CAA de BORDEAUX, 1ère chambre (formation à trois), 03/03/2016, 14BX02401, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Les Ateliers 2/3/4 a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la décision du 12 décembre 2011 par laquelle le centre hospitalier universitaire (CHU) de Poitiers a réduit de 60% le montant de la prime devant lui être allouée dans le cadre du concours de maîtrise d'oeuvre organisé pour la construction d'un bâtiment, ensemble la décision du 21 février 2012 par laquelle la même autorité a rejeté son recours gracieux, et de condamner le CHU de Poitiers à lui verser la somme de 70 000 euros hors taxes au titre de la prime fixée à l'article 8 du règlement du concours.

Par un jugement n° 1200529 du 18 juin 2014, le tribunal administratif de Poitiers a condamné le CHU de Potiers à verser à la SARL Les Ateliers 2/3/4 la somme de 49 000 euros hors taxes incluant la somme de 28 000 euros hors taxes déjà versée.





Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 6 août 2014, le CHU de Poitiers, représenté par Me C... demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 18 juin 2014 ;

2°) de rejeter la demande de la SARL Les Ateliers 2/3/4 ;

3°) de mettre à la charge de la SARL Les Ateliers 2/3/4, la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

...........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;


Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.






Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-Claude Pauziès, président-assesseur ;
- les conclusions de M. Nicolas Normand, rapporteur public ;
- et les observations de MeA..., représentant du CHU de Poitiers, et de Me B..., représentant de la Sarl Les Ateliers 2/3/4.



Considérant ce qui suit :

1. Par avis d'appel public à la concurrence publié le 25 mars 2011, le CHU de Poitiers a engagé une procédure de concours restreint de maîtrise d'oeuvre portant sur la construction d'un bâtiment de direction. Trois candidats, dont la SARL Les Ateliers 2/3/4 ont participé au concours. Par courrier en date du 12 décembre 2011, le directeur général du CHU de Poitiers a informé la SARL Les Ateliers 2/3/4 de sa décision, prise au vu de l'avis du jury, d'une part, de ne pas retenir son projet, et, d'autre part, de ne lui attribuer que 40 % du montant de la prime de 70 000 euros hors taxes prévue par le règlement du concours, soit une somme de 28 000 euros hors taxes. Le CHU de Poitiers relève appel du jugement du 18 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Poitiers l'a condamné à verser à la SARL Les Ateliers 2/3/4 une somme de 49 000 euros hors taxes incluant la somme de 28 000 euros déjà versée.


Sur le bien fondé de la réduction de prime :

2. Aux termes de l'article 74 du code des marchés publics, dans sa rédaction alors en vigueur : " I. - Les marchés de maîtrise d'oeuvre ont pour objet, en vue de la réalisation d'un ouvrage ou d'un projet urbain ou paysager, l'exécution d'un ou plusieurs éléments de mission définis par l'article 7 de la loi du 12 juillet 1985 susmentionnée et par le décret du 29 novembre 1993 susmentionné./ II. - Les marchés de maîtrise d'oeuvre d'un montant égal ou supérieur aux seuils des marchés formalisés fixés au II de l'article 26 sont passés selon la procédure du concours dans les conditions précisées ci-après. Ils peuvent toutefois être passés selon la procédure adaptée lorsque leur montant est inférieur à ces mêmes seuils. Dans le cas de marchés de maîtrise d'oeuvre passés en procédure adaptée, toute remise de prestations donne lieu au versement d'une prime. / III. - Le concours mentionné ci-dessus est un concours restreint organisé dans les conditions définies à l'article 70. / Les candidats ayant remis des prestations conformes au règlement du concours bénéficient d'une prime. L'avis d'appel public à la concurrence indique le montant de cette prime. Le montant de la prime attribuée à chaque candidat est égal au prix estimé des études à effectuer par les candidats telles que définies dans l'avis d'appel public à la concurrence et précisées dans le règlement du concours, affecté d'un abattement au plus égal à 20 %. / (...) ". Aux termes de l'article 70 du même code : " (...) V. - Les prestations des candidats sont ensuite transmises au jury qui les évalue, en vérifie la conformité au règlement du concours et en propose un classement fondé sur les critères indiqués dans l'avis d'appel public à concurrence. Le jury dresse un procès-verbal de l'examen des prestations, dans lequel il consigne ses observations et tout point nécessitant des éclaircissements, et formule un avis motivé. Ce procès-verbal est signé par tous les membres du jury. L'anonymat est respecté jusqu'à l'avis du jury. / VI. - Le jury peut ensuite inviter les candidats à répondre aux questions qu'il a consignées dans ce procès-verbal afin de clarifier tel ou tel aspect d'un projet. Un procès-verbal complet du dialogue entre les membres du jury et les candidats est établi. / VII. - Après réception de l'avis et des procès-verbaux du jury, et après examen de l'enveloppe contenant le prix, le ou les lauréats du concours sont choisis par le pouvoir adjudicateur. / Des primes sont allouées aux candidats conformément aux propositions du jury(...) ". L'article 8 du règlement du concours prévoyait le versement d'une indemnité d'un montant de 70 000 euros hors taxes aux candidats non retenus et précisait également que cette indemnité pourrait être réduite ou supprimée conformément aux propositions du jury dans les cas suivants : l'offre n'est pas complète, l'offre ne répond pas au programme du concours, l'offre ne répond pas aux exigences de l'anonymat.

3. Le pouvoir adjudicateur et les candidats sélectionnés par un jury pour exécuter les prestations visant à l'attribution d'un marché de maîtrise d'oeuvre sont, indépendamment de l'attribution de ce marché, engagés dans un contrat ayant pour objet la remise de prestations conformes aux documents de la consultation et pour prix, conformément aux dispositions du code des marchés publics citées ci-dessus, une prime susceptible d'être réduite ou supprimée conformément aux propositions du jury.

4. Par délibération du 8 décembre 2011, le jury a proposé au CHU de Poitiers de réduire de 60 % l'indemnité prévue par l'article 8 du règlement du concours en la fixant à la somme de 28 000 euros au motif que le projet présenté par la SARL Les Ateliers 2/3/4 n'est pas conforme au règlement du concours. Par décision du 12 décembre 2011, le directeur général du CHU de Poitiers a approuvé cette proposition. Pour apprécier le bien fondé de cette réduction, il appartient au juge du contrat, juge de plein contentieux, de se prononcer au vu de l'ensemble des circonstances de fait dont il est justifié par l'une et l'autre partie à la date de sa décision. Ainsi et contrairement à ce que soutient l'appelant, les premiers juges pouvaient apprécier le bien fondé du montant de la réduction de la prime et modifier le montant de celle accordée à la SARL Les Ateliers 2/3/4.

5. Le CHU de Poitiers soutient également que, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la SARL Les Ateliers 2/3/4 ne pouvait prétendre à une indemnité supérieure à celle que le jury a proposé de lui accorder. En premier lieu, au titre de la non-conformité du projet au règlement du concours, il est reproché à la SARL Les Ateliers 2/3/4 d'avoir présenté une axonométrie non demandée dans le règlement du concours alors que les prescriptions de l'article 4.5.3 de ce règlement prévoient que " la liste des documents à remettre est strictement limitative. La remise de documents non demandés constitue un motif d'exclusion. ". Si la SARL Les Ateliers 2/3/4 a fait valoir devant le tribunal que ce document a été produit pour améliorer la lecture et la compréhension du projet, il est constant que la production de cette représentation en perspective n'était pas prévue par le règlement du concours, ce qui permettait de retenir une non-conformité.

6. En deuxième lieu, le jury du concours a relevé dans le procès verbal du 8 décembre 2011 que la SARL Les Ateliers 2/3/4 avait omis de faire figurer le tableau des surfaces et l'affectation des locaux sur les plans comme le prévoient les prescriptions du C de l'article 4.4.2 du règlement du concours, qui précise que " les plans des niveaux doivent faire apparaître l'affectation des espaces avec des tableaux récapitulatifs des surfaces programme/projet. ". Si la SARL Les Ateliers 2/3/4 a soutenu dans ses écritures de première instance qu'elle a respecté le règlement du concours sur ce point, elle n'a produit aucune pièce permettant de l'établir.

7. En troisième lieu, le jury a également relevé des " non conformités fonctionnelles " en soulignant que les trois salles de réunion de 60 m² ne sont pas en liaison directe avec la cuisine et ne sont pas réparties dans les espaces de travail, et que le hall ne permet pas l'accès direct vers toutes les fonctions du bâtiment, en contradiction avec les prescriptions énoncées aux points IV.4.6, IV.4.3 et IV.4.2 du programme fonctionnel du concours. Le point IV.4.6 du programme fonctionnel énonce que la salle de réception de 165 m² issue de la transformation de trois salles de réunion est située au rez-de-chaussée comme la cuisine, dans ces conditions, la SARL Les Ateliers 2/3/4 ne peut utilement faire valoir que la liaison directe entre ces deux sites pouvait être assurée par un monte-charge. De même, il est constant que le projet de la SARL Les Ateliers 2/3/4 prévoyait le regroupement des salles de réunion alors que le point IV.3 relatif à l'organisation des activités communes de proximité impliquait une répartition des salles de réunions au " coeur des espaces de travail ". S'agissant de l'accès aux locaux du Trésor public, il ressort des plans produits en première instance que les locaux du Trésor public n'étaient pas visibles depuis le hall d'entrée alors que le point IV.4.2 du programme fonctionnel imposait une installation au rez-de-chaussée " en liaison directe avec le hall ".

8. Dans sa décision du 12 décembre 2011 reprenant la proposition de minoration du montant de la prime, le CHU de Poitiers a également précisé que la surface utile du projet est nettement supérieure à la surface du programme, que la liaison entre la cuisine et la salle de réception de la direction générale n'est pas directe, que le service informatique situé au rez-de-chaussée n'est pas en liaison avec le quai de livraison, et que les performances des parois sont calculées selon la réglementation thermique 2005 et non la réglementation thermique 2012. Dans sa requête, le CHU de Poitiers admet que ce dernier grief a été relevé par erreur. La SARL Les Ateliers 2/3/4 ne contestait pas utilement devant le tribunal le dépassement de surface qui lui est reproché en se bornant à faire valoir que le dépassement est minime, de l'ordre de 4 % pour la surface utile. De même, alors que le programme fonctionnel prévoit que le service informatique doit être implanté en liaison directe avec l'aire et les quais de livraison, il est constant que le projet présenté par la SARL Les Ateliers 2/3/4 prévoyait que le service informatique est situé à 30 mètres du quai et n'est accessible du quai qu'à l'aide d'un monte-charge. Dans ces conditions, et alors même que le dernier grief retenu par le pouvoir adjudicateur, relatif à la liaison entre la salle de réception de la direction générale et la cuisine, n'apparaît pas établi, l'offre de la SARL Les Ateliers 2/3/4 n'étant pas conforme aux prescriptions du règlement de concours et du programme fonctionnel précitées, le CHU de Poitiers a pu à bon droit procéder à la réduction de 60 % de la prime. Par suite, le CHU de Poitiers est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement contesté, le tribunal administratif de Poitiers l'a condamné à verser à la SARL Les Ateliers 2/3/4 la somme de 49 000 euros hors taxes incluant la somme de 28 000 euros déjà versée.

9. Il y a lieu pour la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens invoqués en première instance par la SARL Les Ateliers 2/3/4.

10. La SARL Les Ateliers 2/3/4 soutient que la décision du 12 décembre 2011 est illégale compte tenu de l'insuffisante motivation de la proposition du jury. Toutefois, la proposition du jury énonce les points de non-conformité relevés à l'encontre du projet présenté par la SARL, qui sont également explicités dans le corps du procès-verbal. Par suite, et en tout état de cause, ce moyen ne peut qu'être écarté.

11. Il résulte de tout ce qui précède que le CHU de Poitiers est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers l'a condamné à payer à la SARL Les Ateliers 2/3/4 la somme de 49 000 euros hors taxes incluant la somme de 28 000 euros hors taxes déjà versée.




Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la SARL Les Ateliers 2/3/4 une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par le CHU de Poitiers et non compris dans les dépens.


DECIDE :


Article 1er : Le jugement du 18 juin 2014 du tribunal administratif de Poitiers est annulé.
Article 2 : La demande présentée par la SARL Les Ateliers 2/3/4 devant le tribunal administratif de Poitiers est rejetée.
Article 3 : La SARL Les Ateliers 2/3/4 versera au CHU de Poitiers une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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