CAA de DOUAI, 1re chambre - formation à 3, 28/05/2015, 13DA01600
CAA de DOUAI, 1re chambre - formation à 3, 28/05/2015, 13DA01600
CAA de DOUAI - 1re chambre - formation à 3
- N° 13DA01600
- Non publié au bulletin
Lecture du
jeudi
28 mai 2015
- Président
- M. Yeznikian
- Rapporteur
- M. Jean-Marc Guyau
- Avocat(s)
- GREENLAW AVOCAT
Texte intégral
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Le Pré du Loup a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 17 juin 2010 du maire de la commune de Cucq lui refusant la délivrance d'un permis de construire un hangar agricole, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 1006913 du 18 juillet 2013, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 septembre 2013 et 15 janvier 2015, la SARL Le Pré du Loup, représentée par Me D...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;
3°) d'enjoindre au maire de la commune de Cucq de lui délivrer un certificat attestant l'existence d'un permis de construire tacite, à défaut, de réexaminer sa demande de délivrance d'un permis de construire ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Cucq la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la somme de 35 euros correspondant à la contribution pour l'aide juridique prévue par l'article R. 761-1 du code de justice administrative.
.........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Perrine Hamon, rapporteur public,
- et les observations de Me D...A..., représentant la SARL Le Pré du Loup, et Me B...C..., représentant la commune de Cucq.
1. Considérant que, le 16 décembre 2009, la SARL Le Pré du Loup a déposé une demande de permis de construire un hangar agricole destiné au stockage de la paille de son exploitation et du matériel agricole, ainsi qu'une réserve incendie sur les parcelles cadastrées AK n° 1, AL n° 101 et AL n° 102 situées sur le territoire de la commune de Cucq ; que, par un arrêté du 17 juin 2010, le maire de Cucq, sur avis conforme du préfet du Pas-de-Calais, a refusé de lui accorder l'autorisation sollicitée ; que la SARL Le Pré du Loup relève appel du jugement du 18 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
Sur la légalité de l'avis conforme du préfet du Pas-de-Calais du 11 juin 2010 :
2. Considérant que si, lorsque la délivrance d'une autorisation administrative est subordonnée à l'accord préalable d'une autre autorité, le refus d'un tel accord, qui s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours, des moyens tirés de sa régularité et de son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 422-6 du code de l'urbanisme : " En cas d'annulation par voie juridictionnelle ou d'abrogation d'une carte communale, d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ou de constatation de leur illégalité par la juridiction administrative ou l'autorité compétente et lorsque cette décision n'a pas pour effet de remettre en vigueur un document d'urbanisme antérieur, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale recueille l'avis conforme du préfet sur les demandes de permis ou les déclarations préalables postérieures à cette annulation, à cette abrogation ou à cette constatation " ;
4. Considérant que, par un jugement du 19 janvier 1999 devenu définitif, le tribunal administratif de Lille a prononcé l'annulation de la délibération du conseil municipal du 15 novembre 1996 révisant le plan d'occupation des sols de la commune de Cucq ; que le conseil municipal de Cucq a, par des délibérations des 30 juin 1999 et 30 septembre 1999, décidé de maintenir les dispositions du plan d'occupation des sols approuvé en 1983 et modifié en dernier lieu en 1992 pour certaines zones limitativement énumérées et a décidé que seraient appliquées sur tous les autres secteurs de la commune les règles générales d'urbanisme ; qu'il n'est pas contesté que la partie du territoire de la commune dans laquelle se situe le terrain d'assiette du projet de construction en litige n'est plus couverte par un document d'urbanisme ; qu'elle relève, dès lors, des règles générales d'urbanisme prévues au code de l'urbanisme ; qu'en application de l'article L. 422-6 de ce code, le maire doit alors recueillir l'avis conforme du préfet notamment sur les demandes de permis de construire postérieures à l'annulation du plan d'occupation des sols et concernant les parties du territoire non couvertes par un tel plan ou un document d'urbanisme en tenant lieu ;
5. Considérant que, saisi sur le fondement de l'article L. 422-6 du code de l'urbanisme, le préfet du Pas-de-Calais a émis, le 11 juin 2010, un avis défavorable sur la demande de permis de construire de la société requérante au motif, d'une part, que le projet porte atteinte à un espace naturel remarquable au sens de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme et, d'autre part, il méconnaissait l'article 2b du règlement de la zone rouge foncé du plan de prévention des risques d'inondation de la vallée de la Canche ; qu'il appartient dès lors à la cour d'examiner ces deux motifs de l'avis conforme du préfet du Pas-de-Calais qui fondent également la décision du maire et qui sont contestés devant elle ;
En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme :
6. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme alors applicable : " Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. (...) Un décret fixe la liste des espaces et milieux à préserver, comportant notamment, en fonction de l'intérêt écologique qu'ils présentent, les dunes et les landes côtières, les plages et lidos, les forêts et zones boisées côtières, les îlots inhabités, les parties naturelles des estuaires, des rias ou abers et des caps, les marais, les vasières, les zones humides et milieux temporairement immergés ainsi que les zones de repos, de nidification et de gagnage de l'avifaune désignée par la directive européenne n° 79-409 du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages (...) " ; que ce décret est codifié à l'article R. 146-1 du code de l'urbanisme qui dispose que : " En application du premier alinéa de l'article L. 146-6, sont préservés, dès lors qu'ils constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral, sont nécessaires au maintien des équilibres biologiques ou présentent un intérêt écologique : (...) / e) Les marais, les vasières, les tourbières, les plans d'eau, les zones humides et milieux temporairement immergés ; / f) Les milieux abritant des concentrations naturelles d'espèces animales ou végétales telles que les herbiers, les frayères, les nourrisseries et les gisements naturels de coquillages vivants ; les espaces délimités pour conserver les espèces en application de l'article 4 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 et les zones de repos, de nidification et de gagnage de l'avifaune désignée par la directive européenne n° 79-409 du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages ; / g) Les parties naturelles des sites inscrits ou classés en application de la loi du 2 mai 1930 modifiée et des parcs nationaux créés en application de la loi n° 60-708 du 22 juillet 1960, ainsi que les réserves naturelles instituées en application de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976. (...) " ;
7. Considérant que, si les dispositions précitées tendent à préserver les parties naturelles des sites inscrits ou classés qui doivent être présumées constituer un paysage remarquable ou caractéristique eu égard à l'objet des procédures de classement et d'inscription prévues par la loi du 2 mai 1930, elles ne font pas obstacle à ce qu'un permis d'aménager ou de construire soit accordé sur un terrain déjà urbanisé ou déjà altéré par l'activité humaine ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet en cause ne se situe pas dans le périmètre de protection du marais de Balançon, ni d'un autre site protégé par la loi du 2 mai 1930 et que s'il se trouve dans le périmètre d'une zone naturelle d'intérêt écologique et floristique (ZNIEF) de type I et également dans une zone importante pour la préservation des oiseaux (ZICO), il n'est pas établi que la construction projetée pourrait présenter des risques au regard de la protection des espèces animales ; qu'au surplus, le projet de construction d'un hangar agricole de 1 408 m2 est situé sur des parcelles qui ont déjà été altérées par l'activité humaine ; que des autorisations préfectorales au titre des installations classées pour la protection de l'environnement ont été accordées permettant le fonctionnement d'une installation de compostage et de valorisation de déchets organiques ; qu'un permis de construire du 10 avril 2001 a également été délivré pour la réalisation d'une dalle en béton de 2 700 m2 ; que, par suite, la SARL Le Pré du Loup est fondée à soutenir que le préfet ne pouvait invoquer la violation des dispositions de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme pour rendre un avis défavorable ;
En ce qui concerne le plan de prévention des risques d'inondation de la vallée de la Canche :
9. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du règlement de la zone rouge foncé du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) de la vallée de la Canche : " Toutes constructions, exhaussements et affouillements des sols, sous-sols et caves, travaux et installations de quelque nature qu'ils soient, sont interdits à l'exception de ceux mentionnés aux articles 2 et 3 " ; qu'aux termes de l'article 2 du règlement de cette zone " Constructions, travaux et installations autorisés avec prescriptions, concernant les sièges d'exploitations agricoles et leurs annexes " : " (...) / b) Les bâtiments et installations agricoles, y compris les serres permanentes et les bâtiments d'élevage relevant ou non des installations classées, sous réserve : 1/ qu'ils soient directement liés au fonctionnement des exploitations agricoles existantes (...) " ;
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la SARL Le Pré du Loup a pour objet social l'élevage porcin et que l'un de ses deux gérants réside au sein de son exploitation sur une parcelle limitrophe du terrain d'assiette du projet ; que la réalisation d'un hangar agricole est destinée, selon la notice du dossier de demande, à stocker de la paille et du matériel agricole ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, le projet ne porterait pas sur un bâtiment fonctionnel strictement lié à l'exploitation agricole attenante et devrait être regardé comme destiné à la seule commercialisation de produits agricoles ; que, dès lors, la SARL Le Pré du Loup est fondée à soutenir que le préfet a fait une inexacte appréciation des dispositions précitées du PPRI en estimant que ce hangar ne pouvait être directement lié à une exploitation agricole ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 10 que la SARL Le Pré du Loup est fondée à soutenir que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif de Lille, l'avis du préfet du Pas-de-Calais du 11 juin 2010 est illégal ;
Sur la légalité de l'arrêté du 17 juin 2010 du maire de la commune de Cucq :
En ce qui concerne les conséquences de l'illégalité de l'avis du préfet :
12. Considérant que l'illégalité de l'avis du 11 juin 2010 du préfet du Pas-de-Calais rend illégal l'arrêté du 17 juin 2010, fondé sur les mêmes motifs ;
En ce qui concerne l'illégalité du retrait d'un permis tacite :
13. Considérant que la décision portant retrait d'un permis de construire doit être précédée de la procédure contradictoire prévue à l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 aux termes duquel : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 (...) n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix " ; que le respect, par l'autorité administrative compétente, de la procédure prévue par les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, constitue une garantie pour le titulaire du permis que le maire envisage de retirer ; que la décision de retrait prise par le maire est ainsi illégale s'il ressort de l'ensemble des circonstances de l'espèce que le titulaire du permis a été effectivement privé de cette garantie ;
14. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la SARL Le Pré du Loup a été invitée, par courrier du 23 décembre 2009, à compléter son dossier de demande de permis de construire ; que la commune de Cucq a accusé réception des pièces manquantes le 15 mars 2010 ; que, dès lors, la société requérante est fondée à soutenir qu'elle disposait, à la date du 15 juin 2010, d'un permis de construire tacite ; que la décision attaquée du 17 juin 2010, intervenue postérieurement à la naissance du permis tacite, qui a refusé de délivrer l'autorisation sollicitée, a, dès lors, nécessairement eu pour effet de procéder au retrait du permis de construire tacite ; que le maire de la commune de Cucq ne se trouvait pas en situation de compétence liée pour procéder à ce retrait ; que, par suite, la SARL Le Pré du Loup peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 à l'encontre de l'arrêté du 17 juin 2010 ; qu'il n'est pas contesté qu'aucune procédure contradictoire n'a été mise en oeuvre par le maire de Cucq avant de prononcer le retrait en litige ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la SARL Le Pré du Loup aurait pu faire parvenir au maire de Cucq, avant l'intervention de sa décision, des observations relatives aux motifs sur lesquels elle est fondée ; que ce vice de procédure a ainsi effectivement privé la SARL Le Pré du Loup d'une garantie ; que, dès lors, la SARL Le Pré du Loup est fondée à soutenir que l'arrêté du 17 juin 2010 est intervenu au terme d'une procédure irrégulière ;
15. Considérant, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, qu'aucun des autres moyens de la requête n'est, en l'état du dossier, susceptible de conduire à l'annulation de l'arrêté du maire de Cucq ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que la SARL Le Pré du Loup est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
17 Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;
18. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme : " En cas de permis tacite (...) ayant fait l'objet d'une déclaration, l'autorité compétente en délivre certificat sur simple demande du demandeur, du déclarant ou de ses ayants droit (...) " ;
19. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 14, la SARL Le Pré du Loup était titulaire d'un permis de construire tacite né le 15 juin 2010 que le présent arrêt de la cour a pour effet de faire revivre ; qu'il y a lieu, par suite, en application des dispositions précitées du code de justice administrative, d'enjoindre au maire de la commune de Cucq de délivrer dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt à la SARL Le Pré du Loup le certificat de permis de construire tacite prévu par les dispositions de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
20. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Cucq une somme de 1 500 euros à verser à la SARL Le Pré du Loup au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 35 euros sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à la mise à la charge de la SARL Le Pré du Loup, qui n'est pas la partie perdante, d'une somme au titre des frais exposés par la commune de Cucq et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille et l'arrêté du 17 juin 2010 du maire de Cucq sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au maire de la commune de Cucq de délivrer dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt à la SARL Le Pré du Loup le certificat, prévu par l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme, de permis de construire tacite né le 15 juin 2010.
Article 3 : La commune de Cucq versera à la SARL Le Pré du Loup une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La commune de Cucq versera à la SARL Le Pré du Loup une somme de 35 euros sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la commune de Cucq présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Le Pré du Loup et au maire de la commune de Cucq.
Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.
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N°13DA01600 7
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Le Pré du Loup a demandé au tribunal administratif de Lille d'annuler l'arrêté du 17 juin 2010 du maire de la commune de Cucq lui refusant la délivrance d'un permis de construire un hangar agricole, ainsi que la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n° 1006913 du 18 juillet 2013, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 20 septembre 2013 et 15 janvier 2015, la SARL Le Pré du Loup, représentée par Me D...A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir ces décisions ;
3°) d'enjoindre au maire de la commune de Cucq de lui délivrer un certificat attestant l'existence d'un permis de construire tacite, à défaut, de réexaminer sa demande de délivrance d'un permis de construire ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Cucq la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et la somme de 35 euros correspondant à la contribution pour l'aide juridique prévue par l'article R. 761-1 du code de justice administrative.
.........................................................................................................
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-Marc Guyau, premier conseiller,
- les conclusions de Mme Perrine Hamon, rapporteur public,
- et les observations de Me D...A..., représentant la SARL Le Pré du Loup, et Me B...C..., représentant la commune de Cucq.
1. Considérant que, le 16 décembre 2009, la SARL Le Pré du Loup a déposé une demande de permis de construire un hangar agricole destiné au stockage de la paille de son exploitation et du matériel agricole, ainsi qu'une réserve incendie sur les parcelles cadastrées AK n° 1, AL n° 101 et AL n° 102 situées sur le territoire de la commune de Cucq ; que, par un arrêté du 17 juin 2010, le maire de Cucq, sur avis conforme du préfet du Pas-de-Calais, a refusé de lui accorder l'autorisation sollicitée ; que la SARL Le Pré du Loup relève appel du jugement du 18 juillet 2013 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision implicite de rejet de son recours gracieux ;
Sur la légalité de l'avis conforme du préfet du Pas-de-Calais du 11 juin 2010 :
2. Considérant que si, lorsque la délivrance d'une autorisation administrative est subordonnée à l'accord préalable d'une autre autorité, le refus d'un tel accord, qui s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours, des moyens tirés de sa régularité et de son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 422-6 du code de l'urbanisme : " En cas d'annulation par voie juridictionnelle ou d'abrogation d'une carte communale, d'un plan local d'urbanisme ou d'un document d'urbanisme en tenant lieu, ou de constatation de leur illégalité par la juridiction administrative ou l'autorité compétente et lorsque cette décision n'a pas pour effet de remettre en vigueur un document d'urbanisme antérieur, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale recueille l'avis conforme du préfet sur les demandes de permis ou les déclarations préalables postérieures à cette annulation, à cette abrogation ou à cette constatation " ;
4. Considérant que, par un jugement du 19 janvier 1999 devenu définitif, le tribunal administratif de Lille a prononcé l'annulation de la délibération du conseil municipal du 15 novembre 1996 révisant le plan d'occupation des sols de la commune de Cucq ; que le conseil municipal de Cucq a, par des délibérations des 30 juin 1999 et 30 septembre 1999, décidé de maintenir les dispositions du plan d'occupation des sols approuvé en 1983 et modifié en dernier lieu en 1992 pour certaines zones limitativement énumérées et a décidé que seraient appliquées sur tous les autres secteurs de la commune les règles générales d'urbanisme ; qu'il n'est pas contesté que la partie du territoire de la commune dans laquelle se situe le terrain d'assiette du projet de construction en litige n'est plus couverte par un document d'urbanisme ; qu'elle relève, dès lors, des règles générales d'urbanisme prévues au code de l'urbanisme ; qu'en application de l'article L. 422-6 de ce code, le maire doit alors recueillir l'avis conforme du préfet notamment sur les demandes de permis de construire postérieures à l'annulation du plan d'occupation des sols et concernant les parties du territoire non couvertes par un tel plan ou un document d'urbanisme en tenant lieu ;
5. Considérant que, saisi sur le fondement de l'article L. 422-6 du code de l'urbanisme, le préfet du Pas-de-Calais a émis, le 11 juin 2010, un avis défavorable sur la demande de permis de construire de la société requérante au motif, d'une part, que le projet porte atteinte à un espace naturel remarquable au sens de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme et, d'autre part, il méconnaissait l'article 2b du règlement de la zone rouge foncé du plan de prévention des risques d'inondation de la vallée de la Canche ; qu'il appartient dès lors à la cour d'examiner ces deux motifs de l'avis conforme du préfet du Pas-de-Calais qui fondent également la décision du maire et qui sont contestés devant elle ;
En ce qui concerne la méconnaissance de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme :
6. Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme alors applicable : " Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. (...) Un décret fixe la liste des espaces et milieux à préserver, comportant notamment, en fonction de l'intérêt écologique qu'ils présentent, les dunes et les landes côtières, les plages et lidos, les forêts et zones boisées côtières, les îlots inhabités, les parties naturelles des estuaires, des rias ou abers et des caps, les marais, les vasières, les zones humides et milieux temporairement immergés ainsi que les zones de repos, de nidification et de gagnage de l'avifaune désignée par la directive européenne n° 79-409 du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages (...) " ; que ce décret est codifié à l'article R. 146-1 du code de l'urbanisme qui dispose que : " En application du premier alinéa de l'article L. 146-6, sont préservés, dès lors qu'ils constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral, sont nécessaires au maintien des équilibres biologiques ou présentent un intérêt écologique : (...) / e) Les marais, les vasières, les tourbières, les plans d'eau, les zones humides et milieux temporairement immergés ; / f) Les milieux abritant des concentrations naturelles d'espèces animales ou végétales telles que les herbiers, les frayères, les nourrisseries et les gisements naturels de coquillages vivants ; les espaces délimités pour conserver les espèces en application de l'article 4 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 et les zones de repos, de nidification et de gagnage de l'avifaune désignée par la directive européenne n° 79-409 du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages ; / g) Les parties naturelles des sites inscrits ou classés en application de la loi du 2 mai 1930 modifiée et des parcs nationaux créés en application de la loi n° 60-708 du 22 juillet 1960, ainsi que les réserves naturelles instituées en application de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976. (...) " ;
7. Considérant que, si les dispositions précitées tendent à préserver les parties naturelles des sites inscrits ou classés qui doivent être présumées constituer un paysage remarquable ou caractéristique eu égard à l'objet des procédures de classement et d'inscription prévues par la loi du 2 mai 1930, elles ne font pas obstacle à ce qu'un permis d'aménager ou de construire soit accordé sur un terrain déjà urbanisé ou déjà altéré par l'activité humaine ;
8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet en cause ne se situe pas dans le périmètre de protection du marais de Balançon, ni d'un autre site protégé par la loi du 2 mai 1930 et que s'il se trouve dans le périmètre d'une zone naturelle d'intérêt écologique et floristique (ZNIEF) de type I et également dans une zone importante pour la préservation des oiseaux (ZICO), il n'est pas établi que la construction projetée pourrait présenter des risques au regard de la protection des espèces animales ; qu'au surplus, le projet de construction d'un hangar agricole de 1 408 m2 est situé sur des parcelles qui ont déjà été altérées par l'activité humaine ; que des autorisations préfectorales au titre des installations classées pour la protection de l'environnement ont été accordées permettant le fonctionnement d'une installation de compostage et de valorisation de déchets organiques ; qu'un permis de construire du 10 avril 2001 a également été délivré pour la réalisation d'une dalle en béton de 2 700 m2 ; que, par suite, la SARL Le Pré du Loup est fondée à soutenir que le préfet ne pouvait invoquer la violation des dispositions de l'article L. 146-6 du code de l'urbanisme pour rendre un avis défavorable ;
En ce qui concerne le plan de prévention des risques d'inondation de la vallée de la Canche :
9. Considérant qu'aux termes de l'article 1er du règlement de la zone rouge foncé du plan de prévention des risques d'inondation (PPRI) de la vallée de la Canche : " Toutes constructions, exhaussements et affouillements des sols, sous-sols et caves, travaux et installations de quelque nature qu'ils soient, sont interdits à l'exception de ceux mentionnés aux articles 2 et 3 " ; qu'aux termes de l'article 2 du règlement de cette zone " Constructions, travaux et installations autorisés avec prescriptions, concernant les sièges d'exploitations agricoles et leurs annexes " : " (...) / b) Les bâtiments et installations agricoles, y compris les serres permanentes et les bâtiments d'élevage relevant ou non des installations classées, sous réserve : 1/ qu'ils soient directement liés au fonctionnement des exploitations agricoles existantes (...) " ;
10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la SARL Le Pré du Loup a pour objet social l'élevage porcin et que l'un de ses deux gérants réside au sein de son exploitation sur une parcelle limitrophe du terrain d'assiette du projet ; que la réalisation d'un hangar agricole est destinée, selon la notice du dossier de demande, à stocker de la paille et du matériel agricole ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, le projet ne porterait pas sur un bâtiment fonctionnel strictement lié à l'exploitation agricole attenante et devrait être regardé comme destiné à la seule commercialisation de produits agricoles ; que, dès lors, la SARL Le Pré du Loup est fondée à soutenir que le préfet a fait une inexacte appréciation des dispositions précitées du PPRI en estimant que ce hangar ne pouvait être directement lié à une exploitation agricole ;
11. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points 6 à 10 que la SARL Le Pré du Loup est fondée à soutenir que, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif de Lille, l'avis du préfet du Pas-de-Calais du 11 juin 2010 est illégal ;
Sur la légalité de l'arrêté du 17 juin 2010 du maire de la commune de Cucq :
En ce qui concerne les conséquences de l'illégalité de l'avis du préfet :
12. Considérant que l'illégalité de l'avis du 11 juin 2010 du préfet du Pas-de-Calais rend illégal l'arrêté du 17 juin 2010, fondé sur les mêmes motifs ;
En ce qui concerne l'illégalité du retrait d'un permis tacite :
13. Considérant que la décision portant retrait d'un permis de construire doit être précédée de la procédure contradictoire prévue à l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 aux termes duquel : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application des articles 1er et 2 de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 (...) n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. Cette personne peut se faire assister par un conseil ou représenter par un mandataire de son choix " ; que le respect, par l'autorité administrative compétente, de la procédure prévue par les dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, constitue une garantie pour le titulaire du permis que le maire envisage de retirer ; que la décision de retrait prise par le maire est ainsi illégale s'il ressort de l'ensemble des circonstances de l'espèce que le titulaire du permis a été effectivement privé de cette garantie ;
14. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la SARL Le Pré du Loup a été invitée, par courrier du 23 décembre 2009, à compléter son dossier de demande de permis de construire ; que la commune de Cucq a accusé réception des pièces manquantes le 15 mars 2010 ; que, dès lors, la société requérante est fondée à soutenir qu'elle disposait, à la date du 15 juin 2010, d'un permis de construire tacite ; que la décision attaquée du 17 juin 2010, intervenue postérieurement à la naissance du permis tacite, qui a refusé de délivrer l'autorisation sollicitée, a, dès lors, nécessairement eu pour effet de procéder au retrait du permis de construire tacite ; que le maire de la commune de Cucq ne se trouvait pas en situation de compétence liée pour procéder à ce retrait ; que, par suite, la SARL Le Pré du Loup peut utilement se prévaloir des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 à l'encontre de l'arrêté du 17 juin 2010 ; qu'il n'est pas contesté qu'aucune procédure contradictoire n'a été mise en oeuvre par le maire de Cucq avant de prononcer le retrait en litige ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la SARL Le Pré du Loup aurait pu faire parvenir au maire de Cucq, avant l'intervention de sa décision, des observations relatives aux motifs sur lesquels elle est fondée ; que ce vice de procédure a ainsi effectivement privé la SARL Le Pré du Loup d'une garantie ; que, dès lors, la SARL Le Pré du Loup est fondée à soutenir que l'arrêté du 17 juin 2010 est intervenu au terme d'une procédure irrégulière ;
15. Considérant, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, qu'aucun des autres moyens de la requête n'est, en l'état du dossier, susceptible de conduire à l'annulation de l'arrêté du maire de Cucq ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement attaqué, que la SARL Le Pré du Loup est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
17 Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;
18. Considérant qu'aux termes des dispositions de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme : " En cas de permis tacite (...) ayant fait l'objet d'une déclaration, l'autorité compétente en délivre certificat sur simple demande du demandeur, du déclarant ou de ses ayants droit (...) " ;
19. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 14, la SARL Le Pré du Loup était titulaire d'un permis de construire tacite né le 15 juin 2010 que le présent arrêt de la cour a pour effet de faire revivre ; qu'il y a lieu, par suite, en application des dispositions précitées du code de justice administrative, d'enjoindre au maire de la commune de Cucq de délivrer dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt à la SARL Le Pré du Loup le certificat de permis de construire tacite prévu par les dispositions de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme ;
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
20. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Cucq une somme de 1 500 euros à verser à la SARL Le Pré du Loup au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 35 euros sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative ; que ces dispositions font obstacle à la mise à la charge de la SARL Le Pré du Loup, qui n'est pas la partie perdante, d'une somme au titre des frais exposés par la commune de Cucq et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lille et l'arrêté du 17 juin 2010 du maire de Cucq sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au maire de la commune de Cucq de délivrer dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt à la SARL Le Pré du Loup le certificat, prévu par l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme, de permis de construire tacite né le 15 juin 2010.
Article 3 : La commune de Cucq versera à la SARL Le Pré du Loup une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La commune de Cucq versera à la SARL Le Pré du Loup une somme de 35 euros sur le fondement de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Les conclusions de la commune de Cucq présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Le Pré du Loup et au maire de la commune de Cucq.
Copie en sera transmise pour information au préfet du Pas-de-Calais.
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N°13DA01600 7