CAA de MARSEILLE, 3ème chambre - formation à 3, 14/01/2016, 14MA02103, Inédit au recueil Lebon
CAA de MARSEILLE, 3ème chambre - formation à 3, 14/01/2016, 14MA02103, Inédit au recueil Lebon
CAA de MARSEILLE - 3ème chambre - formation à 3
- N° 14MA02103
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
jeudi
14 janvier 2016
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2005 et 2006.
Par un jugement n° 1106985 du 4 février 2014, le tribunal administratif de Marseille a prononcé la décharge des pénalités prévues par l'article 1729 du code général des impôts en tant qu'elles ont été appliquées aux rappels relatifs aux allocations pour frais d'emploi et a rejeté le surplus de la demande de M. et Mme A....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 13 mai 2014 et des mémoires en réplique enregistrés le 28 juillet 2015, le 16 septembre 2015 et le 11 décembre 2015, M. et Mme A..., représentés par Me C... du cabinet Ernst et Young, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 février 2014 en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande ;
2°) d'accorder la décharge des impositions et pénalités auxquelles ils restent assujettis ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la procédure d'examen de situation fiscale personnelle est entachée d'irrégularité en ce que l'administration a utilisé des documents saisis dans le cadre d'une procédure de visite et de saisie sans les faire bénéficier des garanties prévues à l'article L. 16 B, IV, d du livre des procédures fiscales ;
- les conséquences financières à la suite de l'entretien avec l'interlocuteur départemental du 7 janvier 2010 ne leur ont pas été communiquées ;
- le service ne peut, en l'absence de motivation de la procédure de taxation prévue à l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, ni appliquer cette procédure ni imposer les sommes en tant que revenus d'origine indéterminée ;
- les sommes imposées à tort comme revenus d'origine indéterminée correspondent à des remboursements de frais professionnels et à des indemnités pour déplacement à l'étranger qui sont exonérées d'impôt sur le revenu sur le fondement de l'article 81 A, II du code général des impôts ;
- la somme de 85 000 euros inscrite au crédit du compte grec Alpha Bank au titre de 2006 procède d'une opération triangulaire se traduisant par un virement interne n'ayant pas le caractère d'un revenu imposable ;
- les rectifications notifiées ne doivent pas être soumises aux prélèvements sociaux ;
- la lettre n° 2001-91 de la DIROR précise que la contribution sociale généralisée et la contribution au remboursement de la dette sociale ne sont pas dues sur les revenus d'activité et de remplacement et que les assurés volontaires à la caisse des français de l'étranger n'en sont pas redevables ;
- l'application de la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses visée à l'article 1729 b du code général des impôts est injustifiée.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 septembre 2014 et le 17 septembre 2015, le ministre chargé du budget conclut au non-lieu partiel à statuer sur les dégrèvements prononcés et au rejet du surplus de la requête.
Le ministre fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé et soutient en outre que :
- c'est à bon droit que les sommes qualifiées de remboursements et d'indemnités pour frais de séjour dont la nature n'est pas établie ont été taxées en tant que revenus d'origine indéterminée ;
- les appelants n'apportent pas la preuve que les montants litigieux correspondent à des indemnités de déplacement à l'étranger se rattachant à l'exécution de contrats de travail ;
- à titre subsidiaire, l'administration entend solliciter une substitution de base légale et l'imposition desdites sommes correspondant à des suppléments de rémunérations liés à l'expatriation, dans la catégorie des traitements et salaires ;
- dans cette hypothèse, lesdites sommes ne peuvent toutefois bénéficier des dispositions de l'article 81 A, II du code général des impôts ;
- quant aux pénalités, l'administration entend substituer à la majoration pour manoeuvres frauduleuses en litige, la majoration pour manquement délibéré de 40 % ; le certificat de dégrèvement correspondant sera adressé à la Cour.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- l'ordonnance en date du 16 septembre 2015 fixant la clôture d'instruction au 19 octobre 2015, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative
- le mémoire en réplique, présenté pour les requérants, enregistré le 11 décembre 2015, postérieurement à la clôture de l'instruction et non communiqué.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli,
- les conclusions de M. Maury, rapporteur public,
- et les observations de Me C... du cabinet Ernst et Young, représentant M. et Mme A....
1. Considérant que M. et Mme A... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle portant sur la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006 à l'issue duquel l'administration fiscale leur a notifié par proposition de rectification du 31 octobre 2008, des redressements en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ; que les requérants interjettent appel du jugement en date du 4 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2005 et 2006 ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant que, par décisions en date des 3 et 13 octobre 2014, postérieures à l'enregistrement de la requête, l'administration fiscale a dégrevé les requérants d'une fraction des pénalités infligées au titre des années 2005 et 2006 à hauteur d'un montant total de 50 387 euros ; que les conclusions de M. et Mme A... sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur le surplus des conclusions de M. et Mme A... :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'opération de visite et de saisie en cause, effectuée le 21 septembre 2006 antérieurement à la promulgation de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie : " I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut (...) autoriser les agents de l'administration des impôts (...) à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie. / II. Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter ou d'un juge délégué par lui. / (...) L'ordonnance mentionnée au premier alinéa n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure pénale (...). / (...) IV. Un procès-verbal relatant les modalités et le déroulement de l'opération et consignant les constatations effectuées est dressé sur-le-champ par les agents de l'administration des impôts. Un inventaire des pièces et documents saisis lui est annexé s'il y a lieu. (...) " ;
4. Considérant, d'une part, qu'à la suite de l'arrêt Ravon et autres c/France (n° 18497/03) du 21 février 2008 par lequel la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que les voies de recours ouvertes aux contribuables pour contester la régularité des visites et saisies opérées sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ne garantissaient pas l'accès à un procès équitable au sens de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 164 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie a prévu, pour les opérations mentionnées à l'article L. 16 B pour lesquelles le procès-verbal ou l'inventaire avait été remis ou réceptionné antérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi et alors même que l'ordonnance du juge compétent du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter aurait fait l'objet d'un pourvoi ayant donné lieu à cette date à une décision de rejet du juge de cassation, une procédure d'appel devant le premier président de la cour d'appel contre l'ordonnance autorisant la visite et un recours devant ce même juge contre le déroulement des opérations de visite et de saisie, les ordonnances rendues par ce dernier étant susceptibles d'un pourvoi en cassation ; que le d) du 1 du IV du même article 164 dispose, d'une part, que cet appel et ce recours sont ouverts notamment " lorsque, à partir d'éléments obtenus par l'administration dans le cadre d'une procédure de visite et de saisie, des impositions ont été établies (...) et qu'elles font ou sont encore susceptibles de faire l'objet, à la date de l'entrée en vigueur de la présente loi, (...) d'un recours contentieux devant le juge, sous réserve des affaires dans lesquelles des décisions sont passées en force de chose jugée " et, d'autre part, que " le juge, informé par l'auteur de l'appel ou du recours ou par l'administration, sursoit alors à statuer jusqu'au prononcé de l'ordonnance du premier président de la cour d'appel " ; que le 3 du IV de ce même article fait obligation à l'administration d'informer les personnes visées par l'ordonnance ou par les opérations de visite et de saisie de l'existence de ces voies de recours et du délai de deux mois ouvert à compter de la réception de cette information pour, le cas échéant, faire appel contre l'ordonnance ou former un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie, cet appel et ce recours étant exclusifs de toute appréciation par le juge du fond de la régularité du déroulement de ces opérations ; qu'il précise qu'en l'absence d'information de la part de l'administration, ces personnes peuvent exercer cet appel ou ce recours sans condition de délai ;
5. Considérant, d'autre part, qu'il résulte d'une jurisprudence établie de la Cour de cassation et d'une décision n° 370443 du Conseil d'Etat en date du 27 juillet 2015 que cette contestation peut également être formée par des tiers à l'objet de la visite, dès lors que des impositions ont été établies, ou des rectifications effectuées, à leur encontre, à partir d'éléments obtenus par l'administration dans le cadre d'une telle opération ; qu'il appartient ainsi à un tiers à l'objet de la visite, s'il s'y croit fondé et, en cas d'absence d'information de la part de l'administration quant à l'existence de ces voies de recours, de saisir, sans qu'une condition de délai puisse lui être opposée, le premier président de la cour d'appel compétent ;
6. Considérant qu'il résulte de la proposition de rectification en date du 31 octobre 2008 que le vérificateur a entendu fonder une fraction des impositions contestées par M. A... sur des informations nécessairement obtenues lors de la procédure de visite et de saisie dont a fait l'objet la société IACT ; qu'en outre, il ne résulte pas de l'instruction que les contribuables auraient, en l'espèce, été mis à même d'exercer, dans des conditions conformes aux dispositions du IV de l'article 164 de la loi du 4 août 2008, les voies de recours ouvertes par ces dispositions ; qu'en effet, dans ses mémoires en défense, l'administration fiscale, en se bornant à faire valoir que la voie de recours n'est ouverte qu'aux seules parties concernées par la visite domiciliaire, n'établit ni même n'allègue avoir informé M. et Mme A... de l'existence de voies de recours et du délai de deux mois ouvert à compter de la réception de cette information prévue par les dispositions du 3 du IV de l'article 164 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, de surseoir à statuer sur la requête de M. et Mme A... aux fins de leur permettre, s'ils s'y croient fondés, de saisir le premier président de la cour d'appel territorialement compétente en application de ces dispositions transitoires ; qu'il y a lieu d'octroyer aux requérants un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt à cette fin ;
DÉCIDE :
Article 1er : A concurrence de la somme de 50 387 (cinquante mille trois cent quatre-vingt-sept) euros en ce qui concerne les pénalités appliquées aux impositions des années 2005 et 2006, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge de M. et MmeA....
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de M. et Mme A... à fin de leur permettre, s'ils s'y croient fondés, de saisir le premier président de la cour d'appel territorialement compétente en application des dispositions transitoires instaurées par l'article 164 de la loi du 4 août 2008.
Article 3 : Un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt est octroyé à M. et Mme A... à cette fin. M. et Mme A... devront, le cas échéant, justifier devant la cour de la saisine, en application de l'article 2, de la juridiction compétente.
Article 4 : Tous droits et moyens sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Bédier, président de chambre
- Mme Paix, président assesseur
- M. Haïli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 janvier 2016.
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N° 14MA02103 2
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Marseille la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2005 et 2006.
Par un jugement n° 1106985 du 4 février 2014, le tribunal administratif de Marseille a prononcé la décharge des pénalités prévues par l'article 1729 du code général des impôts en tant qu'elles ont été appliquées aux rappels relatifs aux allocations pour frais d'emploi et a rejeté le surplus de la demande de M. et Mme A....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 13 mai 2014 et des mémoires en réplique enregistrés le 28 juillet 2015, le 16 septembre 2015 et le 11 décembre 2015, M. et Mme A..., représentés par Me C... du cabinet Ernst et Young, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 février 2014 en tant qu'il a rejeté le surplus de leur demande ;
2°) d'accorder la décharge des impositions et pénalités auxquelles ils restent assujettis ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la procédure d'examen de situation fiscale personnelle est entachée d'irrégularité en ce que l'administration a utilisé des documents saisis dans le cadre d'une procédure de visite et de saisie sans les faire bénéficier des garanties prévues à l'article L. 16 B, IV, d du livre des procédures fiscales ;
- les conséquences financières à la suite de l'entretien avec l'interlocuteur départemental du 7 janvier 2010 ne leur ont pas été communiquées ;
- le service ne peut, en l'absence de motivation de la procédure de taxation prévue à l'article L. 69 du livre des procédures fiscales, ni appliquer cette procédure ni imposer les sommes en tant que revenus d'origine indéterminée ;
- les sommes imposées à tort comme revenus d'origine indéterminée correspondent à des remboursements de frais professionnels et à des indemnités pour déplacement à l'étranger qui sont exonérées d'impôt sur le revenu sur le fondement de l'article 81 A, II du code général des impôts ;
- la somme de 85 000 euros inscrite au crédit du compte grec Alpha Bank au titre de 2006 procède d'une opération triangulaire se traduisant par un virement interne n'ayant pas le caractère d'un revenu imposable ;
- les rectifications notifiées ne doivent pas être soumises aux prélèvements sociaux ;
- la lettre n° 2001-91 de la DIROR précise que la contribution sociale généralisée et la contribution au remboursement de la dette sociale ne sont pas dues sur les revenus d'activité et de remplacement et que les assurés volontaires à la caisse des français de l'étranger n'en sont pas redevables ;
- l'application de la majoration de 80 % pour manoeuvres frauduleuses visée à l'article 1729 b du code général des impôts est injustifiée.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 25 septembre 2014 et le 17 septembre 2015, le ministre chargé du budget conclut au non-lieu partiel à statuer sur les dégrèvements prononcés et au rejet du surplus de la requête.
Le ministre fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé et soutient en outre que :
- c'est à bon droit que les sommes qualifiées de remboursements et d'indemnités pour frais de séjour dont la nature n'est pas établie ont été taxées en tant que revenus d'origine indéterminée ;
- les appelants n'apportent pas la preuve que les montants litigieux correspondent à des indemnités de déplacement à l'étranger se rattachant à l'exécution de contrats de travail ;
- à titre subsidiaire, l'administration entend solliciter une substitution de base légale et l'imposition desdites sommes correspondant à des suppléments de rémunérations liés à l'expatriation, dans la catégorie des traitements et salaires ;
- dans cette hypothèse, lesdites sommes ne peuvent toutefois bénéficier des dispositions de l'article 81 A, II du code général des impôts ;
- quant aux pénalités, l'administration entend substituer à la majoration pour manoeuvres frauduleuses en litige, la majoration pour manquement délibéré de 40 % ; le certificat de dégrèvement correspondant sera adressé à la Cour.
Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- l'ordonnance en date du 16 septembre 2015 fixant la clôture d'instruction au 19 octobre 2015, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative
- le mémoire en réplique, présenté pour les requérants, enregistré le 11 décembre 2015, postérieurement à la clôture de l'instruction et non communiqué.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli,
- les conclusions de M. Maury, rapporteur public,
- et les observations de Me C... du cabinet Ernst et Young, représentant M. et Mme A....
1. Considérant que M. et Mme A... ont fait l'objet d'un examen contradictoire de situation fiscale personnelle portant sur la période du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2006 à l'issue duquel l'administration fiscale leur a notifié par proposition de rectification du 31 octobre 2008, des redressements en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ; que les requérants interjettent appel du jugement en date du 4 février 2014 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2005 et 2006 ;
Sur l'étendue du litige :
2. Considérant que, par décisions en date des 3 et 13 octobre 2014, postérieures à l'enregistrement de la requête, l'administration fiscale a dégrevé les requérants d'une fraction des pénalités infligées au titre des années 2005 et 2006 à hauteur d'un montant total de 50 387 euros ; que les conclusions de M. et Mme A... sont, dans cette mesure, devenues sans objet ;
Sur le surplus des conclusions de M. et Mme A... :
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à l'opération de visite et de saisie en cause, effectuée le 21 septembre 2006 antérieurement à la promulgation de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie : " I. Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou de la taxe sur la valeur ajoutée en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut (...) autoriser les agents de l'administration des impôts (...) à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus et procéder à leur saisie. / II. Chaque visite doit être autorisée par une ordonnance du président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter ou d'un juge délégué par lui. / (...) L'ordonnance mentionnée au premier alinéa n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure pénale (...). / (...) IV. Un procès-verbal relatant les modalités et le déroulement de l'opération et consignant les constatations effectuées est dressé sur-le-champ par les agents de l'administration des impôts. Un inventaire des pièces et documents saisis lui est annexé s'il y a lieu. (...) " ;
4. Considérant, d'une part, qu'à la suite de l'arrêt Ravon et autres c/France (n° 18497/03) du 21 février 2008 par lequel la Cour européenne des droits de l'homme a jugé que les voies de recours ouvertes aux contribuables pour contester la régularité des visites et saisies opérées sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales ne garantissaient pas l'accès à un procès équitable au sens de l'article 6 paragraphe 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 164 de la loi du 4 août 2008 de modernisation de l'économie a prévu, pour les opérations mentionnées à l'article L. 16 B pour lesquelles le procès-verbal ou l'inventaire avait été remis ou réceptionné antérieurement à l'entrée en vigueur de cette loi et alors même que l'ordonnance du juge compétent du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les lieux à visiter aurait fait l'objet d'un pourvoi ayant donné lieu à cette date à une décision de rejet du juge de cassation, une procédure d'appel devant le premier président de la cour d'appel contre l'ordonnance autorisant la visite et un recours devant ce même juge contre le déroulement des opérations de visite et de saisie, les ordonnances rendues par ce dernier étant susceptibles d'un pourvoi en cassation ; que le d) du 1 du IV du même article 164 dispose, d'une part, que cet appel et ce recours sont ouverts notamment " lorsque, à partir d'éléments obtenus par l'administration dans le cadre d'une procédure de visite et de saisie, des impositions ont été établies (...) et qu'elles font ou sont encore susceptibles de faire l'objet, à la date de l'entrée en vigueur de la présente loi, (...) d'un recours contentieux devant le juge, sous réserve des affaires dans lesquelles des décisions sont passées en force de chose jugée " et, d'autre part, que " le juge, informé par l'auteur de l'appel ou du recours ou par l'administration, sursoit alors à statuer jusqu'au prononcé de l'ordonnance du premier président de la cour d'appel " ; que le 3 du IV de ce même article fait obligation à l'administration d'informer les personnes visées par l'ordonnance ou par les opérations de visite et de saisie de l'existence de ces voies de recours et du délai de deux mois ouvert à compter de la réception de cette information pour, le cas échéant, faire appel contre l'ordonnance ou former un recours contre le déroulement des opérations de visite ou de saisie, cet appel et ce recours étant exclusifs de toute appréciation par le juge du fond de la régularité du déroulement de ces opérations ; qu'il précise qu'en l'absence d'information de la part de l'administration, ces personnes peuvent exercer cet appel ou ce recours sans condition de délai ;
5. Considérant, d'autre part, qu'il résulte d'une jurisprudence établie de la Cour de cassation et d'une décision n° 370443 du Conseil d'Etat en date du 27 juillet 2015 que cette contestation peut également être formée par des tiers à l'objet de la visite, dès lors que des impositions ont été établies, ou des rectifications effectuées, à leur encontre, à partir d'éléments obtenus par l'administration dans le cadre d'une telle opération ; qu'il appartient ainsi à un tiers à l'objet de la visite, s'il s'y croit fondé et, en cas d'absence d'information de la part de l'administration quant à l'existence de ces voies de recours, de saisir, sans qu'une condition de délai puisse lui être opposée, le premier président de la cour d'appel compétent ;
6. Considérant qu'il résulte de la proposition de rectification en date du 31 octobre 2008 que le vérificateur a entendu fonder une fraction des impositions contestées par M. A... sur des informations nécessairement obtenues lors de la procédure de visite et de saisie dont a fait l'objet la société IACT ; qu'en outre, il ne résulte pas de l'instruction que les contribuables auraient, en l'espèce, été mis à même d'exercer, dans des conditions conformes aux dispositions du IV de l'article 164 de la loi du 4 août 2008, les voies de recours ouvertes par ces dispositions ; qu'en effet, dans ses mémoires en défense, l'administration fiscale, en se bornant à faire valoir que la voie de recours n'est ouverte qu'aux seules parties concernées par la visite domiciliaire, n'établit ni même n'allègue avoir informé M. et Mme A... de l'existence de voies de recours et du délai de deux mois ouvert à compter de la réception de cette information prévue par les dispositions du 3 du IV de l'article 164 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 ; qu'il y a lieu, dans ces conditions, de surseoir à statuer sur la requête de M. et Mme A... aux fins de leur permettre, s'ils s'y croient fondés, de saisir le premier président de la cour d'appel territorialement compétente en application de ces dispositions transitoires ; qu'il y a lieu d'octroyer aux requérants un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt à cette fin ;
DÉCIDE :
Article 1er : A concurrence de la somme de 50 387 (cinquante mille trois cent quatre-vingt-sept) euros en ce qui concerne les pénalités appliquées aux impositions des années 2005 et 2006, il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge de M. et MmeA....
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de M. et Mme A... à fin de leur permettre, s'ils s'y croient fondés, de saisir le premier président de la cour d'appel territorialement compétente en application des dispositions transitoires instaurées par l'article 164 de la loi du 4 août 2008.
Article 3 : Un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt est octroyé à M. et Mme A... à cette fin. M. et Mme A... devront, le cas échéant, justifier devant la cour de la saisine, en application de l'article 2, de la juridiction compétente.
Article 4 : Tous droits et moyens sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme B... A...et au ministre des finances et des comptes publics.
Copie en sera adressée au directeur de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 17 décembre 2015, à laquelle siégeaient :
- M. Bédier, président de chambre
- Mme Paix, président assesseur
- M. Haïli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 14 janvier 2016.
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