CAA de NANTES, 2ème chambre, 12/06/2015, 13NT03517, Inédit au recueil Lebon

Texte intégral

RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 31 décembre 2013, présentée pour l'association Les Veys Oxygène, dont le siège est 11, route de Carentan Lieu-dit La Blanche à Les Veys (50500) et M. B... Ambroselli demeurant..., par Me Ambroselli, avocat au barreau de Paris ; l'association Les Veys Oxygène et M. Ambroselli demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300144 du 5 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 6 septembre 2012 du préfet de la Manche refusant de mettre en oeuvre, dans la Baie de Veys, les dispositions des articles R. 160-24 et R. 160-27 du code de l'urbanisme relatives aux servitudes de passage des piétons sur le littoral, ainsi que de la décision du 3 décembre 2012 du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie rejetant leur recours hiérarchique;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Manche de prendre toute mesure de signalisation nécessaire en vue de préciser l'emplacement de ces servitudes de passage en application de l'article R. 160-24 du code de l'urbanisme et de prendre en charge les dépenses afférentes à l'exécution des travaux, conformément à l'article R. 160-27 du même code, dans un délai d'un an, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;
ils soutiennent que :

- les dispositions de l'article R 160-9 du code de l'urbanisme ont été méconnues ;

- la délimitation, opérée par le décret du 14 juin 1899 du président de la République, de la limite transversale de la mer dans la Baie de Veys est inexacte ;


Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er avril 2015, présenté par le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie qui conclut au rejet de la requête; il soutient que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 160-9 du code de l'urbanisme est inopérant et que les autres moyens invoqués par l'association Les Veys Oxygène et M. Ambroselli ne sont pas fondés ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code général de la propriété des personnes publiques ;

Vu le décret-loi du 21 février 1852 relatif à la fixation des limites de l'inscription maritime dans les fleuves et rivières affluant à la mer et sur le domaine public maritime ;

Vu le décret du 14 juin 1899 du président de la République;

Vu le code de justice administrative ;



Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique:

- le rapport de Mme Buffet, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Delesalle, rapporteur public.




1. Considérant que l'association Les Veys Oxygène et M. Ambroselli relèvent appel du jugement du 5 novembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du 6 septembre 2012 du préfet de la Manche refusant de mettre en oeuvre, dans la Baie de Veys, entre " Le Pont des Veys " situé sur le territoire de la commune des Veys et " Le Grand Veys " situé sur le territoire de la commune de Saine-Marie-du-Mont, les dispositions des articles R. 160-24 et R. 160-27 du code de l'urbanisme relatives aux servitudes de passage des piétons sur le littoral, ainsi que de la décision du 3 décembre 2012 du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie rejetant leur recours hiérarchique ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 160-6 du code de l'urbanisme : " Les propriétés privées riveraines du domaine public maritime sont grevées sur une bande de trois mètres de largeur d'une servitude destinée à assurer exclusivement le passage des piétons. (...)"; qu'aux termes de l'article R. 160-9 de ce code: " I- La limite à partir de laquelle est mesurée l'assiette de la servitude instituée par l'article L. 160-6 est, selon le cas : a) La limite haute du rivage de la mer, tel qu'il est défini par le 1° de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques ; b) La limite, du côté de la terre, des lais et relais de la mer compris dans le domaine public maritime naturel par application du 3° du même article ; c) La limite des terrains soustraits artificiellement à l'action du flot compris dans le domaine public maritime naturel en application des dispositions du dernier alinéa du même article ; d) La limite des terrains qui font partie du domaine public maritime artificiel tel qu'il est défini par l'article L. 2111-6 du code général de la propriété des personnes publiques. (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 160-24 de ce code : " Le maire ou, à défaut, le préfet, prend toute mesure de signalisation nécessaire en vue de préciser l'emplacement de la servitude de passage " ; qu'aux termes de l'article R. 160-27 du même code : " Les dépenses nécessaires à l'exécution des travaux mentionnés à l'article R. 160-25 c sont prises en charge par l'Etat. Les collectivités locales et tous organismes intéressés peuvent participer à ces dépenses. " ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 9 du décret du 21 février 1852, alors en vigueur : " A l'embouchure des fleuves ou rivières, la limite de la mer est déterminée conformément aux dispositions de l'article 2 du décret du 21 février 1852 " ; que cet article 2 prévoit que " les limites de la mer seront déterminées par des décrets du Président de la République rendus sous la forme de décret en Conseil d 'Etat, sur le rapport du ministre des travaux publics, lorsque cette délimitation aura lieu à l' embouchure des fleuves et rivières " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la baie des Veys, dans sa portion comprise entre " Le Pont des Veys " sur le territoire de la commune des Veys et " Le Grand-Vey " sur le territoire de la commune de Sainte-Marie-du- Mont, se situe à l'embouchure des fleuves de la Douve et de la Vire ; que la limite transversale de la mer dans la Baie de Veys, qui marque la frontière de la mer à l'embouchure des fleuves et des rivières, déterminée, en application de l'article 9 précité du code du domaine public fluvial et de la navigation intérieure, conformément aux dispositions de l'article 2 du décret du 21 février 1852, aujourd'hui codifiées aux articles R. 2111-5 à R. 2111-14 du code général de la propriété des personnes publiques, a été fixée par décret du 14 juin 1899 du président de la République ; que ce décret précise que la limite transversale de la mer " est déterminée par une ligne droite partant de l'angle sud-ouest du bâtiment servant de corps de garde de la douane, au bec du Groin (commune de Géfosse Fontenay, Calvados) et aboutissant à l'angle nord-est de la maison veuveA..., située au village du Grand Vey (commune de Sainte-Marie-du-Mont, Manche) " ; qu'en faisant valoir, sans plus de précisions, que " cette ligne droite située au coeur de la Baie des Veys est traversée à chaque marée haute par les eaux de la mer ", qu'elle ne correspond " à aucune limite naturelle ", qu'elle aurait dû être " reportée dans le fond de l'estuaire à l'aplomb des portes-à-flots construites sur tous les cours d'eau (...) ", qui " déterminent la limite de salure des eaux " et qu'elle ne peut être regardée " comme reposant sur l'observation objective de la proportion respective d'eaux fluviales et d'eaux de mer, de l'origine des atterrissements, du caractère fluvial ou maritime de la faune et de la végétation ", les requérants n'établissent pas l'inexactitude de la délimitation ainsi opérée ; qu'il n'est pas contesté que les propriétés privées le long desquelles l'association " Les Veys Oxygène " et M. Ambroselli demandent au préfet l'institution d'une servitude de passage sont situées en amont de cette limite transversale de la mer ; qu'elles ne peuvent, dès lors, être regardées comme riveraines du domaine public maritime au sens des dispositions de l'article L 160-6 du code de l'urbanisme et être grevées de la servitude de passage pour piétons prévue par ces dispositions; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 160-9 du code de l'urbanisme relatives aux limites à partir desquelles est mesurée l'assiette de la servitude instituée par l'article L. 160-6 ne peut qu'être écarté ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'association " Les Veys Oxygène " et M. Ambroselli ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Caen a rejeté leur demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

6. Considérant que le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la présente requête n'appelle aucune mesure d'exécution; que, par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par l'association " Les Veys Oxygène " et M. Ambroselli ne peuvent qu'être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que l'association " Les Veys Oxygène " et M. Ambroselli demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens;



DÉCIDE :


Article 1er : La requête de l'association " Les Veys Oxygène " et de M. Ambroselli est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'association " Les Veys Oxygène ", à M. B... Ambroselli et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.



Délibéré après l'audience du 19 mai 2015 à laquelle siégeaient :

- M. Pérez, président de chambre,
- Mme Buffet, premier conseiller,
- M. Pouget, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 juin 2015.






Le rapporteur,





C. BUFFET Le président,





A. PEREZ
Le greffier,




K. BOURON


La République mande et ordonne au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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