Conseil d'État, 5ème / 4ème SSR, 27/11/2015, 378068, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la procédure suivante :

M. A...D...et la société civile d'exploitation agricole (SCEA) D...Fieulaine ont demandé au tribunal administratif d'Amiens d'annuler la décision du 5 janvier 2011 par laquelle le préfet de l'Aisne a indiqué à Mme E...B...et à l'exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) B...Olivier que la reprise des parcelles mises en valeur par la SCEA D...Fieulaine, qui constituaient des biens de famille provenant de M. et Mme C..., parents de MmeB..., était soumise au régime de la déclaration, en application du II de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime. Par un jugement n° 1100367 du 14 mai 2013, le tribunal administratif a annulé cette décision.

Par un arrêt n° 13DA01082 du 20 février 2014, la cour administrative d'appel de Douai, statuant sur l'appel de Mme B...et de l'EARL B...Olivier, a annulé ce jugement en tant qu'il annulait la décision du préfet pour certaines des parcelles en cause et rejeté le surplus des conclusions.

Par un pourvoi sommaire et un mémoire complémentaire, enregistrés les 18 avril et 17 juillet 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'EARL B...Olivier et Mme B... demandent au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler cet arrêt en tant qu'il rejette le surplus de leurs conclusions ;

2°) réglant l'affaire au fond, de faire droit à leur appel ;

3°) de mettre à la charge de M. D...et de la SCEA D...Fieulaine la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.


Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code rural et de la pêche maritime, notamment son article L. 331-2 ;

- le code de justice administrative ;



Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de M. Jean-Dominique Langlais, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public ;

La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Garreau, Bauer-Violas, Feschotte-Desbois, avocat de la Earl B...Olivier et de Mme B...et à Me Corlay, avocat de M. D...et de la SCEA D...Fieulaine ;




1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que, par un acte du 23 février 1993, M. et Mme C...ont donné à bail à M. et Mme D...des terres agricoles constituant pour partie un bien propre de M. C...et pour partie un bien de communauté ; que, par un acte du 12 janvier 1998, ils ont transmis la nue propriété de ces parcelles à leurs trois enfants ; qu'au décès de M.C..., survenu le 20 octobre 2005, Mme C... est devenue usufruitière des parcelles dont l'usufruit constituait jusque là un bien propre de son mari ; que, le 1er juillet 2009, elle a donné congé avec effet au 31 janvier 2011 à M. A...D...et à la SCEA D...Fieulaine, exploitants de ces parcelles, pour permettre à sa fille, Mme E...B..., et à l'EARL B...Olivier, dont elle est membre, de reprendre leur exploitation à compter de cette dernière date ; que, par une décision du 5 janvier 2011, l'administration a indiqué à Mme B...et à l'EARL B...Olivier que, dans la mesure où les parcelles en cause constituaient des biens de famille, leur reprise relevait du régime de la déclaration, en application du II de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime ; que, par un jugement du 14 mai 2013, le tribunal administratif d'Amiens a annulé cette décision au motif que la condition de durée de détention des terres posée par cet article n'était pas remplie ; que, par un arrêt du 20 février 2014, la cour administrative d'appel de Douai a annulé le jugement en tant seulement qu'il annulait la décision préfectorale pour les parcelles dont l'usufruit constituait un bien de communauté des époux C...et rejeté le surplus des conclusions, par lequel Mme B...et l'EARL B...Olivier contestaient l'annulation de la décision pour les parcelles dont l'usufruit constituait un bien propre de M.C... ; que Mme B... et l'EARL B...Olivier demandent l'annulation de l'arrêt en tant qu'il rejette le surplus de leurs conclusions ;

2. Considérant que le I de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime énumère les opérations soumises à une autorisation d'exploiter ; qu'aux termes du II de cet article, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée devant les juges du fond : " Par dérogation au I, est soumise à déclaration préalable la mise en valeur d'un bien agricole reçu par donation, location, vente ou succession d'un parent ou allié jusqu'au troisième degré inclus lorsque les conditions suivantes sont remplies : / 1° Le déclarant satisfait aux conditions de capacité ou d'expérience professionnelle mentionnée au 3° du I ; / 2° Les biens sont libres de location au jour de la déclaration ; / 3° Les biens sont détenus par ce parent ou allié depuis neuf ans au moins " ; qu'il résulte de ces dispositions que la reprise des terres n'est soumise au régime de la déclaration préalable que si celui qui a donné, loué, vendu ou transmis le bien agricole détenait ce bien personnellement, le cas échéant en tant qu'usufruitier, depuis au moins neuf ans ;

3. Considérant que, pour rejeter le surplus des conclusions des appelantes, la cour administrative d'appel a relevé que Mme C...était devenue usufruitière des parcelles issues des biens propres de son mari à la date du décès de celui-ci, survenu moins de neuf ans avant le 31 janvier 2011, date d'effet du congé donné à M. D...et de reprise de l'exploitation par Mme E...B...et l'EARL B...Olivier ; que la cour en a déduit que la condition de durée de détention des biens par le parent ou l'allié de qui ils sont reçus posée au 3° du I de l'article L. 331-2 du code rural et de la pêche maritime, dans sa rédaction alors applicable, n'était pas remplie ; qu'en jugeant que seule la durée de détention personnelle des biens en cause par celui qui les avaient donnés, loués, vendus ou transmis devait être prise en compte pour apprécier si la condition était remplie, elle n'a pas commis d'erreur de droit ; que son arrêt est suffisamment motivé sur ce point ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le pourvoi de Mme B...et de l'EARL B...Olivier doit être rejeté ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... et de l'EARL B...Olivier une somme globale de 3 000 euros à verser à M. D...et à la SCEA D...Fieulaine au titre des mêmes dispositions ;




D E C I D E :
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Article 1er : Le pourvoi de Mme B...et de l'EARL B...Olivier est rejeté.
Article 2 : Mme B...et l'EARL B...Olivier verseront la somme globale de 3 000 euros à M. D...et à la SCEA D...Fieulaine au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à Mme E...B..., à l'EARL B...Olivier, à M. A...D...et à la SCEA D...Fieulaine.
Copie en sera adressée au ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt.

ECLI:FR:CESSR:2015:378068.20151127
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