Conseil d'État, 4ème / 5ème SSR, 07/12/2015, 387872
Conseil d'État, 4ème / 5ème SSR, 07/12/2015, 387872
Conseil d'État - 4ème / 5ème SSR
- N° 387872
- ECLI:FR:CESSR:2015:387872.20151207
- Mentionné dans les tables du recueil Lebon
Lecture du
lundi
07 décembre 2015
- Rapporteur
- M. Jean-François de Montgolfier
- Avocat(s)
- SCP MASSE-DESSEN, THOUVENIN, COUDRAY ; SCP BARADUC, DUHAMEL, RAMEIX
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 3 avril 2003 par laquelle l'inspecteur du travail de la deuxième section de Lens a autorisé son licenciement, ainsi que la décision du 18 août 2003 par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité rejetant son recours hiérarchique contre cette décision. Par un jugement n° 1202791 du 2 octobre 2013, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 13DA01890 du 11 décembre 2014, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par M. D... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 février, 11 mai et 12 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de Me B...E...la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 2001-492 du 6 juin 2001 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-François de Montgolfier, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de M. D...et à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de Me E...et de Me C...;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 18 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Sont considérées comme des demandes au sens du présent chapitre les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressées aux autorités administratives " ; qu'aux termes des premier, troisième et quatrième alinéas de l'article 19 de la même loi : " Toute demande adressée à une autorité administrative fait l'objet d'un accusé de réception délivré dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) / Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications prévues par le décret mentionné au premier alinéa. / Le défaut de délivrance d'un accusé de réception n'emporte pas l'inopposabilité des délais de recours à l'encontre de l'auteur de la demande lorsqu'une décision expresse lui a été régulièrement notifiée avant l'expiration du délai au terme duquel est susceptible de naître une décision implicite " ; que le dernier alinéa de l'article 1er du décret du 6 juin 2001, pris pour l'application de ces dispositions, dispose notamment que " L'accusé de réception indique si la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet ou à une décision implicite d'acceptation. Dans le premier cas, l'accusé de réception mentionne les délais et les voies de recours à l'encontre de la décision " ; qu'aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision " ;
2. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les délais de recours contre une décision administrative prise en matière d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, soit dans sa notification si la décision est expresse, soit dans l'accusé de réception de la demande l'ayant fait naître si elle est implicite ; qu'il en va ainsi, y compris lorsque la décision, prise à la suite de l'exercice d'un recours hiérarchique qui n'est pas un préalable obligatoire au recours contentieux, ne se substitue pas à la décision qui a fait l'objet de ce recours ;
3. Considérant que, pour juger tardive, par l'arrêt attaqué, la demande de première instance de M. D... dirigée contre la décision du 18 août 2003 du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité rejetant son recours hiérarchique contre la décision du 3 avril 2003 de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement, la cour administrative d'appel de Douai s'est fondée sur ce que la décision de l'inspecteur du travail comportait la mention selon laquelle cette décision pouvait faire l'objet, dans un délai de deux mois, d'un recours contentieux devant le tribunal administratif de Lille ; que la cour en a déduit qu'était, par suite, sans incidence la circonstance que la notification de la décision du 18 août 2003 du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité comportait une mention moins précise ; qu'en jugeant, ainsi, que l'indication des voies et délais de recours dans la notification d'une autorisation de licenciement vaut également notification de ces voies et délais de recours en cas de rejet exprès du recours hiérarchique contre cette autorisation, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit ; que, par suite, M. D... est fondé à en demander, pour ce motif, l'annulation ;
4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le courrier par lequel le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a fait connaître à M. D... sa décision de rejeter son recours hiérarchique mentionnait la possibilité de former un recours contentieux contre cette décision devant la juridiction administrative dans un délai de deux mois ; que cette mention était de nature à faire courir, à l'égard de M.D..., le délai de recours contre la décision du ministre ; qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier que ce courrier a été reçu par M. D...avant le 6 octobre 2003, date à laquelle il a adressé au ministre une lettre en réponse, dans laquelle il fait d'ailleurs part de son intention d'exercer un recours contentieux devant la juridiction administrative ; qu'ainsi, la demande présentée par M. D... au tribunal administratif de Lille le 24 avril 2012 était tardive et, par suite, irrecevable ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat et de Me E..., qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... la somme demandée par Maîtres E... et C...au titre de ces mêmes dispositions ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 11 décembre 2014 est annulé.
Article 2 : L'appel formé par M. D... contre le jugement du tribunal administratif de Lille du 2 octobre 2013 est rejeté.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. D...et par Maîtres E... et C...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... D...et à Maîtres Jérôme E...et Philippe C...agissant en qualité de liquidateurs judiciaires de la société Metaleurop Nord.
Copie en sera adressée à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.
ECLI:FR:CESSR:2015:387872.20151207
M. A... D...a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler la décision du 3 avril 2003 par laquelle l'inspecteur du travail de la deuxième section de Lens a autorisé son licenciement, ainsi que la décision du 18 août 2003 par laquelle le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité rejetant son recours hiérarchique contre cette décision. Par un jugement n° 1202791 du 2 octobre 2013, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Par un arrêt n° 13DA01890 du 11 décembre 2014, la cour administrative d'appel de Douai a rejeté l'appel formé par M. D... contre ce jugement.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 11 février, 11 mai et 12 octobre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, M. D... demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à son appel ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat et de Me B...E...la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 2001-492 du 6 juin 2001 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Jean-François de Montgolfier, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Gaëlle Dumortier, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Masse-Dessen, Thouvenin, Coudray, avocat de M. D...et à la SCP Baraduc, Duhamel, Rameix, avocat de Me E...et de Me C...;
1. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 18 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Sont considérées comme des demandes au sens du présent chapitre les demandes et les réclamations, y compris les recours gracieux ou hiérarchiques, adressées aux autorités administratives " ; qu'aux termes des premier, troisième et quatrième alinéas de l'article 19 de la même loi : " Toute demande adressée à une autorité administrative fait l'objet d'un accusé de réception délivré dans les conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) / Les délais de recours ne sont pas opposables à l'auteur d'une demande lorsque l'accusé de réception ne lui a pas été transmis ou ne comporte pas les indications prévues par le décret mentionné au premier alinéa. / Le défaut de délivrance d'un accusé de réception n'emporte pas l'inopposabilité des délais de recours à l'encontre de l'auteur de la demande lorsqu'une décision expresse lui a été régulièrement notifiée avant l'expiration du délai au terme duquel est susceptible de naître une décision implicite " ; que le dernier alinéa de l'article 1er du décret du 6 juin 2001, pris pour l'application de ces dispositions, dispose notamment que " L'accusé de réception indique si la demande est susceptible de donner lieu à une décision implicite de rejet ou à une décision implicite d'acceptation. Dans le premier cas, l'accusé de réception mentionne les délais et les voies de recours à l'encontre de la décision " ; qu'aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision " ;
2. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces dispositions que les délais de recours contre une décision administrative prise en matière d'autorisation de licenciement d'un salarié protégé ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, soit dans sa notification si la décision est expresse, soit dans l'accusé de réception de la demande l'ayant fait naître si elle est implicite ; qu'il en va ainsi, y compris lorsque la décision, prise à la suite de l'exercice d'un recours hiérarchique qui n'est pas un préalable obligatoire au recours contentieux, ne se substitue pas à la décision qui a fait l'objet de ce recours ;
3. Considérant que, pour juger tardive, par l'arrêt attaqué, la demande de première instance de M. D... dirigée contre la décision du 18 août 2003 du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité rejetant son recours hiérarchique contre la décision du 3 avril 2003 de l'inspecteur du travail autorisant son licenciement, la cour administrative d'appel de Douai s'est fondée sur ce que la décision de l'inspecteur du travail comportait la mention selon laquelle cette décision pouvait faire l'objet, dans un délai de deux mois, d'un recours contentieux devant le tribunal administratif de Lille ; que la cour en a déduit qu'était, par suite, sans incidence la circonstance que la notification de la décision du 18 août 2003 du ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité comportait une mention moins précise ; qu'en jugeant, ainsi, que l'indication des voies et délais de recours dans la notification d'une autorisation de licenciement vaut également notification de ces voies et délais de recours en cas de rejet exprès du recours hiérarchique contre cette autorisation, la cour a entaché son arrêt d'erreur de droit ; que, par suite, M. D... est fondé à en demander, pour ce motif, l'annulation ;
4. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le courrier par lequel le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité a fait connaître à M. D... sa décision de rejeter son recours hiérarchique mentionnait la possibilité de former un recours contentieux contre cette décision devant la juridiction administrative dans un délai de deux mois ; que cette mention était de nature à faire courir, à l'égard de M.D..., le délai de recours contre la décision du ministre ; qu'il ressort par ailleurs des pièces du dossier que ce courrier a été reçu par M. D...avant le 6 octobre 2003, date à laquelle il a adressé au ministre une lettre en réponse, dans laquelle il fait d'ailleurs part de son intention d'exercer un recours contentieux devant la juridiction administrative ; qu'ainsi, la demande présentée par M. D... au tribunal administratif de Lille le 24 avril 2012 était tardive et, par suite, irrecevable ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat et de Me E..., qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. D... la somme demandée par Maîtres E... et C...au titre de ces mêmes dispositions ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Douai du 11 décembre 2014 est annulé.
Article 2 : L'appel formé par M. D... contre le jugement du tribunal administratif de Lille du 2 octobre 2013 est rejeté.
Article 3 : Les conclusions présentées par M. D...et par Maîtres E... et C...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. A... D...et à Maîtres Jérôme E...et Philippe C...agissant en qualité de liquidateurs judiciaires de la société Metaleurop Nord.
Copie en sera adressée à la ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social.