le directeur départemental des territoires et de la mer a rejeté cette demande au motif que la parcelle, formée de lais et relais de mer, avait été incorporée au domaine public maritime, sur le fondement de la loi du 28 novembre 1963, par un arrêté préfectoral du 23 janvier 1976 portant délimitation du domaine public, devenu définitif ; que cette décision doit être regardée comme un refus de revenir sur la délimitation du domaine public maritime au droit de sa propriété et sur l'incorporation qui en a découlé, prononcée par l'arrêté préfectoral du 20 février 1976 du préfet du Pas-de-Calais ; que, par un jugement du 16 janvier 2014, le tribunal administratif de Lille a rejeté les demandes de M. B...E... ; que ce dernier en relève appel ;
Sur la légalité de la décision du 11 mars 2011 :
2. Considérant que M. B...E...est recevable à invoquer par la voie de l'exception l'illégalité de l'arrêté du préfet du Pas-de-Calais du 20 février 1976 portant incorporation des lais et relais de mer constitués avant la promulgation de la loi du 28 novembre 1963 sur le territoire de la commune de Oye-Plage, dont il est constant qu'il n'a fait l'objet d'aucune publication ; que si l'arrêté du 23 janvier 1976 par lequel la même autorité a délimité préalablement le domaine public maritime côté terre, a été régulièrement publié au recueil des actes administratifs, son caractère définitif ne fait pas, par lui-même, obstacle à ce que les énonciations qu'il contient puissent être à tout moment remises en cause, compte tenu de son caractère purement recognitif ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 2 de la loi du 28 novembre 1963 relative au domaine public maritime dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté du 20 février 1976 : " Peuvent être incorporés au domaine public maritime, sous réserve des droits des tiers, les lais et relais de la mer faisant partie du domaine privé de l'Etat à la date de la promulgation de la présente loi " ; que l'article 2 du décret du 17 juin 1966 pris pour l'application de cette loi prévoit que la délimitation des lais et relais de mer visés à l'article 2 et faisant partie du domaine privé à la date de promulgation de la loi sera faite après enquête, tous droits des tiers étant réservés ; que l'article 2 du décret du 19 septembre 1972 portant modification de la loi n° 63-1178 du 28 novembre 1963 relative au domaine public maritime et fixant les procédures d'incorporation et de déclassement des lais et relais de la mer dispose que : " L'incorporation au domaine public maritime des lais et relais de la mer ayant fait partie du domaine privé de l'Etat à la date de promulgation de la loi susvisée du 28 novembre 1963 est prononcée par arrêté préfectoral " ; que, pour l'application de cette législation, les lais de mer doivent être regardés comme des alluvions déposés par la mer et les relais comme des terrains que la mer découvre en se retirant et que ne submergent plus les plus hautes eaux ; que les dunes provoquées par un phénomène éolien peuvent avoir recouvert les lais ou relais de mer sans en changer la nature ;
4. Considérant que le terrain en litige revendiqué par M.E..., correspondant à la partie de la parcelle AB 219 occupée par le camping, et dont la superficie a été évaluée à 3 075 m2 par l'administration et à 3 446 m2 par l'expert, forme approximativement un triangle compris entre les points Q, R, et T du plan annexé à l'arrêté de délimitation du 23 janvier 1976 ; qu'il est bordé, à l'ouest, par la parcelle AB 260 achetée en 1987 par M. et Mme B...E...à M. et MmeF..., et, au sud, par la parcelle AB 638 (numérotée 259 dans l'ancien cadastre) achetée en 1981 par M. et Mme B...E...aux consortsC... ; que, depuis son incorporation au domaine public maritime par l'arrêté préfectoral du 20 février 1976, ce terrain est compris dans la parcelle cadastrale AB 219 ; que cette parcelle aux dimensions plus vastes correspond aux terrains que l'Etat a intégrés à cette date à son domaine public maritime comme lais et relais de mer ; que, dans les années 1980, M. et Mme B...E...ont débroussaillé et clôturé la partie du terrain en litige dont ils considéraient, en l'absence de bornage, qu'il appartenait à l'ancienne parcelle 259 achetée aux consortsC..., en vue d'agrandir le terrain de camping qu'ils exploitaient sur les parcelles avoisinantes ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et notamment des constatations de l'expert, que le terrain contesté se situe à une centaine de mètres au sud du rivage, défini par le plus haut flot, dont il est séparé par un large cordon dunaire fortement végétalisé d'une hauteur de 8 à 10 mètres ; que les plans les plus anciens, qui remontent au XVIIIème siècle, attestent que ni la ligne du rivage, rectiligne à cet endroit, ni le cordon dunaire n'ont sensiblement bougé depuis cette époque ; que rien ne vient établir que le terrain en litige, situé immédiatement derrière le cordon dunaire, correspondrait à des espaces autrefois recouverts en permanence par la mer qui s'en serait retirée à une époque non déterminée ; que l'expert a d'ailleurs conclu " qu'aucun indice, aucun élément ne permet de déceler une occupation de la mer au-delà du talus " constitué par le cordon dunaire, et donc sur le terrain en cause ; qu'il ne ressort pas davantage du rapport d'expertise, des documents cadastraux et des anciens plans d'archive ni des photographies aériennes anciennes et récentes, que ce terrain plat, situé en contrebas du cordon dunaire, appartient ou a appartenu aux vallonnements sableux qui le surplombent ; que le terrain en litige, situé derrière la dune, ne saurait dès lors être regardé comme un lais ou relais de mer selon ce qui a été dit au point 3 ; que l'administration se borne à s'appuyer sur la délimitation à laquelle elle a procédé en 1976 sans en expliquer les raisons ; qu'il s'ensuit que le terrain litigieux d'une superficie maximale de 3 446 m2 actuellement comprise dans la parcelle AB 219 ne saurait être regardé comme un lais ou un relais de mer; que, par suite, son incorporation au domaine public maritime de l'Etat par l'arrêté du 20 février 1976 est entachée d'illégalité ; que, par conséquent, M. B...E...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 11 mars 2011, par laquelle le préfet du Pas-de-Calais a refusé de revenir sur la délimitation du domaine public maritime au droit de ce terrain;
Sur les autres conclusions de la requête :
6. Considérant qu'il n'appartient pas à la juridiction administrative de se prononcer sur les droits que M. B...E...prétend détenir sur le terrain en litige ; qu'en tout état de cause, le constat, par le présent arrêt, que la parcelle en cause n'appartient pas au domaine public maritime n'implique pas que M. B...E...en soit propriétaire ; qu'il appartient au seul juge judiciaire de connaître des conclusions tendant à la reconnaissance d'un droit de propriété sur ce terrain ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. B...E...n'est pas le débiteur des redevances d'occupation du domaine public réclamées au gestionnaire du camping des Oyats, désormais assurée par son fils NicolasE... ; que M. B...E...ne justifie en l'espèce d'aucun préjudice propre ; que, par suite, ses conclusions tendant à la décharge des montants de redevance ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les frais d'expertise compris dans les dépens :
8. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, les dépens liquidés et taxés à la somme de 5 965,68 euros par ordonnance du président de la cour administrative d'appel de Douai du 2 septembre 2015 ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros à verser à M. B...E...sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n°1102818 du tribunal administratif de Lille du 16 janvier 2014 et la décision du 11 mars 2011 du directeur départemental des territoires et de la mer sont annulés.
Article 2 : Les frais d'expertise d'un montant de 5 965,68 euros sont mis à la charge de l'Etat.
Article 3 : L'Etat versera à M. B...E...une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...E...et à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer.
Copie en sera adressée pour information à la préfète du Pas-de-Calais.
Délibéré après l'audience publique du 21 avril 2016 à laquelle siégeaient :
- M. Olivier Yeznikian, président de chambre,
- M. Christian Bernier, président-assesseur,
- M. Hadi Habchi, premier conseiller.
Lu en audience publique le 4 mai 2016.
Le président-rapporteur,
Signé : C. BERNIERLe premier vice-président de la cour,
président de chambre,
signé : O. YEZNIKIAN
Le greffier,
Signé : S. DUPUIS
La république mande et ordonne à la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer en ce qui les concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme,
Le greffier en chef,
Par délégation,
Le greffier
Sylviane Dupuis
N°14DA0485 2