CAA de PARIS, 6ème Chambre, 01/06/2015, 13PA01166, Inédit au recueil Lebon
CAA de PARIS, 6ème Chambre, 01/06/2015, 13PA01166, Inédit au recueil Lebon
CAA de PARIS - 6ème Chambre
- N° 13PA01166
- Inédit au recueil Lebon
Lecture du
lundi
01 juin 2015
- Président
- Mme FUCHS TAUGOURDEAU
- Rapporteur
- Mme Marie SIRINELLI
- Avocat(s)
- SCP SARTORIO - LONQUEUE - SAGALOVITSCH & ASSOCIES
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux demandes distinctes, le Comité français du butane et du propane et l'Association française du gaz ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du maire de Paris en date du 6 mai 2011 portant nouveau règlement des étalages et terrasses et la décision implicite de rejet opposée à leur recours gracieux.
Par un jugement n°1119742 et 1119955/7-1 du 24 janvier 2013, le Tribunal administratif de Paris a annulé les dispositions DG.6 et 3.3.2 de l'arrêté du 6 mai 2011 en tant qu'elles interdisent les dispositifs de chauffage au gaz des terrasses et précisent que la suppression des dispositifs existants devra intervenir dans les deux ans suivant l'entrée en vigueur du règlement, et rejeté le surplus des conclusions.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 25 mars 2013, la ville de Paris, représentée par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris en date du
24 janvier 2013 ;
2°) de rejeter les demandes du Comité français du butane et du propane et de l'Association française du gaz ;
3°) de mettre à la charge du Comité français du butane et du propane et de l'Association française du gaz la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en appliquant le principe d'égalité en l'espèce ;
- si même ce principe était applicable, le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que les dispositions contestées de l'arrêté en cause lui étaient contraires ; à cet égard, c'est à tort qu'il a considéré que l'interdiction des matériels chauffants à gaz reposait principalement sur un motif de développement durable ; en outre, c'est à tort qu'il a jugé que le maire de Paris avait méconnu le principe d'égalité, eu égard aux motifs, tenant aux nécessités de la circulation des piétons sur la voie publique et de la sécurité des usagers du domaine public, qui justifiaient l'interdiction d'installation de dispositifs de chauffage au gaz sur les terrasses et les étalages ; le maire de Paris était d'ailleurs compétent, en vertu de son pouvoir de police générale, pour interdire l'installation de tels appareils en raison de l'existence de risques graves d'incendie et d'explosion ;
- enfin, le motif lié au développement durable était justifié, eu égard à la différence de situation entre les appareils de chauffage électrique et les appareils de chauffage au gaz ;
- ayant annulé le jugement, la Cour, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, ne pourra que rejeter les demandes de première instance ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2013, le Comité français du butane et du propane et l'Association française du gaz, représentés par la SCP Boivin et associés, concluent au rejet de la requête et demandent, en outre, à la Cour de mettre à la charge de la ville de Paris une somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en appliquant le principe d'égalité au cas d'espèce ;
- les premiers juges n'ont pas dénaturé les écritures de la ville en considérant que l'interdiction des appareils chauffants à gaz reposait de manière déterminante sur un motif lié au développement durable ; la ville n'était, en outre, pas fondée à demander une substitution de motifs à ce sujet ;
- c'est par une exacte appréciation des faits, et notamment des différents motifs invoqués par la ville, que le tribunal a considéré que l'interdiction litigieuse méconnaissait le principe d'égalité ; en particulier, en privilégiant les appareils électriques par rapport aux appareils à gaz pour des raisons environnementales, la ville a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- la mesure d'interdiction n'est pas davantage justifiée au regard des nécessités de la circulation des piétons et des risques encourus par les usagers du domaine public ; le maire de Paris est d'ailleurs incompétent pour réglementer l'utilisation des appareils de chauffage au gaz sur le fondement des risques que ceux-ci présenteraient pour la sécurité publique ;
- enfin, cette mesure était entachée d'autres motifs d'illégalité ; elle est, en effet, entachée d'une erreur de fait, constitue une mesure de police disproportionnée eu égard aux objectifs poursuivis, emporte une violation du droit de la concurrence, porte une atteinte excessive à la liberté de commerce et d'industrie et est entachée d'un détournement de pouvoir ;
Par un mémoire en réplique, enregistré le 23 février 2015, la ville de Paris, représentée par MeC..., persiste dans ses conclusions, par les mêmes moyens ;
Elle soutient, en outre, que :
- elle n'a jamais sollicité la moindre substitution de motifs, inutile en l'espèce ;
- l'analyse en termes de bilan environnemental ne doit être menée qu'au regard des conséquences directes de la mesure sur le territoire parisien ;
- le maire n'a pas entendu exercer la police spéciale de protection contre les risques incendie dans les immeubles recevant du public, mais ses pouvoirs de police générale exercés sur le domaine public ;
Par ordonnance du 5 mars 2013, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 9 avril 2015.
Par un mémoire enregistré le 3 avril 2015, le Comité français du butane et du propane et l'Association française du gaz, représentés par la SCP Boivin et associés, persistent dans leurs conclusions, par les mêmes moyens.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sirinelli,
- les conclusions de Mme Vrignon, rapporteur public,
- les observations de MeB..., représentant la ville de Paris,
- et les observations de MeA..., représentant le Comité français du butane et du propane et l'Association française du gaz.
1. Considérant que, par arrêté en date du 6 mai 2011, publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris le 26 mai suivant, le maire de Paris a adopté un nouveau règlement des étalages et terrasses applicable, à compter du 1er juin 2011, sur l'ensemble du territoire de la ville de Paris ; que l'article DG.6 de cet arrêté interdit les dispositifs extérieurs de chauffage au gaz ainsi que le chauffage des contre-terrasses, quel qu'en soit le mode ; que l'article 3.3.2 de cet arrêté interdit l'installation de dispositifs de chauffage au gaz sur les terrasses et énonce que la suppression des dispositifs existants devra intervenir au plus tard dans les deux ans à compter de l'entrée en vigueur du règlement ; que la ville de Paris relève appel du jugement du 24 janvier 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris, saisi par le Comité français du butane et du propane et l'Association française du gaz, a annulé les dispositions DG.6 et 3.3.2 de l'arrêté du 6 mai 2011 en tant qu'elles interdisent les dispositifs de chauffage au gaz des terrasses et précisent que la suppression des dispositifs existants devra intervenir dans les deux ans suivant l'entrée en vigueur du règlement ; que le tribunal a, en effet, jugé que la différence de traitement qui résulte de l'interdiction générale et absolue, par l'arrêté litigieux, des dispositifs de chauffage au gaz des terrasses et non des dispositifs de chauffage électrique était manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier ;
Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué :
2. Considérant que le respect de la liberté du commerce et de l'industrie implique, en particulier, que les personnes publiques n'apportent pas aux activités de production, de distribution ou de services exercées par des tiers des restrictions qui ne seraient pas justifiées par l'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ; qu'en l'espèce, le Comité français du butane et du propane et l'Association française du gaz soutiennent, notamment, que les dispositions DG.6 et 3.3.2 de l'arrêté du 6 mai 2011, en tant qu'elles interdisent les dispositifs de chauffage au gaz des terrasses et précisent que la suppression des dispositifs existants devra intervenir dans les deux ans suivant l'entrée en vigueur du règlement, ont porté une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l'industrie ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient estimé à tort que l'interdiction des dispositifs de chauffage au gaz sur les terrasses reposait " essentiellement " sur la prise en compte des impératifs de développement durable, et en particulier sur la volonté de prévenir les émissions de gaz à effet de serre ou de gaz polluants ; qu'en effet, si, comme le souligne la ville de Paris, cette mesure s'insère, dans le présent arrêté, parmi un ensemble de mesures dont la visée première est de limiter l'encombrement de l'espace public et de réglementer les étalages et terrasses sur son domaine public, il ressort des termes mêmes des articles DG.6 et 3.3.2 de l'arrêté du 6 mai 2011, qui évoquent, pour le premier, les " impératifs de développement durable " et, pour le second, " les émissions de gaz polluants " que l'interdiction en cause poursuivait, de façon déterminante, un objectif environnemental, comme en témoignent d'ailleurs également les termes de la communication au Conseil de Paris concernant cet arrêté ;
4. Considérant que si un tel motif d'intérêt général pourrait être de nature à justifier l'interdiction de dispositifs de chauffage extérieur et la restriction aux activités de distribution et de service menées sur les étalages et terrasses qu'elle implique, la ville de Paris ne fournit en l'espèce aucun élément précis concernant l'impact sur l'environnement, et en particulier sur la qualité de l'air parisien, de la mesure d'interdiction ne concernant que les dispositifs de chauffage au gaz, à l'exception d'un article de presse restituant le résultat d'une étude menée par un cabinet de conseil au sujet du bilan carbone d'une terrasse équipée de quatre braseros au gaz ; que si cet article témoigne de l'importante émission directe de dioxyde de carbone par ces installations, il n'apporte toutefois aucun éclairage précis sur les effets environnementaux de telles émissions sur l'ensemble du territoire parisien, s'agissant aussi bien de ce bilan carbone que de l'émission directe de polluants, non plus que sur les incidences environnementales des dispositifs de chauffage électrique implicitement appelés à se substituer aux dispositifs interdits ; que, le Comité français du butane et du propane et l'Association française du gaz produisent, pour leur part, une étude conjointe réalisée par le Réseau de transport d'électricité (RTE) et l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) en octobre 2007, qui tend à démontrer qu'à l'échelle globale, eu égard aux émissions de dioxyde de carbone induites par la production d'électricité, les dispositifs de chauffage électrique ne présentent pas un meilleur bilan carbone que les dispositifs de chauffage au gaz ; que, dans ces conditions, dès lors que la ville ne fournit pas au juge les éléments suffisants pour apprécier les bénéfices environnementaux d'une telle mesure, qui conduira à la multiplication des dispositifs de chauffage électrique, le motif d'intérêt général principalement poursuivi par cette interdiction des seuls dispositifs de chauffage au gaz ne peut être regardé comme démontré, non plus, a fortiori, que le caractère proportionné de celle-ci ;
5. Considérant, en second lieu, que la ville souligne les motifs tenant aux nécessités de la circulation des piétons sur la voie publique et de la sécurité des usagers du domaine public qui justifient également, selon elle, l'interdiction d'installation de dispositifs de chauffage au gaz sur les terrasses et les étalages ; que, toutefois, et alors que ces dispositifs n'impliquent aucune emprise définitive sur le domaine public, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils entraîneraient, de même que le stockage des bouteilles de gaz qu'ils impliquent, un encombrement faisant obstacle à la circulation des piétons sur la voie publique dès lors qu'ils ont vocation à être installés au sein de l'emprise faisant l'objet d'une autorisation d'occupation domaniale, qui est par nature précaire et révocable et dont le périmètre peut être modifié à tout moment ; qu'en outre, et à supposer même que le maire de Paris ait été compétent pour intervenir pour ce motif malgré les pouvoirs de police spéciale dévolus au ministre de l'intérieur par l'article R. 123-12 du code de la construction et de l'habitation pour la détermination des règles de sécurité applicables aux établissements recevant du public, il ne ressort pas des pièces du dossier que les risques " théoriques " liés à l'usage de dispositifs de chauffage au gaz listés dans l'avis de la Commission de sécurité des consommateurs, produit par la ville de Paris, seraient supérieurs à ceux liés aux appareils électriques appelés à les remplacer, alors d'ailleurs que ce même avis indique qu'aucun n'accident notable n'a été relevé avec les appareils à gaz et que ces dispositifs de chauffage font l'objet d'une règlementation précise par un arrêté du ministre de l'intérieur en date du 25 juin 1980, modifié à plusieurs reprises ; qu'ainsi, au regard de ces motifs également, que la ville présente dans ses écritures comme étant déterminants, le motif d'intérêt général poursuivi par cette restriction ne peut être regardé comme démontré, non plus, a fortiori, que le caractère proportionné de celle-ci ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la ville de Paris n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal a, par le jugement attaqué, annulé les dispositions DG.6 et 3.3.2 de l'arrêté du 6 mai 2011 en tant qu'elles interdisent les dispositifs de chauffage au gaz des terrasses et précisent que la suppression des dispositifs existants devra intervenir dans les deux ans suivant l'entrée en vigueur du règlement ;
Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du Comité français du butane et du propane et de l'Association française du gaz, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la ville de Paris demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la ville de Paris une somme de 1 500 euros à verser au Comité français du butane et du propane et à l'Association française du gaz sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la ville de Paris est rejetée.
Article 2 : La ville de Paris versera au Comité français du butane et du propane et à l'Association française du gaz une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ville de Paris, au Comité français du butane et du propane et à l'Association française du gaz.
Délibéré après l'audience du 18 mai 2015, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Auvray, président assesseur,
- Mme Sirinelli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er juin 2015.
Le rapporteur,
M. SIRINELLILe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERANDLa République mande et ordonne au préfet de Paris, préfet de la région Ile-de-France, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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Procédure contentieuse antérieure :
Par deux demandes distinctes, le Comité français du butane et du propane et l'Association française du gaz ont demandé au Tribunal administratif de Paris d'annuler l'arrêté du maire de Paris en date du 6 mai 2011 portant nouveau règlement des étalages et terrasses et la décision implicite de rejet opposée à leur recours gracieux.
Par un jugement n°1119742 et 1119955/7-1 du 24 janvier 2013, le Tribunal administratif de Paris a annulé les dispositions DG.6 et 3.3.2 de l'arrêté du 6 mai 2011 en tant qu'elles interdisent les dispositifs de chauffage au gaz des terrasses et précisent que la suppression des dispositifs existants devra intervenir dans les deux ans suivant l'entrée en vigueur du règlement, et rejeté le surplus des conclusions.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 25 mars 2013, la ville de Paris, représentée par MeC..., demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de Paris en date du
24 janvier 2013 ;
2°) de rejeter les demandes du Comité français du butane et du propane et de l'Association française du gaz ;
3°) de mettre à la charge du Comité français du butane et du propane et de l'Association française du gaz la somme de 2 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que :
- les premiers juges ont commis une erreur de droit en appliquant le principe d'égalité en l'espèce ;
- si même ce principe était applicable, le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation en considérant que les dispositions contestées de l'arrêté en cause lui étaient contraires ; à cet égard, c'est à tort qu'il a considéré que l'interdiction des matériels chauffants à gaz reposait principalement sur un motif de développement durable ; en outre, c'est à tort qu'il a jugé que le maire de Paris avait méconnu le principe d'égalité, eu égard aux motifs, tenant aux nécessités de la circulation des piétons sur la voie publique et de la sécurité des usagers du domaine public, qui justifiaient l'interdiction d'installation de dispositifs de chauffage au gaz sur les terrasses et les étalages ; le maire de Paris était d'ailleurs compétent, en vertu de son pouvoir de police générale, pour interdire l'installation de tels appareils en raison de l'existence de risques graves d'incendie et d'explosion ;
- enfin, le motif lié au développement durable était justifié, eu égard à la différence de situation entre les appareils de chauffage électrique et les appareils de chauffage au gaz ;
- ayant annulé le jugement, la Cour, saisie du litige par l'effet dévolutif de l'appel, ne pourra que rejeter les demandes de première instance ;
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2013, le Comité français du butane et du propane et l'Association française du gaz, représentés par la SCP Boivin et associés, concluent au rejet de la requête et demandent, en outre, à la Cour de mettre à la charge de la ville de Paris une somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le tribunal n'a pas commis d'erreur de droit en appliquant le principe d'égalité au cas d'espèce ;
- les premiers juges n'ont pas dénaturé les écritures de la ville en considérant que l'interdiction des appareils chauffants à gaz reposait de manière déterminante sur un motif lié au développement durable ; la ville n'était, en outre, pas fondée à demander une substitution de motifs à ce sujet ;
- c'est par une exacte appréciation des faits, et notamment des différents motifs invoqués par la ville, que le tribunal a considéré que l'interdiction litigieuse méconnaissait le principe d'égalité ; en particulier, en privilégiant les appareils électriques par rapport aux appareils à gaz pour des raisons environnementales, la ville a commis une erreur manifeste d'appréciation ;
- la mesure d'interdiction n'est pas davantage justifiée au regard des nécessités de la circulation des piétons et des risques encourus par les usagers du domaine public ; le maire de Paris est d'ailleurs incompétent pour réglementer l'utilisation des appareils de chauffage au gaz sur le fondement des risques que ceux-ci présenteraient pour la sécurité publique ;
- enfin, cette mesure était entachée d'autres motifs d'illégalité ; elle est, en effet, entachée d'une erreur de fait, constitue une mesure de police disproportionnée eu égard aux objectifs poursuivis, emporte une violation du droit de la concurrence, porte une atteinte excessive à la liberté de commerce et d'industrie et est entachée d'un détournement de pouvoir ;
Par un mémoire en réplique, enregistré le 23 février 2015, la ville de Paris, représentée par MeC..., persiste dans ses conclusions, par les mêmes moyens ;
Elle soutient, en outre, que :
- elle n'a jamais sollicité la moindre substitution de motifs, inutile en l'espèce ;
- l'analyse en termes de bilan environnemental ne doit être menée qu'au regard des conséquences directes de la mesure sur le territoire parisien ;
- le maire n'a pas entendu exercer la police spéciale de protection contre les risques incendie dans les immeubles recevant du public, mais ses pouvoirs de police générale exercés sur le domaine public ;
Par ordonnance du 5 mars 2013, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 9 avril 2015.
Par un mémoire enregistré le 3 avril 2015, le Comité français du butane et du propane et l'Association française du gaz, représentés par la SCP Boivin et associés, persistent dans leurs conclusions, par les mêmes moyens.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Sirinelli,
- les conclusions de Mme Vrignon, rapporteur public,
- les observations de MeB..., représentant la ville de Paris,
- et les observations de MeA..., représentant le Comité français du butane et du propane et l'Association française du gaz.
1. Considérant que, par arrêté en date du 6 mai 2011, publié au bulletin municipal officiel de la ville de Paris le 26 mai suivant, le maire de Paris a adopté un nouveau règlement des étalages et terrasses applicable, à compter du 1er juin 2011, sur l'ensemble du territoire de la ville de Paris ; que l'article DG.6 de cet arrêté interdit les dispositifs extérieurs de chauffage au gaz ainsi que le chauffage des contre-terrasses, quel qu'en soit le mode ; que l'article 3.3.2 de cet arrêté interdit l'installation de dispositifs de chauffage au gaz sur les terrasses et énonce que la suppression des dispositifs existants devra intervenir au plus tard dans les deux ans à compter de l'entrée en vigueur du règlement ; que la ville de Paris relève appel du jugement du 24 janvier 2013 par lequel le Tribunal administratif de Paris, saisi par le Comité français du butane et du propane et l'Association française du gaz, a annulé les dispositions DG.6 et 3.3.2 de l'arrêté du 6 mai 2011 en tant qu'elles interdisent les dispositifs de chauffage au gaz des terrasses et précisent que la suppression des dispositifs existants devra intervenir dans les deux ans suivant l'entrée en vigueur du règlement ; que le tribunal a, en effet, jugé que la différence de traitement qui résulte de l'interdiction générale et absolue, par l'arrêté litigieux, des dispositifs de chauffage au gaz des terrasses et non des dispositifs de chauffage électrique était manifestement disproportionnée au regard des différences de situation susceptibles de la justifier ;
Sur les conclusions à fin d'annulation du jugement attaqué :
2. Considérant que le respect de la liberté du commerce et de l'industrie implique, en particulier, que les personnes publiques n'apportent pas aux activités de production, de distribution ou de services exercées par des tiers des restrictions qui ne seraient pas justifiées par l'intérêt général et proportionnées à l'objectif poursuivi ; qu'en l'espèce, le Comité français du butane et du propane et l'Association française du gaz soutiennent, notamment, que les dispositions DG.6 et 3.3.2 de l'arrêté du 6 mai 2011, en tant qu'elles interdisent les dispositifs de chauffage au gaz des terrasses et précisent que la suppression des dispositifs existants devra intervenir dans les deux ans suivant l'entrée en vigueur du règlement, ont porté une atteinte disproportionnée à la liberté du commerce et de l'industrie ;
3. Considérant, en premier lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que les premiers juges auraient estimé à tort que l'interdiction des dispositifs de chauffage au gaz sur les terrasses reposait " essentiellement " sur la prise en compte des impératifs de développement durable, et en particulier sur la volonté de prévenir les émissions de gaz à effet de serre ou de gaz polluants ; qu'en effet, si, comme le souligne la ville de Paris, cette mesure s'insère, dans le présent arrêté, parmi un ensemble de mesures dont la visée première est de limiter l'encombrement de l'espace public et de réglementer les étalages et terrasses sur son domaine public, il ressort des termes mêmes des articles DG.6 et 3.3.2 de l'arrêté du 6 mai 2011, qui évoquent, pour le premier, les " impératifs de développement durable " et, pour le second, " les émissions de gaz polluants " que l'interdiction en cause poursuivait, de façon déterminante, un objectif environnemental, comme en témoignent d'ailleurs également les termes de la communication au Conseil de Paris concernant cet arrêté ;
4. Considérant que si un tel motif d'intérêt général pourrait être de nature à justifier l'interdiction de dispositifs de chauffage extérieur et la restriction aux activités de distribution et de service menées sur les étalages et terrasses qu'elle implique, la ville de Paris ne fournit en l'espèce aucun élément précis concernant l'impact sur l'environnement, et en particulier sur la qualité de l'air parisien, de la mesure d'interdiction ne concernant que les dispositifs de chauffage au gaz, à l'exception d'un article de presse restituant le résultat d'une étude menée par un cabinet de conseil au sujet du bilan carbone d'une terrasse équipée de quatre braseros au gaz ; que si cet article témoigne de l'importante émission directe de dioxyde de carbone par ces installations, il n'apporte toutefois aucun éclairage précis sur les effets environnementaux de telles émissions sur l'ensemble du territoire parisien, s'agissant aussi bien de ce bilan carbone que de l'émission directe de polluants, non plus que sur les incidences environnementales des dispositifs de chauffage électrique implicitement appelés à se substituer aux dispositifs interdits ; que, le Comité français du butane et du propane et l'Association française du gaz produisent, pour leur part, une étude conjointe réalisée par le Réseau de transport d'électricité (RTE) et l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) en octobre 2007, qui tend à démontrer qu'à l'échelle globale, eu égard aux émissions de dioxyde de carbone induites par la production d'électricité, les dispositifs de chauffage électrique ne présentent pas un meilleur bilan carbone que les dispositifs de chauffage au gaz ; que, dans ces conditions, dès lors que la ville ne fournit pas au juge les éléments suffisants pour apprécier les bénéfices environnementaux d'une telle mesure, qui conduira à la multiplication des dispositifs de chauffage électrique, le motif d'intérêt général principalement poursuivi par cette interdiction des seuls dispositifs de chauffage au gaz ne peut être regardé comme démontré, non plus, a fortiori, que le caractère proportionné de celle-ci ;
5. Considérant, en second lieu, que la ville souligne les motifs tenant aux nécessités de la circulation des piétons sur la voie publique et de la sécurité des usagers du domaine public qui justifient également, selon elle, l'interdiction d'installation de dispositifs de chauffage au gaz sur les terrasses et les étalages ; que, toutefois, et alors que ces dispositifs n'impliquent aucune emprise définitive sur le domaine public, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'ils entraîneraient, de même que le stockage des bouteilles de gaz qu'ils impliquent, un encombrement faisant obstacle à la circulation des piétons sur la voie publique dès lors qu'ils ont vocation à être installés au sein de l'emprise faisant l'objet d'une autorisation d'occupation domaniale, qui est par nature précaire et révocable et dont le périmètre peut être modifié à tout moment ; qu'en outre, et à supposer même que le maire de Paris ait été compétent pour intervenir pour ce motif malgré les pouvoirs de police spéciale dévolus au ministre de l'intérieur par l'article R. 123-12 du code de la construction et de l'habitation pour la détermination des règles de sécurité applicables aux établissements recevant du public, il ne ressort pas des pièces du dossier que les risques " théoriques " liés à l'usage de dispositifs de chauffage au gaz listés dans l'avis de la Commission de sécurité des consommateurs, produit par la ville de Paris, seraient supérieurs à ceux liés aux appareils électriques appelés à les remplacer, alors d'ailleurs que ce même avis indique qu'aucun n'accident notable n'a été relevé avec les appareils à gaz et que ces dispositifs de chauffage font l'objet d'une règlementation précise par un arrêté du ministre de l'intérieur en date du 25 juin 1980, modifié à plusieurs reprises ; qu'ainsi, au regard de ces motifs également, que la ville présente dans ses écritures comme étant déterminants, le motif d'intérêt général poursuivi par cette restriction ne peut être regardé comme démontré, non plus, a fortiori, que le caractère proportionné de celle-ci ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la ville de Paris n'est pas fondée à se plaindre de ce que le tribunal a, par le jugement attaqué, annulé les dispositions DG.6 et 3.3.2 de l'arrêté du 6 mai 2011 en tant qu'elles interdisent les dispositifs de chauffage au gaz des terrasses et précisent que la suppression des dispositifs existants devra intervenir dans les deux ans suivant l'entrée en vigueur du règlement ;
Sur les conclusions tendant à l'application des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du Comité français du butane et du propane et de l'Association française du gaz, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la ville de Paris demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la ville de Paris une somme de 1 500 euros à verser au Comité français du butane et du propane et à l'Association française du gaz sur le fondement des mêmes dispositions ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la ville de Paris est rejetée.
Article 2 : La ville de Paris versera au Comité français du butane et du propane et à l'Association française du gaz une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la ville de Paris, au Comité français du butane et du propane et à l'Association française du gaz.
Délibéré après l'audience du 18 mai 2015, à laquelle siégeaient :
- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,
- M. Auvray, président assesseur,
- Mme Sirinelli, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 1er juin 2015.
Le rapporteur,
M. SIRINELLILe président,
O. FUCHS TAUGOURDEAU
Le greffier,
P. TISSERANDLa République mande et ordonne au préfet de Paris, préfet de la région Ile-de-France, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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