CAA de MARSEILLE, 6ème chambre - formation à 3, 09/11/2015, 14MA02747, Inédit au recueil Lebon
CAA de MARSEILLE, 6ème chambre - formation à 3, 09/11/2015, 14MA02747, Inédit au recueil Lebon
CAA de MARSEILLE - 6ème chambre - formation à 3
- N° 14MA02747
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
lundi
09 novembre 2015
- Président
- M. MOUSSARON
- Rapporteur
- M. Allan GAUTRON
- Avocat(s)
- SCP HADDAD REBUFFAT LAVIGNAC
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante : Procédure contentieuse antérieure : La société Ecollect a demandé au tribunal administratif de Nice, à titre principal, d'annuler la clause n° 8 du cahier des clauses techniques particulières du marché n° 07/266 concernant notamment la fourniture de cache-conteneurs qu'elle a conclu avec la ville de Cannes et par voie de conséquence, l'annulation du titre exécutoire n° 628 du 11 février 2011, d'un montant de 104 400 euros, correspondant à des pénalités de retard dans l'exécution de ce marché que lui a infligées la commune sur le fondement de cette clause ; à titre subsidiaire, de réduire le montant des pénalités de retard à 418,14 euros ; de mettre à la charge de la commune une somme de 1 000 euros à son profit, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement n° 1101347 du 18 avril 2014, le tribunal administratif de Nice a annulé le titre exécutoire n° 628 du 11 février 2011 en ce qu'il excède la somme de 10 000 euros et rejeté le surplus des conclusions des parties. Procédure devant la cour administrative d'appel : Par une requête, enregistrée le 17 juin 2014, la société Ecollect, représentée par MeC..., demande à la Cour : 1°) d'annuler le jugement du 18 avril 2014 ; 2°) à titre principal, " conformément à l'article L. 551-18 du code de justice administrative ", d'annuler la clause n° 8 du cahier des clauses techniques particulières du marché n° 07/266 ; 3°) par voie de conséquence, d'annuler le titre exécutoire n° 628 du 11 février 2011 ; 4°) à titre subsidiaire, de réduire le montant des pénalités de retard à 418,14 euros au maximum ; 5°) de mettre à la charge de la commune de Cannes une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La société soutient que : - la clause n° 8, qui est divisible des autres stipulations du contrat litigieux, est " irrégulière " et " particulièrement inadaptée aux circonstances de l'espèce parce que disproportionnée " ; - la disproportion du montant des pénalités infligées par rapport au montant initial du marché entache ce dernier d'un vice d'une particulière gravité dont la portée à été méconnue lors de sa conclusion ; - les autres stipulations du contrat doivent être maintenues ; - le montant de 10 000 euros retenu par les premiers juges est lui-même disproportionné au regard à la fois du montant global du marché et de celui de la commande concernée ; - en application de la norme NFP 03-0001, ce montant ne saurait excéder 5% du montant du marché ; - la commune ne saurait se prévaloir à cet égard du montant total des fournitures acquises par elle ; - les autres livraisons effectuées au titre du même marché n'ont pas donné lieu à des pénalités de retard ; - la commune ne justifie ni de la gravité des fautes commises, ni de son préjudice. Par un mémoire en défense, enregistré le 13 janvier 2015, la ville de Cannes, représentée par MeB..., conclut à titre principal, au rejet de la requête ; à titre subsidiaire, à l'annulation du jugement attaqué et au rejet de la requête ; à titre très subsidiaire, à la réformation du jugement attaqué et à la fixation du montant des pénalités de retard à 35 000 euros ; en tout état de cause, à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la société, à son profit, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La commune soutient que : - la requête est irrecevable car insuffisamment motivée ; - la demande présentée sur le fondement des dispositions de l'article L. 551-18 du code de justice administrative, relatif au référé contractuel, est irrecevable ; - le moyen fondé sur la jurisprudence " Tropic Travaux Signalisation " est inopérant ; - le moyen fondé sur la norme NFP 03-0001 est inopérant ; - les autres moyens soulevés par la société ne sont pas fondés ; - à titre subsidiaire, le jugement attaqué est entaché d'erreur de fait en ce qui concerne le nombre et l'ampleur des retards reprochés à la société ; - il est entaché d'erreurs de droit en ce qui concerne les conditions d'appréciation du caractère manifestement excessif du montant des pénalités infligées ; - à titre très subsidiaire, compte tenu de la nature des manquements à ses obligations contractuelles reprochés à la société Ecollect, il y a lieu de fixer à 35 000 euros le montant des pénalités de retard. Par un mémoire complémentaire, enregistré le 27 février 2015, la société Ecollect persiste dans ses écritures et soutient, en outre, que sa requête est recevable. Par ordonnance du 7 avril 2015, la clôture d'instruction a été fixée au même jour. Un mémoire présenté pour la ville de Cannes a été enregistré le 20 mai 2015 postérieurement à la clôture d'instruction. Un mémoire présenté pour la société Ecollect a été enregistré le 3 juin 2015 postérieurement à la clôture d'instruction. Vu les autres pièces du dossier. Vu : - le code civil ; - le code des marchés publics ; - le décret n° 77-699 du 27 mai 1977 modifié approuvant le cahier des clauses administratives générales applications aux marchés publics de fournitures courantes ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Gautron, - les conclusions de M. Thiele, rapporteur public, - et les observations de Me C...pour la société Ecollect et de Me A...pour la ville de Cannes. 1. Considérant que par un acte d'engagement signé le 15 janvier 2008, la ville de Cannes a conclu avec la société Ecollect le marché à bons de commandes n° 07/266 relatif à la " fourniture de cache-conteneurs à dissimulation partielle et acquisition de pièces détachées ", " pour une période initiale de 12 mois (...) reconductible 2 fois, par période de 1 an (...) pour une durée maximale de 3 ans " ; que par un bon de commande n° 10/DEVL1387 du 4 octobre 2010, reçu le 7 suivant par la société, la ville de Cannes lui a demandé la livraison de 58 pièces détachées pour cache-conteneurs, pour un montant de 10 001,90 euros TTC ; que par un titre exécutoire n° 628 du 11 février 2011, la ville de Cannes a exigé le paiement de la somme de 104 400 euros, au titre de pénalités de retard dans l'exécution de cette commande ; que la société Ecollect relève appel du jugement du 18 avril 2014 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé ce titre exécutoire en ce que son montant excède 10 000 euros et a rejeté le surplus de ses conclusions tendant notamment à l'annulation de la clause n° 8 du cahier des clauses techniques particulières au marché litigieux ; Sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée par la ville de Cannes à la requête d'appel ; Sur le bien-fondé du jugement attaqué : En ce qui concerne la fin de non-recevoir opposée par la ville de Cannes aux conclusions à fin d'annulation de la clause n° 8 du cahier des clauses techniques particulières du marché n° 07/266 présentées devant les premiers juges : 2. Considérant, d'une part, que les parties à un contrat administratif peuvent saisir le juge d'un recours de plein contentieux contestant la validité du contrat qui les lie ; qu'il appartient alors au juge, lorsqu'il constate l'existence d'irrégularités, d'en apprécier l'importance et les conséquences, après avoir vérifié que les irrégularités dont se prévalent les parties sont de celles qu'elles peuvent, eu égard à l' exigence de loyauté des relations contractuelles, invoquer devant lui ; qu'il lui revient, après avoir pris en considération la nature de l'illégalité commise et en tenant compte de l'objectif de stabilité des relations contractuelles, soit de décider que la poursuite de l'exécution du contrat est possible, éventuellement sous réserve de mesures de régularisation prises par la personne publique ou convenues entre les parties, soit de prononcer, le cas échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, la résiliation du contrat ou, en raison seulement d'une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, son annulation ; 3. Considérant, d'autre part, que, lorsque les parties soumettent au juge un litige relatif à l'exécution du contrat qui les lie, il incombe en principe à celui-ci, eu égard à l' exigence de loyauté des relations contractuelles, de faire application du contrat ; que, toutefois, dans le cas seulement où il constate une irrégularité invoquée par une partie ou relevée d'office par lui, tenant au caractère illicite du contenu du contrat ou à un vice d'une particulière gravité relatif notamment aux conditions dans lesquelles les parties ont donné leur consentement, il doit écarter le contrat et ne peut régler le litige sur le terrain contractuel ; 4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Ecollect n'est pas recevable, dans le cadre du présent litige qui ne porte pas sur la validité du marché n° 07/266 conclu entre elle et la ville de Cannes mais sur son exécution, à demander l'annulation de la clause n° 8 du cahier des clauses techniques particulières applicables à ce marché ; qu'elle ne saurait, en tout état de cause, se prévaloir des dispositions de l'article L. 551-18 du code de justice administrative, lesquelles ne sont applicables que dans le cadre de la procédure de référé prévue par les articles L. 551-13 et suivant de ce code ; qu'elle peut seulement, dans ce cadre, demander que cette clause soit, le cas échéant, écartée et que le litige ne soit pas réglé sur son fondement ; 5. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la fin de non-recevoir opposée par la ville de Cannes aux conclusions à fin d'annulation présentées par la SAS Ecollect à l'encontre de la clause n° 8 du cahier des clauses techniques particulières applicables au marché n° 07/266 devant les premiers juges doit être accueillie ; En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation du titre exécutoire n° 628 du 11 février 2011 : 6. Considérant qu'aux termes de la clause n° 8 du cahier des clauses techniques particulières applicables au marché litigieux : " Le non-respect des obligations contenues dans le présent CCTP pourrait entrainer l'application de pénalités. (...) Ainsi, les écarts suivants entraineront l'application des pénalités définies ci-dessous : (...) Le non-respect des délais de livraison conformément au CCTP / jour de retard et / pièce : 50 (...) " ; qu'au regard de ce qui a été dit aux points 2 à 4, la société Ecollect, si elle n'est pas recevable à demander l'annulation de cette clause, peut néanmoins être regardée comme demandant, à titre principal, que ses stipulations, qui fondent le titre exécutoire contesté, soient écartées ; 7. Considérant, toutefois, que si la société Ecollect fait valoir que cette clause serait " irrégulière " et " particulièrement inadaptée aux circonstances de l'espèce parce que disproportionnée ", elle n'assortit pas, sur ce point, son moyen de précisions et justifications suffisantes pour permettre à la Cour d'en apprécier le bien-fondé ; qu'en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que ladite clause présenterait, par son contenu, un caractère illicite ou que la conclusion du contrat serait entachée d'un vice d'une particulière gravité ; que si la société Ecollect soutient, en outre, que la disproportion du montant des pénalités qui lui ont été infligées, par rapport au montant initial du marché litigieux, entacherait ce dernier d'une illégalité dont la portée aurait été méconnue lors de sa conclusion, cette seule circonstance ne suffit pas à établir le caractère illicite de la clause dont s'agit, dès lors qu'il est loisible au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, de modérer ou d'augmenter les pénalités de retard résultant du contrat, par application des principes dont s'inspire l'article 1152 du code civil, si ces pénalités atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire eu égard au montant du marché ; 8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Ecollect n'est pas fondée à demander l'annulation du titre exécutoire n° 628 du 11 février 2011 ; En ce qui concerne la modulation des pénalités de retard : 9. Considérant qu'aux termes de l'article 1152 du code civil : " Lorsque la convention porte que celui qui manquera de l'exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte, ni moindre. / Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite. " ; que le cahier des clauses techniques particulières applicables au marché litigieux ne limite pas le montant des pénalités de retard susceptibles d'être infligées ; 10. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 7, il est loisible au juge administratif, saisi de conclusions en ce sens, de modérer ou d'augmenter les pénalités de retard résultant du contrat, par application des principes dont s'inspire ces dispositions, si ces pénalités atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire eu égard au montant du marché ; 11. Considérant, d'une part, que contrairement à ce que soutient la société Ecollect, le caractère manifestement excessif ou dérisoire du montant des pénalités de retard doit, dans le cas d'un marché à bon de commandes, défini par le I de l'article 77 du codes marchés publics, dans sa rédaction applicable au présent litige, comme " un marché conclu avec un ou plusieurs opérateurs économiques et exécuté au fur et à mesure de l'émission de bons de commande ", s'apprécier au regard non pas du montant de chaque chantier concerné, mais du montant global et définitif du marché, ainsi que le fait valoir la ville de Cannes ; que d'autre part, ces pénalités ayant le caractère d'une réparation forfaitaire, l'administration n'a pas à justifier de l'existence d'un préjudice ayant résulté, pour elle, du retard, comme le fait encore valoir la commune ; 12. Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment de l'acte d'engagement du 15 janvier 2008, que le montant total du marché litigieux était de 39 512,35 euros TTC ; que dès lors que le montant des pénalités de retard infligées à la société par la commune représentait environ 264 % de ce montant, celui-ci est manifestement excessif, en tout état de cause, par rapport au montant total du marché ; 13. Considérant, toutefois, que la société Ecollect n'invoque aucune circonstance particulière de nature à justifier l'importance du retard en cause, alors au demeurant qu'elle ne pouvait ignorer l'attachement de la commune au respect des délais de livraison fixés, au vu notamment des critères d'attribution du marché et avait, du reste, proposé de son propre chef des délais inférieurs aux délais plafonds prévus par le règlement de la consultation, sur lesquels elle s'est, ainsi, contractuellement engagée ; qu'à supposer même que la ville de Cannes n'aurait subi aucun préjudice spécifique du fait de ce retard, au-delà de celui résultant de l'atteinte portée à la qualité du service public, la société Ecollect, qui n'invoque pas utilement les dispositions de la norme NFP 03-0001, dès lors que celles-ci ne sont pas, en tout état de cause, applicables au marché litigieux, ne saurait pour autant demander que le montant des pénalités de retard soit réduit à à la somme de 418,14 euros, laquelle serait manifestement dérisoire au regard du montant du marché litigieux ; que dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de fixer à la somme de 10 000 euros le montant de ces pénalités, la circonstance que ce montant serait quasiment égal à celui de la commande concernée étant sans incidence ; 14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la société Ecollect n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif, dans le jugement attaqué, a ramené à 10 000 euros le montant des pénalités de retard qui lui ont été infligées en vertu du titre exécutoire n° 628 du 11 février 2011 ; Sur les conclusions présentées par la ville de Cannes à titre subsidiaire et à titre très subsidiaire : 15. Considérant que la circonstance que la commune n'a effectivement pas reproché le retard litigieux à sa cocontractante est sans incidence sur le bien-fondé du jugement attaqué, dès lors que seul celui-ci a donné lieu à des pénalités de retard ; qu'au regard de ce qui a été dit aux points 11 à 13, la commune n'est pas fondée à demander que le montant des pénalités de regard infligées à sa cocontractante soit porté à un montant supérieur à celui retenu par les premiers juges ; 16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions présentées par la ville de Cannes par la voie de l'appel incident doivent être rejetées ; Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative : 17. Considérant que ces dispositions s'opposent à ce que la somme réclamée par la société Ecollect sur leur fondement soit mise à la charge de la ville de Cannes, qui n'est pas la partie perdante ; qu'en revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette société, au profit de cette commune, une somme de 2 000 euros sur le fondement de ces dispositions ;D É C I D E :Article 1er : La requête de la société Ecollect est rejetée. Article 2 : La société Ecollect versera à la ville de Cannes une somme de 2 000 (deux mille) euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Le surplus des conclusions de la ville de Cannes est rejeté. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Ecollect et à la ville de Cannes. Délibéré après l'audience du 19 octobre 2015, où siégeaient : - M. Moussaron, président, - M. Marcovici, président-assesseur, - M. Gautron, conseiller, Lu en audience publique, le 9 novembre 2015.''''''''2N° 14MA02747 hw