CAA de MARSEILLE, 2ème chambre - formation à 3, 28/04/2016, 14MA02945, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... A...a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui payer la somme de 105 032,13 euros en réparation des préjudices subis, d'ordonner une expertise et de condamner l'office au versement d'une somme de 10 000 euros à titre provisionnel.

Par un jugement n° 1203923 du 6 mai 2014, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 7 juillet 2014, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 mai 2014 ;

2°) de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à lui payer la somme de 105 032,13 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.



Elle soutient que :

- elle a apporté des éléments concordants de nature à démontrer la réalité d'une transfusion de produits sanguins et de faire présumer que sa contamination par le virus de l'hépatite C a une origine transfusionnelle ;
- son état n'étant pas consolidé, il y a lieu d'indemniser ses préjudices temporaires ;
- elle justifie d'un préjudice économique pour un montant de 32,13 euros ;
- une somme de 2 000 euros viendra réparer son déficit fonctionnel temporaire ;
- elle a subi des souffrances justifiant que lui soit allouée la somme de 3 000 euros ;
- le préjudice spécifique de contamination qu'elle endure justifie une indemnisation à hauteur de 100 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 octobre 2014, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- Mme A... n'apporte pas la preuve de l'existence d'une transfusion de produits sanguins ;
- l'origine transfusionnelle de la contamination par le virus de l'hépatite C n'est pas établie.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002, notamment son article 102 ;
- le code de justice administrative.


Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.


Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duran-Gottschalk, rapporteure,
- et les conclusions de Mme Chamot, rapporteure publique.


1. Considérant que Mme A... a découvert en 2000 qu'elle avait été contaminée par le virus de l'hépatite C ; qu'imputant cette contamination à une transfusion qu'elle aurait subie lors d'une intervention chirurgicale le 19 décembre 1975 pratiquée à la clinique Pasteur de Ris-Orangis, elle a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales à réparer les préjudices subis ; qu'elle relève appel du jugement du 6 mai 2014 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;




Sur le bien-fondé du jugement :


2. Considérant qu'aux termes de l'article 102 de la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé : " En cas de contestation relative à l'imputabilité d'une contamination par le virus de l'hépatite C antérieure à la date d'entrée en vigueur de la présente loi, le demandeur apporte des éléments qui permettent de présumer que cette contamination a pour origine une transfusion de produits sanguins labiles ou une injection de médicaments dérivés du sang. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que cette transfusion ou cette injection n'est pas à l'origine de la contamination. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Le doute profite au demandeur (...) " ;


3. Considérant que la présomption légale instituée par cette disposition s'applique à la relation de cause à effet entre une transfusion sanguine et la contamination par le virus de l'hépatite C ultérieurement constatée mais ne concerne pas l'existence même de la transfusion ; qu'il incombe donc au demandeur d'établir l'existence de la transfusion qu'il affirme avoir subie conformément aux règles de droit commun gouvernant la charge de la preuve devant le juge administratif ; que cette preuve peut être apportée par tout moyen et est susceptible de résulter, notamment dans l'hypothèse où les archives de l'hôpital ou du centre de transfusion sanguine ont disparu, de témoignages et d'indices concordants dont les juges du fond apprécient souverainement la valeur ;


4. Considérant que, pour établir la matérialité de la transfusion qu'elle soutient avoir subie lors de l'intervention chirurgicale du 19 décembre 1975, Mme A... produit, en appel comme en première instance, le compte rendu de cette opération d'ablation d'un kyste dermoïde de l'ovaire droit, qui ne mentionne pas la réalisation d'une transfusion ; que si le praticien a indiqué dans ce compte rendu qu'un petit fragment prélevé présentait " l'aspect d'un petit kyste lutéinique hémorragique ", cette seule mention ne démontre ni la réalité ni la nécessité d'une transfusion ; que l'attestation de la mère de Mme A..., qui témoigne de ce que sa fille a fait l'objet d'une transfusion lors de l'intervention du 19 décembre 1975, ne permet pas, eu égard à son caractère insuffisamment circonstancié, de démontrer l'existence d'une transfusion ; qu'enfin, le fait que Mme A... soit atteinte d'un virus de l'hépatite C de génotype 1b, dont le mode de contamination le plus fréquent est d'origine transfusionnelle, ne permet pas non plus d'établir cette existence ; que, dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la réalité de la transfusion qui pourrait être à l'origine de la contamination de l'appelante par le virus de l'hépatite C lors de l'intervention pratiquée le 19 décembre 1975 n'était pas établie par Mme A... ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ;



Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

6. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à Mme A... une somme que celle-ci réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;


D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2016, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,
- MmeC..., première conseillère,
- Mme Duran-Gottschalk, première conseillère.

Lu en audience publique, le 28 avril 2016.
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N° 14MA02945



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