Conseil d'État, 9ème / 10ème SSR, 24/06/2015, 367288, Publié au recueil Lebon
Conseil d'État, 9ème / 10ème SSR, 24/06/2015, 367288, Publié au recueil Lebon
Conseil d'État - 9ème / 10ème SSR
- N° 367288
- ECLI:FR:CESSR:2015:367288.20150624
- Publié au recueil Lebon
Lecture du
mercredi
24 juin 2015
- Rapporteur
- Mme Maïlys Lange
- Avocat(s)
- SCP BARTHELEMY, MATUCHANSKY, VEXLIARD, POUPOT
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
La SNC Pharmacie Réveillon a demandé au tribunal administratif de Toulouse la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er avril 2001 au 30 novembre 2004. Par un jugement n° 0703490 du 6 septembre 2011, le tribunal administratif de Toulouse a fait droit à sa demande s'agissant des rappels correspondant aux " ventes supprimées ", s'élevant à 14 176 euros en droits pour l'ensemble de la période, et rejeté le surplus de ses conclusions.
Par un arrêt n° 11BX03427 du 31 janvier 2013, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, d'une part, sur recours du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, annulé l'article 1er de ce jugement et remis à la charge de la SNC Pharmacie Réveillon les rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux " ventes supprimées " et, d'autre part, rejeté les conclusions présentées par la SNC Pharmacie Réveillon par la voie de l'appel incident.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 29 mars et 1er juillet 2013 et le 17 septembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SELAS Pharmacie Réveillon, venant aux droits de la SNC Pharmacie Réveillon, demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code pénal ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Maïlys Lange, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de la SELAS Pharmacie Reveillon ;
1. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 226-13 du code pénal, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. " ; qu'aux termes de l'article R. 4235-5 du code de la santé publique : " Le secret professionnel s'impose à tous les pharmaciens dans les conditions établies par la loi. / Tout pharmacien doit en outre veiller à ce que ses collaborateurs soient informés de leurs obligations en matière de secret professionnel et à ce qu'ils s'y conforment. " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 13-0 A du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts peuvent demander toutes informations relatives au montant, à la date et à la forme des versements afférents aux recettes de toute nature perçues par les personnes dépositaires du secret professionnel en vertu des dispositions de l'article 226-13 du code pénal. Ils ne peuvent demander de renseignements sur la nature des prestations fournies par ces personnes. " ;
2. Considérant que, bien que les agents des services fiscaux soient eux-mêmes tenus au secret professionnel, il ne saurait être dérogé en leur faveur, sauf disposition législative expresse, à la règle édictée à l'article 226-13 du code pénal ; que s'il n'appartient qu'au juge répressif de sanctionner les infractions aux dispositions de cet article, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'un contribuable astreint au secret professionnel conteste, devant lui, la régularité de la procédure d'imposition suivie à son égard, au motif que celle-ci aurait porté atteinte à ce secret, d'examiner le bien-fondé d'un tel moyen ; que la révélation d'une information à caractère secret vicie la procédure d'imposition et entraîne la décharge de l'imposition contestée lorsqu'elle a été demandée par le vérificateur, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 13-0 A du livre des procédures fiscales, ou que, alors même qu'elle ne serait imputable qu'au seul contribuable, elle fonde tout ou partie de la rectification ; que les informations nominatives susceptibles d'être enregistrées dans le système informatique d'une officine à l'occasion d'un achat revêtent un tel caractère secret lorsqu'elles se rapportent à un médicament, produit ou objet dont la vente est réservée aux pharmaciens par l'article L. 4211-1 du code de la santé publique ;
3. Considérant que, par l'arrêt attaqué du 31 janvier 2013, la cour administrative d'appel de Bordeaux a infirmé le jugement du 6 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Toulouse avait partiellement accueilli la demande de la SNC Réveillon, qui exploitait une officine de pharmacie et aux droits de laquelle vient la SELAS Pharmacie Réveillon, tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à des " ventes supprimées " de son logiciel de gestion, mis à sa charge à la suite d'une vérification de comptabilité ; que la cour, après avoir relevé qu'alors que les vérificateurs demandaient à l'entreprise de présenter un historique des achats et des ventes d'un produit déterminé, afin de les rapprocher des ventes faites au client n° 97184 dont le service ignorait l'identité, le nom et le prénom du client étaient apparus sur un écran de l'application de gestion, a jugé qu'il n'avait pas été porté atteinte au secret professionnel de la SNC Réveillon lors de la vérification de sa comptabilité au motif que, dès lors que les ventes en cause ne faisaient suite à aucune prescription médicale et ne comportaient aucune référence à un médecin ou à un numéro de sécurité sociale, aucune information couverte par le secret médical n'avait été révélée à cette occasion ;
4. Considérant qu'en statuant ainsi, alors qu'elle aurait dû rechercher si les informations nominatives du client en cause, bien qu'elles aient été recueillies à l'occasion de l'achat d'un produit sans prescription médicale, revêtaient un caractère secret dont la révélation par la personne qui en était dépositaire était prohibée par les dispositions des articles 226-13 du code pénal et R. 4235-5 du code de la santé publique, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions d'appel principal relatives aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux " ventes supprimées " :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. / Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements. " ; que l'article L. 47 A du même livre prévoit que, lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, les agents de l'administration fiscale peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable, ce dernier pouvant toutefois demander à effectuer lui-même tout ou partie des traitements nécessaires à la vérification, voire mettre à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle ; qu'aux termes de l'article L. 74, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. / Ces dispositions s'appliquent en cas d'opposition à la mise en oeuvre du contrôle dans les conditions prévues à l'article L. 47 A. " ; que ces dispositions permettent à l'administration d'évaluer d'office les bases d'imposition notamment lorsque les traitements informatiques nécessaires au contrôle de la comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés ont été rendus impossibles, en dépit des diligences normales entreprises par le vérificateur, du fait de la suppression délibérée d'une partie des données soumises à ce contrôle après que le contribuable a été averti de son imminence ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les 9 et 10 janvier 2005, soit après la réception, le 7 janvier, par la SNC Réveillon, de l'avis de vérification adressé par l'administration avec mention de l'assistance d'une brigade informatique, 21 442 des 161 538 enregistrements réalisés en juin 2004 et 60 608 des 198 098 enregistrements réalisés en octobre 2004 ont été respectivement effacés des fichiers " historique client " et " produits vendus " de son progiciel de gestion ; que le ministre soutient que les opérations de purge, qui auraient débuté au mois de novembre 2004, au cours de la vérification de la pharmacie tenue par l'époux de la gérante de la SNC Réveillon, sont nécessairement imputables à cette dernière, au motif qu'elles exigent l'utilisation d'un profil utilisateur et d'un mot de passe associé, dont sont dotés les responsables, mais pas les employés ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que l'administration a fondé la procédure d'évaluation d'office sur l'impossibilité de réaliser les traitements informatiques nécessaires au contrôle du chiffre d'affaires déclaré sur la quasi-totalité de la période vérifiée, du fait du défaut de conservation de données élémentaires issues du progiciel de gestion durant cette période, et non seulement pendant la période postérieure à la prise de connaissance par la contribuable de l'imminence de la vérification de sa comptabilité ; que si, comme le soutient le ministre, les données du progiciel de gestion en cause, qui permet de facturer et d'encaisser les ventes et de gérer le stock, et comprend l'ensemble des recettes journalières de la société, concourent à la formation des résultats comptables et sont par suite soumises au contrôle prévu par l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, la seule circonstance que des suppressions régulières et programmées de ces données aient empêché le vérificateur de mettre en oeuvre les traitements informatiques qui auraient pu être réalisés sur le fondement de cet article ne suffit pas à caractériser une opposition à contrôle fiscal au sens de l'article L. 74 du même livre, dès lors qu'il n'est pas établi ni même allégué qu'elles aient été effectuées en vue de l'imminence de ce contrôle ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre chargé du budget n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a accordé à la SNC Réveillon la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux " ventes supprimées " ;
Sur l'appel incident de la SNC Réveillon relatif aux impositions restant en litige :
9. Considérant que l'appel incident de la SNC Réveillon, par lequel elle demande de faire droit à sa demande de première instance tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie au titre de la période comprise entre le 1er avril 2001 et le 30 novembre 2004, concerne le même impôt et la même période d'imposition que l'appel principal ; qu'il est, par suite, recevable ;
10. Considérant toutefois, en premier lieu, que si la SNC Réveillon soutient que la révélation, au cours de la vérification de comptabilité, du nom et du prénom du client n° 97184, apparus sur l'écran de son application de gestion, entache d'irrégularité la procédure de vérification suivie, il ne résulte toutefois pas de l'instruction, eu égard à la nature du produit auquel ces informations nominatives se rapportaient, dont la vente n'est pas réservée aux pharmaciens par l'article L. 4211-1 du code de la santé publique, qu'elles aient été couvertes par le secret professionnel auquel les pharmaciens et leurs collaborateurs sont tenus par les dispositions des articles 226-13 du code pénal et R. 4235-5 du code de la santé publique ; qu'au demeurant, il ne résulte pas non plus de l'instruction que ces informations aient été demandées par le vérificateur ou utilisées par lui pour fonder tout ou partie de la rectification proposée ;
11. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquelles elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. " ; que si la SNC Réveillon soutient que la vérification de sa comptabilité aurait été suscitée par la remise à l'administration d'une disquette informant de la possibilité de supprimer des factures du progiciel de gestion, les rectifications restant en litige, effectuées selon la procédure contradictoire, ne peuvent en tout état de cause être regardées comme étant fondées sur ces informations ;
12. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la comptabilité de la SNC Réveillon était tenue en méconnaissance des principes de la comptabilité d'engagement selon les créances acquises et les dettes certaines ; que les rapprochements effectués entre le chiffre d'affaires comptabilisé et le chiffre d'affaires facturé ont fait apparaître des différences sur tous les exercices vérifiés ; que la société n'a pas été en mesure de présenter l'ensemble des pièces justificatives de son activité ; que c'est dès lors à bon droit que l'administration a écarté la comptabilité de la société comme non probante et a reconstitué son chiffre d'affaires ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SNC Réveillon n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté le surplus de ses conclusions ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
--------------
Article 1er : L'arrêt du 31 janvier 2013 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.
Article 2 : Le recours du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat et les conclusions de la SNC Réveillon présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées.
Article 3 : L'Etat versera à la SELAS Pharmacie Réveillon la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SELAS Pharmacie Réveillon et au ministre des finances et des comptes publics.
ECLI:FR:CESSR:2015:367288.20150624
La SNC Pharmacie Réveillon a demandé au tribunal administratif de Toulouse la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er avril 2001 au 30 novembre 2004. Par un jugement n° 0703490 du 6 septembre 2011, le tribunal administratif de Toulouse a fait droit à sa demande s'agissant des rappels correspondant aux " ventes supprimées ", s'élevant à 14 176 euros en droits pour l'ensemble de la période, et rejeté le surplus de ses conclusions.
Par un arrêt n° 11BX03427 du 31 janvier 2013, la cour administrative d'appel de Bordeaux a, d'une part, sur recours du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, annulé l'article 1er de ce jugement et remis à la charge de la SNC Pharmacie Réveillon les rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux " ventes supprimées " et, d'autre part, rejeté les conclusions présentées par la SNC Pharmacie Réveillon par la voie de l'appel incident.
Par un pourvoi sommaire, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés respectivement les 29 mars et 1er juillet 2013 et le 17 septembre 2014 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la SELAS Pharmacie Réveillon, venant aux droits de la SNC Pharmacie Réveillon, demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler cet arrêt ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code pénal ;
- le code de la santé publique ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Maïlys Lange, maître des requêtes,
- les conclusions de Mme Marie-Astrid Nicolazo de Barmon, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Barthélemy, Matuchansky, Vexliard, Poupot, avocat de la SELAS Pharmacie Reveillon ;
1. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 226-13 du code pénal, dans sa rédaction applicable en l'espèce : " La révélation d'une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d'une fonction ou d'une mission temporaire, est punie d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende. " ; qu'aux termes de l'article R. 4235-5 du code de la santé publique : " Le secret professionnel s'impose à tous les pharmaciens dans les conditions établies par la loi. / Tout pharmacien doit en outre veiller à ce que ses collaborateurs soient informés de leurs obligations en matière de secret professionnel et à ce qu'ils s'y conforment. " ; qu'enfin, aux termes de l'article L. 13-0 A du livre des procédures fiscales : " Les agents de l'administration des impôts peuvent demander toutes informations relatives au montant, à la date et à la forme des versements afférents aux recettes de toute nature perçues par les personnes dépositaires du secret professionnel en vertu des dispositions de l'article 226-13 du code pénal. Ils ne peuvent demander de renseignements sur la nature des prestations fournies par ces personnes. " ;
2. Considérant que, bien que les agents des services fiscaux soient eux-mêmes tenus au secret professionnel, il ne saurait être dérogé en leur faveur, sauf disposition législative expresse, à la règle édictée à l'article 226-13 du code pénal ; que s'il n'appartient qu'au juge répressif de sanctionner les infractions aux dispositions de cet article, il incombe au juge de l'impôt, lorsqu'un contribuable astreint au secret professionnel conteste, devant lui, la régularité de la procédure d'imposition suivie à son égard, au motif que celle-ci aurait porté atteinte à ce secret, d'examiner le bien-fondé d'un tel moyen ; que la révélation d'une information à caractère secret vicie la procédure d'imposition et entraîne la décharge de l'imposition contestée lorsqu'elle a été demandée par le vérificateur, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 13-0 A du livre des procédures fiscales, ou que, alors même qu'elle ne serait imputable qu'au seul contribuable, elle fonde tout ou partie de la rectification ; que les informations nominatives susceptibles d'être enregistrées dans le système informatique d'une officine à l'occasion d'un achat revêtent un tel caractère secret lorsqu'elles se rapportent à un médicament, produit ou objet dont la vente est réservée aux pharmaciens par l'article L. 4211-1 du code de la santé publique ;
3. Considérant que, par l'arrêt attaqué du 31 janvier 2013, la cour administrative d'appel de Bordeaux a infirmé le jugement du 6 septembre 2011 par lequel le tribunal administratif de Toulouse avait partiellement accueilli la demande de la SNC Réveillon, qui exploitait une officine de pharmacie et aux droits de laquelle vient la SELAS Pharmacie Réveillon, tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant à des " ventes supprimées " de son logiciel de gestion, mis à sa charge à la suite d'une vérification de comptabilité ; que la cour, après avoir relevé qu'alors que les vérificateurs demandaient à l'entreprise de présenter un historique des achats et des ventes d'un produit déterminé, afin de les rapprocher des ventes faites au client n° 97184 dont le service ignorait l'identité, le nom et le prénom du client étaient apparus sur un écran de l'application de gestion, a jugé qu'il n'avait pas été porté atteinte au secret professionnel de la SNC Réveillon lors de la vérification de sa comptabilité au motif que, dès lors que les ventes en cause ne faisaient suite à aucune prescription médicale et ne comportaient aucune référence à un médecin ou à un numéro de sécurité sociale, aucune information couverte par le secret médical n'avait été révélée à cette occasion ;
4. Considérant qu'en statuant ainsi, alors qu'elle aurait dû rechercher si les informations nominatives du client en cause, bien qu'elles aient été recueillies à l'occasion de l'achat d'un produit sans prescription médicale, revêtaient un caractère secret dont la révélation par la personne qui en était dépositaire était prohibée par les dispositions des articles 226-13 du code pénal et R. 4235-5 du code de la santé publique, la cour administrative d'appel de Bordeaux a commis une erreur de droit ; que, par suite et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi, son arrêt doit être annulé ;
5. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de régler l'affaire au fond en application des dispositions de l'article L. 821-2 du code de justice administrative ;
Sur les conclusions d'appel principal relatives aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux " ventes supprimées " :
6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 13 du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable à la procédure d'imposition en litige : " Les agents de l'administration des impôts vérifient sur place, en suivant les règles prévues par le présent livre, la comptabilité des contribuables astreints à tenir et à présenter des documents comptables. / Lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, le contrôle porte sur l'ensemble des informations, données et traitements informatiques qui concourent directement ou indirectement à la formation des résultats comptables ou fiscaux et à l'élaboration des déclarations rendues obligatoires par le code général des impôts ainsi que sur la documentation relative aux analyses, à la programmation et à l'exécution des traitements. " ; que l'article L. 47 A du même livre prévoit que, lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, les agents de l'administration fiscale peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable, ce dernier pouvant toutefois demander à effectuer lui-même tout ou partie des traitements nécessaires à la vérification, voire mettre à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle ; qu'aux termes de l'article L. 74, dans sa rédaction applicable à l'espèce : " Les bases d'imposition sont évaluées d'office lorsque le contrôle fiscal ne peut avoir lieu du fait du contribuable ou de tiers. / Ces dispositions s'appliquent en cas d'opposition à la mise en oeuvre du contrôle dans les conditions prévues à l'article L. 47 A. " ; que ces dispositions permettent à l'administration d'évaluer d'office les bases d'imposition notamment lorsque les traitements informatiques nécessaires au contrôle de la comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés ont été rendus impossibles, en dépit des diligences normales entreprises par le vérificateur, du fait de la suppression délibérée d'une partie des données soumises à ce contrôle après que le contribuable a été averti de son imminence ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les 9 et 10 janvier 2005, soit après la réception, le 7 janvier, par la SNC Réveillon, de l'avis de vérification adressé par l'administration avec mention de l'assistance d'une brigade informatique, 21 442 des 161 538 enregistrements réalisés en juin 2004 et 60 608 des 198 098 enregistrements réalisés en octobre 2004 ont été respectivement effacés des fichiers " historique client " et " produits vendus " de son progiciel de gestion ; que le ministre soutient que les opérations de purge, qui auraient débuté au mois de novembre 2004, au cours de la vérification de la pharmacie tenue par l'époux de la gérante de la SNC Réveillon, sont nécessairement imputables à cette dernière, au motif qu'elles exigent l'utilisation d'un profil utilisateur et d'un mot de passe associé, dont sont dotés les responsables, mais pas les employés ; qu'il résulte toutefois de l'instruction que l'administration a fondé la procédure d'évaluation d'office sur l'impossibilité de réaliser les traitements informatiques nécessaires au contrôle du chiffre d'affaires déclaré sur la quasi-totalité de la période vérifiée, du fait du défaut de conservation de données élémentaires issues du progiciel de gestion durant cette période, et non seulement pendant la période postérieure à la prise de connaissance par la contribuable de l'imminence de la vérification de sa comptabilité ; que si, comme le soutient le ministre, les données du progiciel de gestion en cause, qui permet de facturer et d'encaisser les ventes et de gérer le stock, et comprend l'ensemble des recettes journalières de la société, concourent à la formation des résultats comptables et sont par suite soumises au contrôle prévu par l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, la seule circonstance que des suppressions régulières et programmées de ces données aient empêché le vérificateur de mettre en oeuvre les traitements informatiques qui auraient pu être réalisés sur le fondement de cet article ne suffit pas à caractériser une opposition à contrôle fiscal au sens de l'article L. 74 du même livre, dès lors qu'il n'est pas établi ni même allégué qu'elles aient été effectuées en vue de l'imminence de ce contrôle ;
8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre chargé du budget n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a accordé à la SNC Réveillon la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée correspondant aux " ventes supprimées " ;
Sur l'appel incident de la SNC Réveillon relatif aux impositions restant en litige :
9. Considérant que l'appel incident de la SNC Réveillon, par lequel elle demande de faire droit à sa demande de première instance tendant à la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes auxquels elle a été assujettie au titre de la période comprise entre le 1er avril 2001 et le 30 novembre 2004, concerne le même impôt et la même période d'imposition que l'appel principal ; qu'il est, par suite, recevable ;
10. Considérant toutefois, en premier lieu, que si la SNC Réveillon soutient que la révélation, au cours de la vérification de comptabilité, du nom et du prénom du client n° 97184, apparus sur l'écran de son application de gestion, entache d'irrégularité la procédure de vérification suivie, il ne résulte toutefois pas de l'instruction, eu égard à la nature du produit auquel ces informations nominatives se rapportaient, dont la vente n'est pas réservée aux pharmaciens par l'article L. 4211-1 du code de la santé publique, qu'elles aient été couvertes par le secret professionnel auquel les pharmaciens et leurs collaborateurs sont tenus par les dispositions des articles 226-13 du code pénal et R. 4235-5 du code de la santé publique ; qu'au demeurant, il ne résulte pas non plus de l'instruction que ces informations aient été demandées par le vérificateur ou utilisées par lui pour fonder tout ou partie de la rectification proposée ;
11. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquelles elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. " ; que si la SNC Réveillon soutient que la vérification de sa comptabilité aurait été suscitée par la remise à l'administration d'une disquette informant de la possibilité de supprimer des factures du progiciel de gestion, les rectifications restant en litige, effectuées selon la procédure contradictoire, ne peuvent en tout état de cause être regardées comme étant fondées sur ces informations ;
12. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction que la comptabilité de la SNC Réveillon était tenue en méconnaissance des principes de la comptabilité d'engagement selon les créances acquises et les dettes certaines ; que les rapprochements effectués entre le chiffre d'affaires comptabilisé et le chiffre d'affaires facturé ont fait apparaître des différences sur tous les exercices vérifiés ; que la société n'a pas été en mesure de présenter l'ensemble des pièces justificatives de son activité ; que c'est dès lors à bon droit que l'administration a écarté la comptabilité de la société comme non probante et a reconstitué son chiffre d'affaires ;
13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SNC Réveillon n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté le surplus de ses conclusions ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
14. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 31 janvier 2013 de la cour administrative d'appel de Bordeaux est annulé.
Article 2 : Le recours du ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat et les conclusions de la SNC Réveillon présentées par la voie de l'appel incident sont rejetées.
Article 3 : L'Etat versera à la SELAS Pharmacie Réveillon la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à la SELAS Pharmacie Réveillon et au ministre des finances et des comptes publics.